• Chapitre 54

    Chapitre 54


    Après avoir quitté Yoko, Rentarou était remonté directement dans sa chambre. Il s'était ensuite allongé sur son lit et avait rêvassé à cette scène s'étant déroulée quelques instants plus tôt, un sourire béat aux lèvres, les mains contre sa tête en guise d'oreiller. Cela avait duré un certain temps mais le lycéen géant aurait eu beaucoup de mal à l'estimer. Toutes les notions d'heures, de minutes et de secondes avaient disparu de son esprit.


    Quand Seiichi vint dans le début de soirée, peu avant le diner, il alluma la lumière et s'assit au bord du lit. Malgré les deux heures à le chercher dans le parc avec ses amis dans un froid sec et un vent glacial et de comprendre finalement qu'il s'était joué d'eux, le jeune ninja ne lui en tint absolument pas rigueur en constatant que son meilleur ami avait connu une issue malheureuse lors de sa déclaration.


    - Cela s'est mal passé ? demanda t-il inquiet.


    En entendant la voix de son meilleur ami, Rentarou se redressa et se cala contre la tête du lit.


    - Pas du tout. J'ai passé un moment génial.


    - Donc tu continues à t'isoler et tu restes dans le noir quand tu es heureux, dit Seiichi de son habituel sacarme. C'est intéressant.


    - Je ne faisais plus attention à ça, riposta Rentarou. J'étais plongé dans mes pensées.


    L'adolescent raconta longuement la conversation qu'il avait eu avec Yoko et n'omit aucun détail. Le lycéen géant en rajouta même parfois en utilisant des qualificatifs qui honoraient davantage son esprit amoureux que sa mémoire. Pour une fois, Seiichi n'eut qu'à écouter sans à avoir à le pousser pour obtenir tous les détails de la situation.


    - Alors tu as rendez-vous avec elle dans trois jours. Tu sembles te débrouiller mieux que je ne le pensais.


    - C'est sympa de soutenir tes copains, grommela t-il.


    - Désolé, Rentarou, mais vu l'état dans lequel tu étais hier cela semblait vraiment dur à croire que tu puisses si bien assurer en si peu de temps.


    Le jeune homme aux cheveux de jais marmonna encore quelque chose en train ses dents en détournant la tête mais Seiichi n'entendit pas malgré ses capacités auditives plus élevées que le commun des mortels.


    - Tu as déjà prévu quelque chose ?


    Cette question tira Rentarou de sa bouderie. Il se retourna vers son meilleur ami, l'air surpris.


    - Pour quoi ?


    Seiichi poussa un faible soupir. Apparemment le cerveau de son compagnon venait à nouveau de basculer en mode autiste.


    - Ton rendez-vous, crétin ! As-tu déjà une idée d'où l'emmener ou de ce que vous allez faire ?


    Cette fois ci, l'adolescent perdit totalement sa bonne humeur et s'effondra dans son lit.


    - Aucune idée, avoua t-il avec morne. Je ne sais pas quoi faire pour que ce soit un truc sympa qui lui donne envie de continuer à sortir avec moi.


    - Emmène-la voir un film au cinéma. Ensuite improvise selon ce qui se passera, suggéra Seiichi.


    - Tu es sûr de toi ?


    - Il est toujours difficile d'être certain dans les relations humaines, admit-il. Cependant les filles apprécient les garçons sympas et simples.


    Un sourire ironique éclaira le visage de Rentarou qui rit faiblement.


    - C'est vrai que tu es un spécialiste en ce domaine !


    L'adolescent aux cheveux ébènes ignora cette remarque, ou plutôt fit mine de l'ignorer puisqu'il s'avérait presque impossible pour lui de ne pas entendre des paroles.


    - Au fait, sais-tu qu'il va être dix-neuf heures ? fit-il d'un ton faussement innocent. Tu as encore un passionnant devoir de Japonais à faire, non ? Tu sais, celui de comparer des textes de haïkus avec des poèmes occidentaux ?


    Rentarou étouffa une plainte. Malheureusement la grimace que son visage exprima à la seule mention de ce fichu devoir n'échappa pas au jeune ninja.


    - Tu me laisses copier sur toi ?


    - Non ! répliqua Seiichi avec fermeté.


    - Je te donne mes réponses en Maths, rappela le lycéen géant.


    - Absolument pas. Je te laisse m'aider en te demandant des explications sur comment faire. Mais je fais mes calculs moi-même.


    Rentarou soupira. Il était inutile d'insister : son meilleur ami était encore plus incorruptible que lui.
    Après le diner, le jeune colosse passa donc trois horribles et longues heures à réfléchir, analyser et disserter les différences existant entre le haiku japonais et son équivalent, le poème européen. Pour assombrir le tableau, le lycéen géant ne travailla pas seul. Seiichi était resté près de lui pour le conseiller. Toutefois, cette perspective ne le réjouissait pas. L'adolescent aux cheveux ébènes se révélait être un professeur implacable en se montrant très dur et intransigeant.


    En songeant à Tyro qui avait suivi, ou plutôt subi, son enseignement pour l'aider dans ses révisions au premier trimestre, Rentarou comprenait mieux la terreur de son second meilleur ami quand les examens du second trimestre avaient approché et sa détermination à ne pas vouloir échouer.


    A la fin de ce devoir, Seiichi laissa son ami et retourna dans sa chambre après l'avoir salué et souhaité bonne nuit. Le lycéen géant entreprit ensuite de recopier le commentaire d'Anglais à remettre pour le lendemain.


    Les deux jours qui suivirent s'écoulèrent normalement. Le Vendredi matin, Rentarou se réveilla anxieux en songeant que cet après-midi, il devait sortir avec Yoko. Il s'interrogea sur le déroulement du rendez-vous et ne se sentait pas du tout certain de lui plaire. Chose très rare, le lycéen géant n'alla pas à sa pratique matinale et passa plutôt son temps à rêvasser de sept à neuf heures sur son prochain rendez-vous tout en prenant sa douche, mangeant ou révisant. D'ailleurs, ses pensées le rendirent si étourdi qu'il confondit sa bouteille de gel douche avec celle de shampoing, mangea encore plus lentement qu'à l'accoutumée et manqua de prendre son manuel de Géographie au lieu de celui d'Histoire.


    Durant les cours de la matinée, Rentarou éprouva beaucoup de mal à se concentrer. Par chance, en Biologie, le professeur Tsukiyo avait choisi ce jour pour projeter un documentaire ce qui lui permit, comme à la moitié de ses condisciples, de rêvasser sans s'attirer d'ennui. Par contre, les choses ne furent pas si faciles ensuite. En Anglais, il décrocha dès les premières minutes. Son esprit n'arriva pas à fournir l'effort nécessaire pour capter le sens des paroles d'Aizawa. Malheureusement, celle-ci l'interrogea évidemment dix minutes avant la fin du cours sur les explications qu'elle avait donné. Son élève ne sut pas répondre à ses questions. L'enseignante le remercia donc en lui donnant une semaine de retenue.


    En reconnaissant être en tort, le jeune homme marmonna contre le fait de de perdre trois heures chaque fin d'après-midi lors de la semaine suivante. Cet incident ne lui servit guère de leçon car il récidiva en cours d'Histoire. Une main contre sa joue, l'adolescent donnait l'impression de prendre des notes mais rien ne se retranscrivait sur ses feuilles. Heureusement, le professeur Tanaka demeurait fidèlement planté sur son estrade tel un piquet et se désintéressait de savoir si ses élèves comprenaient ou non ses cours et s'ils prenaient des notes. l'homme désirait seulement le silence dans sa classe et ne s'interrompait que s'il percevait un bruit suspect.


    Lors du déjeuner, Rentarou réussit toutefois à se détendre. Contrairement à ce qu'il s'était imaginé, ses amis n'évoquèrent pas une seule fois son rendez-vous. D'ailleurs, le jeune homme soupçonna Seiichi de leur avoir fait la leçon en leur interdisant d'évoquer une référence à ce sujet en sa présence.


    Après les deux heures de Chimie, Rentarou alla ranger ses affaires dans son casier et se débarrassa de sa veste. Il mit à la place un chandail orange entreposé là hier matin et regretta de ne pas pouvoir enlever ce pantalon pour enfiler un jean.


    Quand il se présenta à la chambre de Yoko, la jeune fille lisait paisiblement sur son lit en l'attendant. Elle sourit en l'apercevant et s'assit sur le bord.


    - Tu t'es changé ? s'étonna t-elle. Tu avais cours il me semblait.


    - J'ai horreur de porter l'uniforme, avoua t-il. Dès que je termine mon dernier cours de la journée et que je n'ai ni corvée ni retenue, je vais me changer.


    Yoko se leva et s'avança vers lui.


    - Tu le portes toujours si bien que je ne l'avais jamais remarqué.


    - Je respecte simplement le règlement.


    Les deux jeunes gens partirent ensuite. Ils s'éloignèrent de leur établissement scolaire et marchèrent dans la ville. Ne voulant pas avouer qu'il ne savait pas utiliser les transports en commun, Rentarou s'était rabattu à l'emmener dans un cinéma proche. Malheureusement pour lui, celui-ci posait son congé hebdomadaire aujourd'hui.


    - Ce n'est pas bien grave, le rassura Yoko. Prenons le métro et allons dans un autre endroit.


    Rentarou pâlit. Il allait devoir avouer son secret à sa compagne. Comme effet à un premier rendez-vous, c'était complètement nul ! Elle se moquerait certainement de lui. Un enfant savait se déplacer en bus ou en métro. Même Nobu le pouvait.


    - Rentarou ? s'inquiéta t-elle en le voyant pâle et silencieux.


    - Je ne sais pas prendre le métro ou le bus, lâcha t-il abruptement, penaud, en baissant les yeux.


    Surprise, la jeune fille plissa le front. Elle ne comprit pas le sens de cette déclaration.


    - Tu ne trouves pas ça ridicule ? fit-il en relevant timidement son regard.


    - Pas du tout. Tu t'attendais à ce que je me moque de toi ? Je ne suis vraiment pas le genre de personne à embêter quelqu'un sur ses faiblesses.


    Elle lui prit alors la main du jeune homme et recommença à marcher.


    - Et puis je peux t'apprendre, non ? ajouta t-elle en faisant un clin d'œil.


    Rentarou sourit de cette conclusion si heureuse et la suivit bien docilement. Il apprécia particulièrement de sentir la chaleur de la main de la jeune fille dans la sienne. Celle-ci le mena à la station de métro la plus proche. Elle lui apprit à lire la carte des itinéraires de métro, à acheter un ticket ensuite et à trouver la rame correspondante. Le couple passa tout le reste de l'après-midi à voyager en métro sans jamais s'ennuyer. Entre chaque arrêt, ils ne cessèrent de parler.


    - Kaasan ne prenait jamais le bus ou le métro. Elle économisait le plus possible pour pouvoir m'offrir les meilleures choses. De plus, elle me disait souvent que la marche était beaucoup plus saine que de s'asseoir les fesses sur une banquette sans rien faire.


    Yoko rit de cette dernière remarque.


    - Lors des heures de pointes, ça peut pourtant être un vrai sport !


    - C'est ta mère qui t'a appris toi ?


    - Depuis que je suis très petite. Au contraire de la tienne, elle m'a toujours encouragé à prendre les transports en commun, surtout s'il y a du monde. Elle dit toujours que c'est là où on est le plus en sécurité. Et puis, elle n'a jamais été une grande sportive.


    Rentarou se souvenait du lourd secret que Yoko lui avait avoué deux mois plus tôt. Il comprenait pourquoi elle disait cela mais ne voulut rien dire sur ce sujet. Blesser la jeune fille en lui rappelant de douloureux souvenirs était la dernière de ses intentions.


    - Dis, Rentarou, tu as toujours su que ton père était parti ?


    L'adolescent aux lunettes sombres se sentit un peu mal à l'aise par cette question mais il n'avait pas envie de lui cacher la vérité à elle.


    - Kaasan m'a toujours dit que mon père reviendrait et qu'il nous aimait. Au début, j'y croyais. Un jour, je devais avoir deux ans et demi, je n'étais pas encore à la maternelle, j'ai surpris une discussion entre elle et ma babysitteuse. Celle-ci disait clairement que mon père nous avait abandonné et ne reviendrait jamais.


    - Et tu n'as pas cru ta mère ? s'étonna t-elle.


    - J'ai oublié beaucoup de choses de cette période. Par contre, je n'ai jamais su oublier les mots où Miyu-chan disait que mon père nous avait abandonné et ne reviendrait pas.


    - C'est vrai qu'on oublie nos premiers mois de vie, reconnut Yoko avec regret. C'est dommage que ces souvenirs restent juste dans notre inconscient.


    Rentarou passa un doigt sur ses lunettes et caressa le pont reliant les deux verres obscurs.


    - C'est sans doute parce que je porte toujours un objet de cette époque-là que j'ai conservé ce souvenir je pense.


    - Comment ça ? demanda Yoko très surprise puis moqueuse. Tu as gardé ton nounours préféré ?


    - Quand j'ai entendu Miyu-chan dire cette phrase, j'ai aussi entendu kaasan dire que je ressemblais à mon père, surtout mes yeux. Je ne sais pas ce que j'ai pensé ni ce que j'ai ressenti. Je ne m'en souviens plus. Par contre, ça correspond à cette époque que j'ai commencé à mettre mes lunettes.


    - Et à ne plus vouloir les enlever, compléta Yoko. Parce que tes yeux te rappellent ton père.


    - Sans doute, approuva t-il. Tu trouve ça bête ?


    La jeune fille secoua aussitôt la tête négativement.


    - Je sais ce que c'est de vivre avec le visage de son père, reprit-elle sombrement. Dans ma famille, je suis la seule à ressembler à une occidentale. J'ai toujours eu honte de la couleur de mes cheveux, de mes yeux et de ma peau.


    Spontanément, Rentarou la réconforta.


    - Moi, je trouve que tu es vraiment très belle.


    Yoko sourit de ce compliment. Ses joues rosirent légèrement.


    - Je n'ai pas honte de ce que je suis, reprit-il. Du moins, je n'en ai plus. Je suis différent de mon père. Contrairement à lui, je refuse d'abandonner les autres quand ils ont des ennuis. Je ne peux pas tourner mos dos qu'importent les ennuis auquels je dois faire face.


    - Dans ce cas, pourquoi portes-tu toujours tes lunettes ?


    Rentarou médita quelques instants à cette question. Il n'avait jamais pris le temps d'y réfléchir.


    - Je crois que je les aime, dit-il finalement.


    - Tu me montreras un jour ton vrai visage alors ?


    - Peut-être, répondit-il en riant doucement.


    Durant le reste de leur rendez-vous, ils continuèrent à parler surtout de leurs familles respectives. Yoko évoqua sa grande complicité avec son frère Daichi. Elle lui raconta aussi que son père avait grandi en France bien qu'il soit un japonais né au Japon. Cela lui avait alors permis d'apprendre la langue française très jeune, comme sa mère l'avait fait avec l'anglais, le chinois et l'espagnol. La jeune fille lui parla aussi de son enfance dans une ferme dans le Nord de Honshu où elle avait appris notamment à s'occuper de n'importe quel animal domestiqué et à monter à cheval.


    Quant à Rentarou, il ne put que lui parler de sa mère et de sa petite sœur. Le jeune homme lui conta, au début, avoir détesté cette dernière durant toute la grossesse de sa mère. Le jour de sa naissance, il l'avait prise dans ses bras pour faire plaisir à sa mère et en la voyant bouger ses petits bras, il s'était senti touché et s'était juré de toujours la protéger du haut de ses quatre ans. Il raconta comment il jouait avec elle dans l'appartement en la portant sur son dos et en avançant à quatre pattes tout en imitant le cri d'un animal, les moments où il l'emmenait à l'école en la portant sur ses épaules et ceux où il chapardait des croissants dans une boulangerie sur le chemin du retour pour les lui donner.


    A la fin de leur journée passée ensemble, les deux adolescents se séparèrent dans le quartier de Ginza, près du manoir de la famille Murakami. Yoko avait promis à sa meilleure amie de passer la nuit, et le week-end aussi, avec elle.


    Pour rentrer, Rentarou reprit le métro comme on lui avait enseigné cet après-midi. Installé dans la confortable banquette, le lycéen géant se remémora cette journée en songeant qu'il avait adoré ce moment passé avec la jeune fille et espéra que celle-ci soit toujours d'accord pour continuer de sortir avec lui.


    Le week-end se déroula calmement. Le Samedi, Rentarou passa la journée à la bibliothèque avec ses amis. Seul Tyro et Raphael ne se joignirent pas à eux. Le français obtenait rarement le droit de sortir. Quant à Tyro, il acceptait de venir au lycée en dehors des heures scolaires mais fréquenter la bibliothèque demeurait inenvisageable.


    Le Dimanche, Rentarou et Seiichi restèrent ensemble. Leur meilleur ami devait accompagner ses parents à un repas familial bien que cela le gavait gravement selon les propres mots de l'adolescent directement concerné par le problème. Dans la chambre parfaitement rangée et ordonnée de Seiichi, le jeune ninja dessinait à son bureau sur son carnet de croquis. Sachant que son ami n'aimait pas être dérangé lors de ses compositions, Rentarou s'était allongé sur le lit et jouait avec sa Gameboy en écoutant de la musique.


    Dans le début de l'après-midi, il eut la surprise de recevoir un appel de Yoko qui lui proposa une sortie cinéma. L'adolescent accepta immédiatement et quitta son meilleur ami sans rien dire. Le jeune couple passa deux heures à regarder un film ensemble puis allèrent prendre un café.

     

    Le Lundi, Seiichi l'attaqua quand les Sanonis furent réunis dans la salle des casiers :


    - Tu sais, Tyro, ils s'entendent bien, Rentarou et Yoko-chan ! D'ailleurs hier, elle l'a appelé !


    - Vraiment ? C'est super !


    En ouvrant la porte de son casier, Rentarou soupira. Lui qui détestait les rumeurs et parler de sa vie privée … Il était servi avec les mœurs adolescentes !


    Mu par un vif intérêt du sujet, Tyro se décolla du radiateur sous la fenêtre auquel il était adossé et s'approcha de ses amis.


    - Tu l'as embrassé, Rentarou ?


    Les bras croisés contre sa poitrine, Seiichi se tenait un peu en retrait entre les deux.


    - Cela peut être un peu tôt, émit-il de son calme habituel. Rentarou a besoin de prendre son temps.


    - Allons, Seiichi ! Tu sais bien qu'une relation ça commence toujours à partir du moment où on s'est embrassé.


    - Tu dis n'importe quoi. Il existe de nombreuses personnes qui sortent ensemble mais qui ne s'embrassent pas. Ils apprécient simplement de passer un moment ensemble.


    - A part un moine, je n'en connais pas, répliqua Tyro.


    - Tu as pourtant une de ces personnes avec toi en ce moment.


    - Arrête ! Rentarou ne compte pas. C'est un novice.


    Interpelé par l'allusion du jeune homme et ennuyé par cette discussion au sujet de sa vie sentimentale, Rentarou se retourna et foudroya les deux compères du regard


    - Ca vous gênerait d'arrêter de parler de moi comme ça ?


    - En plus, je ne parlais pas de toi, protesta Seiichi.


    - Et de qui ? rétorqua Tyro en levant ses yeux au ciel. Je suis déjà sorti avec des filles au collège et cette année. Quant à toi, Seiichi, je ne préfère ne pas rentrer dans ce sujet avec toi.


    L'adolescent aux cheveux ébènes sourit mystérieusement. Cela intrigua ses deux camarades et les inquiétèrent également. Cela n'était jamais très bon quand leur ami souriait de cette manière et signifiait très souvent qu'une idée machiavélique venait de germer dans son esprit.


    - Je n'ai jamais eu de contact physique avec une fille, révéla t-il après laissé planer un long instant de silence qui avait duré une éternité pour ses compagnons.


    - Tu plaisantes ? s'étrangla Tyro. Tu sors en moyenne avec une fille par semaine !


    - Il y a même une fois, ça doit être en Juillet je crois, où il est sorti avec trois filles en une seule semaine, rappela Rentarou. Tous les copains de la classe étaient verts !


    - Comme je l'ai dit précédemment, sortir avec quelqu'un n'inclue pas de l'embrasser ou d'avoir un contact physique avec elle.


    - Alors pourquoi tu sors avec des filles ? insista Tyro. Je ne vois pas l'intérêt !


    - J'apprécie d'avoir des relations et de dialoguer avec l'autre, Tyro. De plus, ceux sont les filles qui me demandent toujours de sortir avec elles puis qui rompent avec moi.


    - Je confirme, approuva Rentarou qui se souvenait avoir assisté à certaines de ces scènes.


    - Mais tu n'as jamais envie de les embrasser ou de les toucher ? poursuivit Tyro halluciné.


    Seiichi poussa un faible soupir puis posa une main compatissante sur l'épaule de son ami.


    - En vérité, je pense que je n'ai pas le droit d'agir ainsi. Ces filles viennent me voir, me disent m'aimer et veulent sortir avec moi. J'accepte de répondre à leur invitation pour ne pas leur causer de peine mais je ne peux pas en faire plus. Je crois qu'il faut éprouver des sentiments pour la personne pour embrasser et moi je n'en ai aucun pour elles. Par conséquent, je garde une relation chaste avec chacune d'elles.


    - Tu es encore plus dingue que Rentarou.


    - Je pense que les mots droit et respectueux conviennent mieux, se défendit le jeune ninja.


    - Et par curiosité, tu es sorti avec combien avec combien de filles ? le questionna Rentarou.


    - Cette année ou au total ?


    - Je dois être mazo mais au total, décida Tyro.


    - Eh bien, je suis sorti avec une fille la première fois, en cinquième année, trois en sixième, cent-six au collège et vingt-huit cette année, détailla Seiichi en réfléchissant. Cela doit faire un total de cent trente huit.


    - OK, mais fais les calculs dans ta tête la prochaine fois, marmonna Tyro déprimé.


    - C'est toi qui tenait à savoir, non ? rétorqua Seiichi moqueur.


    Laissant ses deux amis se chamailler, Rentarou pivota à nouveau vers son casier afin de prendre le reste de ses affaires. Il se sentit très soulagé de ne plus être le sujet de la conversation. Cela ne dura guère longuement. Malheureusement.


    - Au fait, Rentarou, tu l'as embrassé ou pas ? reprit Tyro.


    Le concerné soupira profondément en constatant que son répit n'avait guère duré. Il se tourna de nouveau d'un air las.


    - Tu te souviens ce qu'a vécu Yoko-chan il n'y a pas si longtemps ?


    - C'est à dire ?


    - Rentarou, as-tu oublié que ce garçon a une mémoire de poisson rouge ?


    - C'est pas vrai ! s'indigna Tyro.


    - Bien sur que si. Tu es assez bête pour oublier ton téléphone et enfermer tes amis dans un placard sans possibilité de s'échapper ou d'appeler au secours.


    - Mais ! Tu vas me la répéter encore combien de temps celle là ? En plus, Nobu-kun n'avait pas son portable lui non plus !


    Excédé, Tyro grogna puis décida de cesser de se chamailler avec l'adolescent aux cheveux ébènes et de poursuivre sa conversation avec son autre ami. Cela aurait déjà comme mérite de lui éviter de se jeter sur lui pour l'étrangler afin de l'obliger à se taire.


    - Explique-nous, Rentarou.


    - Yoko-chan est encore fragile de sa rupture avec Noguchi, exposa Rentarou. Je ne veux pas être comme lui et la forcer à faire ce qu'elle pourrait regretter. Je préfère attendre jusqu'à ce qu'elle se sente prête.


    - Mais tu es différent de cet abruti, s'offusqua Tyro.


    - C'est souvent une bonne stratégie de laisser une fille décider de l'évolution de la situation. Elles peuvent être terriblement compliqué à comprendre dès fois, intervint Seiichi.


    - Sur ce point, je suis d'accord, admit Tyro. Pour preuve, j'en ai deux à la maison et je n'ai toujours pas parvenu à comprendre comment elles fonctionnaient.


    Soudain une sonnerie retentit ce qui empêcha à l'un d'eux d'ajouter quelque chose et les plongea dans un état d'affolement.


    - Oh non ! C'est la sonnerie des cours ! glapit Rentarou horrifié.


    - Super, soupira Seiichi. Deux étages à monter au pas de course !


    - Plaignez vous, bougonna Tyro en prenant rapidement ses affaires de son casier. Moi, c'est au troisième que je vais tout au fond du couloir ! Non mais vraiment ! Quelle idée de mettre la salle de Maths si loin !


    Sur ce, les adolescents se séparèrent et se hâtèrent de rejoindre leur classe en quatrième vitesse.
    Ce début de semaine se déroula comme tous les autres. Les cours se ressemblèrent. Les devoirs ne cessèrent de s'accumuler. En raison de l'approche de la fin de l'année scolaire, les professeurs surchargeaient de travail leurs élèves. En Japonais, ils devaient maintenant rendre un compte-rendu de lecture par semaine. Également le professeur Hashimoto faisait un contrôle hebdomadaire pour vérifier l'état de leurs connaissances. Malheureusement il déplaçait toujours la date ce qui obligeait les étudiants à travailler chaque jour pour être surs de ne pas échouer.


    Malgré ses contraintes dues au travail scolaire et à ses entrainements intensifs de tennis, Rentarou se languissait de ne pas revoir sa petite amie. Comme ils étaient dans des classes différentes, tous deuxne se croisaient jamais. De plus, il savait qu'elle n'aimait pas étaler sa vie privée au grand jour. Lui non plus. Cela convenait donc très bien.


    Mardi soir, il avait avoué ce sentiment à Seiichi. D'ailleurs celui-ci n'avait pas eu à obtenir beaucoup d'explications pour deviner les raisons de son état. Le jeune ninja lui avait suggéré de lui proposer un rendez-vous plus souvent. Rentarou lui avait alors rapporté la décision de Yoko de ne sortir que le week-end. D'abord, la jeune fille ne voulait pas perturber son travail de la semaine mais surtout elle lui avait rappelé son désir de ne pas enfreindre le règlement en quittant l'établissement hors du temps autorisé.

     

    Également, la caucasienne ne souhaitait passer la nuit à l'extérieur puisqu'une fois le portail fermé, il n'y avait plus un seul moyen de rentrer avant sa réouverture à sept heures du matin.
    Pensant aider son ami, Seiichi avait alors parlé de la porte sécrète que Rentarou avait découvert par hasard le premier mois de l'année scolaire et qui permettait aux Sanonis d'entrer et sortir dans le lycée comme ils le désiraient sans rendre de comptes à personne. Le lycéen géant avait refusé net. D'abord, il n'était pas certain que Yoko puisse apprécier d'apprendre l'existence de ce passage interdit et qu'ils enfreignaient très souvent la moitié du règlement du lycée quand l'envie leur prenait d'aller se promener en ville sous le clair de lune. Sa seconde raison concernait leur amitié. Cette porte était le secret des Sanonis. Le premier secret qu'ils avaient partagé ensemble. C'était précieux et inestimale à ses yeux. De plus, avec tous les efforts déployés et les galères subies pour changer la serrure afin de la fermer avec une clé, le lycéen géant considérait que cette porte était à eux. Chacun d'eux avait un double de cette clé et seulement eux. D'ailleurs c'était l'unique objet que Tyro n'oubliait jamais puisque le garçon la gardait pendu à son cou grâce à une petite chaine d'argent que lui avait donné Seiichi.


    - Dans ce cas, tu vas être obligé de te creuser la cervelle pour être capable de voir ta bien-aimée plus souvent en respectant ses conditions, conclut Seiichi avec amusement.


    En effet, Rentarou réfléchit à différents moyens pour parvenir à ce but. Il voulait aussi en même temps trouver une activité qui l'intéresserait. L'adolescent finit par penser à une solution conciliant toutes les conditions de son problèmes.


    Le lendemain soir, après l'entrainement au club de tennis, Rentarou se dépêcha de faire ses devoirs pour le jour suivant. Il réalisa en un temps record ses cinq pages d'exercices de Mathématiques qui étaient pourtant très compliqués et recopia ensuite sa dissertation de sept pages sur le développement économique et social des pays d'Amérique du Sud pour son cours de Géographie.
    Après ces deux tâches, le lycéen géant s'interrompit une petite demie-heure pour descendre diner et remonta rapidement ce qui étonna ses camarades, Seiichi, Shintarou et Takaishi. D'ordinaire leur camarade restait tout le long du repas avec eux et ne mangeait jamais très vite. Très perspicace, le jeune ninja comprit.


    - Tu as un rendez-vous ? demanda t-il d'une fausse innocence.


    - Si on te le demande, tu diras que tu n'en sais rien.


    Il laissa là ses trois amis qui riaient de son comportement en haussant les épaules. Une fois revenu dans sa chambre, Rentarou se plongea dans son dernier devoir. Le jeune homme passa plus d'une heure et demie à lire des haïkus et à en composer de la manière que le professeur Noda l'exigeait.
    A l'achèvement de son travail prioritaire, il se redressa et tourna la tête. Par sa fenêtre, l'adolescent constata que l'obscurité recouvrait la totalité du paysage à l'extérieur. Il regarda ensuite l'heure au radio-réveil posé sur sa table de chevet.


    - 21h30l. Encore un peu tôt.


    Rentarou se leva, rangea sa chaise sous le bureau etéteignit les deux spots qui éclairaient cet emplacement avant d'allumer la lumière principale. Il traversa la pièce, prit un livre sur son étagère et le compulsa pendant une heure pour patienter.


    En sentant le bon moment, le jeune homme aux cheveux de jais quitta sa chambre en longeant prudemment les murs et gagna l'escalier en priant ne pas rencontrer Onita où il serait bon pour une semaine de retenue à frotter les carrelages du réfectoire à pelleter toute la neige des pelouses. Le lycéen géant grimpa au second étage où logeait les filles internes et à pas de loup se faufila jusqu'à la chambre de Yoko. Il frappa à la porte.


    - Entrez, répondit aussitôt la propriétaire des lieux.


    Dès qu'il obtint la permission, Rentarou ouvrit la porte, s'engouffra à l'intérieur et la referma derrière lui. La jeune fille fit pivoter en même temps sa chaise vers l'ouverture.


    - Rentarou ? Qu'est-ce que tu fais là ?


    - J'avais envie de te voir. C'est interdit ?


    L'adolescent avait dit cela un peu insolemment mais il se dégagea aussi de son sourire quelque chose de charmant qui troubla la jeune fille. Toutefois, elle resta maitre de ses émotions.


    - Les garçons ne sont pas permis de venir à l'étage des filles et inversement.


    Rentarou rit doucement.


    - Je sais. Cependant je voulais te demander quelque chose.


    - N'as-tu pas un portable ? se moqua t-elle gentiment. D'après ce que Seiichi-kun m'a raconté tu en possèdes même plusieurs.


    - Dès fois, je me demande si Seiichi est mon meilleur ami ou ton espion, plaisanta Rentarou.


    - Alors c'est quoi ce que tu veux me demander ?


    - Tu veux sortir avec moi ce soir ?


    - Rentarou, se fâcha Yoko. Je t'ai dit que je ne sortais pas la semaine ! En plus, les grilles sont fermées ! Tu comptes me faire grimper le mur ?


    - En fait, je voulais te montrer un lieu génial qui se trouve à moins de cent mètres d'ici.


    Yoko arqua un sourcil. Elle ne comprenait plus rien de ce qui se tramait sous le crane du jeune homme.


    - Cent mètres ? Ca doit être la distance jusqu'au fond du couloir ou à ta chambre. En quoi il y aurait quelque chose d'intéressant ?


    - C'est un secret, répondit-il en riant. Fais-moi confiance.


    Intriguée et piquée par la curiosité, la jeune fille se décida à la suivre. De toute façon, si elle n'aimait pas la surprise que lui avait préparé son petit ami, la jeune fille pourrait toujours revenir rapidement à sa chambre. Rentarou lui fit prendre l'escalier de service qui menait au toit. Il s'allongea sur le sol et l'invita à le rejoindre.


    - Viens et mets ta tête sur mon torse, dit-il en mettant sa main droite sous sa tête pour la relever. Ce sera plus confortable pour toi.


    - Et que sommes-nous sensés faire comme ça ?


    - Essaie et tu verras bien.


    Puisqu'elle était venue jusque là, Yoko se résigna à suivre cette directive. Elle s'agenouilla et posa sa tête contre la poitrine de l'adolescent appréciant en même temps ce contact. A ce moment, ses yeux se dirigèrent vers le ciel et comprit.


    - C'est magnifique, s'exclama t-elle.


    Devant les yeux émerveillés de la caucasienne venait d'apparaitre un obscur ciel jonché de multiples points brillants, des étoiles. Rentarou utilisa alors son bras libre pour lui apprendre leurs noms et la constellation à laquelle elles appartenaient.


    - La plus brillante des étoiles c'est Sirius, là-bas. Elle fait partie de la constellation du Chien. A côté, tu as Murzin, Muliphen, Wezen, Adhara, Furud et Aludra.


    Il continua ainsi à énumérer chacune des constellations, donner le nom des étoiles qui la composaient et les anecdotes s'y rapportant.


    - Comment tu sais tout ça ? demanda Yoko au milieu de ses explications sans cesser d'admirer le magnifique ciel nocturne.


    - Quand je vivais dans la rue, tout au début, je regardais souvent les étoiles, pour passer le temps au début. J'ai commencé à m'intéresser et à vouloir apprendre leurs noms. Ca m'a bien aidé d'ailleurs. Grâce à ça, je suis capable de m'orienter en ville sans carte.


    - On peut vraiment faire ça ? s'étonna t-elle.


    - Bien sur. Auparavant, les hommes, les navigateurs et les explorateurs principalement, n'utilisaient que ce moyen pour se diriger. Mais depuis l'invention des GPS et des cartes, plus beaucoup de monde n'arrive à lire leurs positions.


    Impressionnée par les connaissances de son petit ami, Yoko se tut et continua d'observer ces majestueuses étoiles pendant que Rentarou les lui détaillait.

     

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