• Chapitre 28

    Chapitre 28


    Si quelqu'un avait dit à Seiichi qu'il ne dormirait que deux heures au cours des deux nuits qui suivirent la proclamation des résultats aux examens trimestriels, l'adolescent aux cheveux ébènes aurait conservé le silence et ignoré froidement cet individu tout en le traitant mentalement au minimum d'imbécile.


    Malheureusement, il se révéla qu'un des ses deux meilleurs amis soit un parfait cancre. A cause de son indéfectible loyauté, Seiichi se refusait à l'abandonner à son triste sort et l'avait donc aidé à réviser les quatre matières qu'il devait repasser.


    Après un bref somme, le jeune ninja réveilla Tyro qui dormait sur son manuel de Géographie ouvert à la page consacrée aux départements de Tochigi et Gunma. Celui-ci marmonna quelques propos peu cohérents puis se redressa en produisant de bruyants et longs bâillements.


    Alors qu'ils descendirent prendre le petit-déjeuner, Seiichi pensa à Rentarou. Il se demanda si leur camarade allait bien. Il savait que celui-ci comptait passer la journée d'hier et la nuit en compagnie du petit Nobu. Le collégien partait en vacances au bord de la mer avec des amis de son école qui l'avaient invité. Son camarade souhaitait donc passer le reste du temps avant le départ avec le compagnon de son enfance.


    Ses pensées dérivant vers le lycéen géant, Seiichi espéra que son ami ne soit pas nerveux.
    Le match opposant Saint-Christophe à Ryoko Gakuen commençait dans approximativement deux heures. La tension devait donc monter pour les joueurs des deux équipes.


    Rentarou, reste calme surtout, dit Seiichi en pensée. En tennis, celui qui perd son calme perd en même temps le match.


    Après un copieux repas où les deux amis avaient engloutis chacun un plateau lourdement chargé en moins d'une quinzaine de minutes, Seiichi remonta dans sa chambre après avoir souhaité bonne chance à Tyro qui partit pour son premier examen.


    Là-bas, il se dirigea vers l'armoire et prit directement les habits qu'il souhaita avant d'aller à la douche. Avant d'entrer, Seiichi s'assura que personne ne se trouvait à l'intérieur de la salle de bains avant de prendre conscience que les vacances d'été venaient de commencer. Tous les internes étaient désormais rentrés chez eux. Rentarou et lui avaient tout le campus pour eux tous seuls.


    En frottant son corps et ses cheveux de savon sous l'eau chaude de la douche, le jeune homme songea que les choses allaient beaucoup changer ce mois-ci. Puisque plus aucun étudiant ne vivait ici, il pourrait se lever et surtout se laver beaucoup plus tôt. Faire ses ablutions de si bonne heure lui permettait d'organiser au mieux ses journées.


    Pour le moment, Seiichi ne réalisait pas totalement la signification du mot vacances. La liberté se trouvait être une notion inconnue pour lui. Tel un lapin pris à un collet ou un oiseau dans sa cage, il subissait toujours des actes pour lesquels il n'avait jamais décidé. Toute sa vie, le jeune ninja s'était contenté de suivre les ordres de sa famille, en particulier ceux de son père, de son école ou de l'entraineur des clubs de tennis où il jouait auparavant. Pour la première fois de son existence, l'adolescent aux cheveux ébènes possédait le droit de se lever et de coucher aux heures qui lui plaisaient, d'étudier ses cours si cela plaisait ou d'accomplir n'importe quelle autre idée qui germerait dans son esprit.


    Lorsqu'il se fut douché et séché, Seiichi alla jusqu'au panier où il avait laissé ses affaires en entrant dans la salle de bain. Il enfila avec soin sa chemise puis son pantalon dans lequel il la rentra puis mit la veste noire et noua sa cravate.


    Techniquement, en vacances ou le week-end, un étudiant japonais était parfaitement libre de porter autre chose que l'uniforme de son école. Cependant Seiichi pensait différemment de ses pairs. Étant donné qu'il allait assister à une compétition officielle à laquelle participait un club de son lycée, il considérait le fait de le porter comme un devoir et un signe de respect envers l'établissement scolaire duquel il dépendait.


    Une heure avant le commencement du premier match, l'adolescent aux cheveux ébènes arriva devant le stade du Colisseum d'Ariake. Il se doutait que son meilleur ami serait déjà là. Seule la déception l'accueillit. Il eut beau arpenter la grande place autour de l'immense construction, le jeune ninja ne le trouva pas mais repéra l'équipe de son lycée qui s'apprêtait à rentrer et se joignit à eux.


    - Rentarou n'est pas là ? s'informa Seiichi quand ils furent entrés.


    - Malheureusement, non, déplora tristement Nagai.


    - Kurata a pourtant dit clairement d'être là pour huit heures, répliqua Ogawa d'une voix ferme. S'il ne sait pas se lever à l'heure et être ponctuel, c'est son problème !


    Seiichi ne dit rien. Il ne comprit toujours pas pourquoi son ami était absent. Avait-il cédé sous la pression de son match ? S'était-il senti incapable de venir de crainte de ne pas être à la hauteur. Il balaya rapidement ces hypothèses. Le jeune ninja ne le connaissait pas depuis longtemps mais assez pour avoir cerné sa véritable personnalité. Satsuma Rentarou était fort, résistant et armé d'une solide détermination. Quand il décidait une chose, il s'y accrochait fermement et ne renonçait jamais. Par conséquent, celui-ci viendrait bientôt.


    Tandis que Seiichi méditait ces réfléxions, un jeune homme de leur âge apparut non loin d'eux en se dirigeant vers les salles intérieures du stade. Kurata le reconnut apparemment car il le héla.


    - Kimura !


    En entendant son nom, l'interpelé s'immobilisa. Il tourna la tête et sourit en voyant le petit groupe puis s'avança vers eux.


    - Je me demandais si vous alliez arriver, s'exclama t-il moqueur. Je me disais que Ryogaku avait peur d'affronter la redoutable puissance de Saint-Christophe !


    Les yeux rieurs, qui se fermaient souvent à moitié, le nouveau venu dévisagea chaque membre qui constituait le groupe. Ce grand garçon de fine corpulence rattrapait presque Raphael. Il arborait sur la tête une casquette blanche avec les kanjis de l'arbre et de village brodés dessus. Sous sa visière dépassait quelques petites mèches de cheveux châtains foncés. Ses puissants muscles indiquaient les heures d'entrainements intensifs qu'il avait pu effectuer. Il portait un simple tee-shirt, un short très court, de longues chaussettes et des baskets de la même couleur que son couvre-chef. Aucun de ces habits n'affichait le blason de son lycée.


    - Nous ne vous ferions pas ce plaisir, Kimura, riposta Kurata placidement.


    - Tant pis pour vous, claironna Kimura. Vous en serez quitte pour une humiliation publique !


    Sentant la tension qui s'installait suite au propos de ce membre de l'équipe adverse, Seiichi jugea d'intervenir rapidement. Il fallait éviter que la situation ne dérape.


    - Kimura-san, je te prie de m'excuser, intervint Seiichi, mais où vas-tu ? Tu n'es pas avec ton équipe ? A moins que tu n'ailles chercher à boire pour tout le monde.


    - Ah oui, c'est vrai ! J'allais là-bas, s'exclama Kimura en se frappant le front.


    - C'est où là-bas ? voulut savoir Nagai, très curieux.


    - Eh bien, quand nous sommes entrés, j'ai entendu la machine à lancer des balles qui fonctionnait dans une des salles de préparation. Un des responsables a dit qu'une personne l'utilisait depuis l'ouverture du stade alors j'ai très envie de savoir qui elle peut être.


    - Eh ? Une personne s'entrainant depuis une heure et demie ? s'étonna Motoguchi.


    Les six titulaires parurent aussi étonnés de cette révélation. Seul Seiichi ne montra pas le moindre trouble. Il sourit même et s'adressa à nouveau à Kimura.


    - Je ne crois pas qu'il soit bon que tu y ailles. Tu seras découragé avant le début des matches.


    - Je ne me décourage jamais, lui rétorqua Kimura avec un certain dédain.


    Là dessus, le groupe se rendit jusqu'à la partie intérieure du stade où se trouvait les salles de préparation utilisés pour l'échauffement des sportifs. Dans l'une d'elle, les lycéens de Ryogaku découvrirent une silhouette facilement reconnaissable.


    - On dirait que c'est plutôt nous qui étions en retard, constata Raphael impassible.


    Passant le seuil de la porte, Seiichi marcha jusqu'aux commandes de la machine à lancer les balles sans accorder un seul regard ni une seule parole à son meilleur ami et l'arrêta.


    - Ne te fatigue pas trop, murmura t-il.


    - J'étais au niveau le plus bas, rappela Rentarou en se retournant.


    En s'apprêtant à rejoindre ses sempai, l'adolescent n'en eut pas le temps. Kimura entra rapidement dans la pièce et lui barra le passage.


    - Tu es Satsuma Rentarou-kun, n'est-ce pas ?


    D'un hochement de tête, Rentarou confirma son identité. Il se demanda toutefois qui pouvait être ce solide gaillard aussi grand, large d'épaules et costaud que lui-même.


    - Enchanté de te connaître, lui répondit son interlocuteur. Je suis Kimura Dan, le buchou du club de tennis de Saint-Christophe.


    Un petit sourire d'amusement se dessina sur les lèvres de Rentarou suite à cette révélation. Il ne put se retenir.


    - Alors c'est toi diriges ce club qu'on va battre aujourd'hui !


    - Ne prends pas tes rêves pour des réalités, Satsuma Rentarou, rétorqua Kimura dont l'épais sourcil droit se leva. J'ai suivi ton parcours jusqu'ici. Parcours avec lequel je vais en finir aujourd'hui !


    - Qu'est que tu veux dire ?


    - Tu possèdes peut-être un peu de talent et beaucoup de chance mais je vais rectifier ça. Tu joues bien en simple 3, Satsuma Rentarou ?


    De plus en plus agacé par l'attitude fière de Kimura, Rentarou n'apprécia pas du tout cette plus manière de l'appeler par son nom complet. Il répondit d'un simple signe de tête.


    - Je l'avais remarqué que tu jouais toujours à cette place, poursuivit Kimura. Par conséquent, celui que tu vas affronter, ce sera moi !


    - Tu vas être mon adversaire alors ? comprit Rentarou avec un brin d'étonnement dans la voix.


    - Tu comprends vite, Satsuma Rentarou ! Et dans ce cas, laisse-moi d'avertir : je vais te faire connaître le goût de la défaite et tu te mettras à genoux devant moi !


    - Vraiment ? fit le lycéen en teintant sa voix avec une forte insolence. Mada mada dane.


    Le visage de Kimura se courrouça immédiatement. Il ne goûta pas du tout à cette provocation.


    - Qu'est que tu cherches à me dire ?


    - Il est impossible à prédire les événements d'un match avant sa fin. Par conséquent, tu ne peux pas me dire que tu gagneras car je ne te laisserais pas faire ! Je donnerais tout ce que j'ai pour te battre !


    - Dans ce cas, Satsuma Rentarou, je te laisse à tes illusions pour le moment. Nous en reparlerons quand mon équipe aura remporté le tournoi préfectoral.


    - Au fait, Kimura, si tu veux utiliser mon nom complet, tu devrais dire Satsuma Rentarou Daisuke Takuya Taiki. Cela sonnera encore plus officiel !


    - Tu es vraiment un petit coq orgueilleux et prétentieux, renchérit Kimura. Parfait ! On règlera ça sur le court !


    Sur ce, le buchou de l'équipe adverse se retira. Seiichi s'avança vers Rentarou pour s'assurer que celui-ci conservait toujours son calme. Il n'eut pas le temps de s'approcher. Son ami lui adressa un court hochement de tête accompagné d'un discret sourire. Comprenant le message, l'adolescent aux cheveux ébènes fourra ses mains dans ses poches et s'éloigna.
    Peu après, toute l'équipe de Ryogaku revint dans le stade et rejoignit le côté droit du court qui leur était attribué. Kurata donna un bref discours destiné à encourager sa troupe à faire de son mieux puis pénétra dans l'enceinte du court. Kimura et Kurata se saluèrent, se serrèrent la main et se souhaitèrent respectivement bonne chance avant de s'asseoir chacun sur un blanc, le plus proche de leur équipe évidemment.


    Le premier match de la rencontre sportive opposa Nagai et Motoguchi à la première équipe de double de Saint-Christophe. Leurs adversaires paraissaient être tous deux très athlétiques et très entrainés. L'un d'eux ricana même en fixant dédaigneusement la bedaine de Motoguchi.


    Si au début, les deux joueurs de Ryogaku paniquèrent, Nagai retrouva le premier son sang-froid. Il se rappela de tous ces efforts faits au cours de ce mois pour devenir plus fort. Ce match devait en être la concrétisation.


    Mû d'une grande confiance en lui pour une rare fois, le petit lycéen se concentra sur son service. Sa balle atteignit rapidement le terrain adversaire et fut facilement renvoyée. Cependant il courut vite, très vite, et la retourna à son tour.


    Encouragé par l'énergie et la confiance de son meilleur ami et partenaire, Motoguchi rentra aussi dans le match et donna tout ce qu'il posséda pour observer le jeu et courir après la balle.


    Même si leurs adversaires étaient vraiment très doués, leurs balles restaient faciles à rattraper et à renvoyer. Après tout, leurs entrainements avaient consisté à regarder avec attention et à maitriser les balles super rapides de leur kouhai.


    Le match dura très longtemps. Aucun des deux partis ne voulurent céder de points à l'autre. Les deux aspiraient à la victoire. Toutefois, quand les scores atteignirent 4-3, Nagai suggéra à son partenaire de conclure rapidement en deux jeux. Le petit lycéen craignait beaucoup de voir le match se terminer dans un Tie-Break où il n'était certain qu'ils puissent conserver leur avantage.


    Redoublant d'efforts et d'attention, les deux compères donnèrent tout ce qu'ils possédaient d'énergie et de force pour marquer deux autres jeux.


    - 40-30 ! cria finalement l'arbitre. 6-3 ! Ryoko Gakuen remporte ce match !


    A peine l'annonce fut-elle faite que Nagai et Motoguchi s'écroulèrent sur la terre rouge, morts de fatigue mais heureux d'avoir réussi un pareil exploit. Derrière le grillage, leurs équipiers se réjouirent et se félicitèrent de cette victoire. Pendant qu'Ogawa et Uegami se préparèrent pour le second match, Rentarou et Matsuda aidèrent les deux héros à sortir du court.


    - On a réussi, Ochibi, s'exclama Nagai en sirotant une boisson sucrée. C'est génial !


    - C'était un très beau match, approuva Rentarou. Pas vrai, Katsuo-sempai ?


    - Ce n'était pas mauvais, répondit celui-ci qui préférait regarder le court vide que ses équipiers.


    De plus en plus intrigué par le comportement de son ami d'enfance, Rentarou se retourna et l'observa silencieusement. Il se demanda ce qui n'allait pas avec lui. D'ordinaire, Matsuda se révélait être une personne très gaie, joviale et toujours de bonne humeur. Il parlait toujours beaucoup, souvent pour ne rien dire, et plaisanter de ceux autour de lui. Pourtant depuis un mois, son ami d'enfance n'agissait plus du tout de cette manière.


    En contemplant le dos de son camarade, Rentarou songea que Matsuda ne paraissait pas être Matsuda. Il lui sembla être devenu plutôt un parfait étranger.

     

    Le second match débuta ensuite. Il confronta Uegami et Ogawa à la seconde paire de Saint-Christophe. Comme toujours, le fukubuchou de Ryogaku utilisa ses capacités d'observation et d'analyse pour estimer le jeu adverse et donner ses instructions à son partenaire. Le match se clôtura très vite, en moins d'une demie-heure, avec six points remportés Ryogaku.


    - Uegami-fukubuchou est très impressionnant, reconnut Seiichi.


    - Encore un match et nous gagnons ! Ca tombe bien puisque c'est mon tour !


    Empoignant le grip de sa raquette, Rentarou s'avança et pénétra dans l'enceinte du court. Il s'avança jusqu'au filet où l'attendait déjà Kimura de pied ferme.


    - Ryogaku gagnera aujourd'hui, annonça t-il fièrement.


    - Ce n'est pas toi qui m'a dit d'attendre la fin du match avant de faire un pronostic ?


    - On a déjà deux victoires, rappela Rentarou. Même si je perdais ce match, il reste encore Katsuo-sempai et notre buchou pour remporter notre dernière victoire.


    - Tu as raison de croire en eux car tu vas perdre ce match, approuva Kimura. Prêt ?


    Rentarou opina vivement de la tête. Il était plus que prêt de commencer ce match. L'impatience envahissait la moindre parcelle de son âme. Le sort le désigna pour servir en premier. L'adolescent se décida à ne pas brûler toutes ses cartouches d'un seul coup et utilisa donc une balle rapide mais surtout très moyenne en comparaison avec celles lancées habituellement. Son adversaire s'en saisit rapidement et la renvoya. Le lycéen géant s'y attendit évidemment et la retourna mais en utilisant davantage de force. La petite sphère jaune fonça à toute allure et heurta avec violence le sol du terrain adverse.


    Avec étonnement, Kimura observa la balle et son impact qui venait de tomber de son côté. Il ne put se retenir de siffler en réalisant la puissance musculaire qu'il fallait posséder pour exercer une telle puissance dessus. Son adversaire était réellement un monstre.


    Reprenant son service, Rentarou relança une seconde balle. Cette fois-ci, Kimura fut beaucoup plus concentré, prêtant encore plus attention aux mouvements de son adversaire. Les échanges durèrent très longtemps. Aucun des deux ne voulurent céder un point à l'autre. Les sept premiers jeux se déroulèrent de cette manière. Un marqua un jeu, l'autre égalisa et ainsi de suite.


    Pour le moment, ils jouaient depuis plus de deux heures pour arriver au score de 4-3.
    Décidé à conserver son avantage sur son adversaire, Kimura choisit d'employer une nouvelle stratégie. Il fit longuement rebondir sa balle et la servit. Celle-ci passa au-dessus du filet, tomba immédiatement puis rebondit et prit une hauteur d'où il semblait impossible de l'attraper.


    Observant sa trajectoire, Rentarou devina tout de suite le plan de son adversaire. En la jouant très haut, il devenait impossible de la récupérer avant sa descente. D'après sa direction, elle se dirigeait hors des lignes du court. Cela la déclarerait out et son adversaire obtiendrait le point.


    Devant une telle situation, beaucoup de gens auraient conclu qu'il n'y avait rien à faire. Il s'avérait impossible de récupérer à temps cette balle.


    Mais la fierté de Rentarou l'empêchait de raisonner d'une telle manière. Renoncer avant d'avoir tout essayé ne faisait partie de son tempérament.


    Reculant rapidement à l'autre bout de son terrain, il se mit ensuite à courir très vite, serrant sa raquette dans sa main. En arrivant vers la balle se déplaçant toujours en hauteur, le jeune colosse plia ses jambes et réalisa un splendide saut et la frappa avec sa raquette de toute sa force. Alors qu'elle s'écrasa le terrain adverse, Rentarou retomba sur le sol, allongé sur la terre rouge.


    - Génial … , murmura t-il encore sous le coup de l'excitation.


    L'adolescent adorait ces sensations où il dépassait les limites imposées par les autres ou par son propre corps. En tous les cas, à l'instant où il avait sauté, Rentarou avait presque cru s'envoler.


    Muet de stupeur, Kimura contemplait d'un air hagard son adversaire se remettre debout et n'arrivait plus penser clairement. Il n'avait encore jamais assisté à pareille tentative. Décidément, ce Satsuma Rentarou était un sacré morceau ! Mais il l'abattrait quand même ! Coûte que coûte !


    Dans l'espoir que ce saut incroyable soit une pure chance, le buchou de Saint-Christophe s'acharna à refaire son coup. Malheureusement ses espoirs se révélèrent vains. Il ne s'agissait nullement d'un coup de chance. A chacune de ses tentatives, le prodige du tennis sauta aussi haut qu'il le fallut pour frapper la balle.


    Ayant réussi à égaliser à nouveau, Rentarou s'en satisfit mais resta aussi méfiant. Cette fois, il choisit d'utiliser son service spécial : Invisible Server. Très rapide, sa balle disparut des yeux de Kimura et réapparut derrière lui. En se réjouissant de l'expression ahurie de son adversaire, il recommença ainsi jusqu'à gagner le jeu.


    Pestant mentalement de cette tournure prise par les événements, Kimura résolut de ne plus rien tenter d'audacieux. Certes, son adversaire était encore un amateur. Mais c'était un amateur doté d'une grande faculté d'adaptation. Il comprenait maintenant mieux pourquoi il était allé si loin.


    Jouant prudemment, il lança une balle normale. Les deux adversaires se disputèrent de longs échanges comme lors du commencement du match. Chacun marquant toujours un jeu puis l'autre le suivant. Malgré les cinq heures de jeu écoulés, malgré la lourde chaleur de l'après-midi, aucun d'eux ne se sentait capable de renoncer à ce combat.


    Finalement, ils atteignirent le score de 6-6 ce qui obligea l'arbitre à décider d'un Tie-Break. Avant débuter cette dernière phase du match, celui-ci autorisa aux joueurs à se retirer vers le banc de leur équipe pour boire.


    - Tu es trop génial, Ochibi, s'écria Nagai en se tenant au grillage.


    - Ouais, il faut vraiment être motivé pour jouer si longtemps sous une telle chaleur, ajouta Motoguchi dont le visage était couvert de sueur.


    L'esprit encore dans son match, Rentarou écouta les encouragements et appréciations de ses équipiers d'une oreille distraite. Il termina sa bouteille d'eau lorsque son attention remarqua son adversaire s'approcher et s'arrêter à sa hauteur.


    - Je t'ai dit beaucoup de choses méchantes. Je pensais sérieusement que tu étais un simple amateur qui avait seulement beaucoup de chance. Je comptais justement d'apprendre le véritable tennis avec ce match. Mais il semble que je me sois trompé.


    - Que veux-tu dire, Kimura-san ? s'enquit Rentarou en arquant un sourcil.


    - Je veux m'excuser de mon comportement de tout à l'heure. En vérité, je crois maintenant que tu es un grand joueur. Tu n'as peut-être pas d'expérience ou de techniques mais tu compenses ça avec une audace incroyable et tu te bats jusqu'au bout sans te décourager.


    - Merci beaucoup, le remercia Rentarou peu habitué à recevoir des compliments.


    - On dirait que c'est moi qui ait appris une leçon aujourd'hui finalement, reconnut avec humilité Kimura.


    - Il n'y a pas de honte à reconnaître à reconnaître ses erreurs. Au contraire, elles permettent d'apprendre et à s'améliorer, intervint Rentarou en se levant. A présent, si on terminait notre match en continuant à donner le meilleur de nous-mêmes ?


    - Ce serait génial, accepta Kimura en le gratifiant d'un sourire de reconnaissance.


    La dernière phase débuta.


    Kimura obtint le droit de commencer le premier. Cela dura longtemps, très longtemps. Aucun des deux ne céda un point facilement. Ils se tâtonnèrent sans cesse. Dès qu'un point les sépara, ils se dépêchèrent de revenir à égalité. Il fallut attendre deux heures d'un Tie-Break intensif de quatre-vingt-quinze points pour que Rentarou réussisse à l'emporter.


    - 7-6 ! Ryoko Gakuen remporte ce match et la rencontre ! cria l'arbitre.


    Totalement vidé, Rentarou tomba à genoux. Il n'arriva plus à penser correctement tant il sentit exténué. Toutes ses pensées se chamboulèrent dans sa tête sans sens précis. De son côté, son adversaire ne valut guère mieux : il était tombé à terre, allongé sur le sol, et haletait longuement.


    Quand ils se relevèrent, Rentarou et Kimura se saluèrent et serrèrent la main.


    Durant l'heure qui suivit, les joueurs des deux équipes écoutèrent le discours de l'organisateur pour conclure le tournoi préfectoral. Celui-ci remit ensuite la coupe de la victoire à Kurata qui le remercia d'une voix stricte et solennelle puis distribua une médaille à chacun de ses joueurs. Pendant tout ce cérémonial, Rentarou s'ennuya fermement. Il ne cessa de regarder partout autour de lui pour se distraire et se retint à maintes reprises de bailler.


    Après un discours dans lequel Kurata glorifia davantage ses propres capacités à savoir diriger son équipe pour la mener à la victoire qu'à complimenter et à féliciter ses équipiers pour leurs performances et leurs efforts, les titulaires de Ryogaku se sépara. Rentarou et Seiichi sortirent seuls du stade.


    - Tu te sens comment, Rentarou ?


    - C'est difficile à dire. Je me sens très fatigué mais aussi vraiment heureux, encore excité et aussi j'éprouve encore de l'incrédulité d'avoir réussi, résuma t-il en réfléchissant longuement avant de répondre à son ami.


    - C'était un match génial !


    Ni Rentarou ni Seiichi ne tournèrent la tête pour savoir qui venait de parler. Ils savaient déjà que Tyro venait de les rejoindre.


    - Tu as terminé tes examens ? s'informa Seiichi soucieux.


    - Ouais, j'ai fini vers une heure et je me suis dépêché de venir ! Heureusement !


    - Tu as encore réussi à avoir de la place dans les gradins ? s'étonna Rentarou.


    - J'ai rampé devant la loge du gardien pour entrer incognito, avoua Tyro en clignant de l'œil. J'ai tout vu dernier rang des gradins.


    - Frauder est très mal, émit Seiichi réprobateur.


    - Ah oui ! J'étais à côté d'un homme étrange, se souvint Tyro. Il ne semblait pas très passionné par le match … Par contre quand Rentarou faisait un truc incroyable, là oui. Il disait alors un truc comme « Ce petit est génial » ou « ce gosse sait vraiment tout faire ! ».


    - Il y a toujours des personnes un peu étranges dans ce monde.


    - Tyro, il ressemblait à quoi cet homme ?


    - Il était petit. Il me dépassait à peine, les cheveux noirs, coiffés en arrière. Il avait aussi les yeux très ouvert … , détailla Tyro en rassemblant ses souvenirs. Ah oui ! Il avait aussi des lunettes d'écailles avec de très gros verres !


    En entendant cette description, Rentarou se figea totalement et s'empressa de partir. Il remonta rapidement les rues jusqu'à la gare la plus proche. Sans comprendre la raison d'une telle hâte, Seiichi et Tyro le suivirent.


    A l'intérieur de la gare, le lycéen géant regarda partout autour de lui puis repéra la direction indiquée vers les trains à destination de Yokohama. Il se hâta et atteignit un large quai bondé de gens. Le garçon courut à nouveau scrutant la foule du regard. Son regard croisa soudainement cette silhouette qu'il cherchait occupée à monter dans un des wagons.


    - Yushima-sempai !!!


    Intrigué d'entendre son nom, le petit homme aux larges lunettes en écaille s'immobilisa et alla à la rencontre de la personne l'ayant appelé. Il s'étonna davantage en voyant Rentarou, rejoint au même moment par ses deux compagnons.


    - Rentarou-kun ? Que fais-tu là ?


    - Tyro m'a dit que tu regardais mon match.


    - Tyro ? fit Yushima intrigué avant d'apercevoir le jeune tennisman. Ah ! Tu veux dire que ce garçon à tête de porc-épic est un de tes amis !


    - J'apprécie déjà cette personne.


    - Je ne suis pas un porc-épic, bougonna Tyro.


    - Cela t'étonne de me voir ici, Rentarou-kun ? demanda Yushima.


    - Ben oui, balbutia Rentarou en baissant la tête. Tu en as déjà tellement fait que tu devrais pas t'occuper de moi. Maintenant, je vais bien


    - Rentarou-kun, je t'ai déjà expliqué que tout ce que je fais pour toi, je suis ravi de le faire. De plus, c'est très agréable de voir les progrès que tu fais.


    Baissant davantage la tête, Rentarou enfouit ses mains dans les poches de son short.


    - Je ne mérite pas tout ça, murmura t-il. Je t'ai causé tellement de soucis.


    - Tu es juste un ado, Rentarou-kun, rappela Yushima en lui souriant gentiment. Tu avais quelques problèmes et je t'ai aidé à les résoudre. Il est vrai que tu n'as pas toujours été coopératif mais cela ne m'a jamais gêné. J'aurais été plus inquiet, en fait, si tu ne t'étais jamais opposé à moi.


    - Yushima-sempai, tu es vraiment la personne la plus gentille au monde, s'exclama Rentarou en redressant la tête.


    Désireux de vouloir faire ce qu'il avait en tête depuis le jour de la rentrée et se reprochait souvent de l'avoir pas fait, il s'inclina très respectueusement devant son mentor.


    - Merci beaucoup de tout ce que tu as fait pour moi, Yushima-sempai.


    - Tu es un bon garçon, Rentarou-kun, fit l'adulte lorsque celui-ci entendit le sifflet du train. Oh ? On dirait que je dois te laisser si je veux rentrer à la maison. Porte-toi bien, Rentarou-kun.


    Saluant son aîné, Rentarou le regard s'éloigner et monter dans son wagon. En apercevant le train commencer à bouher et à quitter progressivement la gare, il sentit son cœur se déchirer à nouveau. Encore une fois, quelqu'un s'éloignait de lui sans savoir quand leurs chemins à nouveau.


    - Rentarou ! C'était qui ce type ? réclama Tyro très impatient.


    - C'est l'homme qui m'a ramassé, répondit simplement Rentarou.


    - Ramassé ? répéta Seiichi.


    - Quand je vivais tout seul, Yushima-sempai m'a trouvé. Il m'a donné un toit et la possibilité d'étudier à nouveau. Si je peux être à Ryogaku avec vous, si Nobu-kun est à son collège, c'est grâce à lui.


    - C'est une personne très généreuse, constata Seiichi. Est-ce un travailleur social ?


    - Non, il est policier à Yokohama.


    - Alors la raison pour laquelle tu veux être policier, c'est à cause de lui ? s'enquit Tyro.


    - C'est vrai. Je veux devenir un policier comme Yushima-sempai et aider à mon tour tous plein de gens à sortir de leur misère, approuva Rentarou.


    - Est-il toujours aussi rétro ?


    - Rétro ?


    - Il s'habille avec des vêtements qui date au moins des années 2000. Il a une coupe de cheveux aussi ringarde que je ne peux identifier ni le style ni une année probable. Il porte des lunettes d'écailles que seuls les gens des années 70 ou 80 portaient. N'est-ce pas totalement rétro ?


    - Seiichi, soupira Rentarou. Parfois, tu es pire que Tyro.


    - Au fait, les gars, on est en vacances, non ? Il faut fêter rapidement ça ! Alors d'abord, je propose une tournée de hamburgers, ensuite une virée aux arcades puis on va chez moi diner avant de jouer à mon nouveau jeu vidéo !


    - Je crois que Tyro veut oublier ses deux jours intensifs de révisions, plaisanta Seiichi.


    - Moi, je prends le pari qu'on dormira avant neuf heures, prédit Rentarou en emboitant le pas de ses amis en direction du fastfood le plus proche.

     


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