• Chapitre 39

    Chapitre 39


    Les jours avaient défilé rapidement depuis la réunion exceptionnelle des Sanonis. Depuis ce moment, Rentarou avait durci son entrainement et ne relâchait pas ses efforts. Seiichi et Tyro l'épaulaient, le conseillaient et lui suggéraient toutes sortes d'idées pour progresser. Souvent, ils restaient très tard le soir au club. Après le départ des titulaires, le trio investissait un court et jouait un match ou deux.


    Parallèlement, les Sanonis devaient suivre leurs études. Pour compenser les heures absorbées par leur pratique du tennis, ils s'organisaient. Le week-end, le trio essayait de faire tous leurs devoirs donnés à l'avance par leurs professeurs, étudiaient leurs leçons et se fabriquaient des fiches de révisions pour mémoriser mieux les nombreuses notions à retenir. D'ailleurs, Seiichi avait réussi l'exploit de convaincre Tyro du bienfait de passer du temps à en créer au terme d'une très longue négociation durant laquelle Rentarou avait eu le temps de rédiger totalement une dissertation de Géographie de cinq pages.


    En semaine, ils n'avaient donc qu'à effectuer les devoirs donnés du jour au lendemain. Souvent, le trio s'acquittait de cette tâche lors d'une heure de libre entre deux cours ou avant de se rendre à la séance quotidienne d'entrainement au club.


    Les soirs de la semaine s'avéraient donc relativement tranquilles. A part recopier les brouillons du travail écrits dans la journée, leurs études n'occupaient qu'une à deux heures de leur temps. Ils se relaxaient ensuite avant d'aller dormir. Tyro ne cessait de massacrer des ennemis sur sa console tandis que Rentarou se plaisait à étudier une affaire criminelle dans un ses livres. Seiichi inspectait l'état sa collection de peluches et réparait celle qui avait un accroc avant de plonger dans un roman.


    Le mois d'Octobre était finalement arrivé. Le soleil était revenu mais la température restait encore fraîche. De plus, le vent qui ne cessait de souffler très fort et la refroidissait davantage.


    Au début de ce mois, les compétitions reprenaient. Au premier trimestre, les quarante-sept préfectures que comptaient l'archipel nippon avaient toutes déterminé l'équipe qui la représenterait cette année. A partir de là s'ouvrait, dans chaque région, un tournoi rassemblant les vainqueurs de chaque préfecture. Au terme de celui-ci, l'équipe championne obtenait le droit de participer au tournoi national et de se confronter aux sept autres équipes qualifiées pour cet événement.


    Cette année, le tournoi s'étendait sur toute la semaine du deux au huit. Les huit équipes sélectionnées au niveau de la région du Kanto devaient se rassembler à Kanagawa, la capitale régionale de la préfecture du même nom.


    Les sept titulaires de Ryoko Gakuen se préparaient donc à partir pour la durée totale du tournoi régional. Dans ses affaires, Rentarou avait emmené uniquement un change et un pyjama. Il comptait seulement porter dans sa tenue de titulaire là-bas. Seul Tyro boudait car son ami ratait une semaine totale de cours. Seiichi avait beau lui expliquer que le professeur titulaire de chaque élève leur enverrait chaque jour les cours manqués et les devoir à faire, cela ne le calmait pas.


    Malgré le départ de l'équipe du club de tennis, le campus resta profondément inchangé. La semaine débuta comme tous les autres par le Lundi. Cela donna une très mauvaise impression à Seiichi de ne pas voir son meilleur ami assis à la table à sa gauche. Il n'aimait pas du tout cette chaise vide.


    Lors de la troisième heure de la matinée, le jeune ninja avait l'habitude d'être seul à cette tranche horaire. Celle-ci était libre pour ceux de sa classe n'ayant pas cours d'Economie. Il la passait habituellement à étudier à la bibliothèque. Aujourd'hui, cette envie ne s'imposa pas à lui. Le jeune homme resta donc assis sur une marche de l'escalier menant au second étage à écouter la musique de son lecteur MPX.


    Le reste de la journée se déroula de manière aussi routinière. A part en cours d'Anglais où le professeur Aizawa interrogea un autre élève pour remplacer Rentarou. Elle choisit le petit Miura, un élève aux cheveux bruns, particulièrement timide et chétif, possédant une aptitude similaire au meilleur ami de Seiichi avec la langue de Shakespeare.


    A la fin de la journée, Seiichi et ses amis se rendirent au club. Celui-ci connut d'ailleurs quelques changements au cours de la semaine. Puisqu'aucun titulaire n'était présent pour surveiller les entrainements, les membres en profitèrent pour jouer sur les courts.
    Arrivant généralement dans les premiers, la petite bande se rua vers un court de libre. D'abord, Seiichi et Tyro jouèrent un match qui s'acheva bien vite par la défaite du second au grand désespoir de celui-ci. Shintarou proposa ensuite de réaliser un match en double. Il décida de faire équipe avec Seiichi contre Tyro et Takaishi pendant que Kou arbitrerait le jeu.


    Le lendemain se déroula sans grande surprise non plus. Comme à l'accoutumée, Kou râlait de supporter seul Seiichi et Takaishi en cours de Chimie. Il devait sans cesse avoir les yeux sur son expérience et celle d'en face. Il devait expliquer aussi au moins dix fois les choses à faire, vingt fois celles à ne surtout pas faire, montrer les produits à utiliser et surveiller s'ils ne se trompaient pas.


    Les deux cours suivant se déroulèrent sans encombre. Sauf pour Seiichi qui fut justement interrogé par le professeur Hashimoto pour exposer au tableau comment il fallait étudier une fonction affine. Celui-ci passa une vingtaine de minutes à griffonner toutes sortes de chiffres, tirés de sa propre fantaisie plutôt que trouvés par raisonnement, et à tenter d'appliquer les quelques théorèmes retenus de ses cours. Finalement, désespéré, Hashimoto le renvoya à sa place et demanda à Osakawa, l'étudiante aux cheveux noirs assise devant Seiichi de résoudre le problème à sa place.


    Lors du déjeuner, la petite bande se réunit comme d'habitude. Un seul sujet monopolisa la conversation : les matches de la phase préliminaire.


    - Ryogaku a gagné ses trois matches, s'exclama Kou. On va se qualifier, c'est sûr !


    - Pas si sûr, le contredit Tyro en reposant le bento qu'il mangeait. On doit encore rencontrer Yokohama, la meilleure des équipes. Ils se qualifient chaque année pour ce tournoi.


    - Ce qui est très rare, ajouta Shintarou. Peu d'équipes se qualifient plusieurs années d'affilé.
    - En plus, Yokohama a déjà quatre points, rappela Takaishi soucieux. Pour le moment, ils font un parcours sans faute !


    - Ca peut être bon pour nous, intervint Shintarou confiant. Hier soir, les six équipes ont joué trois matches. Seule notre équipe n'en a joué que deux. Cela veut dire qu'ils ont pu se reposer hier soir et se détendre. Le corps de nos titulaires doit donc être en pleine forme.


    - Parce que Rentarou-kun sait se détendre ? ironisa Kou avec lassitude.


    Ce petit commentaire déclencha un léger éclat de rire répété plusieurs fois par l'adolescent aux cheveux ébènes qui sembla beaucoup s'en amuser.


    - Faites-moi confiance. Il ne touchera pas à sa raquette en dehors des matches.


    - Pourquoi ? Tu lui as jeté un sort ?


    - La magie, ça n'existe pas, Tyro, soupira le rouquin qui se tenait juste à côté du garçon hilare de sa petite plaisanterie.


    - En fait, je lui ait demandé de faire ses devoirs et étudier ses leçons quand il aurait un moment de libre, raconta Seiichi. Je lui ait si bien expliqué l'intérêt qu'il va le faire sans aucun doute.


    - Seiichi est terriblement futé, s'enthousiasma Shintarou impressionné.


    Le reste de la seconde journée de la semaine se déroula conformément à celle de la veille. Le troisième jour débuta par les deux heures d'Education Physique rassemblant tous les étudiants de première année.


    Comme à chaque séance, Shintarou se distinguait par sa souplesse et son agilité naturelles. Seiichi et Tyro se débrouillaient très bien aussi. Les entrainements intensifs, aux martiaux pour l'un et au tennis pour l'autre, avaient considérablement développés leurs corps. Seuls Kou et Takaishi éprouvaient parfois plus de difficultés. Dans leurs écoles différentes, lors de ces mêmes heures, leurs professeurs leur enseignaient le basketball, le volleyball et la course. Ils ne possédaient donc guère beaucoup d'expériences dans la gymnastique.


    A la fin du cours, la bande se sépara à la sortie des vestiaires du gymnase. Le singe et le ninja allèrent en cours de Japonais et les deux amis d'enfance à celui de Mathématiques. Tyro partit seul avec sa classe pour assister à celui d'Anglais.


    Installé dans le fond de la salle, le jeune tennisman s'ennuyait profondément. Il détestait ce cours ! Et encore plus Aizawa ! Les étudiants parlant anglais correctement ne l'intérressaient pas.


    L'adolescent s'était rendu six années consécutives à New York. Il accompagnait son frère ainé trois semaines lors des vacances d'été pour rendre visite à son correspondant. Leur mère trouvait ces voyages enrichissants pour son fils cadet dont le seul centre d'intérêt se focalisait sur le tennis. Tyro parlait donc l'anglais aussi bien que s'il était né et avait toujours vécu dans un pays anglophone.


    Pour tromper son ennui, le jeune homme jouait avec son téléphone cellulaire. Après avoir pris le soin de désactiver le son, il se connectait sur Internet et surfait au hasard sur les sites que l'appareil était capable d'ouvrir. Il consultait tout : l'actualité, même si cela l'ennuyait considérablement, les sports, son domaine de prédilection, des jeux ou sur le sexe. Un message lui demandant confirmation de sa majorité s'affichait régulièrement. Malgré son entêtement à sélectionner le bouton oui afin d'attester avoir vingt ans au minimum, le site refusait toujours de s'ouvrir et l'obligeait à consulter autre chose.


    Très malins, les parents de l'adolescent avaient donné très tôt un téléphone à leurs enfants. Le jour de leur rentrée à l'école primaire pour être précis. Cependant ils avaient pris soin d'activer un puissant contrôle parental dessus. Si ses deux aînés avaient compris assez tôt ce principe, Tyro ne l'avait toujours pas deviné.


    En relevant lentement la tête, son attention remarqua la pendule qui indiquait onze et demie. Un sourire passa sur son visage. Il ferma toutes les applications ouvertes et établit une nouvelle connexion. Ses doigts pianotèrent rapidement pour lancer une recherche destinée à trouver les résultats récents, très récents, en tennis.


    - SUPER !!!!!!!


    Le dernier match de l'équipe de leur lycée venait de s'achever une dizaine de minutes plus tôt. Elle avait gagné à 3-2. La nouvelle avait tellement enthousiasmé Tyro que celui-ci avait perdu toute prudence et donné libre cours à sa liesse. Il s'était levé énergiquement, les bras en triomphe, en hurlant.


    - Mon cours vous plait-il à ce point ? demanda Aizawa qui arriva aussitôt vers lui.


    En reprenant ses esprits, Tyro se reprocha cet excès. Il devina qu'une nouvelle retenue lui serait incombée. En se rasseyant, ses yeux remarquèrent la tête de Yoko, comme toutes celles des autres élèves, tournée vers lui, recouverte de sa main.


    - Désolé, Aizawa-sensei, j'ai du m'endormir, inventa Tyro en lui souriant de manière idiote. J'ai dû faire un rêve très réaliste.


    - Vous avez fait un rêve ? Quel dommage de vous êtes réveillé, mon pauvre ami ! Car vous allez vivre bientôt un cauchemar le jour où je pourrais vous donner deux heures de retenue.


    L'enseignante parla d'une voix très douce, presque mielleuse. Elle donna une réelle impression d'être navrée pour Tyro. Cependant son ton devint beaucoup plus rude par la suite.


    - Je serais ravi de venir vous consacrer deux heures de mon temps qui m'est pourtant si précieux, Aizawa-sensei, dit Tyro qui ne se laissait jamais intimider par un professeur. Malheureusement, je ne serais pas disponible avant le 2 Novembre. Cela vous conviendra t-il ?


    La professeur d'Anglais marmonna quelque chose entre ses dents mais personne n'entendit distinctement son propos. Elle annonça ensuite à Tyro l'attendre à la fin de la journée de la date précédemment mentionnée.
    A la sortie du cours, Tyro rassembla ses affaires en vitesse et s'apprêta à filer. Il fut arrêté par Yoko en passant devant sa table. Celle-ci lui barra le chemin en étendant son bras.


    - Tu veux me faire la leçon ? bougonna t-il.


    - Je voulais seulement savoir s'il avait gagné.


    - Qui ça a gagné ?


    Yoko leva ses yeux vers le plafond. Ce garçon ne comprenait décidément rien. Elle garda son calme et reprit :


    - Satsuma-kun. Tu as bien regardé les résultats du tournoi tout à l'heure, non ?


    - Ah ça ! s'exclama Tyro en redevenant tout de suite guilleret. Oui ! On vient de gagner notre cinquième match de préliminaires !


    - Et ils vont accéder au phase finale alors ?


    - Sans aucun doute ! Ils n'ont plus qu'un match à jouer cet après-midi ! C'est déjà gagné d'avance !


    - Tant mieux, sourit-elle. Ce serait génial pour le lycée de remporter le tournoi régional.


    Tyro était agréablement surpris de l'attitude de son amie. D'ordinaire, elle ne s'intérressait pas du tout au sport et aux résultats des clubs sportifs. Une envie de se moquer de sa rivale le titilla mais il se retint. Les Sanonis avaient mis assez de temps pour établir une relation amicale avec la vice-présidente du conseil des étudiants. Pas question de tout gâcher ! En plus, il aurait le droit à une longue leçon de morale de la part de ses deux meilleurs amis. Or, le jeune homme détestait cela !


    - Yoko-chan, tu veux venir manger avec nous ? On parlera plus en détail du tournoi !


    - Oh non, Tyro ! Seule dans la même pièce que cinq autres garçons, c'est une épreuve trop dure à supporter, rit Yoko. De plus, j'ai du travail qui m'attend au secrétariat.

     

    Sur cette entrefaite, Tyro prit congé. Il monta à l'étage supérieur pour rejoindre la salle où l'attendaient ses amis. Seuls Kou et Takaishi se trouvaient déjà dans la pièce. En patientant, les trois garçons commencèrent à partager leurs provisions en cinq. Seiichi et Shintarou arrivèrent quelques minutes plus tard et le groupe se mit à manger.


    - J'ai une nouvelle géniale, claironna Tyro qui n'en pouvait plus de se retenir. On a gagné le cinquième match ! On va vraiment aller à la phase finale !


    - Ce n'est pas particulièrement réjouissant, déclara Shintarou sur un ton très sérieux.


    - Bon sang ! Shin, tu es encore plus déprimant que Seiichi, s'exclama Tyro dans un soupir.


    Le commentaire amusa particulièrement le concerné qui poussa un léger éclat de rire.


    - Tu as consulté entièrement les résultats ?


    - Eh bien, je n'ai pas vraiment eu le temps.


    Tyro n'ajouta rien de plus, n'ayant guère envie de raconter à ses camarades comment il avait hurlé sa joie en classe et obtenu une énième retenue de cette manière.


    - Ceux sont les simples 2 et 1 qui ont gagné le match de ce matin, annonça le petit rouquin.


    - Attends ! Rentarou joue en simple 3 ! s'écria Kou interdit.


    - Cela veut dire que Rentarou-kun …


    - Il a perdu, Taka-chan, acheva à sa place Seiichi. Il n'y a pas matière à faire un drame.


    - Ca ne t'émeut pas plus que ça ? s'étonna Kou. Tu es vraiment sinistre comme mec, toi !


    Laissant ses amis réagir à ce comportement, Seiichi continua de manger. Il nota toutefois les réactions de chacun d'eux. Shintarou était fataliste et se résignait à l'évidence, Kou n'appréciait pas de parler ainsi de leur ami commun et Takaishi s'inquiétait pour celui-ci. Seul Tyro ne semblait pas affecté par cette nouvelle.


    - Cette défaite fera beaucoup de bien à Rentarou, énonça Seiichi en posant son plat au sol. Ces derniers temps, il prenait trop d'assurance en lui par rapport au tennis.


    - Ca pourrait produire l'effet inverse, suggéra Shintarou.


    - On parle de Rentarou, répliqua Tyro en riant. Il sera incapable d'abandonner tant qu'il n'aura pas prouvé aux autres, et surtout à lui-même, qu'il peut le faire.


    - Exactement, confirma Seiichi. Depuis la finale du tournoi préfectoral, même s'il continue à s'entrainer dur, il donne l'impression de penser être le meilleur.


    - Et il se sent prêt à défier n'importe qui, ajouta Tyro. Or, il existe beaucoup de joueurs très talentueux au sein de ce pays. Kimura de Saint-Christophe n'est qu'un parmi une centaine.


    - Je vois, fit Takaishi en baissant la tête. On ne peut pas progresser avec un tel raisonnement.


    - D'ailleurs, tu pourras me prêter ton téléphone, Tyro ? J'appellerais Rentarou après les cours quand le match sera fini.


    - Quoi ? Mais j'ai absolument besoin de mon portable moi !


    - Mais tu es en cours, Tyro, rappela Kou. Tu n'en as pas besoin.


    - Si. Pour surfer sur le Net, devina Shintarou en envoyant une bourrade à son voisin qui rougit jusqu'à la racine de ses cheveux.


    Le reste du groupe éclata de rire tandis que les joues de Tyro rosirent davantage. Celui-ci finit par consentir à prêter son précieux bien à Seiichi mais tint absolument à le récupérer avant la fin de la journée.


    Après avoir passé une heure à prendre les phrases anglaises en note sur son cahier que leur disait le professeur Aizawa, Seiichi termina ses cours pour aujourd'hui. Il laissa Shintarou se rendre où celui-ci désirait. Le garçon roux ne voulut rien lui dire. Le jeune ninja paria pour les cuisines et l'imagina voler de la nourriture pour satisfaire les besoins du trou sans fond que représentait son estomac.


    En consultant sa montre à gousset, il conclut à son impossibilité d'appeler son meilleur ami. A la place, l'adolescent décida de se rendre à la bibliothèque. Pour demain, le professeur Hashimoto leur avait donné une longue série d'exercices compliqués. Un rictus défigura son visage à cette perspective peu réjouissante. En l'absence de Rentarou, ses médiocres capacités en cette matière l'obligeaient à avoir besoin de trois heures pour effectuer ses devoirs de Mathématiques.


    Quand la bibliothécaire commença à allumer les lampes, vers dix-sept heures, Seiichi réalisa le temps passé. Trois heures penché sur ces stupides fonctions ! Et il n'avait fini que deux exercices !


    En maugréant intérieurement contre l'inutilité des Mathématiques, le jeune homme se souvint de son désir d'appeler son meilleur ami. Laissant ses affaires sur place, il quitta la pièce, traversa le couloir du rez-de-chaussée du bâtiment de vie scolaire et passa la porte menant à l'internat. L'adolescent s'assit sur les marches de l'escalier et sortit le téléphone prêté par Tyro.


    - Rentarou ?


    - Seiichi ? Tu vas bien ? Tout va bien ici aussi !


    Levant ses yeux vers le plafond, Seiichi se retint de soupirer. Il devina simplement à sa voix que son ami n'allait pas bien du tout.


    - Tu vas bien quand tu perds un match dans la journée ?


    Un long silence suivit cette réplique. Seiichi ne dit rien non plus. Il le laissa réfléchir.


    - On a perdu …


    - Tu veux dire … Le match de cet après-midi ?


    - Ouais. On a donné tout ce qu'on avait … Nagai-sempai et Motoguchi-sempai ont perdu en dix minutes … Uegami-fukubuchou et Ogawa-sempai ont perdu en une demie-heure … Raphael-sempai a perdu en quarante minutes …


    - Tu n'as pas joué ? s'inquiéta Seiichi.


    - J'ai gagné mon match … On a lutté jusqu'au bout jusqu'au Tie-Break …


    - Mais c'est génial ! Au moins, tu as gagné ton match, dit Seiichi en prenant un timbre de voix réjoui.


    - Nous sommes qualifiés pour la phase finale. Yokohama aussi. Midori aussi. Yuki aussi. Ces trois équipes sont super fortes ! Comment on peut gagner contre elles ?


    Seiichi fronça les sourcils. La défaite personnelle de son ami de ce matin et celle de son équipe de l'après-midi avaient grandement secoué son égo.


    - Ne pense pas à la victoire, Rentarou. Joue comme un match sans enjeu et amuse-toi !


    - Vraiment ? fit Rentarou décontenancé par cette proposition.


    - Rentarou, ne vas pas t'entrainer ce soir, d'accord ? Par contre, allonges-toi sur ton lit et souviens-toi. Souviens-toi de ton match contre Kimura-han et des émotions ressenties ce jour là. Mémorise-les et utilise-les pour jouer à partir de maintenant.


    Durant un quart d'heure, le silence régna. Seiichi comprit que son meilleur ami utilisait déjà ses conseils. Il espéra que celui-ci se sentirait mieux.


    - Merci, Seiichi, de tes conseils, dit-il finalement. Je vais essayer et me donner à fond de nouveau.


    - Génial ! Tu veux parler d'autre chose ? Tu sais, Aizawa-sensei t'a trouvé un remplaçant !


    - J'espère qu'elle va le garder, marmonna Rentarou avant d'ajouter inquiet. Mais tu es ûur que ça ira de continuer à parler ? Tu appelles depuis longtemps … Le portable que tu utilise va finir par vider tout le forfait qu'il lui reste.


    - Ne t'en fais pas. Il appartient à Tyro. Il ne s'en formalisera si je lui rends vide.


    - Super ! Tyro est vraiment un ami sur qui peut compter, hein ?


    Seiichi acquiesça d'une réponse monosyllabique. Il sourit narquoisement en même temps. Vider le forfait de son autre meilleur ami serait une bonne leçon. Cela lui apprendrait à lui faire toutes sortes de recommandations inutiles pendant une heure.


    Le lendemain matin, la petite bande se retrouva inhabituellement à la salle des casiers à huit heures. Le professeur de Calligraphie étant absent ce jour-là, Tyro, Kou et Takaishi, qui suivaient ce cours, décidèrent de rester avec leurs deux amis jusqu'à la prochaine heure.


    - Seiichi, tu aurais pu économiser un peu de crédit, rouspéta encore Tyro.


    - Désolé, Tyro, s'excusa Seiichi avec hypocrisie, mais Rentarou avait vraiment besoin de parler.


    - Vraiment ? Si c'est ça, je comprends … Je rechargerais plus tard mon portable !


    - C'est bizarre, fit Shintarou en claquant la porte de son casier. Hier soir, quand je suis passé devant toi dans l'escalier, tu parlais du repas de Lundi soir. Tu racontais même tout ce que tu avais avalé. Ca m'a pas mal surpris comme sujet de conversation.


    Malgré le fait d'avoir terminé de prendre ses affaires pour la matinée, Seiichi n'osa pas refermer son casier et se retourner. Il devina que son meilleur ami derrière lui était en train de comprendre la signification des propos de Shintarou.


    - SEIICHI !!!! explosa Tyro. MENTEUR !!!!


    Seiichi s'apprêta à répliquer quelque chose lorsqu'ils entendirent un coup dans une des portes en bois de l'autre côté. Plusieurs coups suivirent. Intrigués, les adolescents quittèrent la dernière rangée et se rendirent de l'autre côté. Ils ne furent pas déçus du spectacle. Face à eux se tenaient la vice-présidente du conseil des étudiants, si soucieuse habituellement du règlement, et un autre élève, qu'aucun d'eux ne reconnurent, en train de s'embrasser.


    - Pourquoi j'ai pas d'appareil-photo sur ce foutu portable ? rumina Tyro.


    - Y en a qui se refusent rien, dit Kou.


    - Bah ! Tout le monde le fait, non ? répliqua Takaishi en haussant les épaules.


    Ce spectacle dérangea réellement un d'eux. D'ailleurs, il s'avança d'un mètre et toussa fortement. Yoko les remarqua alors et rougit jusqu'à la racine de ses cheveux. Elle repoussa doucement le garçon qui l'étreignait toujours et s'écarta rapidement.


    - Je suis désolée, murmura t-elle avec honte en s'inclinant du buste le plus bas possible.


    - Qui est-ce ?


    Seiichi venait d'employer une intonation masculine sévère et froide. Son visage s'était recouvert du masque qui effaçait ses émotions. Ses amis eurent l'impression de revenir au début de l'année scolaire.


    - Il s'appelle Noguchi Keigo et est en troisième année classe G, les informa Yoko. Il travaille avec moi au secrétariat de temps en temps et m'a demandé il y a dix jours de sortir avec lui.


    Conscient d'être le centre d'attention de tous, le dénommé Noguchi Keigo n'ajouta pas un mot sur cette présentation. C'était un beau jeune homme de dix-sept ans. Mesurant une tête de plus que sa petite amie, ses cheveux courts étaient aussi noirs que ceux d'un corbeau. Ses yeux allongés et ouverts avaient aussi cette même couleur. Malgré le froid à l'extérieur, il ne portait toujours pas le blazer blanc de laine mais le noir en tweed.


    - Et vous êtes informés qu'il est strictement interdit de s'embrasser en pleine bouche en public ? Il s'agit d'un acte privé se limitant aux individus concernés.


    - C'est bon, Seiichi, soupira Tyro. C'est juste un baiser.


    - Je comprends qu'il soit choqué, dit Noguchi en mettant ses mains dans les poches. Certains gays ont parfois du mal à voir des hétéros ensemble.


    - Qu'est que tu veux dire ?


    L'intonation masculine de Seiichi venait de monter et traduisait désormais de l'agressivité.


    - J'ai entendu dire que tu sortais avec pas mal de filles au bahut. Par contre, elles se plaignent toutes que tu ne fais jamais rien. C'est pour ça qu'elles te quittent. Or, ne rien faire, ne rien tenter, quand on est avec une jolie fille, soit on est encore un gamin, soit on est gay.


    En entendant cette réplique cassante, Tyro se masqua le visage de sa main. Sans savoir pourquoi, Seiichi n'appréciait pas Noguchi ... Mais là, il allait le détester !


    - C'est vraiment nul comme réflexion, Keigo, soupira Yoko. Parfois, c'est bien d'attendre et d'essayer de prendre en considération de la fille en question.


    - C'était pour rire, se défendit l'adolescent. Et puis, il m'a attaqué le premier.


    - Seiichi-kun vient d'une famille qui est encore très attachée aux valeurs traditionnelles alors …


    - Alors c'est pour ça qu'il est aussi coincé …


    On pouvait dire beaucoup de choses de Tyro mais l'adolescent gardait toutefois la tête sur les épaules. En ce moment, il réfléchissait à toute vitesse à un moyen de couper court à cette conversation avant que Seiichi et le nouveau petit ami de Yoko ne puissent déclencher la troisième guerre mondiale.


    - Les gars, il est tard ! Il est grand temps d'aller en cours ! Il faut pas rater le début !


    En temps ordinaire, Tyro trainait des pieds et attendait toujours la dernière limite pour se rendre en classe. Il fallait vraiment que celui-ci soit au bord du désespoir pour avoir recours à une telle extrémité. Shintarou le soutint aussitôt.


    - Il a raison, Seiichi. On a trois étages à monter, toi et moi !

     

    L'adolescent aux cheveux ébènes répondit d'un bref signe de tête. Sans perdre du regard Noguchi, il quitta la pièce le dernier en compagnie de ses amis. Durant toute la matinée, le jeune ninja n'adressa la parole à personne. Les écouteurs de son lecteur MPX dans le creux de ses oreilles, l'adolescent aux cheveux ébènes donna l'impression de rien suivre autour de lui ce qui s'avérait totalement faux. Au contraire, son attention était redoublée.


    Shintarou essaya en vain de communiquer avec lui mais il ne répondit jamais. Pourtant, le rouquin insista. Durant l'intégralité de la troisième heure qui était libre, celui-ci passa son temps à parler à son ami sans rien obtenir. D'ailleurs, il s'inquiétait pour lui. Après le double cours de Mathématiques qu'ils venaient d'avoir, l'adolescent aux cheveux ébènes faisait les devoirs donnés par Hashimoto alors que ceux-ci pouvaient attendre jusqu'au week-end.


    A l'heure du déjeuner, Seiichi coupa son lecteur et le remisa dans la poche de sa veste qu'à partir du moment où Shintarou et lui entrèrent dans la salle de Droit. Étant les premiers aujourd'hui, ils entreprirent de déballer les baguettes et les serviettes et de partager de la nourriture.


    - C'était super chiant ce matin, se plaignit Tyro après avoir avalé un onigiri. Deux trous sans rien faire ! Si j'avais su, je serais venu pour neuf heures déjà !


    Kou soupira en buvant son verre de limonade. Il préféra ne rien dire car lui aussi était venu tôt ce matin pour rien. De plus, Tyro habitait beaucoup plus près que lui du lycée.


    - Qu'est que vous pensez de Noguchi ?


    - Tu penses encore à lui, Seiichi ? s'étonna Takaishi.


    - Alors tu ne disais rien à cause de ça … , comprit Shintarou désabusé.


    - Ce garçon n'est pas une bonne personne pour Yoko-chan, énonça Seiichi.


    - Yoko-chan fait ce qu'elle veut, dit Tyro en haussant les épaules. Pourquoi tu t'en mêles ?


    - Parce que nous avons un devoir de réserve.


    - Trois heures de Maths, ça lui a complètement retourné la cervelle, commenta Shintarou qui se demanda ce qui se passait par la tête de leur ami.


    - Rentarou aime Yoko-chan, rappela Seiichi. En tant qu'amis, nous ne pouvons pas soutenir qu'un autre soit avec elle.


    - Si tu veux mon avis, Seiichi, répliqua Tyro en continuant de prendre son riz avec ses baguettes. Il n'a que ce qu'il mérite.


    - Tyro, tu es dur là, lui reprocha Kou.


    - Il n'a qu'à savoir ce qu'il veut, reprit Tyro. S'il aime vraiment Yoko-chan alors il lui dit. Mais en ne lui disant rien, il prend ce genre de risques de la voir sortir avec d'autres mecs.


    - Rentarou-kun avouer ses sentiments … , songea Takaishi rêveur. Je payerais cher pour voir une telle scène !


    - Ce n'est pas juste ce que tu dis, Tyro. Il ne mérite pas de connaître une nouvelle douleur. En plus, cela pourrait lui causer une nouvelle crise.


    - Pas faux, approuva Shintarou. Je crois que tous deux avez raison sur deux points différents. Si vous me demandez mon avis, je pense qu'il n'y a pas d'autre choix de le laisser expérimenter cette douleur et de le soutenir. De toute manière, que voulez faire ? Repérer où est Yoko-chan et son copain et s'arranger pour que Rentarou ne passe pas où ils sont ?


    - C'est clair, rigola Kou. On ne tiendrait pas deux jours à faire ça !


    - Après tout, les Sanonis sont toujours ensemble, ajouta Takaishi. Vous êtes les seuls tous les deux à être le mieux placer pour l'épauler.


    Durant le reste des délibérations, Seiichi ne rien, se contentant uniquement d'écouter et détestant cette position de faiblesse. Pourquoi n'était-il pas capable de protéger une seule chose ou une seule personne ? L'adolescent aux cheveux ébènes avait cette horrible impression que tout ce que ses mains tenaient se cassait subitement. Il souhaitait seulement posséder davantage de force et de courage … le jeune ninja voulait devenir quelqu'un protégeant les autres. Comme son meilleur ami.


    Durant toute l'après-midi, Seiichi pensa amèrement à cette situation. Les explications sur la forêt amazonienne de Monsieur Tanaka, le professeur d'Histoire-Géographie, avaient du mal à être entendu. Il nota même très peu de phrases sur son cahier.


    Le lendemain matin, le dernier jour d'une semaine d'école, Seiichi prit son déjeuner beaucoup plus tôt et se rendit immédiatement au bâtiment des cours prendre ses affaires. Il ne voulut pas rencontrer Yoko avec son nouveau petit ami comme la veille. Il n'appréciait déjà pas ce garçon, surtout à cause des réflexions faites à son égard. De toute manière, même sans ce détail, le jeune ninja l'avait déjà jugé et condamné bien avant.


    Comme il lui resta une heure et demie à patienter, Seiichi partit à la bibliothèque dans l'intention de commencer sa dissertation de Géographie et retrouva là-bas son condisciple roux. Celui-ci étudiait et approfondissait minutieusement une partie ultérieure au programme de Chimie de première année.


    - Tu ne viens jamais ici le matin, s'étonna Shintarou en levant les yeux de son livre.


    - Je préfère être ici jusqu'au début des cours. Au moins, je ne verrais pas ce Noguchi.


    - C'est étrange, tu sais. Auparavant, tu te contentais d'ignorer tout le monde, surtout ceux que tu n'aimes pas. Pourquoi ne fais-tu pas pareil ?


    - J'ai changé, Shin, murmura le jeune ninja. Jusqu'à présent, j'ai agi pour moi. Je voulais me protéger. A présent, je veux protéger les autres. Je voudrais être aussi fort que Rentarou.


    L'adolescent aux cheveux ébènes se tut quelques instants. Il regarda la page blanche posée devant lui sur la table.


    - Cependant je reste toujours aussi faible. Je n'arrive pas à protéger et à aider quand je décide de le faire. J'ai beau essayer du mieux que je peux, je ne peux pas le faire.


    - Mais tu es d'une grande aide, Seiichi. Quand Rentarou n'est pas là, c'est toi qui le remplace.


    - Ne dis pas de bêtises, Shin, soupira Seiichi. Je suis à des années-lumières de Rentarou.


    - Souviens-toi quand Rentarou déprimait dans sa chambre, c'est toi qui nous a tous soutenu. Tu es venu vers moi et tu m'as réconforté. Tu as même attrapé un rhume sérieux à cause de ça. C'est toi qui nous a permis de nous rassembler pour aller parler à Rentarou. Tu aides tes copains quand ils ont des problèmes dans leurs devoirs. De manière générale, c'est toujours toi qui nous écoute souvent parler et devine ce qui ne va pas. Même Rentarou ne sait pas le faire ça.


    En écoutant l'exposé de Shintarou, Seiichi lui sourit. Il n'était pas entièrement convaincu par ses paroles mais celles-ci lui remontèrent le moral.


    Lorsque Shintarou quitta son ami peu avant huit heures et demie pour se rendre à son cours d'Economie, Seiichi poursuivit et termina sa dissertation de Géographie. Il eut même le temps de la recopier au propre avant de la ranger pour aller à son cours de Biologie.


    La journée se déroula sans le moindre incident à signaler. Rien d'inhabituel ne se déroula. Le cours de Biologie fut très actif mais surtout très écœurant. Le professeur Tsukiyo leur fit disséquer une souris pour étudier le système respiratoire. Avant de débuter l'opération, Shintarou surprit Seiichi en récitant une courte prière pour l'animal. Durant l'Anglais, Aizawa s'acharna à nouveau à interroger son nouveau exutoire et le cours d'Histoire fut aussi rasant qu'à l'accoutumée car leur professeur appréciait de décortiquer le moindre détail de ses explications. Seul le cours de Chimie sauva la journée. Là, la petite bande pouvait discuter à loisir sans avoir d'ennuis.


    Le Samedi, Seiichi se réveilla vers sept heures. Il avait commencé à apprendre à dormir plus longtemps même si les habitudes restaient dures à perdre. Après une rapide douche, le jeune homme se vêtit. Il enfila une chemise et un tee-shirt sous un épais chandail de laine. Son métabolisme ne lui permettait pas de s'habiller légèrement. Malgré son incapacité à souffrir du froid, son corps tombait malade au moindre microbe.


    Après avoir pris son petit-déjeuner où il retrouva Shintarou et Takaishi, les trois adolescents descendirent de sortir. Ils devaient retrouver leurs amis externes chez Kou. Avant de partir, le trio fit un crochet par la salle des casiers pour prendre leur manteau. Seiichi en revêtit un bleu foncé très long descendant jusqu'aux pieds et noua une écharpe noire autour de son cou. Takaishi mit seulement un blouson violet quelque peu élimé. Seul Shintarou demeura en tee-shirt et en short.


    Après le parcours en métro jusqu'à l'arrondissement de Shinigawa, ils se rendirent à pied jusqu'à l'appartement où logeait la famille de Kou. Dans le vestibule, les adolescents constatèrent que Tyro était déjà là. Ses baskets oranges et crottées le prouvaient

     

    Rapidement, deux paires de baskets et une paire de chaussures en cuir s'alignèrent contre celles-ci. Ils saluèrent les parents de leur camarade puis le rejoignirent dans sa chambre.
    La chambre de Kou, comme l'appartement en fait, était minuscule. De plus, il la partageait avec sa petite sœur. Les deux lits, d'une taille moyenne, occupaient la majeure partie de l'espace. Au pied de chacun d'eux était posé un lourd et profond coffre où le frère et la sœur entreposaient leurs affaires personnelles. Dans un coin de la pièce, près de la porte, se dressait une grande armoire et la coiffeuse de Yuki.


    Faire tenir cinq adolescents là dedans relevait de l'exploit. Toutefois, ils y parvinrent. Seiichi s'assit en seiza sur la moquette, les jambes pliées sous son corps. Kou se cala contre la tête de son propre lit et Takaishi s'allongea sur le second. Tyro se mit près de lui sur le bord. Enfin Shintarou s'installa sur le coffre de Yuki.


    - Vous avez regardé la télé hier soir ? demanda Tyro sans le moindre préambule.


    - Pour regarder la télé à l'internat, il faut au moins réserver une semaine avant, soupira Takaishi.


    - Mes parents ont regardé un documentaire sur les ours, rapporta Kou un brin moqueur. Tu l'as trouvé aussi bonne que ça cette émission ?


    Pour toute réponse, Tyro lui adressa un regard noir alors que le reste de la bande éclata de rire.
    - Hier soir et Jeudi soir aussi, ils ont rediffusé les matches du Kanto !


    - Ah oui ? Et de quel sport s'agissait-il ?


    En posant cette question, Seiichi n'arriva pas à garder son sérieux et son calme. Il rit, imité immédiatement par ses camarades.


    - Yokohama a perdu contre Midori, annonça brutalement Tyro, agacé.


    - Eh ? glapit Shintarou. Mais Midori est une équipe qui participe pour la première fois au tournoi régional ! Et ils ont battu ceux qui se qualifient chaque année !


    - Et Ryogaku ? Ryogaku a gagné ? voulut savoir Kou avec impatience.


    - Nos trois simples ont remporté la victoire contre Yuki, confirma Tyro en retrouvant son excitation du départ. Vous auriez vu ça ! C'était génial ! Ils étaient tous les trois cools !


    - Kurata-buchou ne peut pas vraiment être désigné par cool, dit sombrement Seiichi.


    - Je déteste l'homme qu'il est. Par contre, je respecte totalement le joueur, répliqua Tyro.


    Seiichi ne répondit rien. Il songea que quelques fois son meilleur ami réagissait beaucoup plus murement que lui-même. Néanmoins, ce genre d'exploits ne se produisait que très rarement. Pour se moquer, le jeune ninja pensa que cela devait relever du miracle : une connexion de synapses se faisant au moment opportun.


    - Moi, Dimanche, je vais voir la finale, résolut Tyro. Keniichan a promis de m'y emmener !


    - Quelle chance, soupira Shintarou. Nous, on va se contenter de la télévision ! Mes parents n'accepterons jamais de m'acheter un billet pour ça !


    - Je pourrais y aller, songea à regret Takaishi. Cependant en me rendant à Kanagawa, je serais forcé de rester à Yokohama jusqu'à Lundi matin …


    - Et moi, je ne pourrais rien voir des matches, se plaignit Kou. Ma mère a organisé un diner avec les parents d'Eiji-san. Elle interdit d'allumer la télé pendant que des invités sont là.


    En écoutant en silence les plaintes et les reproches que ses amis adressaient à leur famille, Seiichi ressentit malgré lui un élan de solitude qui lui comprima le cœur. Aucun d'eux ne réalisait la chance d'avoir des parents aimants et soucieux de leur progéniture, malgré l'imposition de règles les brimant dans leur liberté.


    Baissant légèrement la tête, l'adolescent aux cheveux ébènes souhaita revoir bientôt son meilleur ami. A ses côtés, il se sentait beaucoup moins seul car celui-ci connaissait aussi le lourd poids de ne pas avoir de famille.

     


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