• Chapitre 4


    Sortant de la classe d'Histoire où leur professeur venait de disserter durant la totalité de l'heure sur l'époque Meiji et ses implications économiques, culturelles et sociales qu'elle avait apportée sur l'époque actuelle, la classe 1D baillait pour sa grande majorité.


    Heureusement ce cours fut le dernier de la matinée. Les étudiants retrouvèrent très vite le moral et leur énergie à la perspective de la pause du midi. L'ensemble se sépara bien vite en deux. Une division en groupe de deux à cinq individus s'effectua pour aller déjeuner. Dans le cas des élèves internes, ceux-ci se rendaient au réfectoire où un repas frugal d'un simple légume et d'un bol de riz leur était servi. Étant donné que les externes n'étaient autorisés à se rendre ni réfectoire ni dans les salles de détentes, ceux-ci se contentaient de manger dehors le bento que leur mère ou un serviteur avait préparé à leur attention. Ils s'asseyaient généralement quelque part sur la pelouse de l'immense parc ou sur les toits. En cas d'intempéries, ces jeunes gens n'avaient d'autre choix que de se rabattre vers la salle de cours du professeur titulaire de leur classe afin de manger à l'abri. Également, quelques internes rejoignaient souvent leurs amis externes en achetant des sandwiches dans les distributeurs installés dans la cour.


    Restant à l'écart des autres, Rentarou regardait avec envie ceux en train de rire et de plaisanter au milieu de la cour traversée pour se rendre au réfectoire. Comme il aurait aimé faire partie d'une bande comme celle que ses yeux lorgnaient face aux distributeurs. Mais personne ne lui proposait jamais de l'accompagner.


    Seul devant son plateau contenant plusieurs patates douces et un bol de riz, le jeune homme aux cheveux de jais contempla avec ennui le réfectoire où ses condisciples discutaient avec animation. Comme d'habitude, il remarqua Shiromiya seul lui aussi à sa table sauf que celui-ci avait déjà terminé.


    Assez admiratif, il s'interrogeait souvent sur cette étonnante capacité à avaler ses condiments aussi vite. Le moment du petit-déjeuner le surprenait toujours. Le frêle adolescent aux cheveux ébènes chargeait son plateau de tous les mets proposés au service. Cela correspondait au minimum à cinq plats tous très copieux.


    Alors que Shiromiya passa très de lui en allant reporter son plateau, Rentarou courba le dos de manière à garder sa tête la plus proche possible de son bol riz comme s'il s'apprêtait à le manger directement grâce sa bouche plutôt qu'en utilisant ses baguettes.


    Depuis l'incident d'hier soir, il ne parvenait plus à regarder Shiromiya en face et craignait sans cesse que son condisciple ne vende la mèche au sujet de leur secret. Avant, le lycéen géant essayait toujours de le saluer en classe et à l'heure des repas, sans aucun succès à chaque tentative. A présent, le jeune homme aux cheveux de jais n'osait plus l'importuner à cause de possibles représailles.


    Déprimé, Rentarou finit par relever la tête et se dit qu'il fallait bien se nourrir malgré tout. Le lycéen géant attrapa donc ses baguettes et commença la dégustation de son riz.


    Après l'heure de pause accordée pour le déjeuner, la majeure partie de la classe 1D se retrouva au fond du couloir du troisième étage devant la petite porte du laboratoire en compagnie en grande partie de celle de 1E, de la moitié des effectifs répartis entre les classes de 1C et de 1H et d'un seul élève de 1B. Tout ce petit monde donna un formidable concert de bavardages, certains échangeant avec d'autres élèves que ceux de leur classe, que fit taire le professeur Noda en sortant du bureau d'un de ses collègues. Elle ordonna avec sa sévérité habituelle au groupe de se taire en les menaçant tous d'une retenue d'une semaine.

    L'argument fit mouche et le couloir redevint silencieux en l'espace de quelques minutes. Finalement un homme portant une large blouse blanche leur ouvrit et les fit entrer un par un dans la salle. Chaque fois, il remettait à l'étudiant une blouse que celui-ci devait enfiler puis désignait sa place.


    Dès que ses yeux se posèrent sur l'enseignant, Rentarou fit aussitôt appel sa prodigieuse mémoire afin de rechercher les informations obtenues sur les différents professeurs de son école grâce aux brochures et aux sites Internet.


    Cet homme était le professeur Masami Hiroaki, un universitaire réputé qui avait autrefois co-écrit de nombreux ouvrages sur toutes sortes de travaux dont la carrière s'était achevée prématurément et sans donner de raison à cela. Quand un de ses étudiants tentait de le questionner à ce sujet, il répondait invariablement que la vie d'une personne ne se résumait pas à sa seule carrière et des perspectives plus importantes existaient avant de changer radicalement de sujet.


    Le crâne abondamment fourni en cheveux noirs et éparpilllés dans tous les sens, il avait des yeux gris sur lesquels étaient apposait un petit monocle. Cet objet faisait d'ailleurs rire de lui au sein du campus, les étudiants aussi bien que le personnel de l'établissement. A cette époque, les lunettes étaient devenues ringardes. Une personne qui souffrait d'un quelconque problème de vue se faisait soit opérer pour corriger sa vision soit portait des lentilles de contact. On ne pouvait pas comprendre qu'un trentenaire puisse arborer un accessoire aussi désuet datant de plusieurs siècles.


    - Bonjour à vous, salua t-il quand tous ses élèves furent installés. Tout d'abord, je me nomme Masami Hiroaki et je vous enseignerai les sciences physiques et la chimie.


    Tout en parlant, l'enseignant avait quitté la porte et circulait entre les tables. Discrètement, Rentarou observa l'environnement autour de lui tout autant que son professeur. L'adolescent se fit la réflexion que ces très hautes et larges pailliasses ainsi que d'être assis sur un tabouret lui rappela le comptoir de nombreux bars qu'il avait autrefois fréquenté.


    - Dans ce cours, vous travaillerez par binômes, ajouta le professeur Masami. Que ce soit ici au labo pour une expérience ou sur un devoir que je vous donnerai. C'est pour cette raison que j'ai placé ensemble ceux qui sont bons en cette matière avec ceux qui sont moins bons.


    Circulant toujours à travers les allées, le professeur était au niveau de la table de Rentarou. Celui-ci put ainsi voir que ses traits s'étaient fortement tendus.


    - Dans un labo, j'accorde la plus grande attention à la sécurité, continua-t-il dont la voix était devenue extrêmement sévère. C'est pourquoi si un de vous commence un chahut, je le renverrai séance tenante de cette classe avec interdiction formelle de jamais y revenir.


    La classe n'eut pas d'autre réaction suite à cette menace que de rester cois. Leur professeur les observa longuement avant de reprendre son allocution d'un air plus détendu :


    - En ce qui concerne les cours, nous ne ferons ici que des manipulations. Il vous appartient donc de faire vos propres recherches sur ce que nous aborderons.


    S'approchant maintenant du tableau, il déplia les battants et révéla la préparation d'une expérience puis leur demandant de la réaliser en indiquant le processus à suivre. Rapidement, les étudiants commencèrent à se mettre au travail.
    A sa table, Rentarou se sentit plus que mal à l'aise de la tournure prise par les événements.


    - Il semble que le destin ait décidé de nous lier, intervint la voix basse de son binôme, un jeune homme aux cheveux ébènes.


    - On dirait, dit Rentarou qui gardait les yeux fixés sur les éprouvettes devant lui.


    - Vous êtes de la même classe tous les deux ? demanda brusquement le garçon en face de lui en parlant le plus bas possible.


    Relevant la tête, le lycéen au corps de géant aperçut deux jeunes de son âge face à Shiromiya et lui. Le premier, celui qui les avait interpelé, était un garçon au visage rond et nota que ses cheveux noirs étaient coupés encore bien plus courts que les siens. Ce fut l'autre qui l'intrigua davantage car il portait une casquette des Yankees de New-York sur la tête. En se souvenant du mensonge inventé auprès de son professeur titulaire pour pouvoir venir en classe avec ses lunettes de soleil, le jeune colosse se demanda comment celui-ci était parvenu à convaincre le sien.


    - Oui, nous sommes en 1D, répondit Rentarou en essayant de ne pas fixer le garçon à la casquette pour ne pas se montrer désobligeant. Je m'appelle Satsuma Rentarou et lui c'est …


    - Personne ne t'a demandé de décliner nos identités, l'interrompit sèchement Shiromiya.


    - Comme j'allais proposer de nous présenter, ce sera commencé au moins, déclara le garçon à la coupe militaire avec jovialité. Moi, je m'appelle Fukuda Kou de 1C, la classe mixte quoi, et je viens de Yokohama même si maintenant j'ai déménagé à Tokyo chez ma mère.


    Ces simples mots de Kou et de Yokohama provoquèrent une accélération rapide et brutale du rythme cardiaque de Rentarou. L'adolescent eut l'impression que son coeur allait s'arrêter sous le choc. Néanmoins, il s'efforça de reprendre son calme en inspirant doucement. Ce n'était qu'une simple coincidence : tous deux venaient de la même ville mais cela ne signifiait pas qu'ils se connaissaient. Après tout, elle comptait quatre ou cinq millions d'habitants. Le lycéen géant ne pouvait pas les avoir tous rencontré. Mais un sentiment étrange l'avait déjà envahi. Le jeune homme crut reconnaître ce garçon sans savoir où il avait pu le voir et encore moins ce qu'il avait pu faire avec.


    - Je suis Yamamoto Takaishi de la même classe que Kou-kun, se présenta le garçon avec sa casquette. Mais mon nom est si long que je préfère être appelé Taka-chan. Je viens moi aussi de Yokohama sauf que je suis interne et je retourne chez mes parents le week-end.


    - Ce surnom est affreusement familier, émit Shiromiya réprobatif.


    - C'est plus sympa comme ça, s'exclama Takaishi d'un large sourire.


    - Allez ! Maintenant c'est à vous deux de vous présenter, ajouta Kou.


    Occupé à verser de l'eau dans une éprouvette sans arroser abondamment sa paillasse, ce qui ne manqua pas d'arriver, Rentarou craignait ce moment. Il avait si peur que tous deux aient pu croiser sa route un jour et qu'ils puissent s'en souvenir. Mais le lycéen géant n'avait malheureusement pas d'autre choix. Refuser de se présenter le ferait passer pour un malpoli et risquait de lui faire perdre toute chance d'intégration.


    - Je m'appelle Satsuma Rentarou, commença t-il en faisant une courte pause entre ses deux phrases. Et je viens moi aussi de Yokohama.


    - Je me sens subitement très seul, ironisa Shiromiya en jetant un bref regard à son binôme qui agitait son éprouvette.


    - D'où viens-tu alors ? l'interrogea Takaishi curieux.


    - Kyoto, répondit-il après avoir fixé en silence son interlocuteur plusieurs minutes. Je me nomme Shiromiya Seiichi.


    - Kyoto ? L'ancienne capitale ? Tu dois connaître un tas de belles légendes, non ? s'exclama Takaishi excité, ayant du mal à contrôler le volume de sa voix.


    - Je ne m'intéresse pas à ce genre d'histoires, réfuta-t-il en durcissant son regard.


    - Ca fait quand même bizarre d'être à trois de Yokohama à cette table, songea Kou. De quelle école, viens-tu, Satsuma-kun ?


    Face à une telle question, le concerné déglutit lentement et ne sut pas comment répondre. Le parcours suivi n'avait rien de traditionnel ni de normal. Le lycéen géant ne voulait pas avouer sa différence en plein milieu d'un cours et se décida à se raccrocher à son demi-mensonge habituel. Il se sentit misérable à cette idée car son désir était de recommencer une vie honnête et sincère mais passait son temps à mentir à tout le monde pour cacher cette ancienne vie. Or, l'adolescent ne voyait rien d'honnête du tout dans ces obscures activités que pouvaient être le mensonge et la dissimulation d'informations.


    - Je ne suis pas allé à l'école, annonça Rentarou. J'ai étudié à domicile.


    Se concentrant sur son expérience, il vida le contenu de son éprouvette à l'intérieur d'un ballon et prépara un autre mélange dans une seconde éprouvette.


    - Kou-kun et moi venons de la même école primaire, révéla Takaishi. C'est la seconde du quartier Tsuzuki où nous habitons depuis notre naissance.


    Si Rentarou avait reçu un coup de poing fulgurant en plein estomac, la douleur n'aurait certainement pas été pire à celle qui le tiraillait quand le lycéen aux larges épaules carrées eut parlé. Entendre le le nom du quartier où il avait connu de courts et éphémères moments de bonheur lui déchirait les entrailles. Cela le brûlait littéralement de l'intérieur de se souvenir de ces rues étroites et sinueuses mal entretenues attendant depuis dix ou vingt ans passés une réfection de leur chaussée. De ces grands immeubles où s'entassaient les familles dans un petit espace d'une vingtaine de mètres carrées. Mais pire que tout : il eut comme un électrochoc en apprenant que tous deux avaient fréquenté la même école. A présent, le lycéen géant avait identifié quelle personne était réellement Fukuda Kou et ceci le rendait encore plus malade.


    Sans s'en rendre compte, ses poings s'étaient serrés à mort et la petite éprouvette tenue dans sa main droite ne résista bien bien longtemps à cette forte poigne et se brisa. Le bris du verre fit réagir Rentarou qui ouvrit alors sa paume, surpris, et ce qui resta du tube à essai se retrouva sur le carrelage blanc.


    - Qu'est qui se passe ici ? demanda vivement le professeur Masami qui se trouvait justement à la table voisine à observer l'avancée de l'expérience.


    Baissant le regard pour contempler le résultat de sa maladresse, Rentarou s'apprêta à se dénoncer lui-même lorsque Shiromiya se leva de son tabouret au moment où il ouvrit la bouche :


    - C'est de ma faute, Masami-sensei. J'ai poussé le coude de Satsuma-han à l'instant en préparant moi aussi une partie de l'expérience ce qui l'a surpris et contraint à laisser tomber ce tube à essai. Je vous prie de bien vouloir m'excuser.


    Pour achever sa déclaration, le jeune homme fit un pas et inclina son buste très bas tandis que son binôme l'observa d'un regard pantois incapable de comprendre ce qui se tramait dans la cervelle de Shiromiya. Son condisciple savait pertinemment que c'était lui responsable puisqu'il s'agissait de sa propre colère qui avait brisé l'éprouvette. Par conséquent, ce n'était pas à Shiromiya d'assumer la responsabilité de cet incident ni de présenter des excuses.


    - Je regrette, Masami-sensei, mais les choses ne se sont pas passées ainsi, dit Rentarou.


    - Comment ça ? fit le professeur en arquant un sourcil.


    - Je n'ai jamais été poussé par Shiromiya-kun mais j'ai serré trop fort le tube à essai et il s'est cassé dans ma main ce qui m'a surpris et me l'a fait lâcher, continua Rentarou qui s'inclina à son tour. Je vous présente mes excuses pour cet incident.


    Passant la main dans ses cheveux drus, le professeur de Chimie paraissait très embarrassé. Il fallait dire que ce n'était pas là un cas anodin. Des étudiants qui mentaient et s'accusaient l'un et l'autre pour éviter la sanction, l'enseignant en avait connu mais ici l'affaire concernait deux élèves prenant sur eux tous deux la responsabilité de l'acte. L'adulte se doutait qu'un des deux mentait pour couvrir son camarade mais n'était pas capable de déterminer lequel.
    Finalement il s'accroupit au sol et mouilla son index dans la solution renversée au sol et l'huma. Il ferma les yeux afin d'en reconnaître les différentes propriétés puis les rouvrit en posant son regard sur ses deux élèves face à lui.


    - C'est une préparation prometteuse, constata t-il de sa voix flûtée. Vous devriez vous remettre au travail tous deux et rattraper ce retard.


    Sur ce, il se saisit d'une petite lavette d'une des nombreuses poches de sa blouse et entreprit d'essuyer le sol avec.


    - Mais vous ne nous punissez pas, Masami-sensei ? s'étonna Rentarou.


    Shiromiya n'ajouta pas un mot à cette déclaration mais fit un signe de tête qui la soutint. Leur professeur se releva à ce moment et leur adressa un de ses rares sourires.


    - Je n'aime pas les mensonges et je m'énerve très facilement quand je constate qu'un étudiant me ment sur une évidence, révéla Masami en remontant son monocle sur son nez. Cependant je considère qu'une personne qui assume ses responsabilités, même s'il n'est pas coupable, est un principe que j'apprécie, et je ne pourrais pas sanctionner ce genre de personne.


    Là dessus, il laissa les deux jeunes face à leur paillasse pour aller voir le résultat d'une expérience ratée au fond du laboratoire. Ils se rassirent donc sans échanger une seule parole et commencèrent à reprendre leur travail à son commencement.


    - Vous êtes vraiment bizarres tous les deux, souffla Takaishi impressionné. Vous auriez pu être renvoyés du cours !


    - C'était un accident, rappela Shiromiya d'une voix impérieuse mais basse en fronçant les sourcils. De plus, une personne se doit toujours d'être franche et sincère, qu'importent les risques encourus.


    - Je n'aurais pas dit ça ainsi, intervint Rentarou après avoir jeté un bref regard à son binôme. Mais je pense que la vérité et la justice sont très importantes et je refuse qu'un innocent paie pour mes erreurs à ma place.


    A la suite de cet intermède, le cœur de Rentarou s'était considérablement allégé et avait presque oublié la conversation de tout à l'heure. L'incident l'avait recouvert d'un voile et lui permettait de se concentrer sur le travail à faire.


    A présent, le lycéen géant ressentait un profond sentiment de bien-être et de satisfaction. Lorsque Shiromiya s'était levé pour assurer sa défense, il n'y avait pas cru au début. Cela lui paraissait impensable, irréel, que quelqu'un puisse le protéger. Rentarou avait toujours dû le faire tout seul. Jamais il n'avait reçu d'aide et s'était toujours débrouillé tout seul à assumer ses propres bêtises ainsi que celles commises par d'autres.


    Le jeune homme aux cheveux de jais avait pensé, au cours de ces dix jours qui avaient suivi la rentrée, que son camarade était un solitaire introverti qui craignait les autres comme lui-même et n'osait pas s'en approcher. Sans son désir d'apprendre à vivre au contact des jeunes de son âge, Rentarou serait resté bien à l'écart de tous ces gens en se cloisonnant dans sa chambre durant son temps libre. Non, en fait, s'il n'avait souhaité de vivre en tant que jeune de son âge, le lycéen géant ne se serait jamais inscrit à un lycée et aurait continué à suivre des cours par correspondance.


    Voilà pourquoi Rentarou semblait comprendre Shiromiya mieux que n'importe qui de leur classe. Chaque fois que son regard croisait le sien, il semblait distinguer sa propre solitude dans le reflet des yeux bleus océan de son camarade.


    Ayant eu un aperçu des valeurs qui lui tenaient à cœur, le lycéen géant avait réalisé que celles-ci étaient identiques aux siennes. Tous deux partageaient là un point en commun de plus. Il jeta un très discret coup d'œil à son voisin et s'interrogea sur ses raisons à refuser de devenir ami avec lui. Ce jeune homme possédait tant de ressemblances qu'ils le pourraient. En tous les cas, l'adolescent aurait tant désiré que Shiromiya puisse devenir son premier vrai ami.


    - Tu vas bien, Satsuma-kun ? s'informa subitement Kou. Tu as l'air ailleurs.


    - Je vais bien, assura Rentarou en évitant de croiser le regard du garçon à la coupe militaire.


    - Yamamoto-han allait nous raconter une histoire de leur enfance, rapporta Shiromiya.


    - Ah oui ? C'est bien, répliqua Rentarou d'une voix plus sèche qu'il ne l'aurait voulu.


    Les sourcils levés, l'adolescent aux cheveux ébènes tourna la tête pour dévisager longuement son condisciple intrigué par ce ton si rugueux qu'il ne lui connaissait pas puis revint à sa préparation.


    - C'est une histoire que j'ai entendue quand j'étais en primaire, expliqua Takaishi. Elle me fait penser à vous deux. En fait, c'est au sujet un gamin du quartier. Il se faisait toujours agresser par les d'autres enfants menés par un leader qui les excitait. Il se prenait des coups et des insultes tous les jours jusqu'au moment où un fils de flic a débarqué à l'école.


    - Et les enfants ont choisi d'attaquer le fils de policier, devina Shiromiya.


    - C'est exact, approuva Takaishi en secouant la tête. Le leader a même proposé à son ancien bouc émissaire de devenir ami avec lui et d'attaquer ensemble le fils de flic. Mais vous savez alors ce que ce gamin a choisi ?


    Les yeux fermés, Rentarou avait glissé ses poings sous la paillasse et les comprimait avec rage. Cette histoire, il la connaissait et était pratiquement certain de savoir comment elle se terminait. Le lycéen géant se sentait si impuissant que cela le rendait fou. S'il écoutait ses pulsions, l'adolescent aurait sauté volontiers de l'autre côté, par dessus la mince vitre qui séparait sa table de la leur, pour étrangler ou ruer de coups Kou. Néanmoins, céder à de telles idées était interdit. Il devait absolument contenir toute la colère qui le consumait et rester calme.


    - Eh bien, ce gamin a dit au leader «Je préfère que ce soit à moi que vous donniez des coups plutôt qu'à lui !». Il a même ajouté qu'il avait l'habitude maintenant mais ne pourrait pas supporter de donner des coups à quelqu'un, rapporta Takaishi. Le leader lui a cassé la figure et ensuite il a intégré le fils de flic à la bande pour continuer à attaquer le gamin.


    - C'était un garçon très courageux et droit, reconnut Shiromiya avant d'ajouter froidement. Ou stupide.


    Ne pouvant pas en supporter davantage, Rentarou se leva vivement et rejoignit le professeur Masami qui félicitait alors le succès de l'expérience d'un petit garçon roux


    - Masami-sensei, puis-je aller à l'infirmerie ? demanda t-il en essayant d'avoir une voix faible ce qui lui était particulièrement difficile. J'ai mal à l'estomac depuis ce midi.


    - D'accord, accepta son professeur après avoir examiné si attentivement son élève de la tête aux pieds que Rentarou pensa être analysé aux rayons X de son simple regard.


    En voyant son camarade quitter le laboratoire de cette manière, Shiromiya contempla la porte par laquelle il venait de disparaître avant de se lever lentement à son tour pour trouver lui aussi son professeur.


    - Ne me dis pas que tu es aussi souffrant, grogna Masami en toisant son élève sévèrement.


    - Je pensais juste, Masami-sensei, que ce n'était guère prudent de laisser Satsuma-han partir seul à l'infirmerie. Je crois avoir lu un jour que les maux d'estomac sont terriblement douloureux et dans certains cas, le sujet peut s'évanouir. Ne croyiez-vous pas qu'il serait préférable que je le rejoigne pour m'assurer qu'il aille bien ?


    Les bras croisés contre sa poitrine, le professeur avait parfaitement compris le sens caché derrière cette approche scientifique et rationnelle. Il avait remarqué plus tôt que les traits de Rentarou indiquaient plus la colère que la maladie et avait jugé bien mieux avisé de le laisser sortir apaiser son ire où son étudiant le voudrait plutôt qu'à commettre une bêtise ici qui se transformerait en un accident fâcheux. Ainsi l'enseignant avait compris que le véritable but de Seiichi n'était pas d'accompagner son ami à l'infirmerie mais plutôt de le retrouver et de l'aider à se calmer.


    En tant que professeur, il n'était pas autorisé à permettre à un étudiant de sortir de cours pour une raison si futile, comme le diraient les professeurs Aizawa ou Noda, mais Masami Hiroaki appréciait les relations d'amitié qui se nouaient au sein d'une classe. Ce n'était d'ailleurs pas un hasard si les palliasses de sa salle étaient collées l'une contre l'autre pour faire une table qui réunirait quatre élèves et autorisait ceux-ci à converser entre eux tant qu'ils le faisaient à voix basse. Ce fut pour cette raison que l'adulte autorisa Shiromiya Seiichi à quitter son cours.


    Quand il se retrouva dans le couloir, l'adolescent ne sut pas dans quelle direction pour retrouver son condisciple. Puisque son condisciple était en colère, la probabilité qu'il soit parti au pas de course était très élevée.


    Fronçant les sourcils, le jeune homme s'interrogeait sur les endroits où Satsuma apprécierait de se rendre pour être au calme et réfléchir aux événements récents. Pour Seiichi, il s'agissait des marches situées derrière le bâtiment administratif donnant sur l'étang. Cette partie du campus très peu fréquentée lui permettait de réfléchir dans le calme aux différentes et nombreuses questions que son existence lui posait sans cesse. Cependant le garçon douta y trouver son camarade.


    Tout en réfléchissant aux différentes possibilités dans cette situation, Seiichi parcourut les trois étages du bâtiment des cours. Ses analyses se révélèrent une fois de plus justes. Son voisin de classe ne s'y trouvait plus. Il se rendit ensuite à celui de la vie scolaire. En entrebaillant la porte du réfectoire afin de ne pas être remarqué par les cantinières travaillant dans la salle, il n'aperçut pas sa large silhouette. L'adolescent aux cheveux ébènes visita les salles communes, même si les internes n'avaient pas le droit d'y séjourner en période de cours et se retrouva devant la large double porte en bois de chêne sculpté de la bibliothèque.
    Face à l'entrée du royaume de la connaissance, Seiichi demeura un instant immobile. Il savait déjà que son condisciple ne pouvait pas s'être réfugié à l'intérieur. D'abord, la bibliothécaire demandait à voir les emplois du temps pour vérifier si un étudiant ne séchait pas un cours quand on se présentait en période de cours. De toute manière, ce n'était absolument pas l'endroit indiqué pour calmer les nerfs d'une personne en colère.


    Plongeant les mains dans ses poches, Seiichi se retourna et marcha dans le couloir par où il était venu. Malgré son absence de piste, il ne comptait pas abandonner. L'esprit du jeune homme était peut-être très discipliné et strict mais était aussi tenace et inflexible. Une fois une chose décidée, le garçon la menait à son terme.


    Soudain il eut l'idée d'inspecter l'internat en se souvenant que les jeunes de leur âge appréciaient beaucoup de rester enfermés dans leur chambre à ruminer leurs problèmes comme si le lieu s'avérait être le refuge le plus sûr au monde. Seiichi n'avait jamais compris ce raisonnement. Pour lui, sa chambre demeurait uniquement un espace où il se sentait comme un prisonnier et faisait tout pour y passer le moins de temps possible.


    En arrivant au second étage, celui réservé aux garçons, Seiichi se demanda où se trouvait la chambre de Satsuma. La sienne se situait du côté gauche de l'escalier. Il se souvint que le matin son camarade le rejoignait à la salle de bain commune quand il terminait sa toilette. Sa puissante ouïe entendait le lycéen géant venir de la droite. Cependant cela représentait encore une cinquantaine de chambres encore possibles.


    Haussant les épaules d'un air fataliste, Seiichi se dit ne pas avoir d'autre choix que d'inspecter une à une chacune d'entre elles jusqu'à découvrir la bonne. De toute manière, les étudiants internes n'avaient, théoriquement, aucun droit d'être présents à l'internat de huit à quinze heures. Par conséquent, il ne devrait pas être gêné.


    Ainsi le jeune homme explora les différentes pièces en se cachant derrière chaque porte de la partie droite de l'internat. Il dût les ouvrir toutes avant de se retrouver face à la dernière qui restait. Si celle-ci était vide aussi, cela signifiait qu'une erreur de déduction s'était glissée dans son raisonnement et l'avait mené à gaspiller son temps.


    Lorsque sa main se posa sur la poignée et ouvrit la porte, il aperçut son condisciple allongé sur le lit, les bras soutenant sa tête.


    - Il semble que tu te sois trompé d'étage, ironisa Seiichi en s'approchant. L'infirmerie est en bas au cas où ton cerveau serait suffisamment petit pour avoir déjà oublié les lieux du lycée.


    - Fous-moi la paix, s'il te plait, répliqua Rentarou en se retournant vers le mur. J'ai pas envie de voir du monde !


    En s'avançant dans la pièce en prenant garde de ne pas marcher sur plusieurs tee-shirts sales qui trainaient sur le parquet, le frêle adolescent retira des écouteurs de ses oreilles et les plaça dans la poche de sa veste.


    - J'ai compris que tu étais en colère, dit Seiichi en s'asseyant au bord du lit, mais cela m'a beaucoup étonné si je peux me permettre.


    - Qu'est que tu veux dire ? s'étonna Rentarou.


    - Depuis que je t'observe, j'ai remarqué que tu étais une personne droite qui préfère se sacrifier pour le bien d'autrui, exposa Seiichi. Comme Mardi où tu as remplacé spontanément les responsables de corvée qui étaient déjà partis sans accomplir leur tâche.


    Cette fois, la remarque fit mouche sur Rentarou qui pivota son corps massif vers son interlocuteur et se redressa pour se caler contre la tête du lit.


    - Comment sais-tu ça ?


    - Je l'ai vu par un hasard, éluda Seiichi en se dépêchant de changer de sujet. Ainsi je te pose la question : qui est réellement Fukuda-han pour toi ?


    - C'est juste un élève comme un autre, assura Rentarou en haussant les épaules d'une fausse indifférence.


    - Tu mens, l'accusa Seiichi de sa voix aussi aigue qu'un écolier d'une dizaine d'années. J'ai observé ton visage en cours tout à l'heure et chaque fois où Fukuda-han mentionnait le lieu d'où il est originaire, tu étais contrarié et inquiet puis tu as exprimé de la colère. De la haine, en fait, je dirais.


    - C'est n'importe quoi tout ça, lança Rentarou en laissant échapper un court rire moqueur. Comment tu peux voir tout ça ?


    Un fin sourire narquois se dessina sur le visage très pâle de Seiichi. Sa main s'empara un petit boitier carré minuscule de la poche où il venait de ranger ses écouteurs et le montra à Rentarou.


    - J'écoute de la musique avec mon lecteur MPX depuis que je suis petit. Néanmoins, pour suivre les conversations, je me suis entrainé à lire sur les lèvres des personnes et à déchiffrer leurs expressions faciales.


    Devant une révélation si embarrassante et impressionnante, Rentarou eut un rictus en songeant que son condisciple semblait prendre un grand plaisir à démontrer son savoir. Il se rappelait encore de la leçon faite le jour de la rentrée et de sa réplique tranchante.


    - Dois-je continuer à développer mon analyse ou souhaites-tu gagner du temps ? reprit Seiichi dont les pupilles bleues brillaient en croisant le regard de Rentarou.


    - Je ne connais pas Kou-kun, lâcha Rentarou, exaspéré par ce manège, en se laissant lourdement retomber sur le matelas.


    Sans prendre note de la gaffe qu'il venait de commettre, Rentarou n'aperçut pas le sourire victorieux qu'arborait à présent Seiichi à l'instant où sa bouche laissa échapper le prénom Kou au lieu de son nom de famille comme l'usage l'aurait voulu.


    - Kou-kun ? répéta Seiichi en simulant l'étonnement. Tu appelles les personnes que tu as rencontré à l'instant par leur prénom maintenant ?


    - Merde, jura Rentarou en plaquant d'effroi sa main contre sa bouche.


    - A présent, tu capitules ou tu veux encore combattre ? demanda Seiichi malicieusement. Je suis encore loin de mon potentiel maximum, vois-tu.


    - Tu es effrayant, Shiromiya-kun, estima Rentarou, remuant d'une main ses mèches noires qui lui barraient le front. Très brillant et intelligent mais aussi très effrayant.


    Très hésitant, Rentarou n'éprouvait aucune envie à partager les tristes et sombres récits de son passé. Il cherchait un moyen de satisfaire les exigences et la curiosité de son camarade sans soulever trop le voile noir qui recouvrait sur son ancienne vie.


    - Kou-kun et moi étions en primaire ensemble, dit finalement Rentarou. Mais nous n'étions pas très proches ni amicaux l'un envers l'autre.


    Baissant le regard, il essaya de trouver maintenant une solution pour justifier la rancune et la colère nourries à l'égard de Kou. Seiichi repéra très vite son manège et l'interrompit :


    - Tu es cet enfant dont parlait Yamamoto-han ?


    En se souvenant de l'histoire que leur condisciple avec sa casquette avait raconté avec aisance et passion, il réalisa que ce n'était pas dur pour Seiichi d'aboutir à cette conclusion. Après tout, Rentarou n'avait-il pas quitté le laboratoire suite à ce récit ?
    Incapable de dire un mot, il confirma d'un court signe de tête en évitant de croiser le regard de son condisciple.


    - Tu es une personne exceptionnelle, Satsuma-han, déclara Seiichi en ayant laissé un grand silence d'une bonne dizaine de minutes s'écouler.


    - Tu te trompes, réfuta Rentarou. Il n'y a vraiment rien qui sorte de l'ordinaire en moi !


    - Qu'un petit enfant refuse de frapper un autre, même sous la menace, c'est normal. Il existe un âge où les enfants croient en des idéaux purs, détailla Seiichi, mais les enfants finissent fatalement par grandir et comprennent que ceux-ci ne sont pas adaptés à la vie en société. Ainsi ils les rejettent, se contentant de les apprécier au cinéma, dans les mangas ou la littérature.


    S'interrompant dans sa tirade, Seiichi inspira doucement pour reprendre son souffle.


    - Mais dans la vraie vie, les individus sont égoïstes et indifférents du sort de leurs semblables, ils peuvent même abandonner un proche ami parfois en danger.


    Rentarou demeura silencieux en écoutant cet exposé. L'adolescent n'était pas certain de partager cette vision du monde. Dans sa petite enfance, il avait appris tant de choses allant à l'encontre de ce raisonnement et savait depuis longtemps que le monde était dangereux et ténébreux. Néanmoins, le jeune homme aux cheveux de jais avait espéré rencontrer encore des personnes vivant aussi purement que sa mère. Dans sa petite enfance, cette merveilleuse femme lui avait appris tant de manières pour vivre en paix avec ses semblables. Cela le blessait douloureusement à chaque fois qu'une illusion se brisait.


    - Toi qui ne sais que penser aux autres avant toi, Satsuma-han, je trouve que tu es vraiment un type cool, s'exclama Seiichi avec un large sourire dessiné sur son visage.


    Rentarou fut très surpris. Jamais, il n'avait vu encore Seiichi manifester une once d'émotion. Son visage restait continuellement ferme, comme s'il avait porté un masque de kabuki en permanence. Néanmoins, il se rendit vite compte de son geste et se retourna vivement en prenant soin d'effacer très rapidement ce sourire pour retrouver son expression impénétrable coutumière.


    - Type cool n'est pas une expression très correcte à employer, fit Seiichi. Essaie de garder pour toi que je l'ai prononcée devant toi, s'il te plait.


    Fronçant les sourcils, Rentarou se demanda pourquoi son camarade ressentait une telle gêne à la perspective d'être agréable et ouvert aux autres. Mais comme il se doutait que son compagnon ne lui répondrait pas, le lycéen géant choisit de revenir au sujet initial.


    - Si je suis si cool, pourquoi personne ne vient à moi ?


    - Parce les humains craignent ce qui est différent d'eux et sont rassurés tant que personne ne s'éloigne pas de la norme en vigueur, répondit Seiichi C'est pour cette raison que je pense que tu ne cesseras pas de souffrir avec ton système de valeurs tant que tu n'y auras pas renoncé ou tant que tu essaieras d'être ami avec eux.


    En écoutant le discours pessimiste de son interlocuteur, les poings de Rentarou se contractèrent et s'enfoncèrent dans son matelas. Son regard derrière ses lunettes noires s'était durci. Il n'avait pas l'attention de renoncer à ses principes moraux ni aux buts qu'il s'était fixés.


    - Shiromiya-kun, tu vois la photo là ?


    De son index droit, il indiqua un cadre posé sur la table de chevet dans lequel était logé la photographie d'une magnifique femme aux cheveux ébènes, aux yeux verts émeraude riant de bonheur.


    - C'est kaasan, ma kaasan, révéla Rentarou d'un ton grave. Elle m'a appris comment vivre en accord avec les autres et moi-même et je refuse de renier son enseignement.


    Constatant que sa répartie ne semblait pas avoir d'effet sur son auditeur, il entreprit de continuer à expliquer son choix de vie.


    - Mais je veux aussi m'intégrer avec les autres et devenir leur ami. Même si, comme tu me l'as dit, ils se méfient de moi, je veux continuer à faire de mon mieux jour après jour jusqu'au moment où je réussirai à me faire accepter par eux.


    - Quitte à en souffrir chaque jour ? s'enquisit Seiichi en scrutant la moindre expression du visage de son interlocuteur.


    - Je ne renoncerai à rien qu'importe le prix à payer, affirma Rentarou.


    Observant soigneusement les marqueurs émotionnels de son visage, Seiichi y lisait qu'une forte détermination ainsi qu'une évidente sincérité. Néanmoins cet aspect de la psychologie n'était pas une science exacte et certains individus étaient capables de simuler ces marques d'expression corporelle. Comme lui. Mais l'adolescent aux cheveux ébènes savait que Rentarou ne mentait pas. Son condisciple possédait trop de droiture pour mettre ses paroles en doute.


    - Je vais te laisser, décida Seiichi en se levant. Je n'ai plus rien à ajouter.


    Sans laisser le temps à son camarade de placer un mot pour le retenir, l'adolescent s'inclina respectueusement, la tête proche du sol, vers lui en guise de salutation et sortit de la pièce.
    Restant tout seul dans sa chambre, Rentarou se laissa retomber sur son lit lourdement. Il trouvait sa vie tellement compliquée. En rentrant au lycée, le jeune homme avait imaginé quelque chose de beaucoup plus simple et songeait maintenant avoir aspiré à une utopie totale.


    En tous les cas, il se retrouvait à présent avec de nombreux problèmes à gérer sur les bras. D'abord essayer de créer une relation avec Shiromiya. Même si un contact plus ou moins évident semblait être démarré, le jeune colosse n'était pas certain que cela durerait.


    Ensuite il voulait établir des liens avec ses camarades de classe mais personne ne venait encore à lui aux intercours ou aux heures de repas.


    L'adolescent essayait d'intégrer le club de tennis pour justement avoir des amis mais avant cela, il avait besoin de s'entrainer et se demandait combien de temps cet entrainement lui prendrait.


    Et pour couronner le tout, Rentarou revoyait à un cours commun son ennemi d'enfance qui l'avait terrorisé et humilié des années. Pendant trois ans, ils allaient devoir se côtoyer quatre heures par semaine. Le lygéant géant n'arrivait pas à imaginer comment il réussirait à assister à ces cours avec calme et sérénité sans se jeter à un moment donné sur ce garçon et lui infliger la correction que celui-ci aurait dû recevoir depuis longtemps.


    Poussant un énorme soupir de découragement, Rentarou s'interrogea en cet instant si ces légendes évoquant des divinités qui maudissaient les gens à leur naissance pouvaient avoir un fond de réalité. Au fond de son cœur, il se sentait comme maudit, accablé par un destin si puissant et tragique contre lequel le malheureux garçon ne disposait d'aucune force pour lutter.

      

    Chapitre précédent        Chapitre suivant


    votre commentaire