• Chapitre 57

    Chapitre 57


    - Pourquoi ? répèta Kurata en fronçant ses sourcils. A quoi joues-tu, Satsuma ?


    La main serrée sur le grip de sa raquette, Rentarou fixa intensément le jeune homme en face de lui et ajouta :


    - Je veux savoir pourquoi tu te comportes ainsi, Kurata. Je veux comprendre pourquoi tu as besoin de répandre le mal autour de toi. Explique-moi.


    - Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il en laissant, avec indifférence et fatalisme, ses bras retomber le long de son corps.


    En constatant qu'il se montrait si froid et sans regret de ses actes, Rentarou s'énerva :


    - Tu n'as donc pas honte ? Toutes ces personnes que tu as obligé à te suivre ! Pourquoi fais-tu ça ?Les troisièmes années ne t'avaient rien demandé ! Tu te sers d'eux pour arriver à tes fins !


    Kurata laissa échapper une légère exclamation de surprise.


    - Oh ! Tu parles de ça, fit-il avec nonchalance.


    - Ne dis pas ça ! Ceux sont des êtres humains comme toi ! Des personnes avec des rêves et un avenir que tu souilles avec tes sales manigances ! Alors explique-moi pourquoi tu fais ça !


    - La vie est une bataille, Satsuma, déclara Kurata. Pour gagner, il faut faire des sacrifices.


    - Sacrifices ? s'indigna t-il. Alors dans ce lycée, tu penses que nous sommes juste de simples pions que tu peux manipuler à ta guise, c'est bien ça ?


    - Exactement, approuva t-il dans un soupir d'ennui.


    - C'est une horrible pensée.


    - La vie n'a pas la moindre valeur à mes yeux, déclara Kurata en baissant un instant son regard. Pas même la mienne. Alors je profite des rares bonnes choses qu'elle peut apporter et j'essaie de supporter les mauvaises en utilisant ce que j'ai à ma disposition.


    Rentarou était en colère d'entendre un tel système de raisonnement. Néanmoins, il se calma afin de mieux comprendre son interlocuteur. Le lycéen géant essaya de se mettre à sa place et de ressentir ses émotions en utilisant les mots que celui-ci lui disait. l'adolescent sentit alors une forte oppression dans sa poitrine. Il éprouva alors de la tristesse et de la compassion pour le jeune homme aux cheveux de corbeau.


    Baissant la tête, il murmura :


    - Buchou


    - Arrête de m'appeler comme ça, riposta t-il furieusement. De ta bouche, c'est hypocrite.


    Rentarou enchaina d'une voix pleine de conviction :


    - Je t'adore !


    Malgré l'immense surprise éprouvée, Tyro ne put s'empêcher de faire ce commentaire :


    - Tu as vu, Yoko-chan ? Il te trompe avec un homme !


    Pour toute récompense, il reçut une claque derrière la tête de la part de Seiichi et une forte bourrade du coude de Yoko dans les côtes.


    - Je t'aimais vraiment. Tu étais la personne la plus cool et géniale que je n'avais jamais rencontré. Je t'admirais et je voulais toujours te montrer que j'étais digne de ta confiance.


    Eberlué, Kurata ne sut pas prononcer un mot. En dix-huit années de vie, il n'avait jamais entendu des paroles réconfortantes. Finalement, le jeune homme se mit à rire comme un dément ne sachant pas contrôler les émotions ressenties en un tel instant.


    - Ridicule … J'ai toujours traité mal tout le monde .. Tu ne peux pas me trouver bien …


    - Ce n'est pas vrai, réfuta Rentarou. Lorsque j'ai découvert le club, tu étais sévère, c'est vrai, mais j'ai toujours pensé que c'était normal, qu'importe ce que mes amis disaient sur toi. La vie en société demande des règles. Pour les respecter, il faut être strict avec les gens dont on a la charge. Autrement, ils se relâchent et c'est le début de l'anarchie.


    - Tu es vraiment sincère ? bégaya t-il. Tu penses vraiment que je suis un bon buchou ?


    - Jusqu'à ce que je découvres que tu utilisais tout ce que tu avais comme influence pour pièger et commander les autres, je le pensais sincèrement. Je te regardais toujours et cela me rassurait de te voir gérer les problèmes et prendre les décisions.


    Rentarou cessa alors son ton compatissant et dit sévèrement :


    - C'est pourquoi c'est impardonnable ce que tu as fais. En tant que buchou, tu dois inspirer les autres et les mener sur le bon chemin en les poussant à donner le meilleur d'eux-mêmes. Tu ne dois pas profiter du pouvoir pour toi tout seul.


    - Le pouvoir est la seule chose que je veux, rétorqua vivement Kurata en élèvant la voix. C'est la seule et unique chose qui te maintient en vie le plus longtemps !


    En entendant ces paroles, Rentarou crut sentir son coeur s'arrêter. Ce discours, il l'avait pensé et proclamé à maintes reprises quelques années plus tôt.


    - Tu as tort, murmura t-il. Le pouvoir n'apporte rien.


    - Tu n'en sais rien ! Tu es juste un gamin pauvre et naif ! Tu ne sais rien de la vie !


    - Je connais bien mieux ce sujet que toi ! Parce que je suis un ancien délinquant !


    Rentarou venait de révéler ce secret dont il avait le plus honte sans s'en rendre compte. Des murmures d'étonnement et de stupéfaction se firent entendre autour du court. Kurata lui-même parut abasourdi.


    - La noirceur du monde je la connais très bien ! J'avais huit ans quand je me suis retrouvé tout seul pour vivre. J'ai utilisé toute la haine et la colère que j'avais pour survivre. J'ai détesté tout le monde. Je voulais vivre le plus longtemps et le mieux qui soit. J'étais sans le moindre scrupule. Je volais tout ce dont j'avais envie. Quand on me cherchait, je dérouillais. Je me battais comme un chien enragé et j'avais recours à tous les coups. Et quand j'étais généreux, avec les enfants des rues petits et faibles, c'était par intérêt. En les aidant à se nourrir et à les protéger, j'obtenais leur allégeance, ils me rapportaient un tas d'informations sur la police, les bandes rivales et d'autres trucs.


    Kurata avait écouté sans rien dire la longue tirade de l'adolescent mais paraissait peu enclin à croire ce récit. Ce portrait ne ressemblait en rien au Satsuma Rentarou que tout le lycée connaissait.


    - Ce ne sont que des fadaises. Tu dis ça pour m'apitoyer.


    - Je dis la vérité. D'ailleurs, si écoutes les bruits qui circulent au lycée, je ne mens jamais.


    - Alors comment peux-tu être ici ? Si tu as été tel que tu as décrit, tu ne peux pas être là !


    - J'ai changé, Kurata, dit simplement Rentarou.


    - Les gens ne changent jamais, affirma t-il avec fermeté. On ne peut pas changer sa nature


    Très calme, Rentarou remonta ses lunettes sur son nez et ajouta :


    - Laisse-moi te raconter la suite de mon histoire. Comme je t'ai dit, j'étais devenu une personne peu fréquentable, horrible je peux dire. Cependant un jour, quelqu'un est venu à moi. C'était un policier. Je pensais qu'il allait m'arrêter. J'étais prêt à me battre et à l'humilier. Mais il n'a rien fait. Il s'est assis sur un banc et m'a parlé. Il est ensuite reparti aussi tranquillement qu'il était venu. J'ai fait le dur en prétendant ne pas comprendre mais cela a fini par me faire réfléchir à mes actes. J'ai réalisé que je n'avais pas beaucoup d'avenir à me comporter comme un petit voyou. Je repensais alors aux enseignements que me disait toujours ma mère et j'ai commencé à me sentir mal. J'ai finalement décidé de revenir sur un chemin où je pouvais avoir un vrai avenir. Un avenir pour lequel je pourrais être fier. Ce policier m'a aidé. Il m'a accueilli chez lui, il m'a nourri, pendant des mois. J'ai rattrapé tout mon retard scolaire. Souvent, j'ai connu le découragement, je m'énervais, mais il était là pour me calmer et me remettre à ma place.


    En se remémorant de ces souvenirs proches et qui pourtant semblait appartenir à une époque plus lointaine, Rentarou ne put s'empêcher d'éprouver un pincement au coeur en pensant à tous les efforts que son mentor avait fait pour lui.


    - A présent, vois ce que je suis devenu.


    - Je ne peux pas croire une telle histoire, protesta Kurata. On dirait un stupide conte de fées. La vie ne fonctionne pas comme ça.


    - Souviens-toi de ce que j'ai dit tout à l'heure : il n'y a rien d'impossible dans ce monde aussi longtemps que l'on croit en soi et en les choses que l'on désire obtenir. De n'importe quelle situation désespérée, aussi longtemps que tu n'abandonnes et donne tout ce que tu as, tu peux toujours tout faire pour t'en sortir. Mon histoire en est la preuve vivante.


    Il rouvrit les yeux et leva la tête vers son interlocuteur.


    - Kurata, je sais que tu peux changer, dit-il. J'ai réussi alors tu peux le faire. Si tu essaies, je croierai en toi et je te soutiendrai.


    Le jeune homme aux cheveux de corbeau lui répondit d'un ton empli d'agressivité et de mépris.


    - Je ne veux pas changer. Je me sens bien comme je suis et je veux rester ainsi.


    - Non, tu n'es pas bien, riposta t-il. Tu es seul.


    - Je ne suis pas seul, rétorqua t-il avec condescendance. Il y a toujours de nombreuses personnes qui m'entourent et acceptent de me rendre service.


    Seiichi se décida à intervenir :


    - C'est comme mettre une pièce dans un distributeur, tu obtiens une canette mais tu n'obtiens seulement une canette. Les relations entre les humains ne se font pas ainsi. Tu dois donner de ta personne pour mériter le respect et la confiance des personnes et obtenir leur dévouement.


    En écoutant le petit discours de son meilleur ami, Rentarou se gratta la joue avec un embarras. Il regretta quelque peu que son camarade puisse adorer placer des paraboles dans ses explications.


    - Pour résumer ce que Seiichi dit, les gens qui t'entourent sont là parce que tu imposes leur présence. Tu les fais chanter pour leur service et sont obligés de te servir. Cependant en silence, ils te détestent et te méprisent. Ils n'attendent qu'une chose : que tu les libères.


    - Cela me convient parfaitement, assura d'une voix sereine. Grâce à ce système, je peux obtenir un gage de fidélité des gens. Eux, je sais qu'ils ne me trahiront pas.


    Rentarou baissa la tête. Il n'arrivait toujours pas à trouver un argument suffisament percutant pour convaincre Kurata de mieux se comporter avec les gens.


    - Je vais d'ailleurs te prouver la fidélité de mon entourage, déclara Kurata en passant sa main derrière sa nuque pour replacer correctement ses cheveux.


    - Comment ça ? s'enquit Satsuma en plissant le front.


    - Eh bien, je vais informer le proviseur que vous vous battiez dans l'enceinte du club. Comme vous n'écoutiez plus, j'ai du appeler mes amis de troisième année pour vous séparer. Tu vois, Satsuma, avec le pouvoir, on se sort de n'importe quelle situation.


    Rageur, Rentarou lâcha sa raquette qui tomba brutalement à terre et serra ses poings. Il essaya d'imaginer un moyen pour empêcher Kurata de mettre ce plan à éxécution mais ne le trouva point.


    - Comme j'avais prévu, je gagne la partie, annonça t-il avec panache.


    - Tu te trompes, cria Shintarou. Je possède la preuve qui annulera ton témoignage !


    Intrigué, le jeune homme aux cheveux de corbeau se retourna vers le petit rouquin.


    - Tu as dans tes mains cette preuve, ajouta t-il avec une sévérité qui ne lui ressemblait pas.


    - De quoi parles-tu, Shin ? demanda Tyro.


    - Il doit être en train de délirer, supposa Kurata avec sarcasme.


    - Kurata, cette raquette que tu tiens dans tes mains, qui l'a déjà touché ?


    - Est-ce que tu pourrais arrêter, Shin ? répliqua Seiichi agacé. Nous sommes dans une situation sérieuse. Ce n'est pas l'heure des devinettes !


    Le visage sérieux du jeune rouquin exprima un léger sourire.


    - Répondez simplement à cette question.


    - Soit, soupira Raphael en maudissant l'entêtement de son ami. Kurata ne laisse jamais personne toucher à sa raquette. Même Uegami, son meilleur ami, n'est pas autorisé à la prendre.


    - Merci de cette précision, sourit narquoisement Shintarou. A présent, Kurata, peux-tu examiner le cadre de ta raquette, s'il te plait ?


    Levant les yeux au ciel, Kurata pensa que ce gosse souffrait d'un déséquilibre mental. Toutefois, certain que ce gamin inventait pour se donner le beau rôle, cela lui plut d'obéir pour montrer ensuite à ses amis son erreur. Il retourna donc sa raquette et passa sa main le long du cadre. Ses doigts finirent par toucher une étrange substance en train de sécher. Sa main lâcha aussitôt son grip.


    - Qu'est-ce que du sang fait là ? s'écria t-il paniqué.


    A cet instant, Shintarou défit l'épais pansement qu'il portait sur le visage.


    - Tu ne souviens pas de m'avoir attaqué ?


    Les yeux rivés sur le jeune adolescent, Kurata ne put se détacher de son visage. Le rouquin présentait une épaisse balafre allant de son front au coin de l'oeil gauche. La blessure saignait encore.


    - Tu ne peux plus nier avoir participer à l'affrontement, dit Shintarou avec fermeté. Avec cette preuve, le proviseur nous croiera pour tout ce que nous raconterons.


    - Shintarou ! cria brusquement Raphael.


    Le jeune rouquin se retourna lentement. Il ne voulait pas voir le visage inquiet et énervé de son ami.
    - Pourquoi tu as fait ça, Shintarou ? Tu aurais dû aller directement à l'infirmerie ! Tu risques de perdre définitivement ton oeil ! Tu te rends compte ?


    Shintarou comprenait ses inquiètudes et les partageait. Il baissa la tête et répondit à voix basse :
    - Je le sais très bien mais je ne pouvais pas partir. Je ne pouvais pas laisser mes amis affronter seuls Kurata. Je voulais participer moi aussi et vous soutenir.


    - Tu es vraiment un idiot, marmonna Raphael avec désolation.

     

    Au même moment, à l'intérieur du court, Kurata tomba à genoux, désespéré. Le corps secoué de spasmes, il riait comme un dément en laissant échapper des bribes de mots.


    - J'ai perdu … une manière aussi bête … Je perds à cause d'un gamin … Je prévois toujours tout … Et je perds …


    En entendant ce genre de propos, le sang de Rentarou ne fit qu'un tour. Il traversa le terrain, enjamba le filet et se saisit de Kurata par le haut de son polo et le souleva de terre.


    - C'est tout l'effet que ça te fait ? Tu as blessé quelqu'un et tu t'inquiètes toujours pour toi ! rugit-il. N'as-tu pas honte de faire preuve d'un égoïsme pareil ?


    Effrayé, Kurata avait totalement perdu de sa superbe et tremblait de tous ses membres comme un enfant qui avait peur la nuit du monstre sous son lit. Il n'avait jamais expérimenté de situation aussi dangereuse. La poigne et la colère de Rentarou le terrifièrent.


    - Tu n'es qu'un lâche, Kurata !


    Dégoûté par le comportement aussi abject de cet être, il le lâcha brutalement au sol puis ramassa la clé du court qui était tombée au même instant et sortit accompagné de Takaishi.


    En passant la porte, ses amis l'entourèrent ainsi que tous les premières années. Il ignora les commentaires de tout le monde et se tourna vers Shintarou en posant sa main sur son épaule.


    - Shin, tu aurais pu nous le dire tout à l'heure, lui reprocha t-il avec tristesse. Je comprends tes sentiments de vouloir nous aider mais tu vas devoir supporter cet handicap maintenant toute ta vie.


    - Je suis désolé, murmura t-il, mais je ne pouvais pas réfléchir correctement. Je voulais que Kurata paie. Je voulais être là pour le voir.


    Soudain un garçon aux cheveux bruns à qui Rentarou n'avait jamais adressé la parole l'interpela :
    - Satsuma-buchou, que devons-nous faire à présent ?


    - Satsuma-buchou ? répèta t-il avec surprise.


    Amusé, Tyro lui donna une claque dans le dos et expliqua :


    - Kurata a dit que l'enjeu de ce match était le poste de buchou. Bien que tu n'ais pas fini ce match, je crois que tout le monde ici a envie que tu sois le nouveau buchou, Rentarou-buchou.


    Rentarou se sentit mal à l'aise par cette nouvelle. Il n'avait jamais souhaité diriger le club et des personnes. Néanmoins, si celles-ci plaçaient leur confiance en lui, il ferait tout pour ne pas décevoir leurs attentes.


    - Eh bien, il y a beaucoup de choses à régler, Namikawa-kun, reprit-il en se tournant vers le garçon qui lui avait adressé la parole.


    - Tu connais mon nom ? s'étonna le garçon.


    - C'est naturel de connaître le nom des personnes qui fréquentent le même club que moi.


    Endossant ses nouvelles responsabilités, Rentarou évalua les dégâts survenus au club durant la bataille et surtout estima les blessures de ses camarades. A part celles de ses amis, aucun n'en présentait de sérieuses.


    - Pendant que les kamikazes iront à l'infirmerie, vous remettrez en ordre le club, décida t-il. Je vous donnerais aussi les premiers soins en attendant que vous puissiez voir Haruko-sensei.


    - Quand tu parles de kamikazes, tu fais référence à tes amis ? fit Seiichi réprobateur.


    - Ensuite Raphael-san, tu accompagneras Yoko-chan chez le proviseur, reprit-il. Je ne veux pas qu'elle soit avec Kurata toute seule.


    - Je peux très bien me défendre moi-même, marmonna la jeune fille boudeuse.


    La tête tournée vers le court où était encore agenouillé Kurata, Raphael dit :


    - Je peux le faire avancer avec des coups de pied ?


    - Non, l'interdit sévèrement Rentarou. Même si un criminel a commis le pire des actes, il doit être traité avec respect et dignité dans l'attente de son jugement.


    Raphael soupira et marcha pour entrer dans le court. Le français se demanda pourquoi il obéissait si facilement à Rentarou. Ce dernier avait trois ans de différence avec lui et était son plus grand rival. Pourtant l'adolescent ne pouvait s'empêcher d'être attiré par son être. Quelque chose ressortait d'inhabituel de sa personnalité.


    Rapidement, l'ensemble des premières années se mit au travail. Rentarou accompagna ensuite ses amis à l'infirmerie où il avait besoin de prendre des bandages et des baumes afin d'être capable de donner les premiers soins aux autres membres restés au club.


    Quand Haruko les fit paraître dans l'infirmerie, elle eut un choc. Il fallait dire qu'ils présentaient tous des blessures sérieuses. D'abord la balafre à l'oeil de Shintarou, le visage ensanglanté de Seiichi et les multiples contusions et plaies de Tyro. Seul Kou n'était guère amoché. Takaishi avait aussi accompagné ses amis mais ne souffrait d'aucun dommage. Sa souffrance était uniquement morale.


    - Mais que vous ait-il arrivé ?


    Ayant le plus d'intimité avec l'infirmière, Seiichi s'approcha d'elle et la prit dans ses bras, mettant du sang sur son immaculée blouse au passage, en souriant.


    - Calme-toi, Mama Haruko. Nous sommes en vie.


    Malgré toute l'affection qu'elle portait à son jeune protégé, la jeune femme resta fâchée et repoussa le garçon.


    - Je veux savoir ! Qu'avez-vous fait pour venir ici dans un tel état.


    Etant le narrateur le plus doué de la bande, Seiichi lui fit un récit détaillé des récents événements de cet après-midi. L'adolescent aux cheveux ébènes parla de la proposition de Kurata d'entrainer les premières années du club de tennis, décrivit ce qu'ils avaient découvert en sortant des vestiaires, rapporta l'affrontement auquel le jeune ninja avait pris part contre les élèves de troisièmes années, évoqua la fuite de Shintarou et sa blessure ce qui avait permis à Rentarou, Raphael et Yoko d'accourir sur les lieux de la bataille, raconta succinctement le match et termina par la conclusion de cette histoire.


    - Ce n'est pas possible d'avoir des idées pareilles, se lamenta la jeune femme.


    Pendant le récit que Seiichi venait de lui faire, elle avait examiné attentivement la blessure de Shintarou. L'infirmière la désinfecta aussi.


    - Je ne suis pas certaine que ton oeil puisse être sauvé, Shintarou-kun, avoua Haruko. Il faut consulter un ophtalmologiste tout de suite.


    - Je ne veux pas ! clama l'intérressé immédiatement.


    - Mais Shintarou-kun, il y a peut-être un espoir pour sauver ton oeil. Tu dois essayer.


    - Je sais. Les technologies qui permettent de soigner les yeux sont très dévellopées et on peut faire des miracles. Mais elles coûtent vraiment très chers. Je ne peux pas me permettre d'en bénéficier.


    - Voyons, Shintarou-kun, rit-elle. Tes parents t'aiment et ils paieront pour tu puisses aller mieux.


    - C'est justement ce que je veux éviter, dit-il dans un murmure.


    - Comment ça ?


    - Mon père dirige une clinique dans une région campagnarde et déserte d'Hokkaido à l'intérieur des terres. Il travaille dur pour s'occuper des gens malades. Pour les différents villages de cet endroit, sa clinique est une bénédiction. Mon père a besoin de son argent pour la faire fonctionner. Je refuse de profiter de l'argent qui sert à soigner des gens malades et qui ont vraiment besoin d'être soignés.


    - Mais toi aussi tu as besoin d'être soigné, objecta l'infirmière.


    - Moi, je peux vivre comme ça. Ces gens là-bas, sans l'aide de mon père, beaucoup seraient morts. Il intervient à n'importe moment et les sauve de la pneunomie, des conséquences d'une chute, d'un empoisonnement .. Et il a besoin d'argent pour continuer ce travail.


    Haruko contempla longuement et attentivement l'adolescent assis sur le lit devant elle. Elle n'avait encore jamais lu une telle détermination dans un regard. La jeune femme devina que son patient ne changerait pas d'avis, qu'importe les arguments utilisés. En tant que responsable de santé, l'infirmière ne pouvait pas l'accepter. C'était sa responsabilité et son leitmotiv de contribuer à l'amélioration de ses patients. Néanmoins, en tant que personne, elle admirait l'état d'esprit du jeune homme et sa détermination à vouloir respecter ses convictions.


    - Soit, soupira t-elle. Je vais soigner tes amis et laisser réfléchir à ta décision. Cependant nous aurons prochainement un long entretien sur le sujet.


    - Comme vous voulez mais je ne changerais toujours pas d'avis.


    Haruko passa ensuite à Seiichi. D'abord, elle nettoya tout le sang sur son beau visage pâle puis désinfecta la plaie ouverte à son arcade sourcilière. Ses mains bandèrent ensuite sa tête pour empêcher sa blessure de saigner davantage.

     

    ***

     

    Lorsque Rentarou revint au club de tennis en portant sous le bras le matériel médical emprunté à l'infirmerie, il fut agréablement surpris par le zèle de ses équipiers. Ceux-ci avaient déjà totalement débarrassé le sol des objets qui y étaient tombés au cours de la bataille. Les battes, qu'elles soient intactes ou brisées, avaient été ramené au club de base-ball. Les tâches de sang étaient presque toutes nettoyées. Un groupe de cinq ou six élèves s'était formé et, à quatre pattes, ils frottaient le sol. Un garçon particulièrement courageux avait pris l'initiative de se rendre dans les vestaires et de tout laver des douches jusqu'aux casiers. Jusqu'à présent, leur précédent buchou n'avait jamais jugé bon de leur confier cette tâche. Trois autres balayaient le sol devant et entre les courts avant de les laver. Le reste, soit sept personnes, avaient pénétré sur le court où s'était joué préalablement le match entre Rentarou et Kurata et ramassaient les balles afin d'aller les ranger dans le local de stockage.


    En apercevant Rentarou revenir, l'un des balayeurs cessa son travail et alla à sa rencontre, en tenant son balai dans sa main.


    - Satsuma-buchou, nous avons presque terminé.


    - C'est très bien, Katou-kun. Je vous félicite et vous remercie pour votre dur travail.


    Peu habitué d'entendre un compliment ou un remerciement, le dénommé Katou songea que Satsuma Rentarou inaugurait une nouvelle ère pour leur club de tennis. Et qui sait ? Peut-être même pour tout leur lycée.


    - A présent, pendant que vous terminez, je vais vous examiner un à un en attendant qu'Haruko-sensei puisse le faire, reprit-il. Veux-tu commencer ?


    - Tu n'es pas obligé faire. Nous n'avons rien d'important.


    - N'importe quelle blessure, même si elle est bénine, doit être traitée, déclara t-il fermement. A moins que tu ne préfères que j'ai recours à ma nouvelle autorité pour vous y obliger ?


    Katou rit. Il accepta ensuite de soumettre à l'examen. Rentarou s'installa sur un banc d'un court inoccupé afin de ne pas déranger le nettoyage de ses équipiers. Heureusement, comme on lui avait dit, il n'y avait guère de cas importants à déplorer. Le lycéen géant n'eut qu'à désinfecter des plaies et à poser un pansement dessus. Le nouveau buchou recommanda évidemment à chacun de se faire examiner avant de quitter le lycée, pour ceux qui étaient externes, ou d'aller diner, pour les internes, par l'infirmière scolaire.


    Une fois cette tâche achevée, il décida d'inspecter les différents locaux du club. Il n'avait pas spécialement envie de le faire mais s'en sentait obligé. Puisque ses équipiers travaillaient dur pour éxecuter ses ordres, il se devait de respecter leurs efforts et les féliciter pour leur labeur.


    En visitant le dernier bâtiment, le local où on rangeait le matériel, l'adolescent se sentit mal. Il posa la main sur sa poitrine et s'efforça de rester calme. Rentarou avait eu des alertes toute l'après-midi depuis qu'il avait appris ce qui se passait au club. Le jeune homme aux cheveux de jais avait résisté de son mieux pour ne pas flancher et s'écrouler. Il se devait d'être un roc. Tout le monde avait placé ses espoirs en lui pour vaincre Kurata. A présent, son rôle était d'être le buchou. Sa nouvelle position lui recommandait de se montrer être fort pour ses équipiers afin de les inspirer et de leur donner confiance.

     

    ***



    En sortant de l'infirmerie où ils avaient passé plus d'une pour leurs soins, la bande se dépêcha de sortir dans la cour. Shintarou aperçut le premier Raphael assis sur les marches du bâtiment administratif. Même avec un seul oeil, le second portait désormais un cache noir pour l'empêcher de s'abimer davantage, sa vision restait encore forte. Ils marchèrent jusqu'à lui et le français 'avança vers eux.


    - Haruko-sensei vous a enfin lâché ?


    - Oui, comme tu vois on est comme neufs, annonça Tyro.


    L'expression ne collait pas vraiment avec la réalité. Avec le bandage que Seiichi au front, les multiples pansements de Tyro au visage et la balafre de Shintarou qui dépassait de son cache, il était visible que leurs corps présentaient encore des dommages dus à leur combat.


    - Shintarou, ton oeil …


    - Arrête de t'inquièter comme ça, Raphael ! assèna le rouquin avec furie. On ne peut rien faire pour mon oeil, on le savait ! C'est tout !


    - Tu es vraiment sûr ? Haruko-sensei ne t'a pas encore envoyé chez …


    - Je t'ai dit de me lâcher !


    Devant la colère de leur ami aux cheveux roux, Seiichi passa ses bras autour de lui pour le calmer puis expliqua à Raphael pourquoi il refusait d'être soigné.


    - Si ce n'est que ça, je peux t'aider, annonça le jeune français en lui souriant.


    - Ah oui ? Tu es magicien ? Tu as le pouvoir de me guérir avec tes mains ? ironisa t-il.


    - Il me vole mon rôle, soupira Seiichi. Normalement, c'est à moi d'être sarcastique.


    - Ecoute, Shintarou, je peux demander à mes parents de payer pour tes soins. Tu sais très bien que ma mère ne me refuse rien. Pour une fois que ça peut être vraiment utile.


    - Imbécile ! cria t-il. Je ne veux de l'argent de personne !


    En colère, le petit rouquin se libèra vivement des bras de l'adolescent aux cheveux ébènes et décampa à toute vitesse.


    - Mais qu'est-ce que j'ai dit ? se lamenta Raphael. Je voulais l'aider !


    - Ce n'est pas de ta faute, exposa Seiichi en baissant le regard. Shin est très fier et il ne veut pas recevoir de l'aide des autres.


    - Comment tu sais ça ? s'enquit Tyro.


    - Shin et moi, nous nous ressemblons. Ce doit être une des raisons de nos disputes, je suppose. Et j'ai toujours cette fierté qui m'empêche d'accepter l'aide de mes amis.


    - C'est nul, s'exclama Kou. On ne peut pas rien faire pour l'aider à passer au-dessus de sa fierté ?


    - Je pense que seul Raphael-san peut faire cela. S'il se montre assez patient et compréhensif, il est possible qu'il ramène Shin à de meilleurs sentiments.


    - Et si on essayait déjà de lui rendre sa bonne humeur ? proposa Takaishi. Nous sommes tous tellement stressés et épuisés que ça nous ferait du bien de décompresser.


    - Tu veux faire une petite fête ? fit Kou.


    - Ca nous ferait du bien, ajouta le jeune fan de base-ball. On pourrait se réjouir d'avoir su venir à bout de Kurata. C'est vrai, quoi ! On n'arrête pas de se plaindre depuis le début de l'année de lui et à présent qu'on en est débarrassé, on broie du noir.


    Tyro pouffa de rire en entendant la proposition de leur camarade.


    - Rentarou ne voudra jamais. Il dira qu'il a agi pour le bien-être de tout le monde mais ce n'est pas une raison de fêter ce jour car il est triste à cause de la bataille qui s'est déroulée au club mais surtout il ne faut pas se réjouir de ce qui arrive à Kurata. Malgré le fait qu'il a commis des actes horribles et impardonnables, il reste un être humain et …


    Seiichi s'esclaffa à son tour de la parodie du jeune homme. D'ailleurs, son meilleur ami ci ne parvint pas à terminer tant il avait mal au ventre.


    - Vraiment, ces Sanonis … , soupira Kou avant de prendre un ton plus posé. Nous n'avons qu'à proposer à Rentarou de fêter sa victoire à son match et surtout les progrès qu'il a fait.


    - Cette fois, le motif passera, approuva Seiichi.


    - Il faut retrouver Shintarou auparavant, protesta Raphael.


    L'adolescent aux cheveux d'ébène haussa les épaules et arbora un air de lassitude.


    - Ce n'est pas difficile de retrouver un singe.


    - Mais il y a encore beaucoup de neige, objecta Kou. Il ne peut pas être grimpé à un arbre.


    - Tu oublies qu'il a grandi sur Hokkaido quasiment à l'état sauvage, lui rappela le jeune ninja. Pour lui, la neige de Tokyo est dérisoire.


    La bande se mit donc à la recherche d'un arbre où leur ami au poil roux pouvait s'être réfugié. En connaissant ses habitudes, ils décidèrent de tenter leur chance près de l'entrée du lycée. Bien qu'il n'y avait qu'un robuste chêne et deux cerisiers plantés de ce côté, le rouquin les appréciait beaucoup.
    Selon leurs attentes, le singe se trouvait dans le chêne, assis à la manière d'un oiseau sur une frêle branche. Ils stationnèrent sous l'arbre et Seiichi mit ses mains en porte-voix :


    - Shin ! Nous allons faire une petite fête pour Rentarou. Tu préfères rester là pour avaler des vers ou tu veux venir prendre des verres avec nous ?


    Stimulé par cette invitation, Shintarou oublia instantanément les raisons qui l'avaient poussé à se retrancher ici et sauta à terre. Il se rattrapa avec agilité sur ses pieds, accroupi, et se redressa aussitôt pour se mettre debout.


    - Il y aura à manger ? demanda t-il jovialement.


    - Tu ne penses vraiment qu'à manger, Shintarou, lui reprocha Raphael en soupirant.


    En apercevant le jeune français, les sourcils du rouquin se froncèrent. Il posa alors cette question :
    - Raphael, qu'est-ce qui va arriver à Kurata ?


    - Pourquoi me poses-tu cette question ?


    - Parce que je suppose qu'il va être viré du lycée. Je sais que c'est normal mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir de la peine pour lui. Il va avoir du mal à remonter la pente avec le fardeau qu'il devra désormais porter.


    - Et alors ? Il n'a que ce qu'il mérite, rétorqua Tyro agressif. Tu as vu ce qu'il t'a fait, non ?


    - Je le sais parfaitement. Mais je ne peux pas m'empêcher d'éprouver de la compassion pour lui. Je pense juste que ce serait mieux pour lui de l'aider à surmonter ses problèmes et à changer plutôt que de se contenter de l'exclure pour se débarrasser du problème.


    En entendant ce raisonnement, Seiichi sourit.


    - Rentarou doit penser la même chose que toi.


    N'appréciant pas les conflits, Raphael se décida à intervenir. Il n'avait envie de laisser les choses s'enveniminer. Après tout, le problème que soulevait Shintarou était récurrent et se trouvait être un vrai débat de société. Cependant le français n'aimait pas donner son avis dans ce genre de discussions. C'était le genre de choses qu'il fuyait continuellement.


    - Pour le moment, il n'y a rien d'établi, annonça Raphael. Le proviseur a été informé tout à l'heure de ce qui s'est passé au club de tennis aujourd'hui. Ensuite Matsuda m'a demandé de fournir un rapport précis et détaillé de toutes les actions que j'avais remarqué sur Kurata. Elle m'a aussi dit de transmettre cette demande à vous tous ainsi qu'à l'ensemble des membres du club.


    Il poussa à ce moment un profond soupir et ajouta avec dépit :


    - Je vais devoir écrire un roman pour raconter tout ce que je sais sur ce type !


    - C'est tout ? fit Tyro d'un ton plaintif. Ils vont seulement juger des faits d'après des rapports ?


    - Non. Parrallèlement, les professeurs vont interroger l'ensemble des élèves de troisième année, déterminer qui a subi des pressions et obtenir des preuves du chantage de Kurata sur eux.


    - Et pendant l'enquête que va devenir Kurata ? s'enquit Seiichi.


    - Il devra rester chez lui ou où il veut. En tous les cas, il n'a plus le droit de remettre les pieds au lycée à part décision contraire du proviseur.


    - Je suppose qu'on peut prendre ça pour de bonnes nouvelles, conclut Kou. Au moins, il ne viendra plus nous embêter.


    - Bon, à présent, on la fait cette fête ? demanda Takaishi impatient.


    - Oui, on va chercher du ravaitaillement d'abord, répondit Tyro. Ensuite, on ira attendre Rentarou dans sa chambre. Qu'importe où il est maintenant, il y reviendra bientôt.


    - Il y est peut-être déjà, suggèra Seiichi. Etant donné sa tenue actuelle, il doit certainement avoir très envie de se changer.


    - Tu crois ? s'étonna son meilleur ami.


    - Il a taillé dans son uniforme pour pouvoir jouer confortablement, il a transpiré dedans et l'a sali en tombant par terre, énumèra le jeune ninja. A sa place, je voudrais me changer. Pas toi ?


    Seiichi posa alors ses yeux sur la tenue de sport qui suintait l'odeur d'une forte transpiration. Il avait oublié que son ami possédait des notions d'hygiène très personnelles. Son camarade oubliait toujours de descendre son linge sale pour le donner à sa mère. Celui-ci pouvait restait trois à six semaines sans jamais voir la machine à laver mais ce n'était pas cela qui empêchait Tyro de les porter.


    - Excuse-moi, murmura t-il avec sarcasme. J'oubliais que ton cerveau fonctionnait différemment de celui du commun des mortels.


    Alors que Tyro bouda de la remarque, ses amis s'esclaffèrent. Ils avaient, malheureusement pour leur système olfactif, déjà tous constaté depuis longtemps l'horrible odeur qui émanait de l'adolescent à la coiffure aux multiples piques.


    - Je vais voler de la nourriture aux cuisines, décida Shintarou.


    - Mais ce n'est pas mieux d'acheter au distributeur ? fit Kou ennuyé.


    - Beurk, lâcha le rouquin.


    Sur ce, il quitta ses camarades en courant le plus possible. Ceux-ci s'éloignèrent aussi et retournèrent dans la cour. Kou insista pour acheter tout de même à manger et à boire dans les distributeurs. Personne ne lui fit de remarque. Raphael lui donna même de l'argent.


    Pendant que Kou et Takaishi se servaient, les autres patientaient près de l'entrée du bâtiment de vie scolaire. Tyro s'était accroupi, la tête posée sur une de ses cuisses et donnait l'impression de dormir. Raphael était adossé contre le mur et seul Seiichi demeurait parfaitement droit sur ses deux jambes.


    - Tu es très bavard aujourd'hui, Raphael-san, dit soudainement Seiichi.


    Surpris, le jeune français tourna la tête.


    - Je ne vois pas ce dont tu veux parler.


    - D'habitude, tu ne dis jamais un mot, à part si quelqu'un t'adresse la parole. Or, depuis ce midi, tu parles beaucoup même si tu n'as pas réellement besoin de parler.


    - On peut en dire pareil de toi aussi, Seiichi, répliqua Tyro sans bouger de sa position.


    - Moi ?


    - Ben oui. Normalement, tu te contentes d'écouter les autres, tu analyses ce qu'ils disent puis tu expliques seulement ce que tu as compris quand eux n'ont toujours pas compris.


    Seiichi resta silencieux. En y réfléchissant, son ami avait raison. Il fonctionnait toujours de cette manière. Le jeune ninja ne débutait jamais une conversation le premier. C'était peut-être à cause de cette infernale journée ? A moins que son comportement ne soit en train de changer peu à peu ...
    Lorsque Kou et Takaishi revinrent vers eux, les bras chargés de victuailles, Seiichi prit le sac à dos qu'il transportait toujours en dehors des cours et les aida à ranger dedans les provisions. Ils rentrèrent ensuite à l'intérieur et attendirent Shintarou dans la cage des escaliers qui permettait d'accèder à l'internat.


    - Ce n'est pas trop tôt, s'exclama Tyro en râlant quand le rouquin parut. J'ai failli m'endormir !


    - Désolé, désolé, s'excusa t-il, mais il y a un tas de monde aux cuisines. En plus, à cause de ça, je n'ai pas su prendre à manger.


    - Tu vois que tu aurais dû m'écouter, répliqua Kou moqueur en ébourriffant sa toison rousse.


    Les adolescents se relevèrent et montèrent avec hâte les escaliers. Au premier étage, les couloirs étaient encore dans le noir. En raison de sa terreur vis à vis de l'obscurité, Seiichi alluma le premier l'interrupteur dès qu'il atteignit le palier. Ils s'orientèrent vers la chambre de Rentarou qui était située au fond du dernier couloir.


    - C'est étrange, dit Seiichi en s'immobilisant.


    A cet instant, le groupe venait de tourner à un angle et se trouvait à quelques mètres de leur destination finale.


    - Qu'est-ce que tu as ? s'enquit Tyro soucieux des préssentiments de son ami.


    - La porte de Rentarou est ouverte.


    - Et alors ? fit Shintarou en haussant les épaules. La lumière aussi est ouverte. Ca veut dire qu'il est ici. C'est plutôt chouette puisqu'on vient le voir, non ?


    - Rentarou ne laisse jamais sa porte ouverte, répliqua Seiichi d'une voix forte pour éviter de trahir la peur qui lui nouait le ventre. C'est aussi étrange que de voir le parquet de la chambre de Tyro !


    - Merci de cette précision, marmonna l'intéressé.


    Anxieux, Seiichi n'hésita pas. Il utilisa sa capacité ninja à se déplacer vite et disparut pour réapparaitre dans la chambre de son meilleur ami. Son regard scruta tout autour de lui d'une grande attention et chercha son camarade.


    Rentarou était étendu sur le plancher, près de la commode, le bras droit tendu.


    Sans connaissance.

     

     

     

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