• Chapitre 51

    Chapitre 51


    Les six jours restant jusqu'aux examens du second trimestre furent utilisés par l'ensemble des étudiants pour réviser les points où ils éprouvaient encore des difficultés ou simplement de revoir des notions, histoire de se rassurer. Durant ce temps, la bande ne s'était pas beaucoup réunie. Ses membres avaient même sauté les pratiques de tennis du week-end. Sauf pour Rentarou. Le jeune colosse mettait un point d'honneur à apprendre toutes les techniques possibles pour battre Kurata après la rentrée.


    Cet acharnement n'avait pas échappé à Raphael qui passait les entrainements avec lui. Il lui en parla lors d'une pause.


    - Tu devrais relâcher un peu. Il faut ménager ton corps. Avec les révisions pour les examens, tu en as certainement besoin.


    - C'est valable aussi pour toi, Raphael-sempai.


    En même temps, il avala la moitié de l'eau de sa bouteille. Raphael se contenta de hausser les épaules suite à ce commentaire.


    - Je n'ai pas besoin de réviser. Quelque soit mes résultats aux examens, mes parents s'en fichent.


    - Mais pour tes études plus tard, c'est important.


    - Je ne compte pas poursuivre mes études après le lycée. Dès que j'ai dix-huit ans, j'arrête tout et je me lance complètement dans le monde pro du tennis.


    - Pourquoi attendre dix-huit ans ? Tu seras encore mineur. Tes parents ne t'empêcheront pas.


    - Mes parents n'ont plus leur mot à dire après dix-huit ans. En France, c'est l'âge de la majorité. Ca signifie que je suis libre de partir de chez moi et de ne pas revenir sans que ça ne pose de problème.


    Rentarou ouvrit la bouche et s'apprêta à dire quelque chose mais se retint. Il devina que son compagnon nourrissait un fort ressentiment à l'égard de ses parents et s'interrogea sur la raison.

     

    Depuis son entrée à l'ambassade de France, le lycéen géant avait été impressionné, comme tous ses amis, par le riche et somptueux décor de cet endroit. Le jardin sur le derrière où se dressait les courts de tennis au milieu d'un immense jardin bordé de hauts arbres avait aussi produit son effet.

     

    Cependant Rentarou avait appris depuis la rentrée d'Avril à ne plus mépriser et envier les enfants de familles riches ou aisées. Ils possédaient sans le moindre doute une importante richesse et d'une éducation raffinée mais leur manquaient souvent une chose essentielle : l'amour de leurs parents. Cet amour que Rentarou avait toujours reçu malgré le fait que sa mère n'ait jamais eu beaucoup à lui offrir.


    - Reprenons l'entrainement, Raphael-sempai.


    Il se leva en même temps en jugeant préférable de changer de sujet de conversation. D'ailleurs, Raphael n'était pas une personne très loquace. A part si le français avait réellement besoin de confier une information, celui-ci gardait toujours le silence. Rentarou ne le remarquait pas mais n'était pas si différent. Le lycéen géant restait lui aussi souvent en retrait et parlait uniquement quand il se sentait à l'aise avec le sujet.


    - Comme tu veux.


    Raphael se leva à son tour et suivit son kouhai qui reprenait déjà son exercice :


    - Satsuma, m'appeler juste Raphael ira.


    Surpris, l'adolescent aux lunettes sombres arrêta son mouvement. Il ramena sa raquette contre son épaule et se tourna vers son entraineur.


    - Mais Raphael-sempai est un sempai, bredouilla t-il. C'est irrespectueux d'utiliser juste ton nom sans montrer le signe de ton ainesse et de ta classe supérieure.


    - Ca ira très bien. Puisque je vais redoubler.


    - Tu vas redoubler ? Pourquoi ça ? Au Japon, c'est une mesure très rare.


    Sur un ton d'une indifférence totale, Raphael répondit :


    - Parce que je suis au Japon depuis maintenant un an et je n'ai pas progressé en japonais.


    - C'est une blague ? Tu parles très bien notre langue, s'offusqua Rentarou.


    - Pour parler ça va. Cependant je ne sais toujours pas le lire ou l'écrire. A part les hiraganas, je ne comprends aucun texte. Moreau-sensei a expliqué qu'elle ne me ferait pas passer en troisième année si je n'étais pas capable de lire des textes en kanjis.


    Raphael n'exprima pas ce qu'il pensait réellement. Il donnait l'impression de se moquer royalement de sa situation scolaire. En réalité, le jeune homme en voulait à ses parents et les tenaient pour responsables. S'ils l'avaient envoyé à une école internationale ou française, leur fils ne connaitrait pas de problèmes pour rendre ses devoirs écrits en cours et comprendre les consignes des contrôles. Cependant sa mère voulait que son petit garçon chéri baigne dans la culture des pays dans lesquels ils vivaient.


    - Je préférerais utiliser Raphael-san, dit Rentarou.


    - Quoi donc ? fit le jeune français en émergeant de ses pensées.


    - Par rapport à ce que tu m'as dit, j'aimerais t'appeler Raphael-san. Je me sens mieux vis à vis de notre différence d'âge ainsi.


    En y réfléchissant, Rentarou songea qu'il pourrait appeler toutes les personnes de ses fréquentations avec l'honorifique san. Même au sein de sa bande. Seiichi, le plus âgé, avait vingt-trois mois de différence avec lui et les deux plus jeunes avant lui, treize mois.


    Là dessus, les deux adolescents cessèrent de parler et se concentrèrent sur leurs exercices.


    Pendant que Rentarou concentrait ses efforts sur le tennis, ses amis se réunissaient à la bibliothèque pour revoir leurs lacunes. Cependant ils commencèrent à craindre de se faire limoger à cause de Tyro qui récitait à haute voix ses leçons, les yeux fermés.


    - C'est le 28 Juin 1914 que se déclenche le début des hostilités de la Grande Guerre. Par l'assassinat de l'archiduc d'Autriche et le jeu des alliances des pays européens, tout le continent entre en guerre en moins de deux mois.


    - Tyro, moins fort, soupira Kou pour la énième fois. On va vraiment se faire virer !


    Depuis le temps qu'il fréquentait les bibliothèques, Seiichi ne se souvenait pas s'être assis à une table et être observé par tous les étudiants travaillant, ou essayant de travailler, autour de lui. Si son meilleur ami s'était assis à sa droite et non en face, l'adolescent aux cheveux ébènes lui aurait donné une claque derrière la tête depuis longtemps pour l'obliger à revoir le contenu de ses leçons en silence.


    - Quand je glande, vous râlez que je ne fais rien, se plaignit Tyro. Et quand je bosse sur mes cours, vous râlez encore car je travaille ! Vous ne savez pas ce que vous voulez !


    Levant finalement la tête du traité sur la minéralogie qu'il lisait pour perfectionner ses connaissances pour l'examen de Biologie, Seiichi regarda son ami et se sentit prêt à se mettre debout pour lui décocher cette fameuse claque.


    - Décidément tu ne sais pas passer inaperçu, Tyro !


    Boudeur, le concerné se tourna légèrement vers Yoko.


    - Je travaille ! J'étudie pour mes examens qui ont lieu Mercredi !


    - Eh bien, siffla t-elle moqueuse. On va avoir des tonnes de neiges sur Tokyo !


    Ne prêtant pas attention aux allusions ironiques et vexantes de sa condisciple, le jeune homme se replongea dans ses cours d'Histoire et entreprit de réciter les étapes principales de la Grande Guerre. Yoko n'ajouta pas de commentaire à ce sujet. Cependant elle lorgna la table occupée par les quatre lycéens et celle d'à côté totalement envahie par Shintarou et ses ouvrages.


    - On peut dire que vous savez occuper le terrain, constata-elle en souriant. Et Rentarou-kun se sert d'une troisième table ? Ou de deux tables d'un coup ?


    - Rentarou-kun ne révise pas, bougonna Takaishi en émergeant de ses multiples fiches du cours de Littérature. Il s'entraine au tennis pendant qu'on se tue à retenir tout ça !


    - Tu as tort, réfuta Seiichi. Rentarou révise plus que tu le crois. Il remonte de son entrainement vers vingt et une heure. Il mange le diner que je lui ait rapporté puis étudie jusqu'au moins deux heures du matin.


    - Tu es très informé, s'étonna Kou. Je pensais qu'il y avait un couvre-feu établi à minuit.


    - Je sors souvent après, avoua le jeune ninja. Je vais vérifier si Rentarou a mangé. Également s'il s'est endormi sur son bureau, j'en profite pour éteindre la lumière et jeter une couverture sur lui.


    - Tu agis comme sa mère ou une petite amie alors, pouffa Kou.


    - Pas du tout, répliqua Seiichi avec fermeté et sérieux. Je pense qu'il est parfaitement naturel d'agir de cette manière. Rentarou se dévoue chaque jour à se soucier du bien-être des autres, même s'il n'y a pas de lien avec lui. Il est donc juste de s'occuper du sien.


    - C'est une pensée très sage, reconnut Takaishi impressionné.


    - Je suis d'accord, approuva Yoko.


    Sur ce, personne n'eut le temps de rien ajouter d'autre. Brusquement, Tyro se redressa, le visage courroucé, et exprima son agacement.


    - Est-ce que vous voulez bien arrêter de parler ? On est dans une bibliothèque ! On est là pour étudier pour les examens ! Si ça ne vous intéresse pas, sortez donc dehors !


    - Calme, Tyro. Ne te fâche pour si peu, tempéra Takaishi.


    - Je ne me fâche pas ! C'est juste que les examens sont une période importante de l'année et il ne faut surtout pas se louper !


    - Tu as beaucoup mûri ces derniers temps, dit Yoko en posant un regard étonné sur Tyro.


    - Évidemment ! J'ai pas envie d'aller au rattrapage ! C'est trop nul et trop stressant !


    Ses camarades le félicitèrent pour ce sérieux dans son travail que leur camarade venait d'acquérir. Seul Seiichi ne lui adressa ni de compliment ni de petite moquerie dont il avait le secret. Le jeune ninja se contenta de fixer en silence son meilleur ami. Ses beaux yeux bleus océan pétillèrent de malice en songeant à la véritable raison de la motivation de Tyro à la réussite de ses examens.


    Le premier jour des examens de fin de ce second trimestre arriva finalement. Ce matin-là, Rentarou se leva très tôt mais n'alla pas à sa pratique matinale qu'il s'imposait de lui-même. Le lycéen géant resta allongé sur son lit, encore en pyjama, les bras croisés sous sa tête, et repassa de mémoire les différents points abordés en cours. Satisfait de tout savoir, l'adolescent partit prendre sa douche, rejoignant ainsi Seiichi et Shintarou, puis déjeuna en compagnie de ses amis.


    A sept heures, l'ensemble des étudiants en première année se rassembla dans l'auditorium, comme ils l'avaient déjà fait en Juillet pour les examens du premier trimestre. Obéissant au classement par ordre alphabétique, Rentarou rejoignit sa place dans le fond de la salle.


    Durant toute la matinée, les élèves planchèrent sur les sujets, des QCM avec une centaine de questions, comme toujours. En Mathématiques, Hashimoto leur avait donné sans grande surprise des inéquations. Ensuite Noda, pour le Japonais, posait des questions sur tout ce qui avait été abordé depuis le début d'année. Parfois, certaines questions faisaient même appel à des connaissances abordées au collège ou à des lectures personnelles. Aizawa avait préparé quelque chose de très gratiné. Elle avait fourni cinq documents à étudier, de longueur inégale, et posait des questions sur chaque sans préciser à quel texte cela faisait allusion. Enfin Tanaka avait évidemment contribué à deux sujets. En Histoire, il s'était centré sur la période allant de 1850 à 1930 pour l'ensemble du monde. Par contre, en Géographie, l'enseignant avait posé des questions sur tous les points abordés lors de ses cours.


    Rentarou s'en était tiré sans éprouver la moindre difficulté. En utilisant les facultés de sa mémoire prodigieuse, il avait achevé en moins de seize minutes les sujets de Japonais, Histoire et Géographie. L'adolescent s'était considérablement ennuyé durant le reste du temps qui le sépara de l'examen suivant.


    Pour les Mathématiques, le jeune homme avait pris un peu plus de temps. Au brouillon, il avait rapidement fait les calculs avant de cocher la bonne réponse. Toutefois, ses capacités lui permirent de finir vingt-cinq minutes avant la durée permise. Par contre, le lycéen géant avait employé toutes les minutes et secondes disponibles pour l'Anglais. D'abord, il avait consacré vingt minutes à lire avec attention les textes et à en retenir les idées principales puis avait répondu aux différentes questions en faisant attention de ne pas se tromper de document. Cela avait très dur mais il avait réussi à toutes les compléter dans le délais imposé.


    Quand tous les examens pour les cours obligatoires furent enfin finis, treize heures sonnèrent. Les étudiants furent alors autorisés à bénéficier d'une demie-heure de répit pour manger. Toutefois, il ne leur fut pas permis de quitter la salle d'examen. Les cantinières passèrent entre les rangs et distribuèrent à chacun une portion de riz. Ils mangèrent en silence. Les seuls bruits entendus fut celui des mâchoires d'une centaine d'adolescents et des baguettes déposées sur la table une fois le repas consommé.


    Rentarou n'aima pas du tout ce procédé et préféra de loin manger en compagnie de ses amis dans la petite salle de Droit ou au réfectoire. C'était beaucoup sympathique et agréable. Ils pouvaient bavarder, rire, plaisanter … En cet instant, il mesura combien il avait changé.


    Un an plus tôt, Yushima devait se battre avec lui pour le faire accepter de manger à table avec Nobu et lui. Autrement, il voulait emmener son repas dans sa chambre et l'avaler en étudiant.


    A cette époque, il ne supportait pas du tout les discussions, les rires et les plaisanteries. Cela lui procurait un étrange sentiment en évoquant mentalement ses souvenirs. Il n'arrivait pas à mettre un mot dessus. Il s'agissait d'un mélange de nostalgie et d'étonnement. Cela faisait toujours étrange de regarder en arrière et de contempler ce qu'était son existence. Parfois, cela donnait de bonnes surprises. Parfois, cela amenait une légère déprime.


    Rentarou passait entre ses deux écueil. Pour lui, le passé ne comptait pas. Certes, il demeurait un élément important, voir fondamental. Sans son passé, on ne pouvait pas construire son avenir. Il fallait avoir conscience de l'endroit d'où l'on venait et comment on avait fait pour arriver jusqu'ici afin de continuer dans la direction que l'on souhaitait prendre. Cependant il ne fallait pas non plus rester éternellement fixé dessus. Le passé était écrit et il n'y avait aucune possibilité à le changer. Par contre, l'avenir demeurait une page encore blanche prête à se remplir avec l'encre des innombrables expériences que l'on était prêt à faire.

     

    Après cette pause beaucoup trop courte au goûts des étudiants, la salle se vida. La moitié des participants s'en alla. Les deux heures qui suivirent furent consacrées aux examens de Biologie et de Physique-Chimie. Tsukiyo avait donné un sujet sur la minéralogie. Celui-ci était très difficile car il nécessitait d'avoir fait les recherches qu'elle leur demandait de faire à côté de ses cours et ne portait que très peu sur le contenu même de ses cours. Quant à Masami, il avait concocté toutes sortes de questions sans le moindre lien entre elles sur toutes les expériences faites depuis le début de l'année. En faisant appel à sa mémoire, Rentarou remplit les deux questionnaires en treize minutes.


    A la fin de ces deux heures, le lycéen géant quitta enfin la pièce pour la première fois depuis qu'il y ait été entré. Ses jambes ankylosées lui firent terriblement mal en se relevant. Il dut marcher lentement quelques minutes le temps de permettre à sa circulation sanguine de se rétablir normalement.


    En attendant de retourner là-bas, Rentarou passa son temps libre avec Seiichi et Shintarou. Assis sur les hautes et longues de l'escalier du batiment administratif, ils discutèrent de leurs impressions sur leurs épreuves. Seiichi avoua s'en être bien sorti, sauf évidemment avec la Physique-Chimie. Il était aussi très hésitant avec les Mathématiques. Malgré le fait d'avoir réussi à faire les différents calculs aux inéquations posées, il n'était pas certain du résultat. Seul Shintarou garda le moral au beau fixe. Il leur répéta que les jeux étaient faits maintenant et cela ne servait à rien de se préoccuper avant d'obtenir leurs notes.


    Quand l'examen de Littérature s'acheva, Rentarou revint à nouveau dans l'auditorium. Il ne resta plus que vingt-huit lycéens. C'était le nombre d'élèves en première année suivant le cours d'Economie. Le sujet donné portait seulement sur les connaissances acquises en cours. Cela consista essentiellement à donner les noms de termes spécifiques, ceux d'auteurs ou d'expliquer certaines théories. Rentarou répondit très facilement en moins d'un quart d'heure.


    A l'heure suivante, la moitié des lycéens présents se retira. Pour l'examen de Sciences Sociales, il leur fut demandé de donner des noms de sociologues et de répondre à des points abordés en cours. Pour Rentarou, cela parut beaucoup trop facile. Enfin arriva le dernier examen de la journée et celui qu'il attendait le plus : le Droit.


    Contrairement aux autres matières, et même l'autre qu'enseignait aussi le professeur Yamaguchi, le professeur ne donnait jamais de QCM. Sur la feuille d'examen se trouvait plusieurs articles sur une affaire criminelle ou financière. Il était alors demandé de donner son avis sur l'affaire en question en argumentant précisément et d'énumérer les sanctions possibles. Empli de passion pour de tels sujets, Rentarou lut très attentivement les articles, réfléchit et rédigea son argumentaire en une dizaine de pages.


    En quittant l'auditorium, il se pressa de traverser le couloir du rez-de-chaussée, à moitié éclairé, ainsi que la cour totalement déserte pour se rendre au bâtiment de vie scolaire. Une fois la porte franchie, le lycéen géant se réjouit de voir les lumières dans le couloir et alla rapidement au réfectoire où il attendit patiemment pour recevoir un bol de riz, une omelette et une soupe miso puis chercha ses amis. L'adolescent les repéra au fond de la pièce. Cependant une surprise l'attendait alors : ils avaient invité Yoko. Ses camarades ne l'avaient pas non plus oublié ni remplacé. Une cinquième table, vide, était collée à celles de son meilleur ami et de la jeune fille. Il posa son plateau dessus et s'assit.


    - Rentarou-kun, dit Yoko en l'apercevant la première. Tes examens se sont bien passés ?


    - Oui, tout s'est bien passé. D'ailleurs là je sors de Droit ! Le sujet était génial. Ca parlait d'une affaire qui s'est passé dans un village où …


    - Cela ne nous intéresse pas, le coupa sèchement Seiichi.


    Rappelé ainsi à l'ordre, l'adolescent aux lunettes sombres s'excusa. Dès qu'il apportait ce genre de sujet, le jeune homme devenait intarissable et difficile de l'arrêter. Malheureusement, ce genre de conversations n'était pas du goût du commun des mortels.


    - Et toi, Yoko-chan, ça a été ?


    - J'ai vérifié tout à l'heure mes réponses, répondit-elle. A part en Maths, je devrais avoir tout bon.
    - J'en suis très heureux, s'exclama t-il.


    - A présent, c'est génial, dit joyeusement Shintarou. Puisque nous avons fini les examens, on a quatre jours de week-end ! En plus, on n'a pas devoirs !


    - Tu peux éviter de le rappeler ? lança Takaishi bougon. Kou-kun et moi avons Informatique Vendredi matin et Calligraphie demain matin !


    - Moi aussi il m'en reste encore aussi, ajouta Yoko plus amicale que le jeune homme à casquette. Mais ceux sont les plus passionnants.


    - Qu'est-ce que tu as encore à passer, Yoko-chan ? s'enquit le rouquin curieux.


    - Toutes mes options de langues. D'abord le Français, Espagnol, Allemand et enfin Latin.


    - C'est étrange, s'intrigua Seiichi. Les cours d'Allemand et de Français ont lieu à la même heure. De plus, tu ne peux pas suivre ceux d'Espagnol puisqu'ils ont lieu pendant celui de Littérature.


    - Tu es très renseigné, constata Yoko surprise.


    - Seiichi sait tout ce qui se passe dans le bahut, dit Rentarou en reposant ses baguettes.


    - Et comment tu fais ? demanda t-elle avec curiosité.


    - C'est la spécialité d'un ninja de récolter des informations, non ? Depuis des siècles.


    L'adolescent aux cheveux ébènes eut un regard espiègle qu'il décocha à son meilleur ami.


    - C'est pour cette raison qu'ils sont meilleurs que les samouraïs.


    - En attendant, Yoko-chan devait nous répondre, dit précipitamment Shintarou qui n'avait pas envie de réentendre une énième fois le débat des samouraïs et des ninjas. N'est-ce pas, Yoko-chan ? Comment fais-tu pour suivre ces cours de langue ?


    - C'est simple. Je ne vais qu'à celui d'Allemand.


    - Mais comment tu peux passer des examens sans suivre les cours ? s'exclama Takaishi.


    - J'ai appris à parler anglais, français et espagnol au cours de mon enfance. Depuis que je suis petite, ma mère me parle en d'autres langues. C'est comme un jeu. Elle me dit une phrase en anglais et je réponds en espagnol.


    - C'est très intelligent, dit Seiichi. Les langues se mémorisent beaucoup plus facilement quand elles sont apprises très jeunes. C'est un excellent moyen pour être bilingue ou trilingue.


    - C'est amusant comme pratique, ajouta Shintarou.


    Reprenant ses baguettes pour avaler le reste de son riz, Rentarou ne dit rien. Il ne voulait vexer personne en donnant son opinion mais désapprouvait totalement cette méthode d'éducation. Pour lui, l'enfance était synonyme d'innocence et d'insouciance. Cette période passait tellement vite que l'adolescent estimait indispensable de laisser un enfant jouer autant qu'il le souhaitait. Un enfant était un adulte en devenir, pas un petit adulte. Il avait largement le temps d'apprendre plus tard à se comporter comme tel, d'en acquérir les savoirs et d'intérioriser les responsabilités.


    - Que feriez-vous alors demain et après-demain ? demanda subitement Takaishi.


    - D'abord dormir le plus tard possible, déclara jovialement Shintarou. Ensuite je regarderais une série à moi ou jouerais à un jeu !


    - Et toi, Seiichi-kun ? s'informa Yoko.


    - Je vais certainement partir à l'aventure quelque part dans cette ville à la recherche de matériel.


    L'adolescent aux cheveux ébènes avait formulé cette réponse, une main posée contre sa tempe droite, légèrement rêveur, un petit sourire illuminant son visage pâle.


    - Qu'est-ce que ça veut dire ? s'enquit Shintarou en fronçant ses épais sourcils roux.


    - Il va marcher en ville, au hasard, observer autour de lui et voir ce qu'il y a quelque chose qui l'intéresse et pour le dessiner.


    Repoussant son bol de riz, Rentarou s'apprêta à avaler son omelette quand il avait entendu ce nouveau sujet de conversation. Le lycéen géant connaissait la signification de la réponse syllabine de son meilleur ami et avait réussi à apprendre de lui que celui-ci se passionnait pour le dessin.

     

    Le jeune ninja adorait reproduire sur son carnet de croquis les paysages de sa contemplation qui produisait une forte impression sur son être. Son camarade lui avait montré à de très rares occasions certaines esquisses de son travail. Celles dont il se sentait le plus fier. L'adolescent aux lunettes sombres avait été stupéfié par la magnificence de ces oeuvres. Chacune était d'un réalisme à couper le souffle. La finesse des traits le surprenait également. Il avait l'impression que son ami n'appuyait pas sur l'ustensile lui permettant de les tracer.


    - Tu dessines, Seiichi-kun ?


    - Qu'as-tu l'intention de faire, Rentarou ? enchaina Seiichi immédiatement pour ne pas répondre à la question de la jeune fille en face de lui.


    - Je vais m'entrainer, évidemment, répondit-il en comprenant l'attitude de son ami. Puisque j'ai quatre jours libre sans devoirs, je dois en profiter.


    - Pourquoi t'entraines-tu si intensément ? Il n'y a pourtant pas de match prévu avant le 26 Février.


    - Il y a malheureusement un match auquel je dois participer et surtout absolument remporter à la rentrée, dit le lycéen géant.


    Baissant la tête, Rentarou pensa qu'il ne devait pas ajouter d'information supplémentaire à la vice-présidente du conseil des étudiants. Après tout, la jeune fille était réputée pour ne pas tenir compte des problèmes des clubs sportifs. Elle les laissait les gérer eux-mêmes. Il n'avait pas envie de se fâcher encore avec Yoko. Tous deux l'avaient suffisamment fait tout le long de l'année.


    Cependant cette opinion ne fut pas partagée par Seiichi. Celui-ci exposa en détails leur situation au club de tennis. A la fin du récit, Yoko se mit en colère :


    - Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé ? Ce genre de choses me concerne directement !


    - Tu ne t'occupes pas des clubs sportifs, rappela Rentarou.


    - Je ne m'investis pas dans leur vie tant que leurs affaires se règlent normalement ! Cependant un tel abus de pouvoir relève de mes compétences !


    - De toute manière, tu n'auras pas pu faire grand chose, intervint Shintarou.


    - Si vous étiez venus me parler tout ça dès que vous l'aviez appris en Septembre, j'aurais au moins été informé. J'en aurais informé le proviseur. Il est possible que nous n'ayons pas eu de solutions mais nous aurions cherché. De plus, en sachant cela, le proviseur n'aurait pas accepté de conserver Kurata dans son lycée même en échange d'argent. A présent, il est certainement trop tard pour qu'il puisse se dédire.


    - Tu veux dire que si tu avais su tout ça, on aurait juste à supporter Kurata-buchou jusqu'à la fin de cette année ? réalisa Takaishi dépité.


    - Moi, je ne le regrette pas, annonça Rentarou avec fermeté.


    Surpris, ses camarades se retournèrent. Ils le remarquèrent avec un regard très dur avec lequel aucun n'était habitué.


    - Dans les deux cas, nous aurions du supporter Kurata jusqu'à la fin de cette année. Cependant je ne peux pas attendre jusque là en restant sans rien faire. Le voir chaque jour en sachant ce que je sais m'est insupportable. Je veux régler les comptes avec lui le plus vite possible. De plus, avoir des regrets ne sert à rien. Puisque nous avons déjà pris une décision, même si à l'éclairage d'aujourd'hui elle paraît mauvaise, c'est fait et on ne peut plus revenir dessus. Il ne reste donc qu'à continuer ce qu'on a commencé jusqu'à atteindre son but.


    Le discours de Rentarou apaisa les tensions et frustrations naissantes. Shintarou s'enflamma en affirmant que si les Sanonis échouaient à battre Kurata, lui réussirait. Ses amis avaient alors ri de cette fanfaronnade. Seule Yoko était restée étrangement silencieuse, les yeux constamment fixés sur ce curieux adolescent, impressionnée de voir comment il avait su rendre sa dynamique au groupe.


    Pendant les deux jours suivants, les examens se poursuivirent. Tyro exulta tellement fort en sortant le Vendredi matin de son dernier qu'il sauta dans les couloirs. Cependant Onita l'aperçut à ce moment et se chargea de faire disparaître immédiatement sa bonne humeur en le nommant à la corvée de déblayage de la neige pour la journée. Le soir, la petite bande fit une petite fête pour marquer la fin des examens à la maison de Tyro. La mère du garçon avait accepté d'inviter six adolescents, en plus de sa nombreuse famille, et les avait substanté d'un festin savoureux. Au cours de week-end, la chose que la bande entreprit fut de se rendre chez Raphael pour s'entrainer.


    Le Lundi matin, les lycéens s'étaient précipités très tôt à leur établissement scolaire. Ils se réunissaient autour du bâtiment administratif afin de connaître enfin les résultats de leurs examens. Malheureusement ils apprirent que ceux-ci seraient seulement communiqués à partir du dernier cours de la journée.


    - C'est vraiment pas juste, se plaignit Tyro. Je me suis levé tôt pour rien !


    - Au moins, tu ne seras pas en retard pour une fois, se moqua Takaishi.


    Rentarou, Seiichi et Shintarou n'osèrent rien dire mais pouffèrent de rire à cette remarque. Entendre une telle phrase de la bouche du jeune fan de baseball, c'était vraiment l'hôpital se moquant de la charité. Le lycéen à casquette se levait toujours très tard le matin, à la dernière limite du service du petit-déjeuner. Certains jours, il devait s'acheter quelque chose au distributeur à cause de ses réveils tardifs.


    - Il faudra revenir dès qu'on sortira de cours, conclut Kou.


    - Non, il faudra attendre une heure, le contredit Seiichi. Nous sortons à 15h30. Or, les élèves qui suivent l'option Dessin finissent une heure après. Il est bien spécifié que les résultats seront disponibles à la fin de la journée de cours.


    - Comme toujours, tu es vraiment bien renseigné, s'exclama Tyro.


    - Et les clubs ont été suspendu pour les deux semaines avant les vacances, soupira Takaishi. Que ferons-nous pendant cette heure ?


    - Bah ! Tu peux compter sur Hashimoto-sensei pour nous filer des exos de Maths et pareil pour Noda-sensei, répliqua Rentarou. Alors on pourra aller bosser dessus à la bibliothèque. De cette manière, on sera libre ce soir.

     

    Sur ce, la bande se sépara. Le trio de la 1D et Tyro monta au second étage. Cependant ils se séparèrent en atteignant le palier. Le jeune homme aux multiples piques devait se rendre à la salle de Géographie tandis que les autres allaient à celle de Japonais. Quant aux trois derniers, ils se dirigeaient au troisième étage pour assister à un cours du professeur Hashimoto.


    Jusqu'à l'heure du déjeuner, il se passa rien d'exceptionnel. Ils se retrouvèrent comme chaque midi dans la salle de Droit pour partager leur repas. Kou avait ramené des côtes de porc avec des légumes et Tyro du riz. Raphael rapportait toujours une tarte que lui faisait une des cuisinières de l'ambassade. Également Shintarou avait apporté quelque chose lui aussi. Il avait reçu un gâteau à la framboise, son fruit et son parfum préféré, de ses parents ce week-end, et en distribua une part à ses amis bien qu'il soit très gourmand au sujet des pâtisseries. Le repas se déroula dans la bonne humeur et la conviviabilité.


    - C'était délicieux, dit Tyro repu.


    - Et quand on pense qu'au début, on se nourrissait de sandwiches, songea Shintarou.


    Les deux adolescents s'étaient écroulés au sol suite à ce copieux déjeuner. Leurs camarades se reposaient encore un peu avant de se décider à nettoyer. Soudain on frappa à la porte. Seiichi invita la personne à entrer. Yoko s'introduisit alors dans la pièce et s'accroupit pour s'asseoir avec eux.


    - Yoko-chan, que viens-tu faire ici ? demanda Tyro en se redressant.


    - Depuis la semaine dernière, j'ai procédé à des vérifications et cherché des solutions suite à ce que vous m'aviez dit.


    - On t'a dit quelque chose ? s'étonna Kou.


    - Seiichi-kun lui a raconté nos problèmes au club, lui révéla Takaishi.


    - Vous auriez pu nous le dire, leur reprocha Tyro.


    - Comme je m'en doutais, il n'y a plus rien à faire, reprit rapidement Yoko. J'ai vérifié les informations que vous m'aviez donné puis j'en ai touché un mot au proviseur. Malheureusement lors de son accord avec le père de Kurata, celui-ci lui a fait signé un contrat lui interdisant de revenir sur cette décision sauf en cas de faute grave.


    - C'est pas très neuf tout ça, répliqua Rentarou.


    - Donc il faut que Kurata-buchou avoue tout pour le faire virer, ajouta Tyro. Par conséquent, il faut le battre impérativement !


    Baissant la tête légèrement, Yoko s'excusa de ne pas avoir su les aider davantage et quitta la pièce. Celle-ci partit se réfugier derrière le bâtiment administratif. Assise sur les marches, elle contempla la splendide étendue de neige qui recouvrait le sol et les arbres couverts de givre au loin. Pensive, la jeune fille voyait ce paysage sans le voir réellement.


    - Yoko-chan ?


    Ainsi interpelée, la jeune fille sortit momentanément de ses pensées. La jeune fille tourna la tête et aperçut une massive silhouette s'avancer vers elle malgré la couche de neige et s'asseoir à ses côtés. l'adolescente la reconnut sans difficulté.


    - Que fais-tu là ? Tu n'es plus avec tes amis ?


    - Quand une amie ne se sent pas bien, je vais vers elle pour la réconforter, dit Rentarou.


    - Je vais bien, mentit Yoko avec conviction.


    - Tu mens, lui sourit Rentarou. Quand tu es venue tout à l'heure, tu baissais souvent la tête. En temps normal, tu regardes toujours ton interlocuteur dans les yeux.


    - Tu as suivi des cours avec Seiichi-kun ? ironisa t-elle.


    - Il m'a un peu aidé, c'est vrai concéda t-il. Alors qu'est-ce que tu as ?


    - Je me sens inutile. Je travaille au secretariat en pensant servir aux autres. Je crois les aider. Mais en vérité, je ne fais rien du tout. Tout me craint ou se moque de moi. Je ne sers à rien du tout. Je ne peux même pas aider mes amis. Je vais tout arrêter et me concentrer sur mes études. Au moins, ça sert à quelque chose.


    - Moi, je pense que le travail que fait Yoko-chan est vraiment très utile.


    - Tu es sérieux ? fit-elle, déprimée.


    - Évidemment. Même si tu es très sévère, tu fais toujours ce qui est juste, qu'importe ce qu'il en coûte. Je trouve ça génial et admirable. Au final, je pense que les autres élèves te respectent même si souvent ça les fait chier d'obéir aux règles.


    - Tu es gentil, Rentarou-kun, murmura Yoko en esquissant un léger sourire.


    Sans s'en rendre compte, la jeune fille laissa son corps se reposer contre l'imposante épaule de son compagnon. Celui-ci ne dit rien mais apprécia de sentir la chaleur de son corps contre le sien. Ils restèrent un long moment ainsi. Yoko se détendit ne pensant plus rien. Ses yeux s'étaient fermés depuis longtemps. Quant à Rentarou, son esprit évita de penser car cette promiscuité avec la fille dont il était amoureux lui procurait toutes sortes de pensées folles ou étranges.


    Malheureusement, les lois de la nature dirigeant ce monde étaient implacables. Pour tout commencement d'une action, il existait sa fin. Celle de ce doux instant se produisit quand la sonnerie des cours retentit. Immédiatement, les deux adolescents se dressèrent sur leurs jambes, paniqués, abandonnant rapidement leurs rêveries.


    - Merde ! On va être en retard, jura la jeune fille.


    Pour permettre à son compagnon de gagner du temps, Yoko permit à Rentarou de passer par le bâtiment administratif. Ils traversèrent ensemble la cour et le rez-de-chaussée pour aller prendre en vitesse leurs affaires dans la salle des casiers. Avant de se séparer, le lycéen géant s'adressa une dernière fois à elle.


    - Yoko-chan, on se voit quand on finit les cours pour aller voir les résultats ?


    - Comme tu veux, accepta t-elle en lui souriant.


    Sur ce, ils partirent enfin chacun de leur côté. Rentarou s'empressa de monter jusqu'au troisième étage pour rejoindre la salle de Biologie. Il ne souvint pas avoir monté un escalier si vite de toute sa vie. Le jeune homme frappa à la porte, entra quand on le lui dit et s'excusa aussitôt au milieu de ses halètements en s'inclinant du buste :


    - Je suis désolé d'être en retard, Tsukiyo-sensei !


    - Ce serait plutôt pour ton absence, corrigea t-elle en lui souriant comme elle le faisait toujours.


    - Comment ça ? Je ne comprends, avoua Rentarou en se redressant.


    - Il est 14h42, Rentarou-kun, indiqua l'enseignante. Tu es sur que ça va ?


    Contrairement à ses collègues, la jeune femme appartenaient à la très rare catégorie d'enseignants japonais à appeler leurs élèves par leur prénom. En l'occurrence, le lycéen géant n'en connaissait qu'un seul adoptant la même philosophie : le professeur Yamaguchi.


    Actuellement, Rentarou était cent mille lieues de penser à un tel détail. En réalisant la véritable heure, son esprit comprenait qu'il avait plus de vingt minutes de retard au cours auquel il ne fallait pas être en retard. Il décampa rapidement, redescendit au second étage, alla jusqu'à la salle d'Histoire et frappa. Le professeur Tanaka vint lui ouvrir, un léger rictus aux lèvres.


    - On dirait que nous avons du retard, Satsuma, constata t-il avec austérité.


    - Je suis désolé, Tanaka-sensei. Je me suis trompé de cours.


    - Vous connaissez la sanction pour ceux qui causent des troubles lors de mes cours, n'est-ce pas ?


    - Oui, murmura t-il en réprimant le sentiment d'horreur le mieux qu'il put.


    - Eh bien, je vous laisse là, mon jeune ami, conclut l'enseignant.


    Sur ce, il referma la porte de la salle de classe. Rentarou soupira bruyamment. Il ne méritait pas une telle humiliation mais n'avait malheureusement pas d'autre choix que de la subir. Le dos droit et tourné à la porte de la salle d'Histoire, le lycéen géant plaça ses mains derrière la tête.


    En théorie, une telle punition était réservée aux enfants de l'école élémentaire. Leur institutrice les laissait attendre de cette manière dans le couloir devant la classe pour leur apprendre à ne pas reproduire une bêtise commise. Mais il était un lycéen maintenant ! Il avait passé l'âge de subir un châtiment aussi injuste ! Cependant Tanaka l'appréciait particulièrement cette sanction. Il ne donnait jamais de retenue ou de devoirs supplémentaire quand l'un d'eux perturbait son cours. Le sadique professeur se contentait de lui demander de rester debout dans le couloir dans cette inconfortable position.


    Du point de vue d'un élève, il s'agissait d'une infâme et ignoble torture indigne de figurer dans un lycée si renommé. Néanmoins d'un point de vue adulte, il fallait reconnaître que la méthode présentait bien des avantages. Le professeur Tanaka était une personne très intelligente et avait demandé que ses salles d'Histoire et de Géographie soient au milieu de l'étage pour l'utiliser. Ses cours débordant d'un minimum de dix minutes, l'élève puni se retrouvait à côtoyer des condisciples qui n'hésitaient jamais à se moquer de lui et à répandre la rumeur. Même si personne ne lui disait rien, pour l'élève, voir les autres le regarder dans une position si peu avantageuse se révélait déjà extrêmement dur et pénible. Pour cette simple raison, les cours d'Histoire et Géographie, malgré leur ennui soporifique, étaient suivis par tous les étudiants, y compris les plus dissipés.


    Lorsque la sonnerie salvatrice retentit enfin, Rentarou resta encore quinze minutes à faire le piquet. Il dut supporter de voir les autres élèves passer de près de lui en riant. Quand la porte derrière lui s'ouvrit, le lycéen géant soupira de soulagement et s'écarta de quelques mètres tandis que ses deux amis arrivèrent vers lui.


    - Qu'est-ce qui t'es arrivé, Rentarou ? demanda Seiichi inquiet.


    - Rien du tout, mentit-il. Je me suis entrainé et j'ai oublié l'heure.


    En son for intérieur, le lycéen géant pria pour que son meilleur ami ne devine pas son mensonge. Il n'avait pas envie de raconter le moment vécu avec Yoko. Il avait envie que ce soit son secret pour toujours.


    - Vraiment, rit Shintarou en laissant ses bras retomber le long de son corps. Tu es pire encore que Tyro, Rentarou !


    - Allons à la bibliothèque, décida Seiichi. Les autres vont nous attendre.


    - A la bibliothèque ? répéta Rentarou hagard. On ne va pas voir nos résultats ?


    - Rentarou, soupira le rouquin. Tu as oublié qu'on avait à attendre une heure après la fin de nos cours avant d'aller les consulter !


    - Ah oui ! Alors j'ai un truc à faire, s'exclama t-il avec embarras.


    - Ah ? De quoi s'agit-il ? s'enquit Seiichi soucieux.


    - C'est personnel, éluda le lycéen géant se sentant de moins en moins à l'aise.


    - Personnel ? répéta le jeune ninja en arquant un sourcil très fort. Que veux-tu dire ?


    - Eh bien, personnel veut dire personnel. Ca ne concerne pas tout le monde.


    Très gêné, Rentarou se dépêcha de s'éloigner. Par ailleurs, ses joues n'avaient cessé de rougir progressivement au fil de la conversation ce qui ne manquait pas d'échapper à ses amis. Ceux-ci décidèrent de le suivre d'un commun accord sans perdre de temps. Ils montèrent à l'étage supérieur et se dirigèrent vers la salle de classe de leur professeur titulaire.


    - Il va voir sans doute Hashimoto-sensei, suggéra Shintarou.


    Dans le flux des élèves sortant de cours se trouvaient ceux de la classe de 1B qui quittaient juste la salle de Mathématiques. Parmi eux, il y avait Tyro qui s'étonna de les voir là.


    - Vous aviez peur que je ne trouve pas la bibliothèque ? se moqua celui-ci.


    - En fait, nous suivons Rentarou qui agit étrangement, révéla Seiichi.


    - Ah ? Mais tu sais bien que Rentarou est toujours étrange, rigola Tyro.


    - Seiichi, ça va t'intéresser ça, s'écria Shintarou.


    Le rouquin montra à ses deux amis Rentarou qui s'avançait en direction de Yoko. Celle-ci venait juste de franchir le seuil de la salle où sa classe venait d'avoir cours. Très intéressé, Seiichi se tut et observa avec une vigilance accrue cette scène inattendue.


    - Yoko-chan, je t'ai proposé d'aller ensemble voir les résultats des examens. Cependant je viens de me rappeler qu'il fallait attendre une heure avant de les obtenir.


    - Je le sais déjà, affirma t-elle. Tu es venu juste me dire ça ?


    Les joues de Rentarou avaient reprises une teinte normale le temps de monter au troisième étage mais elles redevinrent vite colorées dès le début de cette discussion.


    - Non. Je voulais te demander si tu voulais m'accompagner à la bibliothèque. Je comptais faire mes devoirs en attendant d'aller voir les résultats.


    - C'est une activité qui me correspond bien, répondit-elle. Je veux bien venir avec toi.


    Derrière eux, à un mètre, se trouvaient deux adolescents figés par la stupeur que leur procurait une telle scène. A leurs côtés, Shintarou ne cessait de rire aux larmes de leurs réactions.


    - Tu crois qu'ils sortent déjà ensemble, Seiichi ? fit Tyro.


    - Si c'est le cas, je suis très impressionné par Rentarou, avoua Seiichi. Je ne l'ai pas vu venir un pareil coup.


    Au même moment, une jeune métisse blonde intervint de l'autre côté, près de Yoko.


    - Yoko-chan, tu aurais pu me prévénir que tu avais un nouveau copain !


    - Ce n'est pas mon copain, réfuta Yoko en se tournant vers sa meilleure amie. Rentarou-kun et moi sommes seulement des amis.


    - Il est très rouge ton ami, minauda Mari très amusée.


    - Je ne suis pas rouge du tout, se défendit Rentarou dont le visage était totalement cramoisi.


    - Finalement ce n'était qu'une fausse impression, soupira Seiichi. Il n'a pas progressé d'un pouce.


    - Il va vraiment falloir intervenir, Seiichi, se plaignit Tyro. Ca crève les yeux sincèrement que Rentarou peut avouer ses sentiments à Yoko-chan maintenant !


    - Ne t'inquiète pas. J'ai déjà mis au point un plan pour la rentrée pour l'obliger à se déclarer enfin à sa belle, lui avoua Seiichi.


    - Je peux savoir ? le pressa Tyro curieux.


    - Absolument pas, refusa Seiichi dont les yeux bleus océan pétillèrent de malice. C'est mon secret.


    Pendant que Tyro bouda son ami suite à cette réflexion, Yoko réussit à faire admettre à sa meilleure amie qu'il n'y avait que de l'amitié existant entre Rentarou et elle. Celle-ci ne fut qu'à moitié convaincue mais laissa temporairement l'affaire passer. Après cela, ils renoncèrent au projet de faire leurs devoirs à la bibliothèque. Il ne leur resta que vingt minutes à consacrer à cette tâche avant d'aller lire leurs résultats aux examens. A la place, les adolescents allèrent acheter des canettes de café, thé ou chocolat chaud et les burent dans la salle de détente.


    Quand l'heure fatidique arriva finalement, ils se levèrent et sortirent dans la cour. Le groupe laissa les élèves les plus pressés passer avant de s'avancer. Rentarou et Yoko marchèrent ensemble vers la liste la plus à gauche.


    - Tu es prêt ? demanda Yoko en dissimulant son anxiété comme elle le put.


    Rentarou répondit positivement. Ensemble, ils regardèrent les noms des deux premiers de la liste. Comme lors des examens du premier trimestre, Rentarou était premier avec 98% et Yoko seconde avec 96%.


    - Désolé, compatit Rentarou.


    - Ce n'est rien, murmura t-elle. J'ai essayé autant que j'ai pu. Au moins, j'ai réussi à ne perdre contre personne d'autre.


    Posant à nouveau les yeux sur son score, elle ajouta avec plus de combativité :


    - Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Je vais tout faire pour te dépasser au troisième trimestre et si je n'y arrive pas, ce sera lors de nos deux prochaines années !


    - J'ai hâte d'y être, lui sourit-il. Mada mada dane.


    - Excusez-moi mais je veux lire mes résultats, réclama Shintarou.


    Après que Rentarou et Yoko se furent écartés, le rouquin s'avança et lut son score. Un large sourire illumina son visage et il laissa éclater un cri de victoire.


    - Super ! J'ai obtenu 94% Je suis quatrième !


    - Seiichi ! Tyro ! Vous avez eu de bons résultats ? s'informa Rentarou en apercevant ses deux amis revenir vers lui.


    - J'ai obtenu 79%, soupira Seiichi. Je suis sûr que Masami-sensei m'a donné d'horribles notes avec son contrôle continu qui compte pour moitié dans la note de son examen !


    - Tu parles ! Avec le coup que tu as fait, il ne doit pas t'aimer, lança Tyro.


    - Et toi Tyro, tu as réussi ? demanda Yoko.


    - J'ai obtenu 83% révéla t-il avec fierté.


    - Ce qui tend à prouver l'existence d'un Dieu qui a été touché par l'existence de Tyro.


    - Tu m'énerves, s'agaça le jeune tennisman.


    - Moi, j'ai eu 82%, Yoko-chan, s'exclama Mari en revenant vers sa meilleure amie.


    - Félicitations, Mari-chan, la congratula sa meilleure amie.


    - Kou ! Taka-chan ! appela Shintarou. Vous avez réussi ?


    - J'ai eu 63%, avoua Kou en soupirant. J'ai encore eu chaud.


    - Et moi, 69%, ajouta Takaishi avec triomphe. Cela veut dire qu'on a tous réussi nos examens !


    - C'est génial, s'enthousiasma le petit rouquin.


    - Que diriez-vous d'aller fêter ça tous ensemble au karaoké ? proposa Kou.


    - En plus, avec les rattrapages prévu Jeudi et Vendredi, les cours sont annulés pour toute la semaine alors nous sommes en vacances, réalisa Tyro. Trop cool !


    - Yoko-chan, allons-y avec eux, insista Mari.


    - Si cela te fait plaisir, je veux bien, accepta Yoko.


    - Grâce à ça, on pourra même entendre la voix du meilleur joueur de tennis de l'école quand il chante en plus, renchérit Mari avec amusement.


    - NOOOOON !!!!


    Spontanément, le cri avait jailli de la poitrine de cinq des adolescents. Le dernier détourna son regard n'aimant pas évoquer ce genre de sujets.


    - Qu'est-ce qui vous arrive ? s'intrigua Yoko.


    - C'est que Rentarou … , commença Kou sans savoir comment s'expliquer.


    - Il chante comme une casserole ! résuma simplement Tyro en riant.


    - Tu ne vas pas d'ennuyer alors dans un karaoké ? s'inquiéta Yoko en se tournant vers le lycéen géant.


    - Il y a des avantages, rétorqua Rentarou en lui souriant. Par exemple, avaler la nourriture commandée pendant que tout le monde chante !


    Dans cette bonne humeur ambiante, le groupe partit donc ensemble pour célébrer leur réussite aux examens trimestriels et le début de vacances d'hiver.

     

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