• Chapitre 11

    Chapitre 11


    En rentrant chez lui, Tyro parut décontracté et insouciant. Il plaisanta avec sa mère sur sa journée et monta rapidement dans sa chambre. Une fois la porte refermée derrière, un revirement total de son attitude s'opèra. Le garçon se jeta sur son lit et n'en bougea point. Au départ, ses poings commencèrent par donner de violents coups dans son oreiller avec le plus de hargne que possible. Peu à peu, sa colère diminua puis finit par s'écrouler sur l'objet de son défoulement et pleura.


    Pourquoi la vie se montrait-elle si compliquée à certains moments ? Il ne lui en demandait pas beaucoup : simplement jouer au tennis à n'importe quel moment sans aucune restriction, sans la moindre limitation. Etait-ce trop demander ?


    Tyro n'avait pas encore fêté ses quatre ans qu'il rêvait déjà de devenir le meilleur joueur de tennis au monde. A l'époque, il était naïf et rêveur comme pouvaient être tous les enfants de cet âge. Avec le temps, l'enfant avait réalisé qu'à travers le monde existait une kyrielle d'excellents joueurs ne cessant de progresser chaque jour.


    A cette époque, il ne possédait aucun pouvoir. Il n'était qu'un gosse en primaire. Comme les autres. Ordinaire. Quelconque. Sans valeur. Sa force était nulle. Il soulevait seulement dix minutes les sacs à provisions de sa mère avant de tomber à la renverse. Son endurance était faiblle. Il s'essoufflait en courant cent mètres. Mieux fallait oublier sa vitesse.


    Malgré toutes ces faiblesses, Tyro avait refusé de renoncer au tennis. Chaque jour, il s'était entrainé dur, très dur. Le garçon avait travaillé ses muscles des bras en pratiquant toutes sortes d'exercices, parfois tirés d'un livre et d'autres fois en les imaginant avec l'aide d'objets trouvés sur sa route. Il avait aussi beaucoup couru pour développer son souffle et les muscles de ses jambes. Au début, le tenniman en apprentissage se fatiguait vite mais à force de travail et de persévérance, celui-ci avait su parcourir de très longues distances sans ressentir le moindre épuisement. En parallèle, il continuait aussi de s'exercer au tennis en apprenant à rattraper les balles et à les renvoyer.


    Tous ses efforts, toute cette sueur versée avaient finalement payé puisqu'il était devenu un excellent joueur au collège. Néanmoins, Tyro ne s'était jamais reposé sur ses lauriers. Il connaissait l'immense fossé qui séparait ce niveau de collégien et celui d'un pro : un précipice immense dont on ne pouvait mesurer le fond même en y jetant une pierre. Ainsi le garçon avait toujours continué l'entrainement, le renforçant, le durcissant et cherchant toujours à dépasser ses propres limites.


    En entrant au lycée, il avait espéré être capable de jouer contre des adversaires avec un niveau plus fort que le sien, beaucoup plus fort même, et apprendre d'eux. Même si une défaite était humiliante et faisait mal, Tyro la considérait également riche en enseignements. En cas de victoire, la majeure partie des gens s'enorgueillissaient et se relâchaient. Par contre, perdre signifiait échec et surtout faiblesse. Pour corriger sa faiblesse, on réfléchissait à chacun de ses actes et on analysait lesquels ne convenaient pas et nécessitaient une correction.


    Contrairement aux autres, Tyro avait toujours vu l'échec comme un moyen de progresser et de devenir plus fort. Il se moquait bien de gagner ou de perdre un match. Sa simple raison de jouer au tennis, c'était parce qu'il adorait les sensations grisantes que ce sport lui produisait.
    Courir à ne plus avoir de souffle …


    Attraper la balle avant qu'elle ne touche terre ....


    Trouver un moyen que l'adversaire ne puisse pas se saisir de la balle …


    Réaliser un intense échange jusqu'à ce qu'un des deux rata la balle ...


    Sentir la paume de sa main se frotter contre son grip ...


    Ces seules actions, si simples, si futiles, constituaient le bonheur de Tyro.


    Mais ces maudits sempai l'empêchaient de jouer des matches. Même le match pour tester sa force, on le lui refusait. Kurata-buchou disait que ce n'était la peine de se fatiguer pour lui. Avaient-ils tous une mauvaise opinion de lui ? Pensaient-ils qu'il était faible à cause de sa petite taille ? Celle-ci ateignait difficilement le mètre soixante. Soit dix centimètres de moins que la norme pour un lycéen japonais. Néanmoins, ses techniques compensaient largement cette carence. Il pouvait battre n'importe quel adversaire.


    Redressant la tête, il savait déjà que le problème venait d'ailleurs. Le petit Shintarou faisait cinq ou six centimètres de moins que lui et Raphael l'avait tout de même testé. Cette interdiction de jouer s'adressait donc uniquement à lui. Pourquoi ?


    La tête retombant sur l'oreiller, Tyro se sentit misérable et eut l'impression d'être un jeune enfant avec un nouveau jouet sauf ses parents lui interdisaient de jouer avec.


    Cet après-midi, il avait entrevu un véritable rayon d'espoir. D'abord, la découverte d'un joueur doté d'un incroyable service l'avait époustouflé. Des balles si rapides qu'elles disparaissaient de sa vision. Il éprouvait une folle envie d'être en face et de tenter de les rattraper. Non, c'était faux. Tyro voulait être en face et tout faire pour les rattraper.


    Grâce à Matsuda, le jeune homme avait même pensé l'espace d'un instant être capable de jouer un match, même plusieurs, mais les autres s'étaient montrés tous défavorables. Même Satsuma, ce fameux nouveau joueur qu'il rêvait maintenant d'affronter, refusait sa proposition.


    Soudain la porte de sa chambre s'ouvrit doucement et laissa entrer un homme de grande taille aux petits yeux en amande, comme ceux de Tyro. Ses cheveux châtains très foncé, presque brun, descendait le long de sa nuque et de son cou. Il s'agissait de Kenichi, l'aîné de la fratrie Sakumai. Celui-ci monta à l'échelle pour rejoindre son frère, vautré sur son matelas.


    - Eh bien Takahiro, tu n'as pas l'air d'aller bien.


    - Je vais bien, assura Tyro en se redressant.


    - Tu es monté sans prendre de goûter. D'ordinaire, tu avales au moins trois à quatre goûters à toi tout seul.


    - J'ai eu une journée difficile, avoua t-il après un long silence.


    Renfrogné, Tyro s'assit contre la tête du lit, ses jambes ramenées le plus vers lui comme pour se protéger de l'agression du monde extérieur.


    - Des soucis à l'école ?


    - Non, au club de tennis ... Kurata-buchou et ces stupides sempai nous interdisent de jouer un match ! On n'a pas le droit d'aller sur les courts ! C'est pas juste !


    Laissant sortir ainsi toute la colère, l'amertume et le désespoir qui le rongeaient de l'intérieur depuis un mois passé, Tyro se sentit libéré de cette pression et se lâcha davantage :


    - Pourtant je ne demande pas grand chose ! Je veux juste jouer au tennis ! C'est si dur à comprendre ? Pourquoi personne ne comprend mes sentiments ? Pourquoi on ne veut pas jouer avec moi ? Je les déteste tous !


    - Pourquoi tu n'as jamais rien dit avant ? demanda Kenichi quand son petit frère eut crié tout ce qu'il gardait sur le cœur.


    - Jusque là, je continuais à m'entraîner seul. J'étais énervé de ne pas jouer mais j'ai pris sur moi, expliqua Tyro en allongeant ses jambes.


    - Il s'est passé quelque chose aujourd'hui ?


    - Un type de la même année que moi est arrivé au club et a battu un de mes sempai. Il a un service génial, rapporta Tyro avec une totale excitation. Si tu aurais vu ça, tu …


    - Tu veux affronter ce garçon, comprit son aîné.


    - Mais c'est pas possible à cause des sempai. Alors j'avais eu l'idée de jouer pendant les cours quand personne ne serait sur les courts, révéla t-il sombrement.


    Un ange passa. Tyro baissa la tête suite au regard désapprobateur de son frère.


    - Takahiro, tu es un garçon impulsif et tu ne réfléchis jamais aux conséquences de tes actions, dit Kenichi d'un ton accusateur. Cependant tout le monde n'est pas comme toi.


    - Je sais que les autres sont différents de moi, protesta Tyro. Je ne suis plus un gosse !


    - Alors ne comprends-tu pas que les autres ont besoin de réfléchir avant de prendre une décision ? La plupart des personnes ont besoin d'envisager les différents aspects d'un problème avant de se décider.


    - Je le sais ... , marmonna Tyro, mais quand je suis face aux autres, je deviens si excité que je n'arrive pas à me contrôler. Surtout pour le tennis.


    Baissant à nouveau la tête, Tyro repensa à la manière dont il s'était comporté cet après-midi, particulièrement envers Satsuma. En y réfléchissant davantage, le garçon se rappela que celui-ci avait toujours affiché un très grand calme. Le jour de la rentrée où le fils de snob l'avait frappé avec la portière de la limousine, il ne s'était pas fâché du tout après lui. Cet après-midi, ce prodige du tennis était toujours resté impassible malgré l'excitation croissante de Shintarou autour de lui. En conclusion, cela signifait que sa nature n'était pas de céder facilement à ses émotions.


    - Keniichan, je dois présenter des excuses ? fit Tyro d'une voix très basse.


    - Tu fais comme tu l'entend, Takahiro, répondit Kenichi d'une intonation grave. Cependant une excuse doit être formée de mots sincères et non pas pour dire des choses pour faire plaisir.

     

     

    ***



    - Je déteste le cours d'Education Physique, se plaignit Rentarou.


    Alors que la majorité de la classe de 1D remontait déjà au second étage où se déroulerait leur prochain cours de Japonais, un minuscule noyau s'en détacha pour s'acheter à boire avant de rejoindre le reste de leurs condisciples.


    - Tu n'as qu'à pas tomber comme ça, se moqua Kawamura, un garçon brun de la même corpulence que Rentarou, en riant. De ma place, je n'ai pas bien vu mais je pense que tu as chuté au moins trois fois.


    - Sept, corrigea Sawamura en s'arrêtant de boire. J'étais à côté de lui alors j'ai tout vu !


    - Arrêtez un peu de vous moquer de Satsuma-kun, s'écria Tachibana d'une voix forte. Ce n'est déjà pas drôle de ne pas réussir les exercices ! Pas la peine d'en rajouter !


    - Ca ne me dérange pas, Tachibana-kun, assura Rentarou en lui souriant.


    Depuis le début de la matinée où Shintarou l'avait rejoint à la salle de bains pendant ses ablutions, Rentarou avait beaucoup de mal à croire que les moments vécus actuellement s'avéraient réels. Même s'il avait parlé un peu avec Tachibana et Sawamura auparavant, aucun d'eux n'étaient jamais revenus vers lui. Cependant grâce à la présence chaleureuse et amicale du petit rouquin au large sourire, tous les deux et un autre étudiant étaient venus vers lui.


    - C'est moi le roi du bahut en gym, les gars, lança Shintarou amusé en s'abaissant pour commencer à marcher sur ses mains. Ne vous disputez pas pour vos petits exploits à vous !


    La démonstration de souplesse du garçon eut calmé vite fait les esprits échaudés de ses camarades. Même ceux capables d'effectuer correctement les différents mouvements et enchainements de gymnastique en pâlirent. Le reste du trajet se déroula tout aussi normalement et les paroles échangées furent pour demander une rasade de la canette d'un autre.


    - La vieille Noda n'est pas arrivée encore ? s'étonna Sawamura en entrant le dernier dans la classe de Japonais.


    - Comme tu le vois, non, répondit Abe, une petite brunette au premier rang.


    - Où trainiez-vous encore ? demanda sévèrement Osakawa, une fille aux longs cheveux noirs assise juste devant Shiromiya.


    - On n'a pas le droit de boire dans ce bahut ? lui rétorqua Sawamura en la prenant de haut quand il se fut approché de sa table. Il faut crever de déshydratation, c'est ça ?


    - La moindre des politesses est d'arriver à l'heure aux cours, répliqua Osakawa en s'efforçant de ne pas paraître impressionnée.


    - Parce que la vieille Noda se gêne ? la nargua t-il goguenard. Il est passé onze et demie et elle n'est toujours pas là !


    - Elle doit avoir eu un contretemps, suggéra t-elle en reportant son attention sur le livre qu'ils étudiaient actuellement lors des dernières séances.


    - Sawamura-kun, vas t'asseoir et calme-toi, conseilla Tachibana depuis sa place. Si Noda-sensei te voit debout, tu es foutu.


    Le jeune homme colérique écouta son ami et alla s'asseoir. La classe redevint totalement silencieuse et attendit l'arrivée de son professeur qui tarda encore.


    - Un de nous devrait aller se renseigner, émit l'étudiant le plus proche de la porte. Elle a vingt minutes de retard. Ce n'est pas normal du tout !


    - Je vais aller parler à Hashimoto-sensei, décida Osakawa en se levant.


    Brusquement, Shiromiya redressa la tête du livre qu'il compulsait et s'adressa à ses condisciples d'une voix austère :


    - Suis-je le seul étudiant de cette classe à lire les notes ? Si le personnel éducatif en placarde sur le mur des salles des casiers, il me semble que leur volonté est d'être lu par leurs étudiants.


    - De quoi parles-tu ? s'exclama Sawamura d'une mauvaise humeur évidente.


    Rentarou retint un sourire en observant les deux garçons de chaque côté de sa table. Il avait lu lui aussi la note informative mais avait craint d'ennuyer ses nouveaux amis en discutant des cours. Le lycéen géant laissa donc le soin à Shiromiya de l'expliquer.


    - Vous savez que des arbres sont coupés pour faire du papier ? ironisa celui-ci. Ce n'est pas respectueux d'ignorer leur utilisation.


    - Shiromiya, si tu sais où est Noda, dis-le tout de suite, rugit Sawamura en se levant vivement et gagnant la table du provocateur.


    - Tes parents ne t'ont-ils pas enseigné la politesse ? continua Shiromiya en conservant la voix le plus calme possible. Ne te souviens-tu pas de la manière de demander ?


    Poussant un discret soupir, Rentarou regarda l'échange près de lui, presque désespéré. Il connaissait maintenant suffisamment son vosin de droite pour savoir que ce dernier ne lâcherait pas si facilement sa proie. Celui-ci comptait probablement s'amuser autant que possible en énervant au summun Sawamura.


    - Shiromiya-kun, pourrais-tu nous expliquer, s'il te plait, les renseignements que tu as obtenus ce matin ? intervint Rentarou en accentuant sur les mots de politesse.


    - Mais avec plaisir, mon cher Satsuma-han, lui répondit-il d'un fin sourire. Le professeur Noda est absente, comme le professeur Aizawa, pour la fin de la semaine.


    En terminant son explication, il dirigea sa tête de manière à croiser le regard de Sawamura et lui sourit narquoisement.


    - Tu vois, ce n'est pas si difficile de demander poliment.


    - Tu as de la chance que je sois de bonne humeur maintenant, rétorqua le garçon aux cheveux gras agressivement. Alors les gars, on fait quoi ? Il nous reste une heure de libre avant le déjeuner !


    - Vous pourriez en profiter pour étudier un peu, suggéra Osakawa. Ca vous ferait du bien !


    - Jouons à un jeu, proposa Shintarou qui avait déjà gagné le fond de la classe. Rentarou, tu joues avec nous, hein ?


    Plongé dans ses pensées intérieures, le jeune homme aux lunettes sombres ne répondit pas à la question de son ami. Il ne l'entendit même pas. Finalement le rouquin lui donna une bonne bourrade au bras droit soutenant sa tête ce qui le tira de sa transe méditative.


    - Shintarou, qui y a t-il ? fit Rentarou en regardant avec étonnement son ami.


    - Je voulais savoir si tu jouais à un jeu avec nous, dit Shintarou un peu confus. A quoi pensais-tu donc ?


    - Je pensais … la classe de 1B a bien cours d'Anglais ?


    - Oui, approuva Kawamura qui travaillait au secrétariat après les cours.


    - Bien, fit Rentarou en se touchant le menton. Et Sakumai Takahiro-kun est bien un élève de cette classe ?


    - Ca, je ne peux que le confirmer, dit Kawamura en poussant un petit soupir. Matsuda-san ne cesse de râler après chaque jour car il se fait toujours remarquer en classe. Sans compter qu'il court sans cesse jouer avec sa raquette, quitte à sécher.


    - Je te remercie beaucoup de ces informations, Kawamura-kun.


    Inclinant son buste pour remercier la sollicitude de son condisciple, Rentarou se leva ensuite, remit sa chaise sous sa table et s'empara de son sac.


    - Tu vas où, Satsuma-kun ? l'interrogea Tachibana totalement stupéfait.


    - Ne me dis pas … , fit Shintarou désabusé. Tu veux … affronter Tyro ?


    - Je ne fais que suivre le conseil de Matsuda-sempai, rappela Rentarou. Dans un match, tu dois saisir une ouverture pour marquer. Ici, c'est pareil. Le créneau dégagé par nos profs absents ce matin créent une magnifique ouverture !


    - Mais on ne peut pas sortir de classe, protesta Sawamura halluciné. Si un prof te chope …


    - Eh bien, j'aurai une retenue pour une journée ou une semaine, le coupa Rentarou en haussant les épaules. Je m'en fiche bien si je peux jouer le match que je vise.


    Là dessus, Rentarou quitta sa classe qui le regarda passer le seuil de la porte, médusé d'un tel changement d'attitude de sa part.


    - C'est vraiment Satsuma-kun ? fit Tachibana incapable de détacher son regard de la porte grande ouverte.


    - Il a l'air différent … , murmura Sawamura tout aussi choqué.


    - C'est de plus en plus génial, commenta Shintarou qui fut le seul à encore sourire.


    Au milieu de toute cette agitation, personne n'entendit le livre de poésie de Shiromiya tomber sur le carrelage ou aperçut le visage plus pâle qu'à l'accoutumée du frêle adolescent aux cheveux ébènes qui exprimait une forte et vive douleur.

     

    ***

     

    Debout face au mur du vestiaire du club de tennis, Tyro frappa une énième fois avec sa raquette la balle qui ne cessait de rebondir sur la paroi en face de lui.


    S'étant vidé totalement la tête, l'adolescent adorait cet entrainement. D'abord, cela lui permettait de s'exercer autant qu'il le désirait puisqu'il ne dépendait de la volonté d'aucun adversaire. Ensuite, l'exercice lui permettait aussi d'évacuer tout le stress et les soucis qu'il pouvait éprouver. Une fois la pratique achevée, l'adolescent se sentait apaisé pour plusieurs heures.


    - Sakumai-kun !


    En entendant son nom de famille hurlé assez fort, Tyro s'inquiéta un peu au sujet de l'identité du propriétaire de cette voix stridente. Néanmoins, il ne reconnut pas ce timbre très grave et portant incroyablement lointain. Les cris de Matsuda Yoko étaient aussi forts mais plus aiguës tandis que ceux d'Onita se révélaient moins graves et beaucoup moins élevés.


    N'ayant pas d'autre choix que de se retourner, ce fut donc ce qu'il fit. Tyro découvrit à quatre ou cinq mètres de lui Rentarou. Celui-ci avait retiré la veste de son uniforme. Sa chemise sortait de son pantalon tandis que sa grosse main tenait le grip de la raquette posée dans le creux de sa clavicule.


    - Que fais-tu là, Satsuma ?


    - Tu avais parlé de faire un match hier, rappela Rentarou.


    - Ah oui … , fit Tyro en se sentant embarrassé à se souvenir de son comportement puéril de la veille. Eh bien, tu sais …


    - Tu voudrais le jouer maintenant ?


    - Eh ? Tu veux vraiment le faire ? s'écria Tyro stupéfait.


    - Nous avions débuté un match et je n'aime pas ne pas terminer les choses que j'ai commencé, surtout quand elles sont très excitantes.


    - Génial ! C'est trop génial, s'extasia Tyro qui semblait sur le point de sauter partout tant il était heureux par cet inattendu événement.


    Rentarou sourit rien qu'à regarder la liesse éprouvée par son rival et le laissa profiter de ce court répit. Ami ou pas, il ne comptait pas le ménager.


    - Je débute le match, décida Tyro quand son excitation se calma un peu. Mais en échange, tu n'oublies pas de servir avec ton Invisible Server !


    - Invisible Server ? répéta Rentarou confus. De quoi parles-tu ?


    - Le fameux service avec lequel tu as mis Raphael KO, précisa Tyro en passant sa langue sur le bord de ses lèvres. Je veux voir ce service de mes yeux, le sentir avec mon corps et le renvoyer ensuite !


    Bien qu'il entendit parfaitement le message de son adversaire et l'enregistra, Rentarou ne dit rien. Il se contenta simplement d'afficher un petit sourire en coin et pensa que Tyro ne retournerait certainement pas son service aussi facilement.


    Les deux joueurs se mirent en position : Tyro sur la ligne de service puisqu'il avait réclamé le tout premier du match tandis que Rentarou se tenait derrière la ligne de fond, prêt à observer le terrain face à lui et à bondir vers la balle.


    Contrairement au premier match où Tyro n'avait pas encore eu connaissance de la force réelle de son adversaire, le jeune homme fit appel à toute sa puissance pour envoyer un véritable boulet de canon vers le champ adverse mais Rentarou le bloqua avec sa raquette tenue d'une seule main et la retourna facilement en y ajoutant davantage de force. Tyro courut pour la rattraper. Sa raquette obtint bel et bien la balle mais le niveau de force exercée dessus était si élevée qu'il fut contraint de lâcher. Le garçon tomba en arrière tandis que sa raquette fut projetée quelques mètres plus loin.


    En se relevant bien vite, Tyro adressa un regard d'amusement à son adversaire. Sa langue mouilla encore ses lèvres tandis que sa main ramassa sa raquette. Il estima que sa puissance musculaire n'était peut-être pas encore assez développée pour rivaliser avec celle de Rentarou. Ainsi le jeune homme décida de recourir à toutes les techniques et ruses maitrisées grâce à son long apprentissage. Il relança donc un nouveau service mais sa balle fut beaucoup moins forte. La trajectoire et le contrôle furent même très simples aussi. Tyro ne douta pas un seul instant qu'elle serait frappée, surtout que celle-ci se dirigea tout droit vers l'adversaire. Lorsque son rival la renvoya avec davantage de force, le jeune tennisman courut immédiatement et la rattrapa en saisissant sa raquette de ses deux mains.


    Analysant la puissance et la direction de la balle, le jeune colosse courut à l'autre bout de son terrain et attendit son arrivée mais constata avec effroi que celle-ci tomba net sur le sol dès qu'elle eut passé le filet.


    Sans se démunir ni l'un ni l'autre, Rentarou et Tyro bataillèrent ardemment pour prendre chaque point du jeu. Ils jouèrent une deuce pour se départager durant laquelle chacun obtint plus de dix points avant que Tyro ne réussisse à frapper la balle qui lui accorda le droit de remporter ce premier jeu.


    Le second jeu fut celui que Tyro attendit le plus : être confronté au fameux service de Satsuma Rentarou. Il se plaça au centre de son terrain, la raquette levée, un peu inclinée vers la gauche, et ne cessa de fixer la large masse du lycéen géant en face de lui. Les battements de son cœur montèrent à un rythme si effréné qu'ils lui parurent résonner aussi fort que la grosse caisse d'une batterie.


    Quand Rentarou eut cessé de faire rebondir sa balle et la lança en l'air, Tyro ne la quitta pas une seule seconde mais celle-ci disparut totalement de son champ de vision et atterrit derrière lui sans avoir pu réagir.


    Contemplant la petite sphère jaune plantée dans la terre rouge derrière lui, Tyro sourit, ressentant davantage l'excitation qui bouillonnait intensément en lui. Il souhaita plus que tout maitriser ce service. Qu'il puisse perdre ou gagner ce match, échouer à rattraper cette balle invisible, le jeune homme renouvella sa promesse de s'entrainer durement pour y parvenir un jour.


    Au cours des trois lancers suivants, Tyro étudia attentivement la position de son rival et selon l'amplitude et le mouvement de ses bras, il estima la trajectoire que suivrait la balle et prépara sa raquette levée et tendue dans le bon axe, attendant de sentir la balle toucher son cordage.


    Mais elle n'y vint jamais.


    Débutant le troisième jeu, Tyro réfléchit au style de jeu de son rival. Déjà, il avait compris dès la première balle lancée que celui-ci se révélait être un parfait débutant. Aucune de ses frappes ne possédait d'effet et il utilisait uniquement la force pour se battre. Or, le tennis ne se résumait pas à une question de puissance. Même si le point principal de ce sport reposait sur la force des bras du joueur, la stratégie s'avérait toute aussi importante. Tyro était passé maître dans ce domaine. Ce dernier eut recours à de nombreuses feintes, qui marchèrent ou non, afin d'envoyer la balle là où son adversaire s'y attendait le moins. Il lançait doucement sa balle, de manière à ce qu'elle soit frappée, aux endroits les plus éloignés du champ adverse, puis obtenait le point en la frappant une ultime fois, avec toute la puissance contenue dans son bras, en l'envoyant le plus loin possible de son rival.


    Rentarou se débattit énergiquement. Il courait très rapidement et plongeait en avant pour se saisir de la balle. Parfois, cela fonctionnait. Tyro remporta de cette manière le troisième jeu.
    Lors du jeu suivant, Rentarou reprit le service. Aucune résistance n'intervint. Son opposant fut incapable de lire son jeu et encore moins de toucher la balle. Ainsi il égalisa le score à 2-2.


    Les choses évoluèrent au cours du cinquième jeu. Tyro avait repris sa stratégie qui s'était révélée si payante lors du troisième jeu. Le garçon gagna les deux premiers points quand il s'immobilisa subitement au beau milieu du jeu laissant la balle toucher le sol bien qu'elle soit à un court mètre de lui.


    Positionné derrière la ligne de fond, le jeune homme s'était quasiment figé, le regard accroché sur le centre de son terrain : ses yeux venaient de repérer plusieurs marques répétées sur le sol aux endroits exacts où il s'était tenu durant les services adverses.


    Totalement déconcentré le jeune tennisman courut et joua sans se soucier réellement de la balle. Il ne cessa de penser à ces petites marques sur le sol juste sous lui. Son esprit se souvint alors des explications de Shintarou au sujet du service invisible de Rentarou.


    Malgré le fait qu'il perdit le cinquième jeu, le tennisman arbora un sourire de triomphe. Sa langue humidifia davantage ses lèvres.


    Enfin il venait de trouver un plan pour contrer l'Invisible Server !


    Gardant sa raquette levée en l'air pour feinter l'adversaire, la tenant à deux mains, Tyro se concentra et garda les yeux droits sur la balle. Cependant, dès qu'elle jetée, il changea la direction de sa raquette et la mit devant ses jambes. Très vite, ses muscles la sentirent partir vers l'arrière. L'adolescent résista le mieux qu'il put mais la puissance exercée dessus était si forte que cela lui était impossible de contrôler, et encore moins de retourner.


    A sa première tentative, sa raquette s'arracha des mains et lors des trois suivantes, il réussit à repousser la balle mais celle-ci n'atterrit que dans le filet et retomba de son côté.


    Faisant un rapide bilan de la situation mentalement, Tyro compta qu'il perdait par 4-2. Par ailleurs, tous ses muscles des bras lui tiraient affreusement. Il considéra cette balle comme une sorte de prodige extraordinaire et se résolut à la contrôler avant la fin du match.


    Dans ce sixième jeu, le jeune tennisman réutilisa sa technique habituelle pour faire courir Rentarou et le fatiguer un peu, même si l'endurance de ce dernier n'en faiblit pas du tout apparemment, et réussit à gagner un nouveau point.


    Lors du jeu suivant, l'adrénaline de Tyro sembla être au summum de l'ébullition. Il avait réfléchi à son problème et espéra avoir trouver une solution.


    Quand Rentarou frappa sa balle de service, son adversaire baissa immédiatement sa raquette vers le bas de ses jambes. La balle toucha le cordage. Il fit de son mieux pour résister à la pression exercée dessus et fléchit ensuite ses jambes avant de passer sa raquette sous la balle. L'adolescent la frappa alors et la jeta en l'air. Aussitôt Tyro se releva spontanément et la frappa le plus fort qu'il put et l'expédia de l'autre côté à la même vitesse qu'elle fut partie.


    - Ma balle, s'écria Rentarou en la contemplant sur le sol peu après l'impact. Tu … tu as su renvoyer ça !


    - Je … je l'ai fait .. , murmura Tyro en haletant.


    Encore aux prises de l'excitation et de l'étonnement, Tyro ne se rendit pas compte tout de suite de son exploit. En prenant conscience, le jeune homme explosa littéralement de joie et sauta même sur place tant il se sentit fier et heureux de son exploit.


    - J'ai réussi ! J'ai contrôlé l'Invisible Server ! hurla Tyro.


    - Le match n'est pas encore fini, rappela Rentarou en remontant ses lunettes, et tu dois gagner quatre jeux encore pour cela d'ailleurs. Mada mada dane.


    - Mais j'ai l'intention de les gagner, répliqua Tyro en se remettant en position.


    - Dommage pour toi mais je n'ai pas envie de perdre, rétorqua Rentarou.


    Lors du reste du jeu, Tyro prouva que son coup ne fut pas de la chance en le refaisant à chacun des services de son adversaire égalisant de cette manière avec lui.


    Le septième jeu se déroula sans trop d'encontres non plus puisqu'il permit à Tyro de passer devant son adversaire. Le score afficha désormais 5-4.


    Cependant le huitième jeu montra à Tyro que Rentarou n'était pas prêt à capituler. Il utilisa toujours son service habituel mais changea la direction. Au lieu de passer sous les jambes de son rival, le jeune colosse s'écarta le plus possible de lui et fit passer la balle sur les côtés du champ adverse.


    Observant la situation dès le premier lancer, Tyro remarqua la marque du rebond au milieu, près de la ligne et arrêta son regard sur la balle dans le même axe au fond du court.


    D'une main, il se gratta le main et décida de se poster derrière la ligne de fond. Cette fois, cela n'était plus possible d'observer le jeu adverse. Son regard se concentra sur son propre terrain. Chaque fois que ses yeux remarquèrent une marque apparaître sur le sol, le garçon plongea du côté où elle se situait mais la balle avait déjà touchée le sol depuis longtemps. Ainsi le score changea à 5-5.


    En ouvrant le neuvième jeu, Tyro se concentra intensément sur son jeu et à ne pas commettre une seule erreur. Toutefois, une partie de son cerveau réfléchit à la tendance prise par ce match. Ce service adverse lui causait encore bien des problèmes. A présent qu'il ne passa plus près de lui, le jeune homme devait deviner où la balle passait mais cela paraissait une tâche impossible.


    De plus, il se trouvait dans une position très délicate puisque tous les deux n'avaient plus que deux points à obtenir avant de remporter le match. Puisqu'au cours du prochain jeu, son adversaire aurait le tour de service, Tyro savait qu'il devait impérativement gagner ce neuvième jeu.


    Cependant, en gagnant ce jeu et en perdant le suivant, ils devraient se départager par un Tie-Break. Son expérience lui faisait dénigrer ce procédé dangereux. Il se résolut à gagner absolument sans aller jusque là.


    S'il perdait ce neuvième jeu, il perdait le match.


    Tyro refusait cette éventualité.


    Avant la conclusion ultime d'un match, il donnerait tout et n'abandonnait pas jusqu'à ce que la balle de match finisse par résonner sur le sol.


    Tout en méditant sur la stratégie correcte à utiliser, Tyro marqua son sixième point. Pour la première fois depuis le début du match, il n'en retira aucune satisfaction.


    Le plus dur restait encore à faire.


    - Tu es prêt ? demanda Rentarou en sortant une balle de son pantalon.


    Sans se départir de sa concentration, Tyro répondit d'un court hochement de tête, totalement absorbé par le jeu. Son adversaire commença alors à faire rebondir sa balle.


    - Arrêtez votre match tout de suite ! cria une voix sévère.

     

    Déstabilisé par le cri, Rentarou rata le rebond de sa balle qui roula jusqu'au grillage. Les deux joueurs tournèrent leur tête en direction de la voix et aperçurent Matsuda Yoko qui pénétra à l'intérieur du court par la petite porte et se planta directement devant Tyro.


    - Tu n'es vraiment qu'une nuisance, Sakumai, aboya Yoko furieuse. Cela fait presque une heure que je te cherche sur tout le campus ! A cause de toi, j'ai raté le cours de Maths !


    - Je ne t'ai pas demandé de me chercher, répliqua Tyro déjà agacé rien que par la présence de cette fille. Je t'ai déjà suffisamment dit de ne pas te mêler de mes affaires !


    - Tes affaires, elles me regardent, riposta Yoko en apposant son index contre le front de Tyro. Au cas où tu oublierais, je suis vice-présidente du conseil des étudiants et j'assume une responsabilité vis à vis de la surveillance des élèves !


    - Pas de danger que j'oublie vu que tu me le rabâches tous les jours, marmonna Tyro.


    - Excuse-moi, Yoko-chan, les interrompit Rentarou en s'avançant vers eux, mais Sakumai-kun n'est pas seul à partager la responsabilité de sécher les cours. C'est moi qui l'ai retenu ici en lui proposant de jouer un match.


    Avec une surprise qu'elle ne put cacher en se retournant vers lui, Yoko parut incrédule suite à cette révélation. La jeune fille observa longuement son ami et se souvint combien celui-ci était très timide, droit et toujours désireux de faire correctement les choses. Ce n'était pas le genre de personne à désobéir au règlement.


    - Que fais-tu ici ? demanda t-elle toujours surprise.


    - Je voulais juste jouer un match, expliqua Rentarou. J'adore beaucoup le tennis et je voulais jouer un vrai match avec Sakumai-kun car le dernier a été interrompu.


    - Les activités sportives se font dans les clubs et non durant les heures de cours ! Je croyais que tu étais plus patient que ça, s'exclama Yoko devenue assez mauvaise.


    - Mais on ne peut pas jouer au club, protesta Tyro. Enfin tu ne veux pas m'entendre là dessus.


    - Je n'ai pas à gérer les clubs puisqu'un buchou s'en occupe, assena t-elle furieuse. Si vous avez un problème, parlez-en avec Kurata-san !


    Rentarou et Tyro échangèrent tous deux un regard las en se remémorant chacun l'attitude de leur buchou et des autres sempai. Ils eurent un faible éclat de rire à s'imaginer réclamer encore une fois le droit de jouer pour éviter de se mettre en colère.


    - Vous vous moquez de moi ? s'insurgea Yoko en croisant les bras contre sa poitrine.


    - Écoute, Yoko-chan, commença Rentarou. Les choses sont un peu difficiles et …


    - Je m'en fiche, le coupa énergiquement Yoko en refusant d'écouter leurs justifications. A présent, vous allez me suivre tous les deux ! Onita-san vous cherche lui aussi !


    - Super, s'exclama Tyro en simulant une expression de plaisir. Il y a longtemps que lui et moi, on ne s'est pas vus !


    Rentarou n'ajouta rien d'autre à la discussion et les deux garçons suivirent la jeune responsable jusqu'aux bâtiments principaux de l'école. Ils passèrent par l'arrière du campus en longeant la bordure de la petite forêt jusqu'au terrain de football. Le trio poursuivit sa route le long du mur d'enceinte et atteignit la cour. Yoko les dirigea immédiatemment vers le bâtiment administratif.


    Pendant le trajet, Rentarou songea ne pas aimer pas la tournure prise par cette situation. Même s'il avait voulu plus que tout jouer ce match contre Tyro, comme celui-ci d'ailleurs, le jeune homme aux cheveux de jais craignait fortement les ennuis qui en découleraient.


    En jetant un rapide coup d'oeil à sa montre, le lycéen géant réalisa que la seconde heure de cours de l'après-midi était déjà presque écoulée. Il n'aurait jamais imaginé que son match durerait si longtemps et avait naïvement cru qu'il règlerait son compte à son adversaire en une heure. En fait, quatre s'étaient passées et le vainqueur n'avait même pas pu être désigné.


    Comme il fermait la marche, Rentarou contempla le dos de Tyro et songea que son nouvel ami était réellement très doué au tennis. Sans aucun doute, celui-ci ne débutait pas, contrairement à lui. Pour être certain de le battre, il devait s'entrainer davantage et s'améliorer.


    Le groupe s'arrêta de marcher quand ils furent entrés à l'intérieur du bâtiment administratif. Rentarou n'était pas encore entré ici auparavant. L'endroit lui sembla neutre. Ils avancèrent dans un large couloir aux murs recouverts d'une peinture blanche, avec de multiples portes simples. Elles rappelèrent au lycéen géant celles de l'immeuble où il vivait enfant.

     

    Mentalement, l'adolescent compara les lieux avec le reste du lycée et le jugea bien pauvre après de toutes les ornementations de style et richesses observées dans son établissement scolaire.


    Le trio se dirigea vers l'aile gauche et marcha jusqu'à son terme. Droit devant elle, Yoko frappa à la porte. La voix nasillarde du surveillant général lui répondit.


    - Qui va là ?


    - Matsuda Yoko, répondit-elle. J'ai retrouvé Sakumai-kun et aussi Satsuma-kun.


    La voix épaisse et sourde d'Onita cria aux deux garçons d'entrer. Tyro ouvrit spontanément la porte et entra sans montrer la moindre peur. Rentarou fut plus nerveux et moins vif en le suivant. Il voulut même fuir ce bureau dès que ses pas l'amenerent à l'intérieur quand ses yeux se posèrent sur la collection de fouets, de martinets et de chaines soigneusement attachés au mur, juste derrière le bureau du surveillant général.


    Par ailleurs, le propriétaire de ces lieux l'effrayait terriblement. D'une taille moyenne et rondouillard, il portait un épais collier de barbe noire. Son physique ressemblait un peu aux ogres peuplant les histoires que la mère de Rentarou lisait à son fils quand celui-ci était un jeune enfant pour l'endormir.


    - On dirait que tu aimes ma petite collection, constata Onita particulièrement amusé.


    - Vous .. vous les utilisez ? fit Rentarou dont les entrailles s'étaient nouées.


    - Peut-être bien oui, peut-être bien que non, répondit-il d'une voix mystérieuse.


    - Pfff. Vous en n'auriez pas le courage, persifla Tyro avec insolence.


    Jetant un regard à son camarade si calme et enjoué dans un environnement aussi effrayant et austère, Rentarou se demanda comment celui-ci parvenait à agir aussi d'une telle insouciance. Certes, il ne se révélait pas être lâche et éprouvait difficilement les sensations de la peur. Pourtant, en cet instant, le lycéen géant se surprit à souhaiter de ressortir le plus rapidement possible de cet endroit.


    - Alors j'ai appris que vous séchiez vos cours, reprit Onita. C'est très mal, les enfants.


    - J'ai pas séché le matin puisque Aizawa-sensei était absente, protesta Tyro, et Satsuma avait Japonais et Noda-sensei qui était aussi absente.


    - Le règlement du lycée précise qu'en cas d'absence d'un professeur, les étudiants demeurent dans la classe où se déroule normalement le cours, rappela Onita dont la voix monta un peu.


    Les mains fourrées dans ses poches, Rentarou se demanda quelle punition leur réserverait cet inquiétant homme. D'après les rumeurs circulant sur le compte du surveillant général, il savait que celui-ci appréciait de distribuer des punitions arbitraires, injustes et cruelles.
    Pendant une quinzaine de minutes, bien que cela sembla durer une éternité pour Rentarou, Onita demeura silencieux et prit son temps pour imaginer leur châtiment afin de voir monter l'anxiété dans le regard de ces fauteurs de troubles.


    - Vous serez en retenue demain après les cours.


    - C'est pas possible, annonça fièrement Tyro en souriant de toutes ses dents.


    - Ne me dis pas que tu es encore collé, soupira Onita en se couvrant une moitié de son visage de sa large main droite.


    - Noda-sensei m'a collé demain, Hashimoto-sensei Vendredi, Ninohara-sensei Lundi, il y a aussi Tanaka-sensei Mardi … , énuméra Tyro en faisant le compte avec ses doigts. En fait, je ne suis pas libre avant Vendredi prochain !


    - Tu es un cas désespéré, soupira Onita. Alors soit Vendredi prochain, vous serez en retenue tous deux pour accomplir le travail que j'aurais décidé.


    - Il faudra repeindre l'école ? ironisa Tyro. C'est pour savoir si j'amène un tablier ce jour là.


    - Ne me tente pas, gamin, bougonna Onita en le fusillant du regard. Sortez !


    Les deux adolescents se dépêchèrent de quitter le bureau puis le bâtiment administratif. Une fois à l'extérieur, Rentarou se sentit infiniment mieux. Sa respiration et son cœur reprirent enfin un rythme plus régulier.


    - Tu es complètement fou, Sakumai-kun, déclara Rentarou en fixant son ami.


    - Je connais Onita maintenant, se défendit Tyro en haussant les épaules. Si tu montres ta peur, il se régale et en rajoute. Alors mieux faut rester calme et décontracté.


    Rentarou se sentit idiot et n'osa plus rien dire. Il éprouva une immense bouffée de honte de la peur qui l'avait envahi dans ce bureau. Le lycéen géant se décida alors à orienter la conversation vers un autre sujet.


    - On fait quoi pour le match ?


    - On attend, décida Tyro en croisant ses bras contre sa poitrine, devenu très sérieux.


    - On attend ?


    - Après ce match, nous avons vu tous deux que nous pouvions devenir plus forts en corrigeant nos faiblesses. Alors entrainons-nous davantage et on refera ensuite un match pour déterminer qui est le plus fort.


    - Mais où jouerons-nous ? On ne peut plus à l'école, émit Rentarou ennuyé.


    - Dans Tokyo, il existe pas mal de courts libres ouverts au public, l'informa Tyro. Je pourrais t'inviter chez moi un week-end et on jouera un match à ce moment là. D'accord ?


    Tyro espèra que son camarade ne lui poserait pas de question sur pourquoi il ne lui avait pas suggéré cette idée la veille au lieu de se mettre en colère. Malgré sa vaste connaissance sur son sport favori qui lui permettait de savoir l'emplacement de tous ces courts dont il venait de mentionner l'existence, l'adolescent n'y avait pensé que cette nuit avant de s'endormir.


    - Je veux bien, accepta Rentarou.


    Le lycéen géant sentit son cœur s'accélerer suite à la proposition du jeune homme. Pour la première fois, on l'invitait à séjourner chez un de ses camarades. Un large sourire se peignit sur son visage et se réjouit d'avoir choisi d'apprendre à jouer au tennis.


    - J'ai hâte d'y être, Sakumai-kun !

     

     

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