• Chapitre 10

     

    Chapitre 10

     


    - Des règles ?


    Rentarou plissa le front et espèra apprendre enfin en quoi consistait ces fameuses règles dont il ne cessait d'entendre parler depuis son arrivée. En un premier temps, la tête du lycéen géant pivota pour apercevoir son nouvel interlocuteur. Ses yeux se posèrent sur rouquin qui avait interpelé Raphael au cours du match.


    En détaillant ce jeune garçon aux épaix cheveux en brousailles, Rentarou réalisa qu'il le connaissait. D'abord, c'était l'unique élève du lycée dont la toison sur le crâne se révélait de couleur rousse. D'ailleurs, sa coiffure lui faisait penser à la crinière d'un lion. Le jeune colosse s'était aussi demandé si son condisciple avait déjà entendu parler de brosse ou de coiffeur. Son affreuse tignasse était toujours emmêlée.


    Lors de la première semaine de cours, Rentarou s'était interrogé plusieurs fois sur les origines de ce garçon. Il s'était demandé pourquoi la couleur de ses cheveux était rousse et celle de ses iris verts. Dans ce pays, les habitants possédaient seulement une teinte noire, brune ou châtain tandis que leurs pupilles se coloraient soit avec du noir ou du marron. Cependant l'adolescent se révélait bien trop timide et réservé pour poser une telle question aussi indiscrète.


    Egalement, ce garçon était celui que Rentarou avait défendu contre des sempai de troisième année qui abusaient de leur force et de leur autorité afin de gagner des places dans la file d'attente au réfectoire.


    Tous deux appartenaient à la même classe. Entre son apparence physique, son comportement et sa personalité, ce n'était absolument pas le type d'individu qu'on pouvait ignorer. Le petit rouquin se faisait constamment remarquer par ses professeurs en formulant des réponses honorant bien plus son imagination que sa culture et son assiduité.


    - Tu es Fujita Shintarou, n'et-ce pas ?


    - Comment tu connais mon nom ?


    En exprimant son étonnement, la voix du rouquin changea et monta dans les aigus.  


    - Nous sommes de la même classe et je considère que c'est seulement naturel de retenir les noms de mes camarades, se justifia Rentarou.


    - Rentarou est vraiment impressionnant, s'exclama une voix aiguë émanant de l'arrière 


    - Kou-kun ? Tu joues aussi au tennis ? demanda Rentarou en s'efforçant de garder un ton d'étonnement et ne pas montrer son ressentiment.


    Depuis l'arrangement conclu deux semaines plus tôt, ils ne s'étaient pas réellement parlés à l'exception des cours de Chimie au laboratoire où Rentarou faisait de son mieux pour discuter amicalement avec lui sans attirer l'attention de son binôme capable de déchiffrer le langage corporel et de deviner ses véritables pensées.


    Car, en vérité, le lycéen géant n'avait pas réellement pardonné à Kou. Il avait pris sur lui, une fois de plus, pour que Shiromiya cesse de s'inquièter à son sujet, ne pas causer d'ennuis à Takaishi, empêcher Kou de culpabiliser davantage et revenir à une vie normale. A présent, si tous deux fréquentaient le même club, le jeune colosse devait faire davantage d'efforts pour cesser de lui en vouloir. Peut-être qu'en le voyant souvent ici et en apprenant à mieux le connaître, il parviendrait à réellement lui pardonner.


    - C'est plutôt un second choix, révéla Kou. Taka-chan voulait rejoindre le club de base-ball.


    - On n'avait pas du tout remarqué, s'esclaffa Shintarou en flanquant une bourrade dans le dos de Kou. Rien que la casquette dit tout de suite ce que tu adores !


    Rentarou hocha de la tête en signe d'approbation. Il se souvenait bien que Takaishi portait toujours une casquette d'une célèbre équipe de baseball différente chaque jour. Aujourd'hui, c'était celle des Yokohama Baystars.


    - Excusez-moi mais j'adore ce sport depuis tout petit, avoua Takaishi un peu gêné. Mais ce n'est pas le genre de choses à dire dans un club de tennis.


    - Je m'en fous, claironna Shintarou enjoué. Tu pourrais aimer visiter les cimetières ou jouer du cor, ça n'aurait toujours pas d'importance pour moi !


    - Quelle genre de personne aime visiter un cimetière ? s'étonna Rentarou en arquant un sourcil.


    - C'était une plaisanterie, Rentarou, répliqua Shintarou en riant davantage.


    - Rentarou ? répéta t-il très surpris. Pourquoi utilises-tu mon prénom ?


    Le jeune homme aux cheveux de jais n'aima pas cette appellation si familière. Après tout, il était lycéen, presque un adulte. L'usage réclamait d'utiliser le nom de famille. Seuls de jeunes enfants ou des amis d'enfance employaient les prénoms.


    - Parce que je déteste les noms, claironna Shintarou qui sembla particulièrement amusé. Et puis, toi et moi possédons un prénom avec deux syllabes communes ce qui veut dire que nous sommes déjà très proches !


    - La racine tarou est très commune dans les prénoms japonais masculins, soupira Rentarou.


    - Eh bien, ça veut dire que nous sommes proches de beaucoup de monde, conclut Shintarou dans un fort éclat de rire.


    Réalisant que le garçon ne changerait pas son fusil d'épaule, Rentarou décida d'abandonner la lutte. Il ne se souvint que trop du jour où Noda, le professeur de Japonais avait interrogé Shintarou. Ou plutôt essayé. Celui-ci avait passé le restant de l'heure à raconter de nombreuses histoires sans aucun rapport avec le cours à partir des questions qui lui étaient posées sur le texte étudié.


    - En tout cas, c'était un match génial ! s'écria enfin Tyro quand l'agitation se dissipa un peu.


    - Tu le penses vraiment, Sakumai-kun ? fit Rentarou en tournant sa tête avec surprise.


    - Même un pro trouverait ton jeu génial avec ton service.


    Très enthoustiaste, Tyro répondait en criant presque. Il adressait également ses congrulations à Rentarou en levant son pouce et en lui adressant un clin d'oeil.


    - Pro ? Non, je ne suis vraiment pas si bon que ça, protesta Rentarou très ennuyé.


    - Arrête un peu ! Un service si rapide que la balle disparait du champ de vision de l'adversaire, et même des spectateurs, est une belle prouesse, affirma Tyro.


    Rentarou n'arriva toujours pas à comprendre. Pourquoi était-il si brillant, si doué ? Dans chaque chose qu'il entreprenait, une capacité encore inconnue s'éveillait et le rendait meilleur que les autres.


    Dans ses recherches, l'adolescent avait pourtant lu que les bons joueurs de tennis, ou même de n'importe quel autre sport, n'existaient qu'après des mois, voire des années de dur labeur.


    Quand il était un jeune écolier, Rentarou avait fait la même expérience dans plusieurs domaines. La première fois où son incroyable potentiel s'était révélé lors de son apprentissage de tous les kanjis de première et de seconde année, soit plus de deux cent idéogrammes, en trois mois. Pendant ce même délais, ses condisciples peinaient à mémoriser les trente premiers. La seconde fois, il s'était montré capable de jouer correctement au basket et au volley en cours d'Education Physique sans entrainement véritable auparavant.


    Plus récemment, en reprenant les études pour se remettre à niveau et passer ainsi l'examen d'entrée au lycée, il n'avait mis que sept mois pour enregistrer tous les programmes de la fin de sa seconde année de l'école élémentaire à la dernière année du collège.  


    - On verra ça, conclut Tyro d'un sourire espiègle. Ca te dirait un match ?


    - Tyro, tu oublies les règles, s'écria Shintarou en agitant son index pour marquer l'interdiction. On ne peut pas jouer sans la permission d'un sempai !


    - Et tu ne peux pas jouer contre l'interdiction d'un titulaire, précisa Kou.


    - Ah oui .... , dit Rentarou en saisissant au bond ce changement de sujet. C'est quoi au juste ces fameuses règles ?


    - C'est ce qu'ont les filles une fois par mois, lâcha Tyro avant de rire comme un fou.


    Laissant leur camarade rire tout son soul à son aise, personne ne fit de commentaire au sujet de sa douteuse plaisanterie. Les soupirs et les yeux roulés se chargèrent bien assez de traduire leurs pensées sur ce sujet.


    - Je vais t'enseigner les règles du club, Rentarou, décida Shintarou dont la voix venait de redevenir grave.


    Rentarou opina de la tête et le remercia de sa sollicitude.


    - Première règle : les titulaires ont tous les droits au club, énonça Shintarou. Évidemment cela sous-entend que buchou a toujours raison.


    En terminant sa phrase, il déplia son index :


    - Seconde règle : les premières années ont le devoir de ramasser les balles sur chaque court à la fin de chaque entrainement.


    Il déplia à présent son majeur.


    - Troisième règle : les premières années ne peuvent pas jouer sans demander d'abord l'autorisation à un sempai.


    - Quatrième règle : les premières années s'entrainent seulement avec un mur ou sur les machines ou jouent ensemble hors des courts.


    Il déplia ensuite son annulaire.


    - Quatrième règle : les nouveaux inscrits sont testés par Raphael-sempai, qui est le plus fort des titulaires selon Kurata-buchou, afin de connaitre leur force.


    Finalement, il déplia son dernier doigt, l'auriculaire.


    - Cinquième règle : On ne conteste absolument pas ces règles.


    A chaque fois que Shintarou énonça une règle, les plis du front de Rentarou se creusèrent un peu plus. Le règlement du club de tennis lui parut très strict. Son caractère lui permettrait-il de s'adapter ? Il essayait de réfréner chaque jour son instinct colérique et impulsif avec beaucoup de mal. Pourtant à son âge, cela devenait capital d'apprendre à se contrôler, dominer ses émotions et obéir aux ordres d'une hiérarchie.


    - Je comprends, dit finalement Rentarou imperturbable.


    Même si les épreuves étaient dures, même si les obstacles qui se présentaient sur sa route semblaient insurmontables, Rentarou refusait de renoncer. C'était son unique certitude. Abandonner ne s'inscrivait pas sa personalité. Le mot ne faisait même pas partie de son vocabulaire.


    - Je m'en fous de ces conneries moi, cingla subitement Tyro virulent. Je me suis inscrit pour jouer au tennis pas faire le bon chien chien à sa mémère !


    - Calme-toi un peu, Tyro, le tempéra Kou. On ne peut rien y faire.


    N'écoutant visiblement pas le moins du monde cette invitation au calme, le jeune diable se planta face à Rentarou et dirigea vers lui un lourd regard chargé d'animosité.


    - Je veux un match !


    - Allons demander la permission alors, suggéra Rentarou.


    - Ca ne fonctionnera pas, répliqua Tyro en croisant les bras contre sa poitrine. Buchou refuse de me voir jouer ! Mais je veux vraiment jouer ce match !


    Le lycéen géant ne savait pas du tout comment répondre. Pour s'intégrer au club, le respect aux règles se révélait impératif. Cependant l'adolescent désirait aussi se lier d'amitié avec des jeunes de son âge en fréquentant ce dudit club. Comment concilier les deux ? Comment faire pour respecter les règles et conserver l'estime de ses camarades ? C'était insoluble ! Cela lui rappelait l'époque où petit garçon, sa mère lui demandait ce qu'il voulait manger au soir. A l'époque, Rentarou hésitait toujours entre les tamagoyakis, le riz au curry et les pâtes sans être capable de se décider. Enfant, sa mère tranchait le dilemme pour lui. A présent, il avait grandi et vivait tout seul. Seul lui pouvait décider des choix dictés par la vie.


    - Il n'y a pas besoin de demander de permission pour un match, déclara une voix venant de derrière Rentarou.


    Intrigué par cette phrase allant totalement à l'encontre des règles qu'il venait d'assimiler, Rentarou se retourna et découvrit face Matsuda, le tout premier titulaire rencontré. Ce dernier possédait toujours un sourire aussi chaleureux et rayonnant que tout à l'heure.


    - Yo Shinchi, s'exclama jovialement Matsuda en envoyant une bourrade à Rentarou.


    - Shinchi ? Mais je m'appelle .... , commença Rentarou décontenancé.


    - Désolé, s'excusa Matsuda en riant doucement. J'aime bien me moquer des autres.


    Rentarou fixa davantage son sempai. Tout son visage entier semblait rire et prendre du plaisir : ses épais sourcils se détendaient, ses yeux amandes s'étaient presque fermés, son sourire s'était considérablement élargis ... Ce visage était devenu réellement beau à regarder, presque éblouissant, surtout que Rentarou avait oublié depuis bien longtemps les rires, la bonne humeur et les sourires.


    - Matsuda-sempai, tu nous donnerais la permission de jouer ? réclama Tyro qui s'était mis à croiser ses mains l'une contre l'autre comme s'il priait un Dieu.


    - Non, refusa Matsuda de manière ferme.


    - Mais tu as dit qu'il ne fallait pas de permission, objecta Shintarou. Je croyais que cela voulait dire que tu nous la donnais.


    Scrutant chacun d'entre eux, le sourire de Matsuda s'accentua.


    - Réfléchissez un peu, vous autres, reprit-il enjoué. Il vous faut une permission pour jouer aux entrainements, c'est ça ?


    Tout le monde acquiesça d'un signe de tête mais ne comprit pas son raisonnement ni sa logique.


    - Et hors entrainement, il y a quelqu'un ici ?


    - Évidemment que non, répondit Takaishi. Nous sommes en cours ou rentrons à la maison ou à l'internat.


    - Donc il n'y a personne sur les courts en dehors des entrainements ...


    - J'ai compris, cria Tyro en manquant de rendre sourds ses compagnons. Cela veut dire .... pour jouer un match, il faut venir ici en dehors des heures d'entrainements !


    Un sourire illumina à nouveau le visage de Matsuda mais personne ne le vit. Tous réfléchirent alors à la suggestion de Tyro.


    - Si on sèche, c'est très dangereux, nota Takaishi. On risque une retenue et ce pourrait être noté sur nos dossiers scolaires.


    - Et si on rentre trop tard, on sera puni, ajouta Kou.


    - Faites ce que vous voulez mais je jouerais au tennis comme je l'entend et peu importent les risques qui existent, renchérit Tyro avec hargne.


    Écoutant les avis de ses camarades, Rentarou ne savait pas quoi penser. Cela s'annonçait dangereux, très dangereux. Il ne pouvait pas se permettre de violer encore les règles impunément. En entrant au lycée, l'adolescent s'était juré de respecter l'autorité sous toutes ses formes. Et un serment ne se trahissait pas ! Sa mère lui avait enseigné la valeur de ce concept.


    - Satsuma, tu m'affronteras alors ? l'assaillit à nouveau Tyro.


    - J'aimerais y réfléchir avant, répondit finalement Rentarou.


    - Si tu ne veux pas, dis-le clairement ! explosa Tyro. Je déteste les gens qui ne disent rien et ne reviennent jamais te répondre ! T'es un homme ou non ?


    Face à cette colère, Rentarou devint de plus de plus perplexe. Jamais, il n'avait souhaité se fâcher avec quelqu'un. Le jeune homme aux cheveux de jais désirait seulement réfléchir à la situation afin de prendre sa décision en âme et conscience avant de ne pas la regretter par la suite.


    - Je ne suis pas ce genre de personne. Si je dis que je donnerais réponse plus tard, je le ferais. Cependant en l'état des choses, j'ai besoin de réfléchir, expliqua Rentarou.


    - Te fatigue pas ! J'ai compris, cracha Tyro.


    Comme s'il avait été piqué subitement, le jeune tennisman se retourna vivement et partit en courant précipitamment. Le petit groupe l'aperçut ramasser en vitesse sa raquette avant de disparaitre de leur champ de vision.

     

    Nerveusement, Rentarou porta un doigt à ses lèvres qu'il humidifia un peu. Avait-il commis une erreur ? Mais comment aurait-il pu calmer Tyro sans renier ses principes ?


    Le lycéen géant baissa la tête. Cette première journée au club, malgré la victoire à son premier match, sonna comme une défaite dans son esprit. Brusquement, il sentit une main chaude se poser sur son épaule droite et leva la tête :


    - Bon on a perdu assez de temps, héla Kou à la cantonade. Il faudrait peut-être s'activer un peu de ramasser les balles !

     

     

    ***



    A travers deux tours d'immeubles, le soleil rougeâtre s'étiolait et mourait peu à peu. Venant de terminer le ramassage des balles et après avoir quitté les vestiaires, Rentarou et Takaishi avaient accompagné Kou jusqu'au portail de l'établissement. Contrairement à eux, leur condisciple était externe et retournait chaque soir à l'arrondissement de Shinigawa.


    - Bonne soirée, Kou-kun, le salua Takaishi.


    Kou lui rendit sa salutation puis s'apprêta à faire de même avec Rentarou lorsqu'il remarqua l'air pensif de son camarade d'enfance.


    - Tu penses encore à Tyro ? devina Kou.


    Haussant les épaules, Rentarou fit un signe de tête pour montrer son indifférence. En vérité, il ne cessait de visionner la scène s'étant déroulée une heure plus tôt en boucle sans être capable de l'arrêter. Avait-il commis une erreur ? Si oui, laquelle ?


    - Rentarou, tu peux tromper tout le monde mais pas moi, l'attaqua Kou. Derrière tes lunettes, je suis sûr que tu vois encore Tyro s'énerver !


    Cette colère de Kou fit sourire Rentarou et l'amusa un peu même. Autrefois, c'était lui qui se mettait en colère contre lui et l'humiliait devant toute l'école en le plaquant au sol afin de le rouer de coups. Les autres enfants se jetaient ensuite tous sur lui et il finissait par fuir pour aller se cacher et pleurer à l'abri du regard de quiconque.


    Au travers de ces souvenirs douloureux, l'adolescent réalisait que rien n'était jamais figé dans la vie. Tant que l'on vivait, il existait toujours un moyen de s'en sortir, de garder la tête hors de l'eau. Si on croyait vraiment en soi-même et en son propre potentiel, toutes les choses auxquelles on aspirait pouvaient se réaliser. Seule comptait la volonté et rien d'autre d'autre.


    - Tu as raison, finit par avouer Rentarou en baissant la tête.


    - Mais tu n'as pas à te sentir coupable, intervint Takaishi en frappant son poing dans dans la paume de sa main. Tyro est un pauvre idiot qui ne pense pas aux conséquences de ses actes !


    - Mais ça a l'air très important pour lui, fit remarquer Rentarou d'une voix hésitante.


    - Sécher les cours est très dangereux, ajouta Kou intransigeant.


    - Je sais, répondit Rentarou immédiatement. Mais ce n'est pas si simple.


    - Tu vas trouver Tyro et tu dis que tu refuses, riposta Takaishi. C'est enfantin !


    - Je ne veux pas blesser ses sentiments, se défendit Rentarou. Si je lui dis que je refuse, il sera sûrement très déçu et …


    - Rentarou, tu ne peux pas protéger tout le monde à chaque instant. Tu dois apprendre que dans certains cas, c'est bien aussi de penser à soi, insista Kou. Tu es une personne comme les autres ! Tu n'as pas à sacrifier ton bonheur pour celui des autres !


    L'argument fit mouche mais pas de la manière que Kou l'aurait imaginé. Rentarou n'avait jamais expliqué ni rien dit à personne, mais jusqu'à présent, il pensait s'être suffisament occupé de lui. En venant dans ce lycée, son but était d'apprendre à vivre avec les autres et à les comprendre.


    - J'ai compris, s'exclama Rentarou en claquant des doigts. Merci, Kou-kun !

     

     

     

    ***

     



    En revenant dans sa chambre après le diner où il avait encore mangé seul, Rentarou alluma en premier la lumière des deux spots qui éclairaient le bureau et s'y assit pour faire ses devoirs


    En premier lieu, il vérifia la liste des travaux les plus prioritaires puis entreprit la recopie des notes que Seiichi lui avait indiqué la veille pour l'étude de document en langue anglaise à remettre pour le lendemain.


    La lecture du chapitre de son manuel de Droit traitant du droit et des devoirs d'un citoyen qu'avait réclamé le professeur Yamaguchi l'occupa ensuite. Il compulsa aussi les notes prises lors du cours précédent, surtout que celui-ci remontait à quinze jours.


    Sa prochaine tâche l'obligea à ouvrir son livre et son cahier de Mathématiques et commença ses exercices. A chaque cours, le professeur Hashimoto donnait au minimum deux pages de problèmes à résoudre. Même si le principe consistait à mieux comprendre la leçon vue en classe au dernier cours, Rentarou trouvait pénible de devoir réfléchir une heure, voire deux, aux différents exercices.


    Alors qu'il terminait de résoudre la dernière équation, la porte de sa chambre s'ouvrit et Shintarou apparut derrière lui et claqua sa main sur la large épaule gauche de son nouvel ami. Pris par la surprise, le jeune homme aux cheveux de jais sursauta et fit une superbe rature sur les deux lignes de son dernier calcul.


    - Shintarou, que fais-tu là ? demanda Rentarou, un poil agressif, après avoir fait pivoter sa chaise grâce aux roulettes.


    - J'étais venu te proposer te jouer avec nous, Taka-chan et moi, révéla Shintarou d'une voix aigue.


    - Jouer ? répéta Rentarou en tombant des nues.


    - Oh, rien de spécial, tu sais, s'exclama Shintarou en passant sa main dans ses cheveux. Juste jouer aux cartes, parler et regarder des clips à la télé ! Tu viens ?


    Rentarou ne sut pas véritablement quoi répondre. S'amuser avec des personnes de son âge et discuter avec elles n'entraient pas dans ses compétences ni dans ses goûts. La crainte de les ennuyer l'envagit. Cependant il avait tant souhaitait être invité par quelqu'un depuis son entrée au lycée. Ce moment sembla si incroyable que cela paraissait irréel.


    - Tu es vraiment sûr ? fit timidement Rentarou.


    - Évidemment, répondit Shintarou de son sourire le plus grand qui laissa apparaître ses dents.


    Ainsi le lycéen géant accepta la proposition de son nouvel ami et le suivit jusqu'à l'autre bout de l'internat. Dans sa chambre, il retrouva Takaishi et tous trois entamèrent une partie de manille. C'était le seul de cartes que Rentarou connaissait avec la bataille.


    Tout en jouant, Shintarou ne cessait de raconter diverses histoires de l'endroit où il avait vécu depuis sa naissance. Issu d'un très petit village de l'ile d'Hokkaido, le petit rouquin avait passé son enfance à explorer les forêts et les montagnes proches de chez lui et expliquait en détail les aventures et les jeux ayant marquant sa jeunesse. Takaishi parla aussi de lui mais seulement pour leur exposer en détail la collection qu'il avait établi sur sa passion du base-ball, ses équipes préférées et narra plusieurs matches géniaux auxquels il avait assisté. Seul Rentarou ne dit rien et se contenta d'écouter ses deux camarades. L'adolescent réagit aussi quelquefois sur les récits romanesques de Shintarou.


    Derrière le petit groupe, la télévision fonctionnait et diffusait des images des derniers clips réalisés par les chanteurs et chanteuses de J-POP les plus en vogue actuellement.
    Soudain la porte de la chambre s'ouvrit très brutalement et permit à Shiromiya d'apparaitre sur son seuil, visiblement très colère. Les bras croisés contre sa poitrine, les traits de son visage s'étaient renfrognés et son regard était devenu plus que glacial.


    - Fujita-han, je t'ai déjà dit cent fois que j'étudie le soir, rugit-il. J'apprécierai beaucoup de me concentrer sur mes leçons sans avoir à supporter un brouhaha pareil chaque soir !


    - C'est pas si fort que ça, protesta Shintarou en haussant nonchalamment les épaules.


    - Si tu as l'intention de redoubler ton année, pas moi, répliqua sèchement Shiromiya. Alors tu vas cesser immédiatement ce bruit.


    - Mais il reste encore une heure et demie avant le couvre-feu, rappela Takaishi. Tu ne peux rien nous faire ou dire jusque là.


    - C'est vrai, approuva Shintarou en s'adossant contre son lit. On dirait que tu as perdu, non ?


    Observant ses deux amis et Shiromiya, Rentarou baissa la tête. Cette confrontation n'était pas à son goût. Il essaya de trouver rapidement un moyen d'arranger la situation afin de satisfaire tout le monde. Une solution permettant de continuer leur soirée d'amusement et à Shiromiya d'étudier dans le silence.


    - Je sais, s'exclama subitement Rentarou en redressant la tête. Si nous allions dans ma chambre ?

    Elle est isolée au fond et celles d'à côté sont vides. On ne dérangera personne.


    - Tu nous laisserais venir ? s'exclama Shintarou.


    - Certaines personnes sont courageuses, déclara Shiromiya d'un mystérieux ton calme. Même si je qualifie davantage cette action de suicidaire au vu de l'animal à fréquenter.


    - Je préfère être un animal qu'un humain prétentieux comme toi, lança Shintarou en lui tirant la langue.


    Ainsi le petit groupe déménagea vers la chambre de Rentarou où ils reprirent leurs activités d'avant l'interruption provoquée par Shiromiya. Ils s'arrêtèrent une demie-heure avant minuit afin de regagner leur chambre pour ne pas être pris par Onita pour trainer une minute après le commencement du couvre-feu.


    Quand ses deux nouveaux amis furent partis, Rentarou trouva sa pièce bien silencieuse tout à coup malgré la présence de sa télévision allumée. Il ramassa les cartes abandonnées sur le sol et les déposa sur sa commode puis éteignit le téléviseur. L'adolescent se rendit ensuite à son bureau pour ranger un peu les livres et cahiers abandonnés un peu précipitamment avant de découvrir plusieurs feuilles couvertes de notes qui l'intriguèrent. Ses yeux la parcoururent attentivement. Sa main frappa ensuite violemment son front.


    - Merde, jura t-il. J'ai oublié de terminer ma dissert de japonais pour demain !

     

     

    Chapitre précédent          Chapitre suivant 

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :