• Chapitre 27


    Une main posée sur sa cuisse, la seconde massait encore la joue. La douleur physique avait disparu depuis longtemps. Cependant la jeune fille était encore fortement affectée par l'effet mental de la gifle. Elle n'en avait jamais reçu jusqu'à présent. Ses parents, sa mère principalement, lui adressaient toujours de lourds reproches, mais ne recouraient jamais à ce moyen pour la calmer ou lui imposer sa conduite.


    Pour essayer de chasser ce souvenir, elle se concentra à observer le décor de la pièce.
    Assise sur un vaste et haut lit aux chaudes et épaisses couvertures qui pourrait certainement contenir deux à trois personnes, Yoko détailla chaque aspect. Pourtant elle la connaissait. Depuis cinq années, l'adolescente venait ici une semaine au cours des vacances d'été et possédait même le droit d'avoir sa propre chambre.


    Bien qu'elle soit petite, la pièce se trouvait être très claire. Recouverte d'une douce moquette mauve, le sol se révélait si agréable à fouler à ce contact. Très dépouillée, elle comportait peu de meubles à part une petite table et ce lit si haut que ses pieds ne touchaient toujours pas par terre. Il y avait aussi la présence d'un petit bibus où les deux amies rangeaient les mangas shojos que toutes deux appréciaient de découvrir et de relire.


    Baissant la tête, elle aurait du y penser. Tout dans sa pièce était intimement liée à la personne qui lui avait donné cette gifle.


    Soudain la porte s'ouvrit. Une jeune fille aux cheveux de blé entra et vint s'asseoir à côté d'elle.


    - Tu es calmée ?


    - Je me sens tellement confuse maintenant, avoua t-elle. Pourquoi tu as fait ça ?


    - Yoko-chan, murmura la blonde. En tant que meilleure amie, je me dois de te protéger des autres mais surtout de toi-même.


    - Je ne faisais rien de mal, assura Yoko encore un peu véhémente.


    - Tu n'arrêtes pas t'en vouloir à Satsuma-kun. Je pense que tu agis très mal. Il n'est pas responsable de ce qu'il est.


    - Il m'a fait du chantage la semaine dernière, rappela Yoko.


    - Tu as commencé à être sur son dos depuis la rentrée, la contredit Mari. Tu m'as raconté que tu n'aimais pas son attitude quand il a protégé un élève.


    - Il m'a tenu tête, précisa Yoko. Il aurait pu m'expliquer plus calmement les choses.


    - Tu l'as quand même accusé d'avoir molesté l'élève, fit Mari. Ce n'est pas très agréable surtout qu'il lui venait en aide.


    Yoko se tut. Sa meilleure amie avait raison. Elle avait commise une erreur au cours de leur premier rapport. En y repensant, dès leur première rencontre, la jeune fille l'avait pris de haut, le jour de la rentrée.


    Elle raconta ce souvenir.


    - Pour lui, tu étais une simple élève, émit Mari. Tu n'as pas dit que tu étais responsable au même titre que les profs, non ?


    - J'aurai pu être un sempai, protesta t-elle.


    Portant sa main à bouche, Mari pouffa de rire à cette allusion.


    - Avec tes tresses, c'est pas possible. Tu ressembles à une écolière.


    Le regard de Yoko s'assombrit. Elle n'aimait pas non plus ses affreuses tresses. Cela lui faisait perdre beaucoup de crédibilité et de maturité. La caucasienne savait qu'elles agissaient comme moyen de protection. Les hommes se montraient souvent moins attirés par une apparence de petite fille. Ils préféraient une adolescente se prenant déjà pour une adulte, s'habillant, se maquillant et se coiffant comme une jeune femme dans la vingtaine.


    - Tu as raison, confirma t-elle sombrement.


    - Mais j'adore tes tresses, tu sais. Tu es mignonne !


    - Si on revenait à Satsuma-kun ?


    En prononçant ces paroles, Yoko songea combien la phrase parut étrange. Elle préférait parler d'un garçon qu'elle ne supportait pas et pour lequel elle aurait sauté de joie si elle apprenait qu'il devait être transféré dans une école à l'autre bout du pays plutôt que de sa coiffure. Décidément, il n'y avait rien de normal dans son comportement.


    - D'accord, accepta Mari sans poser de questions. Tu lui avais parlé amicalement un soir, non ? Tu m'as raconté que tu l'avais vu pleurer.


    Tournant la tête vers sa meilleure amie, Yoko se souvint de cette histoire. Elle l'avait enfouie peu à peu au fil des mois qui avaient passé. Elle se rappela alors de la silhouette recroquevillée de cet adolescent habituellement si taciturne. Sa détresse l'avait touchée à l'époque. La jeune fille n'avait jamais rencontré quelqu'un culpabilisant aussi fort pour avoir frappé à un camarade de classe.


    A coté de cela, elle juxtaposa le moment où il était venu la trouver pour obtenir, exiger plutôt, l'adresse de Sakumai. Il avait expliqué qu'il refusait de devenir titulaire alors que tout élève, de la première année de l'école élémentaire à la dernière de lycée, aspirait à en devenir un du club auquel il appartenait un jour.


    - Satsuma-kun déteste être reconnu pour son mérite, dit Yoko. C'est curieux. Il est doué en plein de trucs et il ne s'en vante pas. Comme si c'était normal ou qu'il s'en foutait.


    Ce constat lui paraissait être une évidence. Cependant elle ne comprenait toujours pas. Ce garçon demeurait encore et toujours un mystère pour elle.


    Tout le monde cherchait la reconnaissance de ses pairs. Tout le monde rêvait de posséder un quelconque talent pour épater sa famille ou ses amis et trouver ainsi sa place dans la société. Les individus atteignant le haut du panier se glorifiaient de leurs exploits. Comme elle. Yoko se plaisait à rappeler constamment à ses interlocuteurs ses dernières prouesses scolaires.


    Repensant à leur face à face enflammé, la jeune fille se souvint de ses paroles. Il avait dit vouloir être normal. Normal par rapport quoi ? Il n'existait pas de norme spécifique établissant qu'un tel possédait une certaine faculté et un tel ce comportement … Par moments, elle le regrettait. Ce serait tellement plus simple si elle pouvait prévoir les réactions des autres, surtout les siennes. Yoko souhaiterait tant savoir comment agir en toutes circonstances. Plus elle avançait dans la vie, plus elle se sentait perdue.


    - Tu sais, Yoko-chan, je pense que tu dois lui pardonner, annonça Mari.


    - Lui pardonner pour quoi ? demanda Yoko méfiante.


    - Pour l'histoire du chantage, répondit son amie. Tu peux essayer aussi de repartir à zéro avec lui.


    - Je ne peux pas lui pardonner. Il a commis un acte répréhensible, protesta Yoko.


    - Il a très mal agi la semaine dernière, confirma Mari en croisant ses jambes. Cependant ton attitude de cette semaine n'a pas été très correcte. Ce qui s'est passé ce soir en est le summum.


    - C'est vrai que j'étais très énervée ce soir d'être dépassée par lui, avoua Yoko. D'ordinaire, même si je suis battue, j'accepte. Je me reproche tous les torts d'avoir été battu. Là …


    Elle s'interrompit dans son explication ne sachant comment exprimer ses impressions. L'adolescente ferma les yeux un instant et revécut la scène. Qu'avait-elle ressenti de découvrir que Satsuma l'avait battu ? De la frustration. Il n'y avait pas que cela. De la jalousie aussi. Cela l'ennuyait de voir un autre qu'elle réussir en ayant une vie sociale, en pratiquant des activités sportives et en s'amusant à des jeux insouciants. La jeune fille se sentait plus rassurée si l'étudiant qui la surpassait se révélait être un partisan du labeur acharné comme elle, qui ne comptait pas ses heures pour travailler ses cours.


    - Je suis jalouse en fait, révéla t-elle à voix basse en rouvrant les yeux. Je bosse chaque fois que j'ai une heure de libre en journée et je me couche le plus tard possible pour étudier un maximum. Je me prive de tas de trucs que j'aimerais faire … Alors voir un autre réussir sans s'être donné autant de mal, je me demande si tout ça sert vraiment à quelque chose.


    Mari écouta silencieusement la confession de sa meilleure amie, ressentant sa peine et son désespoir. Elle souhaita être capable de l'aider mais sut que cela était impossible. Les larmes, intérieures ou extérieures, ne disparaissaient pas avec des mots ou des gestes de réconforts. La métisse n'était déjà pas certaine que celles-ci pouvaient réellement disparaître.


    - Si seulement j'avais un don moi aussi, regretta Yoko pensive. J'en voudrais juste un. Avec, j'aurais pu impressionner ma mère et elle aurait reconnu mes efforts.


    - Elle t'aurait peut-être poussée plus fort alors, suggéra Mari.


    - Je suis sûre qu'avec un don, j'aurai mieux réussi, insista Yoko.


    - Un don ou un talent, ce n'est pas une bénédiction qui t'es accordé, répliqua Mari d'une voix plus sèche. C'est une malédiction que tu subis.


    - Pourtant ça réussit bien à Satsuma-kun ou Seiichi-kun, émit Yoko.


    - Tu ne sais pas quels effets ça a sur eux, rétorqua Mari. Par ailleurs, tu as entendu Satsuma-kun ? Il a dit qu'il voulait être normal ? Il ne supporte pas ses dons.


    - Comment on peut refuser d'avoir de tels dons ? s'interrogea Yoko perplexe.


    - Parce que ça rend malheureux, continua Mari en détournant son regard vers le bibus. On sent le regard des autres constamment sur soi, on est toujours sous pression, contraint à réussir puis on finit par perdre son don.


    Yoko éprouva une étrange impression. Elle eut la sensation que son amie ne lui parla pas d'une généralité. Il lui sembla que celle-ci faisait part d'une propre expérience.


    - Mari-chan … , murmura Yoko d'une voix étranglée. Tu as vécu quelque chose comme ça ?


    - Tu te souviens que je t'ai raconté que je faisais de la danse depuis mes quatre ans ?


    - Bien sur ! Tu étais même la première ballerine d'un spectacle d'enfants en cinquième année qui se déroulait dans un grand opéra de Tokyo, confirma Yoko avec enthousiasme. Tu avais été si géniale et si belle à l'époque !


    Lorsque sa meilleure amie lui évoqua ce souvenir d'un passé lointain, le regard de Mari se voila. Elle baissa la tête et commença à raconter son histoire.


    - Comme je suis moitié moitié, ma mère voulait que j'étudie en France. Mon père lui soutenait que je devais rester au Japon. Tous deux se disputaient pour savoir lequel de leur pays natal me fournirait la meilleure éducation. Ils se sont mis d'accord sur un point : je fais la primaire au Japon, le collège en France et je choisis où j'irais au lycée.


    - Ca, je le sais, interrompit Yoko avec impatience. Tu revenais au Japon pour les vacances d'été. On faisait le stage de Maths ensemble puis on passait une semaine chez toi et une chez moi.


    - Je suis donc partie à onze ans de mon pays natal. Comme je t'ai raconté dans mes lettres, je suis entrée en internat, reprit Mari avec une pointe d'amertume dans la voix. Mon père avait sa société à s'occuper et voyage toujours à travers le monde pour avoir de nouveaux marchés et ma mère voulait rester pour organiser ses soirées de bienfétance.


    - On dit bienfaisance, corrigea machinalement Yoko .


    - Le niveau scolaire français est beaucoup plus faible que celui des japonais. En sixième, j'obtenais toujours la meilleure note qui soit dans n'importe quelle matière, même en Maths.


    - Quel grand exploit, rit Yoko en sachant que sa meilleure amie était aussi nulle qu'elle-même en cette matière.


    - Du coup, les profs me citaient en exemple et les élèves me traitaient d'intellos. Souvent, ils m'évitaient. Comme si j'avais la peste …


    - Pourquoi tu ne m'as jamais raconté ça ? se plaignit Yoko. Je t'aurais soutenu !


    - Je ne voulais pas t'ennuyer avec mes problèmes. Par la suite, je travaillais moins. En faisant mes devoirs la veille et en relisant juste mes leçons, j'obtenais des notes correctes.


    - Et la danse dans tout ça ? s'impatienta de plus en plus Yoko.


    - Mes parents m'ont inscrite dans un cours hors du collège. Sauf que j'y allais que le Mercredi après-midi. La professeur ne donnait cours à ses élèves les plus jeunes que ce jour là.


    - Mais tu as toujours eu deux heures de pratique chaque jour, se scandalisa Yoko.


    - Et je faisais réellement de bonnes choses. J'avais un don pour la danse classique. Ma prof japonaise l'a vu et n'a cessé de me faire travailler et de me pousser au maximum tout en s'occupant de ses élèves moins bonnes que moi. Mais en France, la prof que j'ai eu était embarrassée que je sache parfaitement danser. Comme elle n'avait que des débutantes ou presque, j'étais forcée d'assister à des entrainements que je maitrisais parfaitement depuis des années.


    - Et tu n'as pas cherché à pratiquer au collège ?


    - Au début, si. Je voulais ne pas perdre les derniers enchainements et des pas appris. Cependant je n'avais pas de chambre individuelle. Où que j'aille dans le collège, quelqu'un me trouvait en train de répéter et se moquait de moi.


    - Les jeunes sont tellement méchants, déplora tristement Yoko.


    - Nous sommes jeunes nous aussi, Yoko-chan, rit Mari.


    - Moi, je ne me moquerais jamais des efforts de quelqu'un, rétorqua Yoko puis s'adoucit. Continue.


    - En quatrième, l'équivalent de la seconde année de collège au Japon, ma prof a monté un spectacle de danse pour Noël. Elle s'est souvenue que j'étais douée et m'a donné le premier rôle. J'étais si heureuse de pouvoir danser enfin un ballet à nouveau. Cependant …


    Sa voix s'éteignit. Le regard voilé, le corps tout entier tremblant, elle revécut les événements qui l'avaient marqué à jamais.


    - Cependant le jour du spectacle, poursuivit-elle en ayant du mal à dire chacun de ses mots, je dansais avec tellement de plaisir et j'exécutais de mon mieux les plus beaux enchainements. J'ai soudain ressenti une douleur dans ma cheville droite. Je n'ai rien dit. J'ai continué. La douleur aussi. Elle empirait. J'ai tombé à un moment. Je n'ai pas pu me relever ….


    S'arrêtant là, elle ne put aller plus loin. Ses yeux se noyèrent de chagrin en se souvenant de la journée la plus horrible de son existence. Yoko se rapprocha, étendit son bras et l'enlaça.


    - Tu t'es blessée fort ?


    - Tous les ligaments de ma chevilles se sont déchirés. J'avais aussi des tendons du pied coupés. Les docteurs ont dit que j'aurais pu perdre l'usage de mon pied, rapporta Mari d'une voix neutre. Je ne pratiquais plus ces enchainements compliqués et j'ai perdu toute mon expérience.


    - Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? voulut savoir Yoko soucieuse.


    - Mon pied a été bandé des mois et je ne pouvais plus marcher sans utiliser de béquilles. Je devais éviter de poser à terre autant que possible. Je désirais tant danser à nouveau que je n'ai plus marché du tout pendant neuf mois. Je me déplaçais en fauteuil roulant.


    - Tu aurais pu m'en parler, lui reprocha Yoko tristement. Je t'aurais soutenu.


    - Je ne me sentais pas capable, avoua Mari en baissant la tête. J'avais terriblement peur de ne plus danser. Je voulais devenir danseuse étoile depuis toujours et briller dans les plus grands spectacles au monde. Alors je m'encourageais seule et je me disais que je guérirais.


    - Et tu as pu guérir ?


    Yoko réalisa en posant cette question qu'elle n'aurait pas du le faire. Elle se souvenait maintenant que son amie avait parlé de perdre son don. La jeune fille craignait alors d'entendre la réponse.


    - Selon les docteurs, ma cheville va bien, rapporta Mari dont le regard s'était durci. Mais moi je sens encore des douleurs quand je marche trop longtemps ou je reste debout.


    - C'est pour ça que je t'ai déjà vu boiter, réalisa Yoko avec effroi. Mais pourquoi tu ne dis rien aux docteurs ? Les déchirures ligamentaires s'opèrent très bien.


    - Je voulais revoir un docteur, confirma t-elle. Malheureusement, ma mère m'a dit que je pouvais marcher maintenant et j'étais donc remis. Elle ne voulait pas gaspiller d'argent pour une opération qui n'avait pas de sens.


    - Mais bien sur que ça avait du sens ! s'offusqua Yoko. Tu voulais devenir danseuse !


    - Ma mère n'a jamais aimé la danse, contrairement à mon père. Elle a toujours pensé que c'était un truc de gosses qui me passerait avec l'âge.


    S'aidant de ses mains posées sur le lit, Mari se releva avec passion et énergie.


    - Mais je n'abandonnerais jamais, s'écria t-elle. La danse est la seule raison que j'ai de vivre ! Mes seuls rêves sont juste de danser et d'atteindre le sommet ! Alors je vais attendre gentiment mes dix-huit ans et je retournerais en France.


    - Pourquoi ça ?


    - La majorité en France est fixée à dix-huit ans, révéla Mari. Là-bas, je pourrais décider seule de me soigner, de consulter n'importe quel médecin et de pratiquer une opération. Ensuite, je reprendrais mes entrainements. Sans doute, mon don ne pourra pas revenir mais je reprendrais à zéro et réapprendrais chaque pas. Mais un jour, j'y parviendrais. Je danserais dans des spectacles de renommée mondiale.


    Devant un tel enthousiasme et une telle ferveur, Yoko ne pouvait qu'être admirative. Elle n'avait jamais imaginé qu'une telle force de caractère l'habitait. D'ordinaire, la métisse se souciait seulement des garçons libres à draguer, de shopping et de vedettes.


    Encore une fois, elle pensa qu'il lui était impossible de comprendre et de deviner la nature exacte des personnes qui l'entouraient. Tout changeait toujours. Pourquoi les choses ne restaient-elles pas à la même place ? Ce serait beaucoup plus simple.


    Soudain la porte de la chambre s'ouvrit. Une jeune femme aux longs cheveux noires, une servante de la famille, passa sa tête dans l'ouverture et rappela aux deux adolescentes que le moment du coucher était largement dépassé. Les deux filles s'embrassèrent et se dirent au revoir puis allèrent se mettre au lit.


    Malgré l'heure tardive, Yoko ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle se tournait sans cesse dans l'immense lit, les jambes ramenées contre son buste. Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis sa longue conversation avec sa meilleure amie. Son esprit ne cessait de penser aux révélations faites par sa meilleure amie. Elle en pleurait intérieurement.


    Naturellement, ses pensées se tournaient aussi vers une autre personne dotée de plusieurs dons qui lui tapait régulièrement sur le système. Certes, elle n'admettait pas son petit chantage pour l'obliger à ne pas le punir. Yoko ne décolérait pas de son culot mais admirait aussi sa forte inclination pour la justice.


    Changeant de position une énième fois, elle essayait de trouver une solution à ce problème si épineux. Comment interagir avec Satsuma Rentarou ? Que penser de son comportement et de ses agissements ?


    Également Yoko comprenait que Mari n'avait pas tort : elle avait mal agi en se servant de ses deux meilleurs amis pour l'atteindre. L'adolescente reconnaissait son pêché. Se servir des proches d'une personne que l'on désirait faire souffrir n'était pas juste. Quand elle réalisait avoir eu des pensées ou commis des actes dont la portée pouvait blesser un tiers, la jeune fille se reprochait d'être si cruelle. Mais c'était normal. Après tout, le sang de son géniteur coulait dans ses veines …. Et que pouvait donc être l'enfant d'un monstre ?


    Elle changea encore de position et se mit sur le ventre. Sa tête s'enfouit dans le profond oreiller fait de plumes d'oie et pleura.


    Pourquoi sa mère avait-elle donné la vie à un monstre comme elle ?



    ***

     

    Les rayons du soleil brillaient depuis plusieurs heures à travers les fenêtres quand Rentarou se réveilla. Ses yeux s'ouvrirent lentement en réalisant que la surface sur laquelle il était allongé n'était pas son lit. Des poils lui chatouillaient son visage ce qui l'obligea à se relever très vite.


    Avec étonnement, il découvrit qu'il avait apparemment passé la nuit sur l'épaisse moquette de la salle de détende. Posant sa main sur le haut de sa tête, l'adolescent n'éprouva aucune sensation de la gueule de bois. Aucun marteau-piqueur ne résonnait à l'intérieur de son crâne.


    Revivant la soirée de la veille, il se repassa en accéléré les résultats des examens, sa dispute avec la vice-présidente des étudiants, sa conversation avec ses deux meilleurs amis et enfin le début des révisions pour aider Tyro à réussir ses examens de rattrapage.


    A présent, Rentarou se rappela pourquoi il s'était réfugié ici. Comme Seiichi obligeait Tyro à travailler dur pour retenir tous les noms des auteurs de l'époque Heian, il avait fui sa propre chambre. Les deux spots de son bureau diffusaient une lumière beaucoup trop forte pour dormir. Selon ses souvenirs, ses pas l'avaient conduit à entrer dans la première pièce trouvé. Il se félicita de son coup de chance. Avec sa malchance habituelle, il aurait pu se retrouver dans le réfectoire et se réveiller sur des carrelages gelés à cause de l'air climatisé poussé au maximum.


    Après être allé chercher plusieurs pâtisseries, du soda et un bol de riz, Rentarou remonta au premier étage en tenant un plateau. Il circula difficilement dans l'étroit escalier à cause de son chargement et perdit une des canettes qui roula jusqu'en bas. En haut, le garçon marcha jusqu'au fond du couloir et s'arrêta devant sa porte. Son bras cala les victuailles contre son torse pour libérer sa main gauche et s'en servit pour ouvrir l'ouverture.


    - Quel est l'auteur principal de l'époque Edo ? demanda Seiichi d'une voix très autoritaire.


    - Edogawa Rampo ? risqua Tyro sans oser lever des yeux du livre ouvert devant lui.


    Comme Rentarou s'y attendait, le jeune homme à la chevelure aux multiples piques en était toujours au même point. Il déposa les canettes et les pâtisseries sur la commode à l'intention de ses camarades et conserva uniquement le bol de riz. L'adolescent posa un genou au sol, puis l'autre, plaça son bol au milieu des jambes et commença à manger lentement son repas en utilisant les baguettes.


    - Cite-moi trois auteurs de l'époque moderne, exigea Seiichi.


    - Arsène Lupin, Sherlock Holmes et Kudo Shinichi, proclama Tyro.


    La réponse fut tellement grotesque que Rentarou recracha la bouchée de riz qu'il venait d'avaler pour mieux en rire.


    - Vous feriez mieux d'aller au temple. Je crois toujours qu'il n'y rien d'impossible si on le veut vraiment mais là … Y a qu'un miracle pour que cet idiot réussisse !


    - C'est sympa les copains, ronchonna Tyro. Y en a un qui me harcèle depuis hier soir et l'autre qui se fout de moi !


    - Si tu y mettais de la bonne volonté aussi, lui reprocha Seiichi. Je te répète les mêmes questions sans cesses et tu réponds toujours à côté.


    - J'y comprends rien ! En plus, ça ne m'intéresse pas, râla Tyro.


    - On dirait qu'on va être seulement deux pendant les vacances, Seiichi.


    - Eh ? Ca ne va pas ? s'écria Tyro scandalisé. Pourquoi tu ne veux plus de moi ?


    - Ce n'est pas ma faute si le proviseur a décidé que les élèves ayant échoué aux examens à suivre deux heures de cours de rattrapage par jour et par matière échouée.


    Muet de stupéfaction par une annonce aussi redoutable, Tyro se sentit ployer sous le poids d'un lourd fardeau. Il plaqua ses mains sur sa tête, ferma les yeux et se concentra au maximum.


    - L'auteur principal de l'époque Edo est Takizawa Bakin. Parmi les auteurs de l'époque moderne, on peut citer Soseki Natsume, Edogawa Rampo et Akechi Kogoro. A l'époque Heian …


    Impressionné de le voir répondre à toutes les questions qu'il lui avait posé depuis le commencement de leurs révisions, Seiichi siffla admirativement. Il se retourna vers Rentarou et lui décocha un regard de surprise qui le lui renvoya.


    - N'aurais-tu pas des ondes magiques ?


    - Je déplorais seulement le fait que les Sanonis soient séparés, expliqua Rentarou aussi étonné du résultat que son ami.


    Tout en terminant son repas, Rentarou écouta d'une oreille discrète les questions et réponses sur les points principaux de la littérature japonaise. Il se félicita de ne pas avoir pris cette matière. Analyser un texte pour les cours obligatoires de Japonais l'ennuyait déjà bien assez !
    Une fois son dernier grain de riz avalé, il se releva et déposa son bol et ses baguettes sur la commode. L'adolescent remarqua au passage que le nombre de pâtisseries avait déjà diminué et jeta un regard en biais à Seiichi mi-amusé mi-réprobateur. S'il continuait à suivre ce rythme, Tyro n'aurait plus rien à manger.


    Il se rendit dans le fond de la pièce et ouvrit la porte de son armoire. Une grimace défigura son visage quand il réalisa que peu de vêtements y étaient encore correctement pliés ou pendus. En réalité, la majorité de ses abits gisait sur le plancher, chiffonnés, roulés en boule et trempés de sueur. Le garçon attrapa rapidement des affaires encore propres pour se changer.


    Depuis hier matin, Rentarou portait son uniforme. Certes, il n'avait mis ni le blazer lui serrant les épaules et les côtés ni sa cravate sur laquelle les doigts du garçon s'acharnaient chaque matin pour la nouer correctement. Mais il en avait marre d'avoir toujours ces habits là sur le dos. Après tout, c'était les vacances !


    Défaisant rapidement sa chemise, son pantalon et ses chaussettes qui gonflèrent davantage l'amoncellement de vêtements au sol, il enfila un tee-shirt noir, un short marron, une paire de chaussettes blanches et ses incontournables baskets rouges.


    - Je sors, s'écria t-il bruyamment en courant vers la porte. J'ai rendez-vous avec Nobu-kun !


    - Eh ? Tu vas me laisser seul avec cette catastrophe scolaire ? s'indigna Seiichi.


    - J'ai promis à Nobu-kun de le retrouver à dix heures, rappela Rentarou. En plus, tu es beaucoup plus fort que moi dans les matières que Tyro doit réviser ! A bientôt !


    Sur ce, il passa le seuil de la porte et disparut de la vision de ses deux amis.


    - Heureusement qu'il n'a pas dit « amusez-vous bien », gronda Seiichi d'un ton menaçant.


    Pendant que ses amis goutaient les joies des révisions en ce premier jour de vacances durant lequel la totalité des étudiants aspiraient à profiter pleinement de ce mois de repos, Rentarou retrouva son ami d'enfance devant la porte d'entrée de son collège. Tous deux se saluèrent et partirent ensemble. Ils se rendirent à Shibuya pour aller voir au cinéma le dernier film d'animation d'un réalisateur très en vogue que le jeune garçon adorait.


    A la sortie du film, Rentarou invita son ami à prendre une collation. Ils marchèrent donc à la recherche d'un bar mais tous ceux qu'ils croisèrent sur leur chemin était déjà bondé. Finalement, les garçons se résolurent à prendre deux canettes de soda au distributeur le plus proche.


    - J'ai si soif que je boirais toute l'eau d'un canada, s'exclama Nobu en glissant sa main dans la fente pour prendre la canette.


    - Un hélicoptère qui transporte de l'eau s'appelle un canadair, Nobu-kun, corrigea Rentarou. Le Canada est un pays d'Amérique du Nord.


    Tout en écoutant les explications si savantes à ses yeux, Nobu se battit avec sa canette pour l'ouvrir. Il la secoua très fort avant de réussir à tirer sur la petite languette. Le liquide contenu se renversa alors, l'éclaboussa au visage et tâcha son tee-shirt.


    - Beurk, c'est tout sale !


    - Tu dois aller te nettoyer, ordonna Rentarou. Il y avait des toilettes publiques au bout de la rue.
    - Tout seul ? s'inquiéta le petit garçon froussard.


    - Tu n'as qu'à marcher tout droit et à tourner, insista Rentarou d'un ton qui fut sans appel. N'es-tu pas un collégien ? Tu es en âge de marcher seul dans la rue.


    Baissant la tête, le jeune garçon lança un regard larmoyant pour apitoyer son ami. Cela ne fonctionna pas. Il demeura inflexible. Nobu s'éloigna donc lentement, sans cesser de se retourner pour voir s'il apercevait toujours la silhouette de Rentarou.


    Quand son compagnon fut enfin hors de vue, l'adolescent poussa un soupir. Il détestait tellement se montrer si dur avec les autres, spécialement avec Nobu. Malheureusement il n'avait pas le choix. Comment son ami pouvait-il apprendre à se débrouiller par lui-même s'il restait constamment à ses côtés et l'assistait dans toutes ses actions ?


    En attendant son retour, il s'adossa à la palissade derrière lui, après s'être assuré de sa solidité, et regarda les gens passer autour de lui.


    Jusqu'à présent, Rentarou n'avait jamais prêté réellement aux autres gens. Il savait que des quantités d'êtres humains, comme lui, existaient sur cette planète mais n'en souciait pas. Tout petit, la seule véritable personne à compter pour lui était sa mère. C'était sa déesse rien qu'à lui. Plus tard, il avait pris conscience du fait qu'à travers le monde, dans différents pays, toutes sortes de peuples vivaient ici et là. Mais à ce moment là, ses choix et sa philosophie n'étaient gourvernés que par son égoïsme.


    Aujourd'hui il ne voyait plus les choses sous cet angle. Tous ces gens qui marchaient à un rythme fou dans les rues l'intriguaient. De multiples questions se bousculaient dans cet esprit pour chacun d'eux : Qui est-il ? Est-il seul ? Quelle est sa situation ? Est-il heureux ? Des interrogations à n'en plus finir. Mais dans chacune, l'adolescent y plaçait l'espoir que tous n'aient pas à connaître la souffrance et soient heureux tout le long de leur vie, qu'importent leurs choix et leurs différences.


    Soudain Rentarou repéra quelque chose qui chamboula d'un coup sa réflexion intérieure.


    On dirait … Je suis sûr de ne pas faire erreur !


    Sans perdre une seule seconde, le lycéen géant fonça et posa les pieds sur la chaussée. Pris dans l'action, il ne vérifia pas si les feux tricolores indiquaient rouge ou vert.

     

    Malheureusement, ceux-ci venait de passer au vert. L'adolescent déboula sur la route devant un 4X4 qui lui parut immense vu de si près. Malgré la gravité de la situation, il ne perdit pas son sang froid. Le jeune colosse sauta en avant pour échapper au véhicule titanesque qui avait freiné en même temps. Cependant sa réception fut mauvaise. Le garçon tomba sur les fesses. Il se releva immédiatement quand une voiture surgit juste devant. Ses réflexes, plus dévellopés que chez le commun des mortels, le firent aussitôt se relever et dégager. Il recula ensuite d'un pas et demeura au milieu de la chaussée.


    Un flot constant et incessant de véhicules le frôla des deux côtés. Tous ses sens en alerte, Rentarou vérifia si aucune n'allait le renverser et surtout s'il pouvait reprendre sa traversée. Lorsqu'il remarqua un trou dans la circulation, probablement lié à un feu tricolore passé au rouge plus bas, il réagit spontanément et courut droit devant lui pour rejoindre le trottoir d'en face.


    - Les feux tricolores et les passages piétons n'ont pas été inventés pour décorer les rues, lança une voix aiguë réprobatrice.


    Tout en reprenant longuement son souffle, Rentarou sourit. Il ne pouvait pas s'empêcher de se faire remarquer en sa présence. L'adolescent releva la tête, les mains posées sur ses hanches, et s'avança vers elle.


    - Yo Yoko-chan !


    Yoko accueillit avec surprise cette salutation joviale et lui répondit.


    - Je pensais que tu ne m'adresserais plus jamais la parole.


    - Il y a un truc que je dois absolument te dire maintenant. Je ne veux pas faire ça à la rentrée quand on aura oublié ce qui s'est passé.


    Rentarou s'inclina du buste aussi bas que son dos le lui permit et ajouta :


    - Pour m'être énervé hier soir et avoir dit beaucoup de choses horribles, je te prie de bien vouloir accepter mes excuses.


    - Je ne comprends pas, dit Yoko confuse.


    - Je te présente mes excuses pour hier, expliqua Rentarou. Cela ne convient pas ?


    - C'est plutôt à moi d'en faire, murmura Yoko en baissant ses yeux avec honte.


    Portant son regard vers la foule devant une vitrine sur le trottoir d'en face, la jeune fille poursuivit d'un rythme lent. Elle choisit avec soin ses mots, hésitant à de nombreuses reprises.


    - Je me suis mal comportée avec toi … Pas juste cette semaine … Depuis la rentrée, je rate toujours tout … Je te traite mal et je me méfie de toi … Mais cette semaine, j'ai battu les records … c'est vrai que tu m'as fait chanté mais c'était nulle comme réaction … On n'a pas le droit d'utiliser les amis d'une personne pour la faire souffrir … Je n'avais pas le droit non plus d'être en colère contre toi hier soir … C'est moi qui, en vérité, suis injuste.


    - Eh bien, repartons à zéro pour le second trimestre, suggéra Rentarou.


    - Tu ne m'en veux pas du tout ? s'intrigua Yoko. Pourquoi ?


    - Car je crois en les gens. Je sais que nous pouvons tous être égoïstes, fourbes, cruels … Cependant ce n'est pas en agissant pareil que l'on changera. Répondre à la haine et à la colère par la haine et la colère ne mène nulle part. C'est pourquoi je pardonne aux autres qu'importe que soient leurs fautes.


    Yoko demeura longuement muette suite à cette tirade. Tout en méditant dessus, elle repensa aux paroles de Seiichi où celui-ci lui vantait les mérites de ce jeune homme. La jeune fille comprenait mieux maintenant ses propos et réalisait enfin la grandeur d'âme que possédait Satsuma Rentarou.


    - Je vais encore essayer d'être amie avec toi, résolut-elle avec fermeté.


    - J'en serais ravi, dit Rentarou en lui souriant.


    - Satsuma-kun, pourquoi es-tu ainsi ? demanda Yoko après un bref instant de silence. Pourquoi te soucies-tu des autres plus que de toi-même ?


    - Parce que je déteste voir les autres souffrir et être puissant, révéla t-il. Ca me rappelle trop quand j'étais gosse et je voyais kaasan endurer toutes sortes de choses pénibles pour moi.


    - Ta mère … , murmura Yoko un peu réticente à poursuivre le sujet. Tu vivais tout seul avec ? Ton père ne l'aidait pas ?


    Comme la veille, le regard et les traits de Rentarou se durcirent lorsqu'elle fit allusion à son père


    - Mon père est parti avant ma naissance. Kaasan s'est débrouillée pour m'élever seule puis avec ma petite sœur, nous nourrir, nous donner un toit et une éducation correcte. Lui, n'a rien fait du tout !


    En parlant, il se retourna vivement pour cacher ses émotions qu'il jugea mauvaises à sa compagne. Celle-ci ne s'en formalisa pas. Au contraire.


    - Tu … tu as grandi sans père ? balbutia t-elle.


    - Ouais …


    - Moi aussi, ma mère s'est retrouvée toute seule du jour au lendemain quand elle est tombée enceinte de moi, confessa Yoko. Depuis que je suis petite, ma mère me pousse à étudier dur pour ne pas avoir la même vie qu'elle. Elle avait un avenir brillant devant elle mais à cause de ma naissance, il s'est refermé. Elle devait se contenter de passer la serpillière.


    En écoutant cette histoire, Rentarou pivota immédiatement. Il ne se serait jamais attendu à partager sa propre histoire avec une autre personne.


    - Mais quand Daichi-kun est venu te voir … , commença Rentarou.


    Il s'interrompit aussitôt en se souvenant du détail observé à l'époque sans le comprendre.


    - C'est vrai. Ton nom de famille est différent de celui de Daichi-kun.


    - Ma mère s'est mariée à son petit ami quand elle s'est retrouvée enceinte une seconde fois, de Daichi, sauf que lui il resté avec nous, expliqua Yoko. Nous avons pu aussi quitter les quartiers pauvres et vivre mieux.


    - Tu as eu plus de chance que moi.


    Luttant péniblement contre lui-même, Rentarou tenta de repousser la jalousie qui envahissait son cœur. Il ne pouvait rien y faire si Yoko et sa mère avaient connu une amélioration de leur situation. Autant de se réjouir pour elles ! Malheureusement son cœur lui indiqua qu'il était blessé. Il aurait tant préféré que ce soit sa mère quitte à devoir supporter la présence d'un intrus à ses côtés.


    - Et ta famille, comment elle vit ? s'informa Yoko soucieuse.


    Nerveux, Rentarou ne souhaitait pas du tout s'épancher sur le sujet. Il comprenait et acceptait la légitimé de sa compagne à se renseigner sur une situation qui aurait pu être la sienne mais il ne voulait pas en parler.


    Alors qu'il chercha un moyen de changer de sujet sans la froisser, ce fut Nobu qui survint à ce moment providentiel pour le sortir de ce mauvais pas.


    - Je suis de retour, Rentarou-kun, s'exclama Nobu fâché. Tu ne m'as pas attendu ! J'ai eu peur moi ! Je croyais que tu étais parti !


    - Nobu-kun … , murmura Rentarou en observant le petit garçon avec surprise.


    - Qui est ce petit garçon ? Tu le connais, Satsuma-kun ? demanda Yoko en observant Nobu.


    - Je m'appelle Oota Nobu et je suis élève de seconde année au collège Kanzen Gakuen, répondit d'un ton très fier le petit collégien.


    - C'est un ami d'enfance, éluda Rentarou qui se pencha vers le garçon. Je suis désolé. J'ai vu au loin une camarade de classe et je voulais la saluer avant les vacances.


    Les bras croisés contre sa poitrine, le jeune garçon scruta attentivement le visage de son mentor puis passa à celui de Yoko.


    - Tu es sa petite amie, c'est ça ? fit-il très joyeusement.


    - Non, absolument pas, réfuta t-elle immédiatement, les joues en feu.


    - Tu devrais. Rentarou-kun est quelqu'un de très bien, très gentil, très …


    - Je n'ai pas besoin de publicité, le coupa Rentarou d'un ton las en apposant sa large main droite sue sa bouche pour empêcher Nobu de poursuivre. Je suis désolé, Yoko-chan.


    - Ce n'est rien, assura Yoko dont les joues étaient encore rosies.


    - Tu l'appelles Yoko-chan ? s'intérressa vivement Nobu. Cela suppose un fort rapprochement. Le suffixe chan s'emploie …


    - Je pense que Yoko-chan doit avoir beaucoup de choses de prévues, l'interrompit Rentarou en cachant son embarras. Nous aussi d'ailleurs. Je te souhaite de bonnes vacances, Yoko-chan.


    La jeune fille lui adressa la même chose puis ils se séparèrent. Sans savoir où il se rendait exactement en compagnie de Nobu, le lycéen géant eut bien envie de l'étrangler d'avoir gâché ce moment de complicité avec Yoko.

     


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