• Chapitre 50

    Chapitre 50


    Plus d'une dizaine de jours s'étaient écoulés suite à la conversation des sept révolutionnaires. Depuis la bande avait vécu ses premiers entrainements supervisés par Raphael pour les conditionner à un match contre Kurata. Pour Rentarou, Seiichi, Tyro et Shintarou qui possédaient un certain talent pour le tennis, ce n'était pas d'une très grande difficulté. Par contre, Kou et Takaishi éprouvaient davantage de mal à effectuer les mêmes exercices que leurs camarades. Ils étaient toujours en retard sur eux. Lorsque le petit groupe terminait le troisième exercice, tous deux en étaient encore au premier. Toutefois, des progrès pouvaient être constatés.


    Le mois de Décembre venait enfin d'arriver. L'approche des vacances d'hiver se faisait sentir dans les esprits des lycéens. Malheureusement, la pensée des examens trimestriels avant cette agréable échéance assombrissait considérablement le tableau. Il fallait donc se concentrer sur les révisions et oublier temporairement ses loisirs et les promenades entre amis.


    Un jour, en plein milieu d'un cours de Japonais, Rentarou assista à un événement très prévisible et heureux mais qui gêna beaucoup le professeur Noda. L'enseignante racontait une quantité de détails sur la vie de l'auteur Soseki Natsume dont la classe étudiait actuellement une de ses oeuvres. Ses élèves prenaient des notes. Cependant ceux-ci cessèrent d'écouter subitement son discours lorsqu'ils remarquèrent la multitude de petits flocons de neige tombant du ciel par les deux fenêtres de la salle.


    La tête tournée vers l'extérieur, ils cessèrent de suivre le cours et copièrent peu de mots, hypnotisés par cette première chute de neige de la saison. Noda râla, tempêta. Les lycéens reportèrent son attention vers elle mais leur cou pivota très vite à nouveau vers les vitres. Au bout d'un moment, elle se découragea de les faire obéir et poursuivit son cours que seul Seiichi suivit encore de toute son attention.


    A la fin du cours, qui marqua aussi la fin de ceux de cette journée, les lycéens se précipitèrent aux fenêtres pour apercevoir le nouveau paysage. La neige avait déjà tout recouvert. Les allées et les pelouses étaient toutes blanches. Les toits des immeubles en face aussi. Et elle ne cessait pas de tomber.


    - La neige est enfin là ! scanda Sawamura avec enthousiasme.


    Les paumes posées sur la vitre d'une fenêtre, Rentarou admirait lui aussi le paysage urbain se transformer en celui d'un site montagneux.


    - Je veux de la glace ! s'écria t-il.


    - De la glace ? répéta Tachibana en arquant un sourcil. Ce serait mieux un chocolat chaud.


    - Non ! La glace est ce qu'il faut manger quand il neige !


    De son côté, Shintarou était devenu encore plus hyperactif qu'à l'accoutumée. La contemplation de cette grande étendue blanche lui rappelait tant de souvenirs d'enfance.


    - Je veux me promener tout nu dans la neige !


    Alors qu'il s'était rapproché de ses deux amis, Seiichi s'éloigna pour retourner à sa table et ranger ses affaires, faisant de son mieux pour masquer sa gêne.


    - Je ne connais pas ces deux individus, dit-il avec impassibilité. Je n'ai aucun lien avec eux.


    Ses condisciples qui l'avaient entendu rirent de cette réplique. Ils savaient à présent que Seiichi tenait énormément à Rentarou et Shintarou même si celui-ci aimait prétendre souvent le contraire.


    En attendant de se rendre au club de tennis pour leur séance d'entrainement, Seiichi passa le temps à la bibliothèque à rassembler des documents pour sa dissertation de Géographie sur l'Amérique du Sud et à la rédiger. Il se demanda quelques fois où étaient partis ses meilleurs amis. A cette heure du Mardi, les Sanonis se retrouvaient toujours ici.


    Quand il fut l'heure de se rendre au club, Seiichi retrouva toute la bande. En raison de la neige, Kurata suspendit l'entrainement d'aujourd'hui et donna pour ordre de la déblayer complètement du terrain qui leur appartenait. Les membres du club se mirent donc au travail, se réunissant en petits groupes, et se dispersèrentnt un peu partout pour enlever cette vaste matière blanche.


    La petite bande avait choisi de dégager derrière les vestiaires. Ils pouvaient ainsi parler, et même chahuter, sans se faire rappeler à l'ordre par un élève plus vieux. Le travail était pénible. Lever une pelle et déplacer la neige donnait chaud. De la sueur coulait sous leurs manteaux, gants et écharpes. Ils bougeaient difficilement pour cette même raison. Shintarou fut le premier à lâcher sa pelle, un objet qui était plus grand que lui, et se laissa choir dans un tas de neige.


    - C'est une pratique idiote ! Sur Hokkaido, il ne viendrait à personne une idée si saugrenue ! Les gens de Tokyo sont vraiment étranges !


    Étant natif de Tokyo, Tyro n'apprécia pas ce commentaire. Il déchargea la neige contenue dans sa pelle sur le ventre du rouquin. Malgré le fait que celui-ci soit vêtu uniquement d'un tee-shirt et d'un short, le jeune homme ne ressentit rien du froid au contact de cette matière blanche.


    - J'adore la neige sur et sous moi, s'exclama Shintarou avec ravissement.


    - En attendant, cessez un peu de vous amuser, tonna Rentarou. Autrement, nous risquons d'être là jusqu'à après la tombée de la nuit !


    Le rappel à l'ordre de l'austère adolescent aux lunettes noires fonctionna. Tous reprirent le travail et mirent les bouchées doubles pour dégager la neige. Après avoir dégagé un chemin d'accès, ils convoyèrent dans des brouettes toute cette masse blanche à l'extérieur du terrain réservé pour le club sur la pelouse. Lorsqu'il ne resta plus aucune trace de de neige retrouvant les courts et les accès pour s'y rendre, un haut monticule s'élevait face au bâtiment de l'internat.


    - Si on fait ça tout l'hiver, on aura bientôt une piste à ski, s'exclama Tyro.


    Après avoir passé trois heures à déneiger, l'ensemble des membres du club se rassemblèrent près des vestiaires. Kurata les félicita sommairement pour leur efficacité puis précisa qu'à partir de maintenant, à tour de rôle, deux personnes seraient chargées de dégager le matin la neige tombée durant la nuit. La nouvelle n'enthousiasma évidemment personne.


    En raison de l'heure tardive, la séance d'entrainement fut annulée. De toute manière, ce déblaiement valait tous les entrainements du monde. La bande se sépara rapidement. Tyro, Kou et Raphael rentrèrent chez eux. Les quatre derniers retournèrent vers le lycée. Ils s'arrêtèrent à un distributeurs pour acheter des canettes de boissons chaudes et allèrent ensuite s'installer dans la salle de détente des premières années afin de les déguster et se réchauffer.


    - Je déteste le thé en canette, soupira Seiichi en reposant sa boisson après avoir bu une gorgée. Il ne possède aucune saveur du véritable thé.


    - Prends du chocolat la prochaine fois, répliqua Shintarou en riant. Personne n'est déçu avec ça !


    - J'aime le thé, se défendit le jeune ninja.


    - Alors ne te plains comme ça, renchérit le rouquin en le toisant d'un regard noir.


    - Et c'est reparti, constata Takaishi avec fatalisme. Ces deux-là ne peuvent pas s'empêcher de se chamailler pour le plus petit prétexte !


    Le jeune fan de baseball détourna son regard de cet habituel spectacle et remarqua Rentarou qui n'avait pas encore ouvert sa canette de chocolat chaud. La tête appuyée contre une de ses mains, il la contemplait pensivement.


    - Rentarou-kun ? Tu ne bois pas ?


    - Je veux de la glace, pas du chocolat, dit-il avec regret.


    - Qu'est-ce que c'est au fait cette histoire de glace ? s'enquit Seiichi en se désintéressant des attaques verbales du petit rouquin.


    Le visage de Rentarou changea suite à cette question et devint plus nostalgique.


    - Quand j'étais petit, je regardais longtemps à la fenêtre pendant l'hiver. J'attendais de voir la neige tomber. Dès que je voyais les flocons, je devenais très excité et je voulais aller jouer dehors. Pour me calmer et m'empêcher de sortir sous la neige, kaasan me proposait alors de manger de la glace. C'était tellement rare que je puisse en manger que j'étais encore plus excité et je restais auprès d'elle jusqu'à en avoir.


    - Quel enfant, commenta Shintarou avec amusement.


    Ses amis rirent de cette réplique peu appropriée dans la bouche de Shintarou. Ils se reposèrent encore quelques instants en discutant puis allèrent étudier à la bibliothèque jusqu'au diner. Rentarou devait encore terminer son devoir d'Anglais à rendre pour le lendemain et Takaishi avait aussi trois pages d'exercices de Mathématiques à réaliser pour cette même date.


    Le lendemain se déroula normalement. A part la séance de gymnastique où il se ridiculisa en s'affalant sur le plancher et le cours où Aizawa tenta de le piéger avec ses vicieuses questions, Rentarou la vécut très agréablement. En revenant du club avec ses amis à la fin de la pratique quoditienne, tout le monde se sentait euphorique. certains plus que d'autres. Shintarou ne contrôlait plus sa joie et sa bonne humeur. Il se roulait dans la neige fraiche et douce appréciant de sentir ses saveurs. Raphael essaya de le calmer. En vain. Kou et Takaishi avaient commencé tous deux une partie de boules de neige et se pourchassaient l'un l'autre.


    - Ce n'est pas une attitude à attendre de la part de lycéen, dit Tyro.


    - C'est toi qui dit cela ? fit Seiichi en arquant un sourcil, très étonné du propos de son camarade.
    - Voyons, Seiichi ! Je ne suis plus un gamin, se défendit vivement Tyro. Il est loin ce temps où je criais dans la neige et je bombardais les passants. J'ai grandi depuis.


    - Je suis très impressionné en ce cas, déclara Seiichi avec sincérité.


    A ce moment, une boule de neige atterrit en pleine tête de Tyro par derrière. Celui-ci se retourna immédiatement, imité par Seiichi, et découvrit avec surprise l'identité de son lanceur.


    - Tu n'es pas capable d'arrêter une petite boule de neige, Tyro ? le nargua Rentarou qui tenait plusieurs boules dans ses mains. Mada mada dane !


    - Je vais t'apprendre, toi !


    Tyro abandonna aussitôt son sac d'école, celui de ses affaires de tennis et l'étui contenant sa prévieuse raquette. Il ramassa rapidement de la neige et se mit en devoir de pourchasser son meilleur ami. Celui-ci se défendit en lui lançant sans cesse ses munitions au visage. Tyro répondit alors en visant son dos.


    - Dire que je croyais que Tyro avait mûri, soupira Seiichi.


    En cet instant, l'adolescent aux cheveux ébènes se sentit bien seul. Tous ses amis avaient régressé au stade de l'écolier excité par la présence de la neige dans la cour de récréation de son école. Lui, cela ne l'amusait pas du tout. Il avait déjà grandi et n'appréciait plus les jeux enfantins.


    Prenant soin du bien-être de ses amis, le jeune ninja rassembla les sacs que tous les membres de la bande avaient laissé tomber à terre sans s'en soucier et les transporta contre le mur du bâtiment des cours, près de la porte d'entrée principale. Il leva la tête et sourit. Grâce à la pente pentue du toit qui abritait l'allée faisant le tour des parties principales du lycée, ces affaires seraient en lieu sur le temps que leurs propriétaires les récupèrent même si la neige se mettait à nouveau à tomber.


    Se remettant ensuite en route, Seiichi atteignit vite à la cour. Celle-ci était impeccablement déneigée, comme si la neige n'était jamais tombée, grâce aux élèves responsables de la corvée de la dégager les allées chaque matin avant l'arrivée des lycéens et des professeurs.


    Seiichi aperçut Yoko descendant justement l'escalier du bâtiment administratif et pressa le pas et se hâta d'aller à sa rencontre.


    - Bonjour Yoko-chan. Tu vas bien ?


    La jeune fille répondit amicalement aux salutations de son ami et lui indiqua qu'elle se portait comme un charme.


    - C'est étrange. Tu n'es avec tes amis ?


    - Ils sont occupés à faire les fous sur le campus, soupira Seiichi.


    - Pour moi, ce n'est pas très différent de d'habitude, dit Yoko piquante.


    Alors que les deux jeunes gens conversèrent gentiment, plusieurs salves de boules de neige passèrent entre eux deux. La vice-présidente du conseil des étudiants n'apprécia pas du tout cette facétie. Elle courut en la direction d'où les projectiles venaient et découvrit Takaishi, Kou et Shintarou qui se chamaillaient et se lançaient des boules de neige.


    - Théoriquement, il est interdit de faire une partie de boules de neige, rappela t-elle avec autorité.


    - Oh, Yoko-chan ! Laisse-nous un peu vivre, supplia Shintarou.


    - Mais je vous laisse vivre, assura t-elle avec sarcasme. Pour preuve, je n'ai encore jamais tué un seul d'entre vous et Dieu sait combien j'en ai souvent envie.


    Seiichi sourit de l'ironie de son amie et devina sans grande difficulté l'identité des personnes qu'elle souhaitait parfois assassiner.


    Soudain Tyro arriva en courant et plongea devant Yoko pour s'allonger sur le sol. Au même instant, Rentarou, qui le pourchassait, avait lancé une boule de neige dans cette direction. Celle-ci atterit en plein visage de la jeune fille qui n'apprécia pas du tout cela.


    Confus, Rentarou accourut et s'excusa en s'inclinant aussi bas que son dos le lui permit.


    - Je suis désolé, Yoko-chan ! Je ne voulais pas te viser ! Je ne te chassais pas toi !


    - Tu ne m'as pas eu, se moqua Tyro en se relevant et en tirant la langue comme un gamin. Et tu n'as même plus de munitions !


    Les pupilles de ses iris écarquillées, Yoko n'arriva pas à croire ce que ses oreilles entendaient et ce que ses yeux voyaient. Au milieu d'une cour d'école élémentaire, le spectacle ne l'aurait pas étonné. Par contre, une telle scène dans un lycée la stupéfiait. Elle se couvrit la moitié du visage de sa main droite et se tourna vers Seiichi.


    - Je commence à comprendre ce que tu voulais dire …


    Sans attendre une réaction ou une réponse de Seiichi, elle fit à nouveau face aux cinq adolescents, ses mains sur ses hanches.
    - Cependant je ne peux pas ne pas vous réprimander,

    reprit-elle avec sévérité. Le proviseur interdit les batailles de boule de neige pour raison de sécurité. Je me dois de sanctionner.


    Les jeunes fautifs ne dirent rien. Ils connaissaient cette décision. Le professeur principal de chaque classe était passé tôt ce matin avant le commencement du premier cours et avait annoncé cette consigne qui n'avait guère réjoui les étudiants. Une retenue était donc inévitable. Un seul ne manifesta pas la moindre expression d'inquiétude. Au contraire, le petit sourire narquois de Rentarou réfuta un tel sentiment. Il s'avança d'un pas vers Yoko.


    - Yoko-chan, tu ne pourrais pas passer l'éponge pour cette fois ?


    Un mauvais sourire illumina le visage de la jeune fille suite à cette question.


    - Me proposerais-tu de nettoyer toutes les éponges et de taper toutes les brosses pleines de craies pour ta prochaine retenue ?


    Rentarou grimaça de cette suggestion ce qui fit rire son interlocutrice. La perspective de frapper les brosses permettant d'effacer le tableau et de respirer dans un nuage de poussière de craie était particulièrement désagréable.


    - Soit. Puisque la gentillesse ne fonctionne pas, essayons autre chose. Que dirais-tu d'un petit défi ? Si je réussis à faire un truc impossible, tu oublies de nous punir. D'accord ?


    - Quel genre de chose impossible ? s'enquit-elle en fronçant les sourcils.


    Rentarou prit le temps de réfléchir. Il s'écarta légèrement et regarda autour de lui avant de lever la tête vers le toit pentu du bâtiment des cours.


    - Je sais ! Je vais essayer de réussir à faire tomber toute la neige qui se trouve sur ce toit avec une seule boule de neige !


    Levant aussi la tête, imitée par le reste du groupe, Yoko parut sceptique.


    - C'est impossible ! Tu ne peux pas faire une telle chose !


    - Elle a raison, confirma Seiichi. Il faudrait avoir une chance folle.


    - C'est bien que j'ai dit, non ? Un truc impossible à faire ! Alors tu marches ?


    - Soit. Cela ne changera rien à votre sort une telle tentative, dit Yoko. Dans ce cas, si tu réussis ton fameux défi, je m'engage à oublier que je vous ais vu jouer avec des boules de neige.


    Rentarou sourit avec confiance. Derrière lui, ses amis ne le reconnaissaient pas. Il n'était pas si hardi et décontracté d'ordinaire et vérifiait toujours si c'était possible d'accomplir une action avant d'agir.


    Pendant que les adolescents reculèrent à sa demande pour se placer sur les marches de l'escalier du bâtiment administratif, Rentarou se baissa et façonna sa boule de neige. Discrètement, il fit rouler une balle de tennis le long de son bras sous la manche de son manteau, l'expulsa dans la masse blanche et la plaça au centre de sa boule de neige avant de se relever.


    Fixant l'arête du toit, son regard visa plusieurs points. Il serra la boule dans le creux de sa main droite et exerça plusieurs rotations avec avant de la lancer. Celle-ci partit rapidement et toucha le côte le plus à droite du sommet du toit. Elle ne cessa de rebondir sur l'arrête et la parcourut sur toute sa longueur. A chaque rebond, la neige se décrocha, glissa le long de la pente et tomba finalement dans la cour. A terme, plus aucune trace de la neige ne resta sur cette partie du toit. Les longues tuiles noires bleutées en bois apparurent à nouveau.


    - Je rêve ! s'écria Yoko stupéfaite.


    - C'est génial, Rentarou, commenta Tyro impressionné. Bravo !

     

    - En plus, cela signifie que tu vas échapper à une retenue pour une fois, dit Seiichi malicieux.


    - Je dois malheureusement avouer ma défaite, soupira Yoko. Mais comment as-tu fait ça ?


    - Eh bien, c'est le talent, répondit-il en riant légèrement.


    En temps ordinaire, le jeune colosse n'aimait pas du tout se vanter et montrer ses prouesses. Il avait eu l'idée de cette démonstration hier après-midi en sortant dans la cour et en apercevant la quantité de neige qui recouvrait les toits. Son esprit avait alors imaginé une petite plaisanterie pour ses amis mais n'avait jamais pensé la montrer aussi à Yoko. Cependant l'effet avait plutôt réussi sur elle.


    - Le talent d'embobiner tout le monde !


    En entendant cette accusation, ils se retournèrent vers Shintarou qui tenait un petit objet de forme sphérique dans ses mains. Il les ouvrit et dévoila une balle de tennis.


    - En roulant cette balle dans la neige, ça donne l'illusion que c'est une boule de neige. Ensuite il a sans doute utilisé un effet de base-ball qu'il a appris pendant l'été. Cela lui a permis d'orienter sa balle vers le toit et de la faire rebondir.


    Embarrassé, Rentarou n'osa protester. Par ailleurs, la théorie de son ami roux était parfaitement correcte. Il aurait dû y penser. Tous deux possédaient une vision parfaite dévoilant les illusions.


    - Tu es sérieux ? C'était un tour ? fit Tyro.


    - Je vois très bien, même sur de longues distances. J'ai aperçu que ce n'était pas une boule de neige. J'ai estimé alors sa trajectoire et je suis allé la récupérer près de la porte vitrée de l'infirmerie.


    - Cette théorie expliquerait le bruit étrange que j'ai entendu, dit Seiichi.


    - Un bruit étrange ? répéta Kou avec surprise. Quel bruit ?


    - J'ai une ouïe très développée donc j'entends ce que vous n'arrivez pas à percevoir. Or, il m'a semblé entendre des rebonds de balle. Cela me paraissait étrange puisqu'une boule de neige ne peut pas faire un tel bruit.


    - Bon sang, soupira Rentarou. La prochaine fois que je veux vous leurrer, je dois vraiment éviter que Seiichi et Shintarou soient là !


    - Également, Rentarou, je t'avais vu t'entrainer hier après-midi, ajouta le rouquin. Je me demandais ce que tu fabriquais à lancer tes balles sur le toit. Alors dès que tu as parlé de ton défi, j'ai compris.


    - En tous les cas, même si ce n'était pas réellement une boule de neige, cette démonstration était très impressionnante, déclara Yoko. Et le fait que tu as seulement mis trois heures pour maitriser un tel tour l'est tout autant.


    - Eh ? C'est vrai ? s'exclama t-il en retrouvant son entrain.


    - Totalement.


    - Il l'a peut-être fait pour nous impressionner mais cela marche très bien sur Yoko-chan, murmura Seiichi à Tyro. Il semble qu'elle soit de plus en plus attirée par lui.


    - Pas faux, confirma Tyro sur le même ton, mais s'ils continuent à cette vitesse, on aura déjà eu des enfants toi et moi avant qu'ils ne sortent ensemble.


    - Ne t'inquiètes pas. Nous nous occuperons bientôt d'eux, promit-il d'un mystérieux sourire.


    Pendant la petite discussion des deux complices, Yoko promit de ne pas les punir pour cette bataille de boule de neige. Toutefois, la jeune fille précisa bien qu'à la prochaine incartade, elle ne serait pas si indulgente. Ils se séparèrent ensuite pour rentrer. Kou et Takaishi partirent ensemble. Le jeune homme au cheveux ras avait invité son ami à dormir chez lui pour réviser en vue des examens de la semaine prochaine. Shintarou partit étudier à la bibliothèque. Tyro s'apprêta lui aussi à s'en aller et commença à saluer ses deux meilleurs amis. Yoko l'interrompit en revenant vers eux.


    - Au fait, Rentarou-kun. J'avais quelque chose chose à te dire.


    - Ah oui ? Qu'est-ce que c'est ?


    - Tu as reçu un colis ce matin. Il encombre au secrétariat. Ce serait donc bien si tu allais le chercher rapidement.


    - Un colis ? s'étonna t-il. Mais mon anniversaire était le mois dernier. D'ailleurs, qui me l'enverrait ? Je n'ai plus personne !


    - Je n'en sais rien. Cependant j'apprécierais assez que tu viennes le chercher très vite.


    - Je peux le prendre maintenant ?


    La jeune fille approuva. Curieux, Tyro repoussa son retour à la maison et suivit ses amis dans le bâtiment administratif. Ils s'arrêtèrent dans le couloir où un très long et très haut paquet était posé contre le mur condamnant l'accès à deux bureaux à cause de sa taille.


    - Qu'est-ce que ça peut être ? se demanda Tyro. C'est énorme !


    - Le meilleur moyen de le savoir est de l'ouvrir, dit Seiichi.


    Les adolescents se mirent au travail. Seiichi et Tyro se placèrent chacun d'un côté et maintinrent le colis pour éviter sa chute. Ignorant son contenu, ils ne savaient pas non plus si cela pouvait casser. D'abord, Rentarou coupa toutes les attaches puis retira avec délicatesse les rabats du paquet et ôta le long couvercle. Ils découvrirent finalement ce qui se trouvait à l'intérieur.


    - C'est un vélo ! cria Tyro.


    Saisissant l'objet, Rentarou le retira du carton et le posa contre le mur derrière eux pour l'examiner très attentivement. C'était un superbe vélo de courses, très léger et maniable. Le cadre, de couleur orange et noir, était fait en carbone. Les roues elles-mêmes venaient d'une marque connue pour être très performante. Il possédait même un bidon à l'emplacement du porte-bidon.


    - C'est un vélo sacrément performant, constata le lycéen géant.


    - Il a dû coûter super cher, songea Tyro. Qui peut t'offrir un tel cadeau ?


    - Je ne sais absolument pas, répondit Rentarou en haussant les épaules en geste d'impuissance.


    - C'est cool ! Maintenant on pourra faire du vélo ensemble !


    - Sans moi, refusa Seiichi d'une voix ferme. Je préfère marcher à pied des kilomètres plutôt que de monter sur cet horrible vélo !


    Rentarou et Tyro rirent de la réaction de leur ami. En même temps, ils comprenaient parfaitement ses raisons. L'unique vélo dont Seiichi pouvait se servir était celui que Tyro lui prêtait. Or, il avait appartenu autrefois à Junko, sa sœur aînée. En théorie, cet argument ne paraissait pas solide. Cependant les parents de la jeune fille lui en avaient offert un rose. Cela devenait plus facile de comprendre pourquoi un garçon n'avait pas envie de monter dessus.


    - C'est très étrange, dit subitement Yoko.


    - Qu'est-ce qui est étrange, Yoko-chan ? demanda Rentarou en se retournant vers elle.


    - J'ai fouillé le carton et regardé autour, il n'y a pas la moindre carte. Il n'y a même pas le nom de l'expéditeur. Ne trouves-tu pas ça étrange de recevoir un cadeau si cher ? Et sans raison ?


    - Sans doute quelqu'un qui ne sait plus quoi faire de son fric, supposa le jeune colosse en haussant les épaules.


    - Tu devrais te méfier, conseilla t-elle.


    - Ceux sont juste des cadeaux. Il n'y a rien de mal à en recevoir. Quand il en aura marre de m'en envoyer, il arrêtera. Mais c'est pas moi qui me lasserais le premier.


    Sur ce, il prit son nouveau vélo en tenant le guidon.


    - Je vais le tester un peu dehors !


    - Tu sais en faire au moins ? demanda Tyro.


    - Tu me prends pour un débile ou quoi ? rétorqua Rentarou en lui lançant un regard noir.


    - Pas du tout ! Mais comme tu n'as plus vécu en famille après tes huit ans, tu aurais pu ne pas apprendre à rouler sans les petites roues.


    - J'ai jamais roulé avec des trucs pareils, révéla t-il avec insolence.


    - Tout le monde apprend en roulant avec des petites roues à l'arrière du vélo, énonça Yoko.


    - Pas moi ! Quand j'ai eu mon premier vélo à cinq ans, j'ai refusé d'avoir ces petites roues. Je voulais être capable de rouler sur mon vélo comme un grand.


    - Et ? voulut savoir Seiichi.


    - Je suis tombé pendant toute une semaine puis j'ai su rouler tout seul, comme un grand.


    - Ca explique beaucoup de choses, songea Yoko moqueuse. Tu as dû tomber très souvent sur le crâne ce qui permettrait de comprendre ton comportement si étrange.


    Seiichi rit l'approche ironique de leur amie. Tyro aussi. Rentarou partit ensuite en tenant son nouveau vélo laissant ses trois amis seuls.


    - Je n'aime pas ça, avoua Yoko.


    - Pourquoi ? C'est juste un vélo ! Que veux-tu qu'il arrive de mal ?


    - Tu es inconscient et insouciant, Tyro, lui reprocha Yoko. Tu n'es donc jamais au courant de rien ? Et si celui qui envoie ces cadeaux s'en servait plus tard pour utiliser Rentarou-kun ? S'il trouvait de cette manière un moyen pour le faire chanter ?


    - Ridicule ! Si ça arrivait, Rentarou renoncerait tout de suite à ses cadeaux. Il rendrait tout. Il irait ensuite dénoncer cette personne.


    - J'ai dit ça au hasard ! Cela peut être n'importe quoi !


    Faisant de son mieux pour ignorer la conversation qui se déroulait à côté de lui, Seiichi réfléchissait et analysait la situation. Il avait pensé à un moment à la théorie de Yoko mais l'avait vite écarté et en avait forgé une autre mais ne possédait pas la moindre preuve. Cependant si elle s'avérait exacte, ses cadeaux que recevait Rentarou n'étaient pas une menace. Au contraire, ils représentaient une preuve d'amour, ou tout au moins un geste d'attention.


    - Tu es bien silencieux, fit remarquer Tyro.


    - Tu as une idée sur l'expéditeur du cadeau ? l'interrogea Yoko.


    - J'ai une théorie mais je ne possède pas la moindre preuve. Cela m'ennuie de vous la dévoiler si j'ai commis une erreur.


    - S'il te plait, dis la nous, le pressa Yoko.


    - Oh oui ! Moi, j'adore t'écouter exposer tes théories !


    - Soit. J'ai réfléchi à ce problème depuis le mois dernier. Si vous vous souvenez, Rentarou avait déjà reçu un cadeau pour son anniversaire.


    - Ouais. Un ordi portable trop cool, acquiesça Tyro d'une mine boudeuse.


    - A un moment, j'ai pensé à la théorie de Yoko-chan. Cependant j'ai vite réalisé que cela ne collait pas. Rentarou est un lycéen normal comme les autres. Il n'a pas de famille. Qui enverrait des cadeaux à une personne pour obtenir ses services alors que celle-ci ne possède rien ?


    - Vu sous cet angle, ça paraît logique, approuva Yoko.


    - Je t'avais bien dit que tu te trompais !


    - J'ai donc réfléchi à ce que nous savions de la vie de Rentarou. Si ce qui te sert de mémoire fonctionne, tu te rappelleras peut-être, Tyro, qu'il nous a parlé de l'acheminement de son courrier.


    Naturellement, Tyro ne se souvint pas d'un détail aussi ennuyeux et inutile, de son propre point de vue, mais il se garda bien de le dire.


    - Jusqu'à ses huit ans, Rentarou vivait avec sa mère. Le courrier qui lui était destiné arrivait donc à leur appartement. Tout se corse après leur séparation. Nous ne savons pas ce qui est arrivé à sa mère. Quant à Rentarou, il est parti vivre dans la rue pour éviter l'orphelinat. Pendant ce temps, le courrier adressé à Rentarou ou à sa mère continuait à lui être envoyé à l'adresse de son appartement. C'est au moment où cet homme, Yushima si je ne m'abuse, l'a pris en charge, que son adresse a été changé. Désormais son courrier est acheminé à l'appartement de cet homme qui l'envoie ici.


    - Je ne vois pas le lien avec les cadeaux que reçoit Rentarou, avoua Tyro.


    - Je crois que je comprends où tu veux en venir, réalisa Yoko. Mais c'est énorme !


    - Comment ça ? Expliquez-moi ! Moi, je ne comprends rien du tout !


    - Si j'ai bien suivi le raisonnement de Seiichi-kun, il veut dire que ses cadeaux ont toujours été envoyé à Rentarou-kun.


    - C'est bien ma théorie, confirma le jeune ninja. Malheureusement, je ne dispose pas de la moindre preuve pour la valider.


    - Mais c'est parfaitement logique, poursuivit Yoko. Avant, sa mère recevait le courrier. Étant petit, Rentarou-kun ne se préoccupait certainement pas de ça. Il pouvait donc croire que c'était un cadeau offert par sa mère. Durant la période où il vivait dans la rue, il n'a rien pu recevoir donc. Et maintenant, il ne peut pas comprendre d'où tout ça vient.


    - Il y a un détail qui cloche dans cette théorie, intervint Tyro. La poste renvoie a l'expéditeur le colis ou la lettre au bout d'une dizaine de jours si elle n'a pas pu être remise au destinataire.


    - En effet, cela coince ici, admit Seiichi. Ma théorie est donc fausse.


    - Attendez un peu, s'exclama Yoko. L'appartement où vivait Rentarou-kun enfant était situé dans un quartier très pauvre. Il a certainement été reloué très vite. Il est donc possible que les locataires qui l'ont occupé aient gardé les colis même si ceux-ci ne leur étaient pas destinés.


    - Surtout si les cadeaux offerts étaient aussi chers et impeccables que le vélo ou l'ordinateur.


    - Ca commence à faire beaucoup d'hypothèses tout ça, s'exclama Tyro sceptique.


    - Cela expliquerait aussi pourquoi l'expéditeur des colis continue à en envoyer, ajouta Seiichi.
    - Comment ça ? fit Tyro.


    - Réfléchis. Si comme tu l'as dit, l'expéditeur aurait vu ses colis lui revenir, il se serait posé des questions. Il aurait sans doute cherché à savoir ce qui se passait. S'il dépense autant d'argent pour ces cadeaux, cela signifie que Rentarou est important pour lui. Par conséquent, il voudrait savoir si rien de grave ne lui est pas arrivé.


    - Puisque les colis continuent d'arriver aujourd'hui, cela veut dire qu'il a toujours pensé que ses colis parvenaient à Rentarou-kun, compléta Yoko.


    - OK. Dans ce cas, je me range à votre théorie, dit Tyro.


    - Par contre, cela ne nous dit rien sur l'identité de l'expéditeur, songea Yoko soucieuse.


    - Si nous suivons la théorie des cadeaux envoyés depuis l'enfance, il n'y a qu'une seule réponse possible à cette question, annonça Seiichi.


    - Et c'est qui alors ? demanda Tyro avec impatience.


    - Quelle est la personne qui pourra s'être soucier de Rentarou dès son enfance ?


    - Sa mère, bien sur ! devina le jeune tennisman. Comme elle ne pouvait plus s'occuper de lui et le voir grandir, elle lui envoie régulièrement des cadeaux !


    - Ce n'est pas possible, réfuta Yoko. Quand ils ont été séparé, sa mère devait savoir qu'il ne recevrait pas ses cadeaux en les envoyant à l'adresse de leur appartement.


    - Ah oui. Tu as raison, approuva Tyro en baissant la tête, déçu.


    - De plus, elle aurait laissé des lettres avec les colis si c'était elle, ajouta Seiichi. Cependant il existe une personne pour laquelle il était impossible de laisser une lettre.


    - Et pourquoi ? On a toujours envie de remercier ses bienfaiteurs, dit Tyro.


    - Sauf s'il s'agit d'une personne que l'on déteste.


    Le déclic se fit instantanément dans l'esprit de Tyro. Cependant celui-ci n'arriva pas à croire en cette possibilité. Il hésita à l'évoquer.


    - Une simple mention de cette personne suffit à mettre en colère Rentarou.


    - Tu veux dire … son père ? demanda enfin Tyro.


    - Exactement, confirma Seiichi. Tout s'explique ainsi. Son père les a peut-être abandonné avant sa naissance, Rentarou et sa mère, mais il peut très bien s'intéresser tout de même à leur sort. Nous ne savons ce qui s'est passé exactement.


    - Cette théorie se tient, admit Yoko soucieuse. Malheureusement nous n'avons rien pour le prouver.


    - Oui. Si cela se trouve, je fais complètement fausse route, acquiesça Seiichi.


    - Alors que faisons-nous ? On en parle quand même à Rentarou ?


    - Autant aller réveiller le Mont Fuji, soupira Seiichi. Le mieux est d'attendre et de laisser Rentarou gérer cette affaire. Si un jour il vient se confier et veut des réponses sur l'expéditeur de ses cadeaux, nous pourrons lui avouer nos hypothèses. Autrement, gardons le silence.


    - Si tu penses que c'est le mieux pour lui, j'accepte cette condition, annonça Yoko.


    - Et moi, je vais rentrer, s'exclama Tyro. Ma mère va encore me hurler dessus que je rentre à des heures pas possibles ! C'est quand même pas de ma faute si je suis très demandé !

     


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