• Chapitre 58

    Chapitre 58


    Passé le choc que lui avait procuré la découverte du corps sans vie de son meilleur ami, Seiichi avait balayé rapidement son appréhension. De son calme naturel, quasiment glacial, il était allé rapporter la nouvelle à ses amis. Sans leur laisser le temps de la digérer, le jeune ninja avait organisé le transport du corps vers l'infirmerie.


    La tâche n'avait pas été aisée. Porter un individu qui mesurait un mètre quatre-vingt-deux centimètres et pesait soixante-quinze kilos compliquait bien les choses. Il leur fallut être à quatre pour parvenir à le soulever. Seiichi avait ouvert la marche pour s'assurer qu'ils ne seraient pas gênés et Tyro était resté en arrièr, en retrait de ses amis. Le passage le plus difficile était bien évidemment les escaliers. Cet étroit et minuscule espace ne permettait pas de circuler à plus de deux personnes en même temps. Par conséquent, dans la situation actuelle, cela devenait problématique. Après bien du mal, ils en étaient venus à bout.


    A présent, la bande attendait devant la porte de l'infirmerie. Il faisait nuit noire dehors et l'heure du diner était passée depuis longtemps. Aucun élève n'était présent au rez-de-chaussée. Tous étaient remontés dans leur chambre.


    Incapables de prononcer un seul mot, ils restaient prostrés dans le silence. Shintarou s'était assis en tailleur, la tête entre ses mains, et se lamentait. Raphael restait debout face à une fenêtre près du petit rouquin sans que ses yeux puissent apercevoir quelque chose à l'extérieur en raison de la noirceur de la nuit. Takaishi s'était agenouillé juste à côté de la porte de l'infirmerie et faisait passer une balle de base-ball entre ses paumes. A ses côtés, Kou se tenait sur ses deux jambes, le bras tendu et la main collée au mur comme s'il avait besoin d'un étai pour le soutenir. Enfin Seiichi conservait sa stature digne et fière. L'adolescent aux cheveux ébènes attendait devant la porte que sorte Haruko.


    - C'est pas juste, marmonna entre ses dents plusieurs fois Shintarou.


    Soudain le poing de Raphael frappa le mur devant lui.


    - Le prochain Vendredi 13, je reste couché !


    - Ce n'est qu'une superstition, Raphael-san, rappela Kou en se tournant vers le jeune français. C'est une coincidence que tout ça arrive aujourd'hui.


    - Je ne pense pas. Je pense vraiment que ce jour est maudit, répliqua t-il sombrement.


    - Ca n'existe pas les malédictions, la magie et tous les trucs surnaturels dans le monde réel, énonça Shintarou en redressant la tête.


    - Ma grand-mère est décédée le Vendredi 13 Octobre, révéla Raphael. Il y a neuf ans et demi, je trouvais son corps sans vie en rentrant de l'école. Aujourd'hui, c'est celui de Satsuma …


    Personne n'osait rien dire suite à cette déclaration. D'ailleurs, ils avaient tous l'impression d'être maudits. Après s'être sentis si bien d'être enfin libérés de Kurata, il leur fallait maintenant accuser cette nouvelle. Seiichi se tourna alors pour être vu par l'ensemble de ses camarades.


    - Rentarou n'est pas mort. Il est seulement inconscient. Je suis convaincu que tout ira bien pour lui. Ce doit être une simple crise d'hyperventilation qu'il a faite. Cela l'a épuisé et il s'est évanoui. Il reprendra bientôt connaissance.


    Seiichi ne croyait pas en un seul mot qu'il venait de prononcer. En réalité, le jeune homme ne cessait de s'inquiéter pour son meilleur ami. L'adolescent aux cheveux ébènes n'avait jamais vu celui-ci malade ou souffrant. Pour lui, Rentarou était un roc invulnérable. Cela lui procurait une étrange sensation de réaliser que son modèle était un humain comme les autres. Cependant le malheureux garçon ne voulait pas dévoiler cette inquiétude aux yeux de ses amis. Rentarou était fort et faisait tout pour rassurer tout le monde. Pour son ami, il devait rester aussi solide en résistant au chagrin et en continuant à diriger les autres.


    - Je vais aller chercher Tyro. Il y a un moment qu'il n'est plus avec nous.


    En réalité, Seiichi souhaitait surtout s'isoler de ses amis. Il ne supportait plus de voir et d'entendre leur tristesse et leur désolation. Pour conserver son rôle de modèle, le jeune homme devait reconstruire ses défenses.

    D'un pas rapide, il traversa le couloir et poussa la porte qui menait à l'internat. Le spectacle qui apparut derrière le stupéfia.


    Tyro, le troisième des Sanonis, était assis sur l'une des marches de l'escalier, et pleurait. Son visage ruisselait de larmes. Son nez et ses yeux étaient devenus si rouges que le garçon aux multiples piques semblait s'être subitement enrhumé.


    - Tyro … , murmura Seiichi en posant sa main sur l'épaule de son ami.


    - Seiichi … , dit Tyro en redressant la tête. Il a quoi Rentarou ?


    - Nous ne savons pas encore. L'infirmière l'examine toujours, répondit Seiichi.


    - Tu crois qu'il va mourir ?


    Tyro parlait d'une voix si timide et fluette que cela semblait impossible qu'elle puisse lui appartenir. Il pleura encore en reniflant. Malgré toute la compassion éprouvée à son égard, Seiichi s'emporta :


    - Ne dis pas de bêtises ! Rentarou ne peut pas mourir !


    - Nous ne voulons pas, corrigea Tyro en rebaissant sa tête, mais ce n'est pas nous qui dictons les règles de ce jeu-là, Seiichi.


    Affecté par cet argument, l'adolescent aux cheveux ébènes choisit de ne pas montrer son trouble. Au fond de lui, il avait toujours ressenti ce fait depuis la découverte de leur ami inconscient mais son esprit avait refusé d'envisager cette hypothèse. Seiichi ne voulait perdre ni Rentarou ni Tyro. Ils formaient un trio inséparable et il avait vraiment besoin d'eux. L'amitié qui les unissait tous les trois lui avait donné la force et le courage de se battre contre ses démons intérieurs.


    - Rentarou est très fort. Je suis certain qu'il vivra encore longtemps.


    - Moi, je pense que les Sanonis n'existeront plus bientôt, dit Tyro en reniflant.


    Seiichi n'arrivait pas à croire ce que ses yeux voyaient et ce que ses oreilles entendaient. Tyro, le garçon qui débordait toujours d'un enthousiasme débordant et d'un fol optimisme, avait déjà complètement perdu espoir.


    De sa main gauche, son ami se moucha puis frotta ses yeux rougis et se mit debout.


    - Seiichi, je vais te dire un truc, dit-il avec un grand sérieux, si Rentarou meurt, j'arrête tout.


    - Que veux-tu dire par tout ?


    - J'arrête définitivement le lycée et je commence dès maintenant une carrière pro.


    - Tyro ! cria Seiichi d'un ton de reproche. Tu ne dois pas prendre de décisions sur un coup de tête !


    - J'ai déjà réfléchi longuement au problème, répliqua t-il avec amertume. Je ne veux plus revivre de tels événements alors je continuerai sur le chemin que je veux vraiment suivre.


    Seiichi ne savait pas quoi dire pour réconforter son meilleur ami et le rassurer. En même temps, l'adolescent aux cheveux ébènes avait besoin de l'être lui aussi. Malheureusement, le jeune homme n'avait personne à qui se confier. Pour le bien de tout le monde, il ne pouvait pas dévoiler ses états d'âme.


    - Si nous allions déjà à l'infirmerie ? Attendons d'être fixé sur ce qu'a Rentarou.


    Lorsque les deux adolescents passèrent la porte, ils aperçurent qu'Haruko sur le seuil de l'infirmerie devant leurs camarades. Accélerant le pas, les deux compères les rejoignirent.
    - J'ai examiné attentivement Rentarou-kun, dit Haruko de sa voix douce et calme. Tout son corps est en bonne santé. Tous ses organes vitaux sont parfaitement fonctionnels. Ses réflexes sont toujours existant.


    - S'il est en si bonne santé que ça, pourquoi ne se réveille t-il pas ? fit Raphael avec sarcasme.


    - J'ai utilisé ce que je sais de Rentarou-kun pour le déterminer. Auparavant, j'ai besoin de vous poser des questions pour conforter mon diagnostic. Savez-vous combien de temps il dort par nuit ?


    - Il se couche vers trois heures du matin après avoir fini ses études et ses révisions. Il se réveille à cinq pour aller s'entrainer au tennis, rapporta Seiichi.


    Haruko ne put se retenir de lever ses yeux au ciel. Elle resta toutefois professionnelle et poursuivit :


    - Et tout à l'heure, il a joué un match contre Kurata, c'est cela ? Pouvez-vous me le décrire ?


    Encore une fois, Seiichi répondit. Il détailla le moindre élément du match.


    - Je pense comprendre ce qui s'est passé, dit soudainement Haruko.


    - Vraiment ? Dites-nous alors ! s'exclama Kou.


    - Je suppose que vous savez tous que Rentarou souffre du synchrome de l'hyperventilation, c'est à dire quand il a trop d'angoisse, de stress et de pression, il fait une crise où il a du mal à respirer et a la sensation de mourir d'étouffement.


    Les adolescents s'agacèrent de s'entendre rappeler des choses que tous connaissaient déjà mais ne protestèrent pas. Ils rongèrent en silence leur frein.


    - L'hyperventilation peut se déclencher dans des cas de fatigue ou d'efforts physiques intenses. En théorie, Rentarou-kun n'est pas affecté par ceci. Néanmoins avec ce que m'a dit Seiichi-kun, il a pu créer un terrain favorable qui ajouté à la pression subie aujourd'hui a déclenché une crise.


    - Mais il ne s'évanouit pas lors d'une crise, objecta Seiichi.


    - Je n'ai pas de réelle preuve mais je pense, et c'est certainement le cas, que son corps a réagi pour se protéger. A cause de la fatigue accumulée, il s'est plongé lui-même dans l'inconscience pour échapper aux douleurs.


    Haruko marqua une pause pour laisser son diagnostic s'imprimer correctement dans le cerveau des adolescents et poursuivit :


    - Le corps humain est une machine étonnante, bourrée de nombreux moyens de protection. Il arrive souvent d'être surpris par ce qu'il peut faire pour se défendre.


    - Il va se réveiller donc ? questionna Shintarou. Quand ?


    - Je n'en sais rien, répondit Haruko en secouant négativement la tête. Puisqu'il a perdu connaissance, c'est un coma. Au moins, il me paraît heureusement très léger puisque son corps répond à tous les stimulis et peut vivre sans assistance médicale. Malheureusement, il est impossible à dire quand il se réveillera. Toutefois, par mesure de précaution, je vais demander à ce qu'il passe des examens à l'hôpital. Si mon diagnostic est confirmé, il reviendra ici. Je lui referais passer ces examens toutes les semaines pour voir l'évolution de son état.


    L'infirmière savait que son jeune patient inconscient serait soigné aussi bien ici que dans un service de réanimation. De plus, la jeune femme savait que cela remonterait le moral des adolescents qui se tenaient devant sa porte si elle le gardait sous sa responsabilité. Sans compter qu'elle nourrissait une rancune tenace et une forte méfiance à l'égard des hôpitaux et de leurs médecins.


    - Vous n'êtes qu'une infirmière scolaire, s'exclama Raphael avec désapprobation. Vous n'êtes pas qualifiée pour vous occuper d'un cas si sérieux.


    Haruko éclata de rire en entendant la remarque du jeune français.


    - Il est vrai que je n'ai aucun diplôme reconnu pour travailler dans le domaine médical, avoua t-elle d'un mystérieux petit sourire en coin.


    - Quoi ? Mais comment pouvez-vous être infirmière alors ? s'étonna Kou.


    - Voyez-vous, les enfants, j'ai toujours rêvé d'être médecin depuis que je suis toute petite. J'ai étudié dur pour réaliser mon rêve. Je ne sortais jamais et je ne profitais pas des distractions de mon âge. En résultat, j'étais devenue une étudiante très brillante. A l'université puis à l'internat, je me distinguais toujours. Quand il a fallu choisir une voie de la médecine à laquelle me consacrer, je n'ai pas su choisir. Alors j'ai choisi d'étudier toutes les disciples que j'avais envie de suivre : la médecine généraliste, la cardiologie et la neurologie. Je voulais tout connaître de ces sujets pour aider le plus possible de malades.


    - Tu as du travailler des heures, Mama Haruko, s'exclama Seiichi impressionné.


    - Et vous n'êtes pas devenu docteur ? s'intrigua Shintarou en fronçant ses épais sourcils. Pourquoi n'être qu'infirmière avec toutes vos connaissances ?


    - Parce que je n'ai pas pu, Shintarou-kun, soupira t-elle.


    Elle marqua un temps d'arrêt en se souvenant de ce terrible moment qui avait brisé sa vie.


    - J'allais être diplômée dans moins de six mois. J'étais alors interne dans un grand hôpital de Tokyo. J'assistais un médecin dans un service de réanimation. J'ai entendu un jour des conversations des docteurs lors d'une réunion d'équipe. Ceux-ci disaient devant moi, sans s'en cacher, qu'il fallait débrancher les malades du service qui étaient là depuis plus six mois sans chercher à avoir l'accord de la famille ni savoir s'il y avait vraiment un moyen pour les soigner.


    Les poings de l'infirmière se serrèrent en se rappelant ce détestable souvenir.


    - J'ai voulu protester et dire que leurs procédés étaient honteux. Je les ait dénoncé auprès du directeur de l'hôpital. Celui-ci m'a alors répondu que c'était malheureusement une chose impossible à éviter et il fallait libérer des lits pour les patients suivants. J'étais scandalisée. Je les ait alors dénoncé auprès des services de santé. Il y a eut une enquête de faite et tous sont tombés. Cependant moi aussi. Avant d'être démis de ses fonctions, le directeur a écrit des lettres à ses relations et m'a fait interdire d'exercer la médecine et m'a rendu indigne de recevoir mon diplôme de médecin.
    - Mama Haruko …


    Dans un faible murmure, Seiichi se colla à cette femme, qu'il aimait davantage que sa propre mère, pour la réconforter.

     

    - Quels sales types, s'indigna Kou.


    - C'est une honte pour la médecine, s'exclama Shintarou avec sévérité. Les médecins ont pour principe de sauver et de prolonger la vie jusqu'au maximum qu'ils sont capables de faire ! Faire mourir un patient est une pensée impardonnable de la part d'un docteur !


    - Qu'avez-vous fait ensuite ? demanda Kou.


    - J'ai essayé de chercher du travail comme infirmière puisque j'avais des compétences médicales poussées. De plus, je ne savais faire que ça. Malheureusement, tout le monde se méfiait de moi car je n'étais pas diplômée et que des histoires louches circulaient sur mon renvoi. Plus personne ne faisait confiance …


    - Et comment vous avez trouvé cette place ? fit Takaishi.


    - Par hasard. Je faisais le tour toutes les écoles de Tokyo afin de voir si on cherchait une infirmière scolaire. Bien sur, on ne voulait pas de moi à cause de mon passé. En venant ici, je n'avais pas d'espoir. Je pensais être refusé comme toujours. Cependant le proviseur Tanishima est un grand homme, le meilleur de tous. Il a lu avec attention mes références et m'a dit qu'il serait enchanté d'avoir une infirmière si compétente pour s'occuper de ses étudiants. Je lui ait demandé s'il n'avait pas peur à cause de ce qui était inscrit sur mes dossiers. Il m'a alors répondu qu'il préférait croire en les gens plutôt de se fier aux papiers. Il préférait voir ce qu'ils étaient capables de faire. Oui, vraiment, c'est un très grand homme au cœur généreux.


    - Ca doit être un parent à Rentarou, rigola Shintarou.


    - Grâce à ce saint homme, j'ai pu travailler ici. Je n'ai jamais pu avoir ni de mari ni d'enfants mais j'ai eu la chance de m'occuper de nombreux enfants que j'aime tous très fort.


    En prononçant ses paroles, elle tendit sa main et caressa le haut du crâne de Seiichi.


    - Nous aussi, on vous aime très fort, dit Takaishi.


    - Je suis désolé de vous avoir mal jugé, Haruko-sensei, s'excusa ensuite Raphael.


    - Ce n'est rien, Raphael-kun, assura t-elle en lui souriant. Le principal est tu ais compris que tu ne devais pas juger trop vite les autres et avoir tous les éléments en ta possession afin de te faire une opinion correcte.


    La jeune femme songea qu'il était temps pour eux d'aller se coucher. La journée avait très riche en émotions. Ces étudiants avaient besoin d'une longue période de repos.


    - A présent, les enfants, ça suffit. Il est temps d'aller vous coucher. Vous devez être très fatigués.


    - Attendez, Haruko-sensei !


    - Shintarou-kun, dit Haruko d'une voix sifflante. Je ne veux plus vous voir debout !


    - Vous avez bien dit que Rentarou était dans une phase de coma où il était réceptif ?


    - C'est exact. A présent, au lit !


    - J'ai lu dans des articles de revues scientifiques que des personnes disent avoir entendu la voix de leurs proches quand ils étaient dans le coma. Ce n'est pas prouvé scientifiquement mais ne pensez-vous pas que ça vaudrait le coup d'essayer ? Je suis sûr que si Rentarou entendait nos voix, il ferait tout pour se réveiller plus vite.


    Haruko sourit. Elle s'était attendue à proposition de ce genre. L'infirmière ne croyait pas que ce soit réellement possible pour une personne plongée dans l'inconscience d'entendre les voix de ceux qui lui parlaient à côté de lui. Néanmoins, la jeune femme savait que cette pratique faisait beaucoup de bien à son entourage.


    - On pourrait se relayer pour le veiller la nuit et lui parler, reprit Shintarou. Vous ne pensez pas que c'est une bonne idée ?


    - Mais vous avez des cours, rappela t-elle. Dans quel état serez-vous le lendemain ?


    - Une nuit de veille par semaine, c'est gérable, intervint Kou. Lors des semaines qui précédent les examens, je ne dors pas pendant deux nuits complètes par semaine et je tiens en cours.


    - On se coucherait très tôt la veille et le lendemain de notre tour, compléta Takaishi.


    - Vous semblez déjà bien organisés dans votre tête, constata l'infirmière en arborant un sourire amusé.


    - Alors on peut ? S'il vous plaît ! S'il vous plaît, dit Shintarou à la manière d'un gamin qui réclamait un jouet supplémentaire à ses parents.


    - C'est d'accord. Cependant vous commencerez demain. Pour cette nuit, je veux que vous reprenez des forces. C'est compris ?


    Les adolescents acquiescèrent et remontèrent à l'internat. En raison de l'heure tardive, Raphael et Kou restèrent dormir sur place. Si le premier appela sa mère pour la rassurer, le second n'en fit rien. Ils prirent chacun une chambre non occupée dans le dortoir des garçons.


    Malgré les recommandations de l'infirmière, Seiichi ne l'avait pas écouté. Il avait laissé ses amis monter et était sorti dehors à la recherche de Tyro. Son meilleur ami avait disparu pendant la conversation avec Haruko. Il s'inquiétait de ses réactions en se souvenant de leur toute dernière conversation. Le jeune ninja fouilla tout le campus mais ne le trouva pas.


    En retournant à l'internat, Seiichi n'alla pas directement à sa chambre. Il monta au second étage et se rendit à la chambre de Yoko. Ce soir là, la jeune fille n'étudiait pas mais lisait, tranquillement étendue sur son lit. En l'apercevant, elle se redressa et s'assit sur le bord.


    - Qu'est-ce que tu veux ? demanda amicalement l'adolescente.


    Seiichi n'aimait pas du tout annoncer les mauvaises nouvelles mais n'avait pas le choix. Il rapporta fidèlement à la jeune fille tout ce qui venait de passer. Comme dans tous ses récits, le narrateur s'exprima en des termes crus et présentait la situation sans chercher le moindre ménagement pour son auditoire. La caucasienne l'écouta sans broncher. Elle accusa visiblement le coup mais le jeune homme la devina prête à s'effondrer. Il comprit que son amie se retenait de pleurer en sa présence.


    - On peut le voir ? demanda Yoko d'une voix froide pour dissimuler ses émotions.


    - Oui, nous pouvons le voir quand nous le voulons. Également, nous allons le veiller chacun une nuit par semaine.


    - Je veux participer moi aussi !


    - Pas de problème. Je vais faire l'emploi du temps des veilles demain matin.


    - Aussi Seiichi-kun … , reprit Yoko avec hésitation.


    - Oui ?


    - Tu pourras venir avec moi demain ? Je voudrais le voir.


    Il répondit d'un ton froid et impersonnel.


    - Je vais à l'infirmerie tous les matins. Je t'attendrais en bas des escaliers.


    Seiichi quitta ensuite la jeune fille et retourna à sa chambre. Il n'eut pas le temps de déshabiller que le garçon s'écroula sur son lit et s'endormit.


    Au petit matin, l'adolescent aux cheveux ébènes se réveilla vers six heures. Il s'étira et s'étonna de ne pas être en pyjama. Son esprit repassa mentalement la journée d'hier. Un arrière-goût lui venait dans la bouche en pensant à son meilleur ami. Le jeune homme retira son uniforme couvert du sang de la veille et se changea. Comme c'était le week-end, il pouvait mettre des vêtements normaux. Seiichi enfila rapidement une chemise, un chandail et un jean.


    En descendant au rez-de-chaussée, il s'étonna de voir Yoko en bas si tôt.


    - Tu es déjà là ?


    - Je ne savais pas à quelle heure tu viendrais. Je craignais de te rater.


    Seiichi se reprocha de ne pas avoir précisé l'heure à son amie puis la salua. Ils passèrent ensuite la porte et traversèrent le couloir jusqu'à l'infirmerie. Le garçon et la fille entrèrent et inspectèrent les différents lits. Haruko avait placé Rentarou dans le fond de la grande salle, à l'écart des autres lits. Également, au lieu des rideaux blancs habituels qu'elle mettait autour de chaque lit pour les séparer, la jeune femme en avait mis des noirs pour éviter que des curieux essaient de voir ce qui se passait derrière.


    Derrière, Seiichi eut un choc. Voir son meilleur ami si fort et si solide allongé sur ce lit sans connaissance le tétanisait. Pendant que Yoko s'approcha de lui et caressa avec une de ses mèches, il demeura figé à l'entrée.


    - Rentarou … , murmura Yoko d'une voix étouffée.


    - Il ne t'entend pas Yoko-han, dit Seiichi avec froideur.


    A ce moment, les doigts de la main de Rentarou bougèrent légèrement.


    - Il .. il a bougé, s'exclama t-elle. Tu crois que c'est une réponse ?


    - Ce n'est qu'un mouvement musculaire ou nerveux, révéla Haruko en apparaissant soudainement aux côtés de Seiichi. Cette nuit, je l'ai observé et j'ai constaté que ses doigts de mains ou d'orteils bougeaient souvent. C'est un bon signe. Cela indique qu'il est dans un état plus proche du réveil que de l'inconscience total.


    - Alors il se réveillera bientôt ? demanda Yoko.


    - Bientôt est un mot que je ne peux pas vraiment dire, soupira l'infirmière.


    La jeune fille baissa le regard et se tourna à nouveau vers son petit ami endormi. Sa main caressa son visage et traça une ligne imaginaire de ses joues à son menton et à son front. Elle caressa aussi ses cheveux cheveux de jais si doux.


    - Je vais venir très souvent te voir, Rentarou, s'exclama t-elle vivement, et je vais te raconter tout ce que je vais faire ! Je te dirais en détail tous les papiers que je remplis ! Tu en auras tellement marre que tu te réveilleras pour me crier de me taire !


    - A sa place, je resterais endormi pour ne pas entendre, rit Seiichi.


    Ce rire avait fait mal au jeune homme. Il n'avait pas du tout envie de plaisanter actuellement. Cependant son rôle l'obligeait à garder sa personnalité rigide et à paraître calme pour ne paniquer personne. Il lui fallait être un soutien pour tout le monde.


    Après cette visite à l'infirmerie, Seiichi alla déjeuner. Malgré ses préoccupations, le jeune ninja prit un plateau avec deux fois de plus d'aliments qu'à l'accoutumée. Lorsqu'il ne sentait pas bien moralement, l'adolescent aux cheveux ébènes compensait en mangeant tout ce qui était comestible et qui lui tombait sous la main.


    Seiichi sortit ensuite et décida d'appeler Tyro avec son téléphone cellulaire mais celui-ci ne lui répondit jamais. Il décida de se rendre chez lui mais l'adolescent eut beau attendre toute la matinée et le début de l'après-midi dans le salon de sa famille, il ne parut jamais.


    Durant cette attente, Seiichi réfléchit. Il pensa au club de tennis que Rentarou avait défendu avec tout ce qu'il possédait en lui de l'emprise de Kurata. Le jeune homme réalisa que si les membres apprenaient que leur nouveau buchou était tombé dans le coma, ce serait la panique. L'adolescent aux cheveux ébènes devina facilement que Rentarou ne voudrait jamais une pareille chose. A son réveil, son meilleur ami culpabiliserait.


    En réfléchissant à ce problème, Seiichi se souvenait des trois années passées au collège en ligue Senior. Il avait été formé par d'excellents entraineurs qui étaient d'anciens joueurs professionnels. Par conséquent, ce ne serait pas très difficile pour lui de s'occuper du club pour entrainer les membres et les aider à développer leur potentiel en attendant le retour de Rentarou. Il pourrait très bien inventer un mensonge satisfaisant pour les convaincre de ne pas être inquiets au sujet de l'absence de leur nouveau buchou.


    Mais pour cela, Seiichi avait besoin …


    Quelques heures plus tard, dans la chambre de Kou, la petite bande s'était réunie. Comme toujours, il n'était pas facile de se caser tout le monde. Le maître des lieux s'était assis sur son lit. Takaishi et Shintarou s'étaient tous deux installés sur un des coffres et Raphael sur le lit de Yuki. Seul Seiichi resta debout près de l'unique fenêtre de la pièce.


    - Tu as quelque chose à nous dire, Seiichi ? Des nouvelles de Rentarou ? demanda Shintarou.


    - Malheureusement non. Cependant j'ai réfléchi à quelque chose. Actuellement si Rentarou est dans cet état, c'est pour avoir voulu protéger le club. Cependant cela n'aura rien servi à rien si le reste des membres ont vent de cette nouvelle.


    - Tu veux qu'on mente à tout le monde ? s'exclama Takaishi sidéré.


    - Ce n'est pas une mauvaise idée, intervint Kou. Quand il se réveillera, Rentarou va s'en vouloir d'avoir causé de la panique. Il déteste causer de l'inquiétude aux autres.

     

    - Mais les profs, surtout Hashimoto-sensei, vont en parler, objecta Shintarou.


    - Nous avons jusqu'à Lundi alors pour les convaincre de ne pas le faire, répliqua Raphael. Il suffit d'expliquer qu'il est dans l'intérêt du lycée de ne pas ébruiter la chose et ils accepteront certainement de ne rien dire.


    - Je pense comme Raphael-san, approuva Seiichi. Je comptais aller demain trouver Onita et trouver une excuse avec lui. Comme il aime beaucoup Rentarou, il n'y aura pas de problème, je pense.


    - Et ensuite ? fit Takaishi qui était étonnamment énervé. On se tourne les pouces jusqu'au réveil de Rentarou-kun ? S'il se réveille un jour d'ailleurs.


    - En fait, je pensais que nous nous occupions du club en l'absence de Rentarou. Nous pourrions aider tout le monde à progresser en nous donnant à fond avec eux.


    - Alors tu veux vraiment continuer le club sans Rentarou-kun ? s'écria vivement Takaishi. C'est ...
    - C'est une excellente idée, déclara au même instant Raphael.


    Le jeune français se leva en prononçant ces paroles.
    - Sans compter que nous approchons de la finale des Nationales et avons besoin de sang neuf.


    - Qu'est-ce que tu veux dire ? s'enquit Shintarou.


    - Le proviseur a suspendu de l'équipe tous les membres de troisième année. Cela signifie qu'il ne reste qu'un seul titulaire actif : moi.


    - Si nous s'entrainons et les aidons autres à s'améliorer, je suis certain que nous pouvons pallier à ce manque, ajouta Seiichi. Je suis même persuadé que nous pouvons gagner les Nationales.


    - Ce n'est pas viser un peu trop haut ? fit Kou pessimiste.


    - Tu as oublié ce que dit Rentarou ? rétorqua Shintarou avec panache. Crois en toi et les choses que tu veux et tu obtiens tout !


    Furieux, Takaishi se leva vivement.


    - Vous n'êtes que des égoïstes ! Rentarou-kun est dans le coma et on ne sait pas s'il va se réveiller et vous ne pensez qu'au tennis ! C'est horrible ! Vous ne méritez pas d'être ses amis !


    - Ca ne sert à rien de se lamenter sur son sort, décréta Raphael avec froideur. Ce n'est parce que tu resteras prostré sans rien faire que ça l'aidera à se réveiller plus vite.


    - Au moins, si on s'entraine au tennis, on pense à autre chose, ajouta Shintarou. Ca évite de devenir cinglé à force de s'inquiéter sans cesse. Depuis ce matin, j'ai envie de me claquer la tête dans le mur à chaque fois que je pense à Rentarou.


    - Je ne veux pas faire comme vous moi ! Je ne peux pas ! C'est inhumain de faire ça !


    - Si tu ne veux pas le faire, nous comprenons, dit calmement Seiichi. Cependant ne dis rien à personne sur Rentarou, d'accord ?


    - Tu n'as vraiment pas de cœur pour parler toujours si froidement sans émotions, Seiichi-kun !


    Takaishi tourna aussitôt les talons et s'enfuit de la chambre, très en colère.


    Sur son lit, Kou baissa la tête, attristé par le comportement de son meilleur ami.


    - Ne lui en veuillez pas s'il vous plait, murmura t-il. Taka-chan ne pense pas vraiment ce qu'il dit. Il ne supporte pas cette situation. Tout ce qui a un contact avec la maladie, la médecine et la mort le rendent nerveux.


    - Ne t'inquiètes pas, je ne lui en veux pas du tout, assura le jeune ninja. A présent, je vais vous expliquer ce que nous pourrions faire au club.


    La réunion dura jusqu'au soir. Seiichi expliqua longuement ses expériences en tant que tennisman de ligue Senior. Raphael parla aussi de camps d'entrainement suivis ici et là de par le monde au long de ses voyages. Ensemble, les adolescents mirent en place un programme qu'ils mettraient en service dès Lundi.


    Le lendemain matin, Seiichi alla trouver Onita comme convenu. Il l'informa de la situation de Rentarou et de ses intentions. Le surveillant était évidemment au courant et navré du sort du lycéen géant. Le jeune ninja expliqua comment il souhaitait ne pas affoler tout le lycée en moins d'une journée. L'argument toucha l'adulte. A cause de cette histoire avec Kurata et de ses manoeuvres au club de tennis, l'équipe professorale s'inquiétait pour la réputation de leur établissement. Éviter un nouveau scandale faisait partie de leurs priorités. Le responsable et le jeune ninja réfléchirent ensemble à un mensonge susceptible de tromper tout le monde. Finalement, ils décidèrent de raconter que Rentarou devait passer beaucoup de temps auprès des forces de police afin d'expliquer toute l'histoire qui avait eu lieu au sein de son club.


    Le Lundi matin, Seiichi se leva comme à l'accoutumée. Toutefois, tout ne fut pas comme d'habitude. Dans les douches, ni Shintarou ni lui n'eurent le goût de se chamailler avec l'eau comme ils le faisaient chaque jour. Ils mangèrent ensuite et se séparèrent. Avant de se rendre en classe, il attendit patiemment à la salle des casiers l'arrivée de Tyro mais celui-ci ne vint jamais. Deux minutes avant le début des cours, le jeune ninja se résolut, la mort dans l'âme, à partir.


    En arrivant dans la salle de classe, Seiichi gratifia ses condisciples d'une salutation agréable et demanda à la générale si tout le monde allait bien et si chacun avati passé un bon week-end. Cela ne ressemblait pas du tout à son attitude quotidienne. Ce changement de comportement intrigua ses condisciples. Chaque jour, il recommença. Dans les moments de pause, le jeune ninja accepta de se joindre à ses camarades et de participer à leurs jeux. Normalement, il ne le faisait jamais. L'adolescent aux cheveux ébènes se contentait de restait assis à sa table à lire ou étudier.


    L'esprit amical et bon enfant qui régnait lors des repas du déjeuner lors de la pause du midi avaient disparu. Désormais Takaishi retournait manger au réfectoire et Tyro ne venait plus en classe. Ne supportant pas de se réunir dans la salle de Droit où ils avaient connu tant de moments heureux et de pure insouciance, le reste du groupe se rendait dans la salle de Français où les attendait Raphael. Ils faisaient de leur mieux pour avoir le moral mais on n'entendait jamais beaucoup de rires ou de paroles dans cette salle à l'heure du midi. Seiichi et Raphael demeuraient perpétuellement les lèvres closes et Kou ne savait pas quoi dire. Seul Shintarou essayait de mettre de l'ambiance et de dire toutes les bêtises qui lui traversaient la cervelle. Malheureusement, toutes ses tentatives se soldaient par des échecs. Finalement, le rouquin s'était résigné à se taire et à manger en silence.


    Au club, les choses avaient bel et bien changé.


    Dès le premier jour, Seiichi avait réussi à asseoir son autorité. A l'heure du déjeuner, il était passé dans chaque classe et avait donné des consignes à ses membres. Le jeune homme leur avait demandé de se mettre en rang en sortant des vestiaires lors de la séance de cet après-midi. A ce moment-là, l'adolescent aux cheveux ébènes avait vanté le courage et la détermination que Rentarou avait mis pour protéger ce club et permettre à chacun de ses membres de jouer au tennis comme celui-ci l'entendait et de se perfectionner. Le garçon avait ensuite évoqué le grave problème concernant la finale du tournoi nationale qui avait lieu fin Février. L'orateur avait enchainé en rappelant l'échéance de la finale et le fait qu'il ne restait plus que deux titulaires dans l'équipe. Pour ne pas mettre la puce à l'oreille, Seiichi avait compté Rentarou. Dans sa conclusion, l'adolescent avait déclaré que tous devaient désormais travailler dur dès maintenant s'ils voulaient vraiment que leur lycée remporte la victoire pour la première fois depuis vingt-six ans.


    La foule s'était enthousiasmée suite à cette réflexion. Seiichi avait souri faiblement. Grâce à ses connaissances en psychologie, il était un excellent orateur et pouvait convaincre n'importe qui.
    Lorsque les cris cessèrent, l'adolescent aux cheveux ébènes avait repris la parole. Il leur avait expliqué son projett les entrainer dès maintenant et de leur permettre de devenir plus forts qu'ils ne l'étaient actuellement en utilisant tout ce qu'il avait appris en ligue Senior, à l'époque de ses années de collège. Il avait aussi précisé que ses méthodes seraient dures et intensives mais avaient fait leurs preuves.


    - Sur ce, faites de votre mieux, vous tous, avait-il conclu.


    Tout le monde avait donné le meilleur de lui-même. Seiichi n'en était pas revenu des importants progrès faits par chacun à la fin de chaque semaine.


    A chaque séance d'entrainement, Seiichi et Raphael divisaient les membres en quatre groupes. Ils s'arrangeaient pour changer toujours leur composition et ne mettaient jamais les mêmes personnes ensemble. Cela favorisait la cohésion entre tous les membres du club et développait l'entraide et l'esprit d'équipe. L'adolescent aux cheveux ébènes et le jeune français s'occupaient toujours d'un groupe chacun pour revoir les différentes techniques à connaître pour jouer. Les deux derniers étaient livrés à eux-mêmes. Le premier devait se rendre au gymnase et pratiquer des exercices qui renforçait leur souplesse ou leur force. Le second restait dans l'enceinte du club et s'exerçait sur les machines à balles. Également, à la fin de séance, chaque membre était tenu de consigner par écrit ce qu'il avait fait comme exercices, un bref commentaire et les possibles difficultés rencontrées.
    Grâce à ce qui se passait au club, Seiichi parvenait à conserver une certaine forme de sérénité. Mais il se sentait très souvent mal et déprimé pour plusieurs raisons.


    D'abord l'état de Rentarou ne présentait pas d'évolution. Certes, son ami restait stable mais rien n'annonçait qu'il allait se réveiller. Parfois, lors de ses nuits de veille, le jeune ninja voyait ses mains bouger. Il avait déjà vu aussi sa tête bouger très lentement une fois, avait entendu grogner quelques fois. Haruko disait que tout cela formait des signes très encourageant et indiquaient que son camarade se réveillerait rapidement.


    Cependant ce n'était pas assez rapide pour Seiichi.


    Il voulait que Rentarou se réveille et ouvre ses yeux maintenant !


    Lors des nuits de veille, chacun usait de techniques différentes pour passer le temps. Yoko lisait le contenu de ses cours toute la nuit et lui expliquait précisément ce que chaque point signifiait. Il lui arrivait souvent de buter sur chaque mot quand elle lisait son manuel de Chimie.


    Shintarou racontait l'ambiance au club de tennis et parlait de son admiration qu'il avait pour Seiichi à être capable de surmonter sa peine pour s'occuper si bien des autres. Naturellement, le petit rouquin ne l'aurait jamais avoué.


    Quand c'était son tour, Kou se montrait plus hésitant. Au début, il ne disait jamais grand chose puis évoquait des souvenirs de leur enfance, lui disait ses regrets de s'être si mal conduit à l'époque et lui racontait ses progrès faits avec Takaishi.


    Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, Takaishi ne parlait jamais de sujets en rapport avec le sport. Il lui parlait plutôt des doutes et de la rancune nourris à l'égard de Seiichi. Le fan de base-ball expliquait ne pas comprendre comment le jeune ninja pouvait se comporter comme si rien de grave ne s'était passé et paraître aissi insouciant.


    Enfin Raphael, qui était bien connu pour ne pas savoir parler longtemps, utilisa la seule chose qui le passionnait comme sujet de discussion : le tennis. Il racontait à haute voix les matches qu'il avait pu voir, ceux qu'il avait joué, les différents pays qu'il avait visité, les nombreux joueurs qu'il avait rencontré …


    Seiichi était différent de ses amis et ne parlait jamais quand il restait aux côtés de Rentarou la nuit. Le jeune ninja l'observait en silence et guettait vainement un signe de son réveil. Aucun mot ne parvenait à sortir de sa bouche.


    La seconde raison qui le tourmentait, c'était Tyro. Depuis plus de deux semaines, il n'avait plus de nouvelles de son second meilleur ami. Seiichi l'appelait entre trois et cinq fois par jour mais son camarade ne décrochait jamais. Il avait essayé d'appeler souvent sur le téléphone fixe de sa maison mais ce n'était jamais lui qui répondait. C'était souvent sa mère ou sa petite sœur. Celles-ci lui disaient que leur fils, ou leur frère, n'était pas disponible. Seiichi doutait de la véracité de leurs propos. Il avait appelé plusieurs fois à vingt-deux heures et à six heures du matin. Chaque fois, on lui répétait le même message. Or, le garçon savait très bien que Sayuri n'autorisait pas ses enfants à sortir après le diner.


    Tous les jours, Seiichi se rendait après les trois heures de la séance d'entrainement du club, à la maison de Tyro. Il cherchait à savoir de sa mère ce que faisait son fils. Celle-ci lui répondait qu'elle ne savait rien de ses agissements mais que son enfant avait certainement ses raisons d'agir comme il le faisait. L'adolescent aux cheveux ébènes avait essayé d'aller dans la chambre de son ami mais Kenichi, le frère aîné, le mettait rapidement dehors. Pourtant, le jeune ninja continuait à venir chaque jour en continuant d'espèrer de voir Tyro.


    Chaque fois où ses pensées se dirigeaient vers l'image de son meilleur ami, le cœur de Seiichi lui causait une douleur plus forte que celles où il songeait à Rentarou. L'adolescent aux cheveux ébènes savait tout au sujet du lycéen géant. Par contre, Tyro …


    Lui parler et comprendre ses sentiments était désormais le désir le plus cher de Seiichi.


    La troisième raison de ses inquiétudes, c'était Takaishi. Celui-ci l'ignorait totalement depuis la réunion d'urgence dans la chambre de Kou. Il le méprisait même. Quand ils se croisaient dans les couloirs, le fan de base-ball ne répondait pas à ses salutations et lui renvoyait un regard empli de colère. Tout en restant maitre de ses émotions, Seiichi souffrait de cette indifférence et de ce mépris. Il appréciait sincèrement le jeune homme à la multitude de casquettes de base-ball et cela lui brisait le cœur d'être en de si mauvais termes avec lui.


    Malgré tous ces problèmes auxquels il devait faire face, Seiichi continuait à lutter et à lutter encore. Il voulait demeurer le soutien de ses amis et du club. Comme Rentarou. Malgré son dur travail, l'adolescent aux cheveux ébènes pensait ne pas être utile. Ce n'était pourtant pas le cas. Quand un de ses amis avait une baisse de moral, il le réconfortait aussitôt.


    Lors de la seconde semaine, il avait découvert un jour Shintarou dans les vestiaires du club. Le petit rouquin était assis à califourchon sur un banc et sanglotait dans une veste de titulaire. Il s'était installé devant lui et avait pris les mains dans les siennes.


    - Shin, qu'est-ce qui ne va pas ? demandât-il compatissant.


    - Rentarou … , renifla le rouquin. J'ai beau essayé de croire qu'il se réveillera … je n'arrive plus à croire … On est déjà le 26 Janvier … a fait treize jours …


    - Shin, Haruko a dit que cela pouvait prendre un moment. Treize jours n'est pas une durée assez longue pour désespérer maintenant. Allez, ressaisis-toi !


    - Ca me fait mal dans la poitrine quand j'y pense, avoua t-il au milieu des sanglots.


    - Je comprends mais nos larmes n'aideront pas Rentarou à aller mieux. Nous devons continuer à faire de notre mieux et à attendre.


    Convaincu et rasséréné par les mots de son ami, Shintarou sécha ses larmes d'une de ses mains.


    - Je vais essayer de ne plus pleurer, décida t-il faiblement.


    - Fais de ton mieux, l'encouragea Seiichi en lui souriant, mais si tu ne te sens pas bien, tu peux venir me voir. D'accord ?


    Shintarou hocha de la tête et fit un sourire timide à son ami. Rassuré, Seiichi se leva mais le petit rouquin l'arrêta avant qu'il n'ait atteint la porte.


    - Tu es vraiment fort, Seiichi.


    - Tu te trompes, Shin, répondit Seiichi sans se retourner. Je remplis seulement mon devoir.


    Quelques jours plus tard, en début de semaine, il avait trouvé une autre personne en larmes.


    Un soir, en remontant dans sa chambre après le diner, le jeune ninja avait fait un crochet par celle de Rentarou.


    Depuis le lendemain du jour où il l'avait découvert inconscient, Seiichi venait chaque matin et chaque soir dans cette pièce. Le matin, il tirait les rideaux, refaisait le lit, comme si quelqu'un avait dormi dedans la nuit, et préparait sur la commode une tenue pour la journée. Le soir, le garçon fermait les rideaux, défaisait le lit et posait un pyjama sur le meuble. Cette routine l'aidait à combler le vide que lui laissait la cruelle absence de son meilleur ami.


    Ce soir-là, Seiichi arriva comme d'habitude à la chambre. Il poussa la porte et réalisa que la pièce était déjà éclairée. L'adolescent aux cheveux ébènes découvrit ensuite Yoko qui se trouvait prostrée dans le lit en train de pleurer. Il s'avança vers son amie et s'assit à ses côtés. En remarquant sa présence, la jeune fille se figea, tourna la tête et essuya rapidement ses larmes. Cependant elle ne pouvait pas effacer les marques rouges autour de ses yeux.


    - Rentarou te manque, n'est ce pas ? fit Seiichi d'un ton plein de compassion.


    Yoko ne dit rien. Finalement, elle hocha légèrement la tête pour répondre oui.


    - Moi aussi, avoua t-il en soupirant. Malheureusement ce n'est pas pleurer qui nous aidera à le réveiller. Tu devrais aller étudier. Le travail, c'est ce qui endort nos sens et nous évite de penser trop.
     

    - Je sais. En plus, nos examens sont dans trois semaines maintenant. Mais je n'ai même pas envie de les passer, ni même d'ouvrir un bouquin pour réviser.


    - Tu devrais le faire. Imagine que Rentarou se réveille et sache qu'à cause de lui, tu t'es inquiétée au point de ne pas savoir étudier. Qu'à cause de cela, tu as échoué à tes examens et tu dois redoubler ton année. Il s'en voudrait beaucoup.


    L'argument toucha la jeune fille qui redressa immédiatement la tête.


    - Tu as raison. C'est exactement ce que Rentarou penserait.


    - Allez ! Vas étudier et montre-leur à tous que tu es la meilleure lycéenne du Japon !


    Yoko se leva et le remercia pour son soutien. Elle s'inclina du buste puis sortit de la pièce. Seiichi resta un moment puis s'en alla à son tour.


    Sur le chemin qui le ramenait à sa chambre, il aperçut Takaishi qui rentrait dans la sienne.


    - Taka-chan !


    L'interpelé en question cessa d'ouvrir sa porte. Le temps que Seiichi n'arriva à sa hauteur, il le toisa d'un regard sévère.


    - Qu'est-ce que tu veux ? demanda Takaishi peu aimable.


    - Je n'ai pas beaucoup de travail ce soir, mentit le jeune ninja. Que dirais-tu de passer une soirée sympa toi et moi ? Je déteste quand nous sommes fâchés. C'est nul.


    - Je ne vois pas de raison de s'amuser, rétorqua acidement Takaishi. Au cas où tu l'aurais oublié mais Rentarou est toujours dans le coma. Tu es vraiment égoïste, Seiichi-kun !


    - Ce n'est pas parce que notre ami est toujours inconscient que nous ne pouvons pas discuter. Je te propose juste cela : seulement parler toi et moi.


    - Je n'ai rien à dire à quelqu'un comme toi !


    Seiichi baissa les yeux. Il détestait réellement être fâché avec le jeune homme. Il aurait tellement voulu être capable de transmettre les sentiments que son coeur éprouvait.


    - De toute manière, j'ai beaucoup de devoirs à faire moi !


    L'adolescent s'engouffra aussitôt derrière la porte et la referma en la claquant bien fort. Seiichi marcha jusqu'à sa chambre et une fois la porte close, il se laissa tomber contre et s'écroula au sol. Le jeune ninja resta un long moment dans cette position sans savoir combien de temps cela dura réellement à réfléchir sur ce pénible quotidien vécu depuis presque un mois.


    Le lendemain matin, après les deux heures d'Education Physique à laquelle tous les élèves de première année participaient ensemble, la petite bande retourna dans la salle des casiers. A cause d'une réunion imprévue, le reste des cours de la matinée avait été suspendu. Ils étaient donc venus ranger leurs affaires de sports directement.


    - Dans deux jours, ça fera trois semaines que Rentarou est dans le coma, annonça Takaishi en reclaquant la porte de son casier.


    Adossé contre le radiateur sous la fenêtre, Shintarou soupira. Il fallait toujours que leur camarade à casquette trouve un moyen de rappeler leur triste situation.


    - Taka-chan, dit Kou avec embarras. Arrête d'être si agressif.


    - Je ne serais pas si agressif si certaines personnes ne se montraient pas si peu inquiètes et désintéressées par le sujet ! Mais leur manière de le réagir me dégoûte !


    - Arrête un peu ! cria Shintarou énervé en se redressant. Seiichi fait tout ce qu'il peut ! Il travaille dur pour gérer tout ce qui nous arrive !


    - Il ne s'intéresse qu'au club de tennis ! C'est tout ce qu'il compte pour lui !


    - C'est pas vrai !


    - Mais calmez-vous un peu, dit Kou dépassé par les événements.


    - Et puis moi je pense que c'est mieux de faire un truc comme s'occuper du club plutôt que rester à rien faire comme toi !


    A ce moment, un coup de poing s'abattit sur le bois des casiers. C'était Seiichi qui venait de frapper dessus. Le pauvre ne savait plus quoi faire pour gérer la situation. Pour la première fois, on lisait sur son visage une expression sur laquelle se mélangeait du dégoût, de la confusion et de la tristesse. Il semblait sur le point de pleurer mais se retenait encore. L'adolescent aux cheveux ébènes se rattachait encore à l'idée d'être fort et ne voulait pas que ses amis puissent le voir dans un tel état. Il utilisa alors sa capacité ninja pour disparaître.


    - Seiichi ? appela Kou hésitant. Il est où ?


    - Parti à la cueillette aux champignons, marmonna le rouquin peu aimable.


    - Il avait l'air bizarre, songea Kou.


    - Ben voyons. Avec tout ce qu'il voit depuis presque un mois, c'est déjà étonnant qu'il n'ait pas déjà pété les plombs !


    - Que veux-tu dire ? fit Takaishi qui s'était radouci.


    Contrairement à lui, Shintarou ne s'était pas du tout calmé. Suite à cette question, il explosa :


    - A ton avis ? Un de ses meilleurs amis est dans le coma depuis bientôt un mois et le second ne donne plus de nouvelles ! En classe, il essaie de gérer l'ambiance comme le faisait son copain et en dehors de la classe, il essaie de repérer ceux qui ne sentent pas bien pour les consoler ! En même temps, il essaie de remonter le niveau du club et d'imposer une nouvelle discipline ! Et en plus, il y a un imbécile qui vient lui pourrir la vie en lui rappelant que leur pote est toujours dans le coma alors qu'il le sait déjà très bien ! Nan mais tu crois quoi ? Seiichi, c'est sa manière de gérer la situation que de rien laisser paraître ! Ca peut paraître froid, je sais, mais il est comme ça ! Au début, ça me gênait et je me suis souvent embrouillé avec ! Mais maintenant je sais que Seiichi, il ne se fout pas de ses copains et que sous ses airs froids, je suis sur que c'est lui qui a le plus mal de nous tous de cette situation !


    Après une telle tirade énergique, le rouquin souffla, épuisé.


    - Je suis désolé, murmura Takaishi en baissant les yeux. Je ne pensais pas que ..


    - Quand on ne sait pas, on la ferme, le coupa vivement Shintarou agressif. Moi, je vais étudier à la bibliothèque. Salut !


    Durant le reste de la matinée, Seiichi s'était réfugié derrière le bâtiment administratif à ruminer ses sombres pensées. Le jeune ninja se demandait pourquoi il n'était pas capable de maintenir l'harmonie de leur groupe aussi bien que Rentarou était capable de le faire. Si son meilleur ami avait été là, aucune dispute n'aurait éclatée.


    L'adolescent aux cheveux ébènes se repprochait d'être si faible et de ne jamais savoir agir comme il aurait fallu.


    L'après-midi se déroula plus rapidement que la matinée. Après le cours d'Anglais, Seiichi partit directement pour le club de tennis. En attendant l'heure de la séance d'entrainement quotidienne, il s'entraina tout seul. Cela lui fit beaucoup de bien de se vider la tête en frappant des balles avec sa raquette et en oubliant tous ses soucis.


    Quand les activités du club se terminèrent vers six heures, il aida les membres à ranger le matériel, et surtout à porter les caisses des nombreuses balles qu'ils utilisaient pour leurs pratiques. Seiichi dina rapidement et se rendit directement à l'infirmerie. Aujourd'hui, c'était son tour de veille.
    En passant derrière le rideau noir, il regarda avec tristesse son ami inconscient et s'assit sur la chaise à côté du lit. Les mots se décidèrent enfin à sortir de sa bouche.


    - Rentarou, réveille-toi, murmura t-il. J'ai besoin de toi.


    Il n'y eut aucune réaction. Ni ses mains, ni ses pieds ne bougèrent. Sa tête non plus. Sa bouche n'émit aucun grognement.


    - Ce n'est pas juste. Je n'en peux plus, Rentarou. Je suis à bout. Je veux que tu reviennes. Je ne peux plus continuer seul. Il n'y a que toi qui sache gérer tout le monde si bien. Moi, je ne sais pas empêcher les disputes. Je suis vraiment un incapable.


    - Seiichi-kun ?


    C'était Haruko qui venait de pénétrer derrière le rideau noir. En entendant la voix de l'adolescent aux cheveux d'ébène, elle s'était intriguée. D'ordinaire, son protégé ne parlait jamais quand il passait la nuit à veiller Rentarou.


    - Seiichi-kun, il y a quelque chose qui ne va pas ?


    Le jeune homme redressa la tête et essaya de paraître à nouveau fort. Il voulut montrer une image positive de lui-même. Cette fois, il n'y arriva pas. Seiichi eut beau résister, au moment où ses lèvres s'apprêtèrent à répondre « Je vais bien», il se mit à pleurer. Haruko s'avança et passa ses bras autour de la taille du garçon, glissant une main dans ses cheveux. Celui-ci enfouit sa tête sous la poitrine de l'infirmière. Ses sanglots redoublèrent.


    - Je n'en peux plus, Mama Haruko. Je n'y arrive pas. Mes amis se disputent à cause de moi. J'essaie que tout aille bien mais je ne peux pas le faire. Je ne suis pas Rentarou. Je ne suis pas fort du tout moi. Je voudrais tellement être aussi fort pourtant.


    - Être fort, Seiichi-kun, ne veut pas dire ne pas pleurer. Tu as le droit de montrer tes larmes et ta peine devant tes amis. Ils ne t'en voudront pas.


    - Rentarou ne pleure pas, renifla t-il. Il est toujours fort !


    Haruko le repoussa et le regarda d'un air sévère.


    - Tu n'es pas Rentarou-kun ! Tu es toi et il est lui, Seiichi-kun ! Vous êtes, tous les deux, deux personnes totalement différentes et uniques ! Il y a des choses très bien en toi comme il y en a en lui. Mais aucun de vous deux n'est mieux que l'autre.


    - Quand même, Rentarou s'en sortirait mieux à ma place …


    A ce moment, une voix grave et rauque fit écho dans l'infirmerie. Elle murmura un mot, ou plutôt un nom, faiblement :


    - Seiichi ?


    Rentarou venait d'ouvrir les yeux.

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