• Chapitre 62

    Chapitre 62


    Pendant la dizaine de jours qui suivit le tournoi interne, les journées passèrent et ressemblèrent toutes l'une à l'autre. Rentarou et ses amis allaient en cours comme leurs condisciples et étudiaient plus ou moins sérieusement. Tyro passait son temps soit à dormir en classe soit à jouer à un jeu vidéo, Kou lisait des mangas, Takaishi dormait sur sa table et Raphael profitait de ces larges temps libres pour continuer à apprendre les kanjis. Shintarou se révélait être le pire de tous. Il se plaisait à faire toutes sortes de grimaces, que le professeur ait le dos tourné ou non. Seuls, Rentarou et Seiichi ne modifièrent rien à leur comportement. Tous deux continuèrent à prendre des notes et faire leurs devoirs avec le même sérieux qui était le leur, même en Anglais, ce qui s'avérait un réel exploit pour le lycéen géant quand on connaissait sa sépulsion pour les langues.


    Après les cours, ils se rendaient toujours au club de tennis. Seiichi et Raphael continuaient toujours à entrainer les membres. Cela permettait à leurs équipiers de s'entrainer librement. Souvent, Takaishi et Kou passaient la séance à s'exercer sur une machine à balles. Quant à Rentarou, Tyro et Shintarou, ils préféraient jouer des matches entre eux. D'ailleurs, le petit rouquin surprenait sans cesse ses amis. Malgré le bandeau noir à son œil gauche, il demeurait capable de voir aussi bien et conservait son style de jeu habituel. Seiichi avait alors supposé que son enfance l'avait probablement aidé à s'adapter à tous types de situation. En grandissant au contact de la nature, le singe humanoïde avait appris à réagir vite et à développer tous les membres de son corps pour les utiliser dans de multiples possibilités.


    A la fin de chaque séance, les titulaires restaient très tard pour poursuivre leur entrainement. Ils disputaient encore et toujours des matches. A part quand il affrontait Seiichi, Rentarou gagnait toujours même si c'était toujours long et difficile. En fait, tous deux s'étaient résignés à ne plus livrer de matches entre eux jusqu'au lendemain de la finale. Comme le lycéen géant était incapable de marquer un seul point contre lui et que son meilleur ami était incapable de terminer un match, ils avaient décidé d'économiser leurs forces pour se concentrer sur leur objectif commun.


    Raphael parvenait à battre pratiquement tout le monde, sauf les Sanonis. De temps en temps, il gagnait aussi contre Shintarou mais celui-ci l'emportait souvent lui aussi. D'ailleurs, ils adoraient tous deux jouer ensemble, que ce soit en double ou l'un contre l'autre.


    Shintarou avait également réussi à se distinguer en battant Seiichi. Par sa technique de multiplier les ombres de sa balle, le rouquin avait mis à mal à sa stratégie. Le jeune ninja se servait principalement des formes sur le sol et des sons pour deviner où les balles allaient. Cette défaite n'avait guère fait plaisir à l'adolescent aux cheveux ébènes. Il essayait depuis de lui renvoyer la pareille.


    Kou et Takaishi se montraient beaucoup moins bons. Ils perdaient souvent face à leurs amis dont les talents en tennis n'étaient plus à prouver. Cependant tous deux ne se décourageaient pas et persévéraient en espérant s'améliorer jour après jour.


    Il faisait toujours très noir quand la bande quittait le club. La nuit était souvent tombée depuis au moins deux heures. Heureusement, Rentarou avait enfin fait changer les ampoules usées des projecteurs. Plutôt que demander à un homme de l'entretien de le faire, il avait utilisé les capacités de Shintarou. Le rouquin avait été ravi d'être utile. Sans éprouver la moindre peur, le singe avait grimpé le long des poteaux de dix mètres de haut pour démonter les parties usées et en mettre des neuves. Cela leur permettait ainsi de jouer en toute impunité.


    Cependant à cause de l'heure tardive, les externes se retrouvaient bien souvent prisonniers de l'enceinte du lycée. Le portail par lequel les élèves entraient et sortaient était fermé chaque jour à dix-huit heures précises. Il ne restait ouvert sans interruption que du Vendredi matin au Lundi soir.
    Après s'être concertés, les Sanonis avaient décidé de montrer la porte secrète au reste de leur bande. Au début, cela ne les avait pas du tout enthousiasmé. Le trio avait envie de garder leurs secrets pour eux. Ils avaient ensuite réfléchi et conclu que c'était l'unique possibilité pour leurs amis de continuer à jouer avec eux. Par contre, il était exclus de leur confier la clé. C'était Tyro qui les menait chaque soir à la sortie et ouvrait la porte.


    Également Tyro avait trouvé un moyen pour resserrer leurs liens et affirmer leur appartenance à la même équipe. Il avait rapporté la boite contenant des bandeaux de couleur. Ces fameux bandeaux que les Sanonis portaient en permanence à leurs poignets. Excepté pour dormir, se laver et aller se baigner, ils ne les retiraient jamais. Tous les trois les gardaient même sous les manches de leur chemise quand ils étaient en uniforme. Parmi lex choix qu'il restait, Takaishi et Shintarou avaient pris respectivement, d'un geste spontané, le rose et le vert. Un peu plus hésitants, Raphael avait fini par opter pour la couleur marron et Kou le violet.


    Pendant les trois jours normalement consacrés aux examens, l'équipe se voua totalement au tennis. Ils s'arrêtèrent de temps à autre pour faire des pauses et passer un moment agréable à discuter ensemble.


    Lors de cette période, Rentarou ne participa pas aux entrainements de ses amis lors d'une journée. Il se contenta de s'adosser contre le mur des vestiaires et d'observer le style et le jeu de chacun d'eux. Il évalua leur niveau à tous et ne cessa d'établir des combinaisons dans sa tête.


    Seiichi remarqua cette attitude étrange de la part de son meilleur ami et le rejoignit.


    - Il y a quelque chose qui ne va pas, Rentarou ?


    - Je réfléchis, répondit-il d'un ton soucieux.


    - Puis-je savoir à quoi ? Je pourrais peut-être t'aider.


    - En tant que buchou, je dois établir l'ordre des matches. Cependant je n'arrive pas à me décider qui mettre en double.


    - Ce n'est pas très difficile, rit le jeune ninja. Raphael-han et Shin sont parfaits pour jouer en double. Ils peuvent gagner contre n'importe qui.


    - Je le sais ça. Je n'ai pas de souci avec eux. C'est le second double qui m'ennuie. Je pense à te mettre avec Tyro mais ça m'embête aussi … Si nos adversaires sont excellents en doubles alors il n'y aura personne pour assurer correctement les simples à part moi. Il faut aussi déterminer dans ce cas où je me place. En simple trois ou un. En sachant que si je laisse Kou-kun et Taka-chan jouer avant moi, on risque de perdre sans que je puisse faire quelque chose.


    - Alors pourquoi ne fais-tu pas jouer Kou-han et Taka-han en double ? suggéra Seiichi. De cette manière, les Sanonis assureront les trois simples.


    - Ce pourrait être une bonne idée, approuva Rentarou.


    - Allez ! Viens jouer avec nous maintenant, s'exclama t-il en le tirant par le bras.


    Le Dimanche 26 Février, le jour tant attendue de la finale du tournoi national sur lequel tous les tennismen lycéens de ce pays fondaient leurs espoirs et leurs rêves. Malheureusement seuls peu d'élus accédaient à la consécration de leur désir pourtant si ardemment souhaité.


    Ce jour-là, Rentarou et ses amis s'étaient levés de bonne heure et s'étaient retrouvés aux alentours du Colyseum d'Ariake où se déroulait leur rencontre entre leur lycée et celui d'Osaka. Tyro et Shintarou bouillonnaient tellement d'impatience que Seiichi et Raphael ne parvenaient plus à contrôler leurs ardeurs. Kou et Takaishi demeuraient plus réservés. En fait, ils s'inquiétaient beaucoup des futurs événements sans oser l'avouer à voix haute.


    Lorsque Rentarou décida d'y aller, ils avancèrent en file indienne vers le stade. Cependant le groupe s'arrêta peu avant l'entrée. Le jeune buchou venait d'avoir une vision qui le surprit.


    Adossé contre le mur attendait un jeune homme de dix-sept ou dix-huit ans. Très grand, élancé et très musclé, son visage présentait des traits marqués. Ses yeux aux iris violets étaient très étroits et renforçait l'impression de dureté qui émanait de lui. Il portait un pullover noir sous un manteau beige, un jean et des baskets blanches. Cependant un détail de son habillement permettait de l'identifier facilement : une casquette blanche où les kanjis des mots arbre et village étaient cousus.


    - Kimura-san, que fais-tu ici ? demanda Rentarou.


    - Je viens regarder la finale, répondit celui-ci en venant vers eux.


    Kimura Dan était le buchou du club de tennis du lycée de Saint-Christophe. Jusqu'à présent, son école n'avait jamais pris part aux compétitions officielles. En moins d'une année, il était parvenu à monter une excellente équipe qui avait dominé toutes les autres lors du tournoi préfectoral de la ville de Tokyo. Sa route avait alors croisé celle de Satsuma Rentarou. Au début, le jeune homme n'avait pas apprécié ce nouvel arrivant. Il avait pensé que son soi-disant immense talent avait été gonflé par la presse. L'adolescent s'était donc mis en tête de démontrer que ce garçon n'était pas si fort que l'on pensait. Au cours d'un match mémorable, il avait alors découvert que son potentiel rivalisait avec le sien et avait depuis sympathisé avec lui. Ils s'appelaient de temps à autre et discutaient ensemble.


    - L'entrée pour les spectateurs est de l'autre côté, répliqua Seiichi avec ironie.


    - J'avais aussi envie de rencontrer mes compatriotes. Puisque nous sommes de Tokyo, autant se serrer les coudes et se soutenir, non ?


    - Nos deux équipes appartiennent toutes les deux à Tokyo mais la nôtre est meilleure que celle de Saint-Christophe, s'exclama Shintarou. Après tout, on est en finale, nous !


    - Saint-Christophe n'a pas cessé de progresser depuis notre dernière rencontre.


    - Eh bien, on verra ça l'année prochaine, répliqua Tyro avec un brin d'impatience.


    - En attendant l'année prochaine, concentrez sur le match d'aujourd'hui et ne baissez pas votre garde, dit Seiichi d'une voix ferme et forte. Nous affrontons ceux qui sont toujours champions ou vice-champions depuis douze ans.


    Rentarou approuva les conseils de prudence et de méfiance de son fukubuchou. Il se tourna ensuite vers Kimura.


    - Dis, veux-tu nous accompagner et voir nos matches à nos côtés ?


    - Vraiment ? s'exclama-il, le visage rayonnant alors de bonheur. Génial !


    Ils entrèrent finalement à l'intérieur du stade. Ils se dirigèrent vers le court où se déroulerait bientôt la rencontre. Après avoir posé leurs affaires, Rentarou donna l'ordre à ses joueurs de double, soit Raphael, Shintarou, Kou et Takaishi, de s'échauffer.


    Pendant leurs échauffements, un jeune homme aux cheveux noirs et très courts, légèrement bleutés, d'une stature moyenne s'approcha d'eux. Il portait une longue veste violette et blanche avec le blason d'une fleur du lys cousu sur le haut de la partie droite, un caleçon de couleur sombre et des baskets noires. Il s'avança directement vers Rentarou.


    - Bonjour, dit-il d'un ton particulièrement bourru.


    Le lycéen géant répondit à sa salutation. A côté de lui, Kimura lui glissa discrètement un mot sur l'identité de cette personne.


    - C'est Takahashi, le buchou du club du lycée Fuji à Osaka.


    - Faisons une rencontre agréable, ajouta le jeune homme.


    En disant ces paroles, Takahahi s'inclina du buste. Rentarou imita son homologue. Le buchou repartit sans rien ajouter de plus comme il était venu.


    - Incroyable ! Il existe des gens qui font plus peur que Rentarou, s'exclama Tyro quand Takahashi fut suffisamment éloigné.


    - C'est sensé vouloir dire quoi ça ? marmonna Rentarou.


    - Ne le prends pas mal mais, vois-tu, quand on te voit la première fois, tu fais très peur. Tu es grand et tu as un visage qui ne montre jamais d'expressions. En plus, tes lunettes cachent tes yeux. Mais une fois que tu ouvres la bouche, ça s'oublie vite par rapport à lui. Tu te montres souvent hésitant et tu parles timidement. Ca devient très mignon alors.


    Rentarou grogna. Il n'appréciait pas beaucoup la description que Tyro faisait de lui. Il savait que son apparence pouvait faire peur. Les gens se fiaient toujours à l'aspect physique pour établir une première impression sur une personne et la juger. Cependant cela le mettait toujours mal à l'aise quand on le lui faisait remarquer. Il n'avait pas demandé à naître dans un tel corps.


    Quand commença la rencontre, les deux buchou s'avancèrent pour se serrer la main et se souhaiter une bonne chance. Comme à l'accoutumée, on débuta par les matches en double. Rentarou avait décidé de placer sa confiance en Raphael et Shintarou pour le commencement. Il connaissait le potentiel individuel des deux joueurs et les résultats que donnaient leurs styles de jeu combinés. Le lycéen géant misait donc sur eux leur première victoire. De cette manière, cela donnerait le sentiment à tout le monde de croire en leur chance de gagner la finale. Pourvus de ce nouvel espoir, leur motivation et leur force décupleraient.


    En pénétrant sur le court, le jeune français et le petit japonais avaient à peine échangé un regard. Ils communiquaient sans mot dès qu'ils avaient une raquette à la main. Tous deux s'adressaient l'un à l'autre au moyen de codes établis préalablement avec leurs doigts. Leurs yeux regardaient parfois la position de l'autre dans un moment de répit puis revenaient immédiatement sur le match.


    Le sort désigna les deux joueurs d'Osaka pour commencer. Leurs adversaires se trouvaient être deux solides gaillards aussi bien charpentés que leur buchou, comme tous les membres de leur équipe. Shintarou eut une pensée qui l'amusa particulièrement mais se garda bien de l'exprimer à voix haute. Il avait remarqué ces derniers jours un changement dans l'humeur de Rentarou quand on évoquait cette finale et le petit rouquin n'était pas assez stupide pour risquer de l'énerver davantage.


    Le duo se débrouilla merveilleusement bien. Raphael et Shintarou se complétaient. Il suffisait qu'un d'eux parte en direction du filet, passant à l'attaque pour que l'autre reste au fond du filet et le couvre.

     

    Le match dura longtemps. Ils gagnèrent pas à pas leurs points. S'ils réussirent à marquer au premier jeu, ils perdirent le second, gagnèrent le troisième et ainsi de suite. Ils donnèrent tout ce qu'ils avaient d'énergie pour saisir les balles et obtenir des points. Finalement, ils se retrouvèrent à jouer un Tie-Break pour départager leur score avec celui de leurs adversaires.


    - C'est mauvais, dit Kimura en plissant le front. Il y aurait mieux fallu pour eux perdre directement que d'aller jusqu'au Tie-Break.


    - Pourquoi ? Ils ont encore une chance ainsi de gagner, protesta Kou.


    - Tu as raison. Cependant pour aller jusque-là, ils ont du se battre pour atteindre le score de 6-6. Ils n'ont certainement plus beaucoup d'énergie en réserve. A présent, la seule chose qui peut les faire gagner, c'est leur mental.


    - Tu penses qu'on va perdre ? s'indigna Tyro. C'est sympa !


    - Je n'ai pas dit ça, Sakumai, reprit Kimura en conservant son calme bien que l'allusion de Tyro l'eut beaucoup vexé. Je souligne seulement que les deux équipes sont maintenant fatigués. Je pense que pour être le vainqueur de ce match, il ne faudra pas de technique, seulement le mental. Seulement ceux qui sont vraiment forts dans leur tête peuvent surmonter cette épreuve.


    Kimura avait raison. Sur le court, les deux équipes, qu'elles soient du lycée de Ryoko Gakuen ou de celui de Fuji, étaient très fatiguées. Raphael et Shintarou burent beaucoup avant de retourner à leur affrontement. Le Tie Break ne dura guère longtemps. Malgré le fait qu'ils étaient eux aussi épuisés, leurs adversaires l'emportèrent en moins de quinze minutes.


    - C'est pas juste !


    Tombant à genoux, le jeune rouquin était désolé d'avoir perdu lors de son premier match officiel avec son nouveau partenaire. Le visage n'exprimant aucune émotion, Raphael se tint derrière lui et s'accroupit pour être sa hauteur et placer ses bras autour de sa taille.


    - Allons, Shintarou, ce n'est qu'une défaite. Nous nous rattraperons.


    - Mais je suis dégoûté, Raphael ! Dégoûté ! Je voulais gagner !


    - En plus, n'oublie pas notre pari, lui murmura à l'oreille le jeune français si bas que Seiichi lui-même aurait été incapable de l'entendre.


    - Je te déteste, marmonna le rouquin en se recroquevillant sur lui-même.


    Lorsque les deux partenaires se présentèrent ensuite à Rentarou avant de sortir du court, celui ci ne les accueillit pas bien du tout.


    - J'avais une autre idée de votre niveau, dit-il avec une froideur qui n'était pas la sienne. Shin, tu as laissé passer au moins trois balles près de toi. Je ne compte même pas celles que tu pouvais avoir avec tes capacités. Tu ne sais donc plus sauter ?


    Raphael se fâcha sans laisser à son ami le temps de répondre.


    - Shintarou est blessé à un œil ! Il évalue plus difficilement les trajectoires des balles comme il le faisait avant ! Laisse lui le temps de s'habituer à sa nouvelle vision !


    - S'il n'est pas capable d'avoir un jeu parfait alors il n'a qu'à abandonner. Les adversaires auxquels nous ne cessons de nous confronter sont tous des gens extrêmement forts. Il n'y a pas de place pour la faiblesse !


    Raphael s'apprêta à lui répondre mais Shintarou, la mine basse, lui prit la main et l'entraina vers la sortie pour l'en empêcher.


    - Kou-kun, Taka-chan, à vous ! Tyro, tu vas te préparer ! ordonna Rentarou d'un ton sec.


    - Tu te souviens encore du mot, s'il te plaît ?


    Tyro avait répliqué cette phrase sur un ton très peu aimable. Il était ensuite parti immédiatement. L'adolescent se connaissait. Si Rentarou lui avait répondu quelque chose, il aurait réplique sans savoir où cela irait. Le jeune homme n'avait pas du tout d'envenimer les choses dans leur relation. D'habitude, le tennisman comprenait toujours les sentiments de son ami.


    Mais aujourd'hui …


    Se déconnectant de ces événements, Tyro fit rapidement le vide dans son esprit et se concentra uniquement sur le tennis. Il s'échauffa longuement et prépara avec soin ses muscles. Au milieu de ses exercices, Seiichi vint le trouver.


    - Il y a un problème ? demanda t-il en s'arrêtant.


    - Je voulais seulement te parler, Tyro, répondit le jeune ninja en le rejoignant.


    - De quoi ?


    - Rentarou. Essaie de ne pas trop t'énerver après lui, s'il te plaît.


    - Ca va être dur, grommela l'adolescent. Tout à l'heure, s'il n'y avait pas eu ce grillage, je lui aurai probablement mis un coup de poing !


    Seiichi rit. Il ne douta pas une seule seconde que son meilleur ami puisse le faire. Tyro se montrait si souvent impulsif que plus rien ne l'étonnait venant de sa part.


    - Je pense que Rentarou est sous pression, expliqua Seiichi. Il veut tellement bien faire et montrer qu'il est digne de diriger notre équipe


    - En nous criant dessus comme à des chiens ? Quoique … Même à Yuuki, je n'oserais jamais parler de cette manière.


    - Je sais. Cela n'excuse rien. Cependant je le vois ces derniers jours qu'il se préoccupe beaucoup au sujet de cette finale. Je suppose que dans sa petite tête, il doit s'imaginer que gagner cette finale voudra dire qu'il mérite son poste.


    - C'est stupide ! Si on gagne, c'est grâce aux efforts combinés de nous tous si on gagne !


    - Je ne suis pas d'accord avec toi, Tyro. Certes, ceux sont les victoires des matches qui font gagner mais le moral est l'arme de guerre la plus efficace.


    - Qu'est-ce que tu veux dire ?


    - Ceux sont les chefs d'un groupe qui motivent leurs subordonnés à se battre et à agir pour eux et leurs intérêts.


    Tyro soupira, peu inspiré par ces bavardages racontés par son compagnon.


    - Je m'en fous de tout ça, en fait. Dis, tu t'échauffes avec moi ?


    Pendant la conversation entre les deux meilleurs amis, le match de Kou et Takaishi contre le second double de l'équipe d'Osaka s'était déroulé presque intégralement. Ils avaient perdu 6-0 sans se révéler capables de prendre un seul point.


    - Désolé, murmurèrent-ils en passant devant Rentarou.


    - Ce n'est pas important, leur répondit-il. Je ne m'attendais pas à grand chose avec vous deux.
    En sortant, les deux adolescents furent blessés de ses paroles. Cela leur fit très mal de constater que leur ami n'avait pas eu confiance en eux.


    Cependant ce manque de confiance s'avérait malheureusement justifié en raison de leurs faibles niveaux de jeu et de leur manque d'expérience.


    - Tyro est là ? Ca va être à lui, aboya t-il.


    Le jeune homme appelé avec tant de rudoiement se contint difficilement de ne pas mal lui répondre. Il resta concentré sur son match imminent et s'efforça de contrôler ses inspirations et expirations pour s'empêcher de penser.


    Après avoir salué et serré la main de son adversaire, Tyro commença. Il utilisa sur son premier service une technique nouvelle préparée tout le long de l'année et n'avait encore jamais montré à personne. Après avoir été frappé, la trajectoire de sa balle donna l'impression de ressembler au déplacement d'un cyclone. Son adversaire réussit à la frapper sans difficulté mais une surprise l'attendit ensuite. Dès que la balle fut tapée, elle tomba net au sol.


    - Qu'est-ce qui s'est passé ? Elle aurait du filer de l'autre côté !


    Très fier de lui, Tyro rit.


    - C'est impossible pour toi de faire ça, annonça t-il. Ma Cyclone Ball est produite avec de si bons effets qu'elle tombe dès l'instant que l'adversaire la frappe, qu'importe la puissance exercée dessus.


    Il dirigea un regard amusé à son ami assis sur le banc et sourit. C'était grâce à Rentarou que le tennisman avait décidé de créer une technique qui empêchait l'adversaire de retourner une balle même si celui-ci utilisait toute sa force. Il s'était tellement entrainé en prenant l'Invisible Server comme référence qu'il était convaincu de n'exister aucun coup capable de briser sa stratégie.


    - Tyro est vraiment fort, s'exclama Takaishi sidéré. Il a dû s'entrainer des heures !


    - C'est comme ça que doit être un véritable titulaire, répliqua Rentarou qui était assis devant eux.
    - Il est plutôt bon ce petit, dit Kimura d'un léger sourire malicieux.


    Grâce à cette nouvelle technique, Tyro n'eut aucun mal à l'emporter sur son adversaire. Il gagna tous ses services et réussit à prendre les points de son opposant pendant les siens.


    A la suite de cette première victoire, ce fut le tour de Seiichi. Cette fois, le sort le désigna pour commencer le match en second. Lors des trois premiers jeux, il se servit de son extraordinaire vitesse pour retourner les balles adverse ce qui époustoufla tout le monde, à l'exception de ses amis, habitués depuis longtemps maintenant à ses prouesses. Le jeune ninja utilisait soit Fuu soit Rin, issue de sa technique spéciale du Fuurinkazan. Cela rendait soit la balle si rapide que son adversaire, et le public avec, ne la distinguait pas, soit en supprimant le son produit pour l'empêcher d'être perçue par le sens de l'ouïe.


    Cependant au jeu suivant, Seiichi révéla une nouvelle partie de sa technique fétiche.


    Sur son premier service, son adversaire avait lancé sa balle dans une trajectoire oblique montante. Seiichi l'intercepta à mi-chemin avant de la laisser s'élever de trop. Il leva son bras et sa raquette le plus haut qu'il put et la frappa avec un élan et une force que ses amis ne soupçonnaient pas. La petite sphère jaune repartit dans le sens inverse mais sans changer de trajectoire et s'écrasa sur le sol.


    - Zan to Ka, murmura t-il. La solidité de la montagne associée à la férocité du feu.


    - Seiichi est si fort ? s'étonna Shintarou qui ne parvenait plus à décrocher plus son regard de la silhouette de son ami.


    - J'avais déjà vu son Zan. C'est un coup qui renvoie la balle dans ma même trajectoire et avec le même effet sauf que l'adversaire ne sait plus la toucher. J'ai aussi vu Ka. Ce coup là permet de retourner avec force une balle, révéla Tyro. Cependant j'ignorais qu'il pouvait faire des combinaisons avec ses différents coups.


    - Il y a certainement beaucoup de choses que nous ignorons du potentiel de Seiichi, dit Rentarou.


    - Mais pourquoi il n'a pas utilisé ce genre de choses contre moi ? s'enquit Shintarou.


    - Parce que tu utilises une technique qui neutralise la sienne, répondit le lycéen géant. Seiichi se sert principalement des ombres au sol pour lire le jeu adverse, comme je me sers des sons pour lire le sien. En utilisant ta Phantom Ball, tu l'empêches de lire ton jeu et de retourner tes balles.


    - Oh ! Je vois ! s'exclama le jeune rouquin dont le visage s'éclaira comme celui d'un jeune enfant qui venait d'avoir la réponse à une importante question.


    - Tu es bien aimable là, répliqua avidement Raphael. C'est parce que c'est un de tes proches amis qui joue en ce moment ?


    Tyro se couvrit le visage de sa main. Et dire que Seiichi le traitait toujours en gamin et lui faisait constamment la morale sur sa manière de se comporter ! Lui n'aurait jamais agi ainsi à la place de Raphael.


    - Je ne suis pas aimable, Raphael-san, répliqua Rentarou toujours froid. Je réponds aux questions que mes équipiers se posent.


    Tyro soupira. Il pensa que les relations entre Rentarou et Raphael n'allaient pas s'arranger à ce rythme-là. Pour le moment, ils en étaient restés à un cessez-le-feu tacite pour l'entende de leur groupe mais cela n'évoluerait jamais si tous deux ne faisaient pas des efforts chacun de leur côté.


    Sur le court, Seiichi avait conclu admirablement les jeux qui lui restaient à marquer et remporta le match avec le même score au finale que celui fait par Tyro.


    Rentarou sortit en même temps que Seiichi du court et laissa ses équipiers pour aller s'échauffer et se préparer. A présent, c'était son tour. Encore une fois, le sort de ses amis et du club de tennis reposait sur ses épaules. Il devrait bientôt tout donner pour atteindre son but.

     

    Pendant ses préparatifs, ses équipiers discutèrent avec enthousiasme et passion :


    - C'était génial, Seiichi ! s'écria Shintarou.


    - Grâce à vous deux, nous avons une chance encore de gagner, ajouta Kou.


    - Évidemment ! Les Sanonis sont les meilleurs joueurs du Japon !


    - Tu n'arrêtes jamais de te vanter, Tyro, soupira Takaishi réprobateur.


    - Ce n'est pas de la vantardise. Au collège, j'étais le n°1 du circuit collégien au niveau national. Et Seiichi s'est classé dans les meilleurs dès l'école primaire. Il était si bon qu'il a intégré la ligue Senior du Kansai dont le niveau se situe au-delà de celui d'un collégien mais aussi d'un lycéen moyen. Quant à Rentarou, il est déjà connu pour être invincible !


    - J'avoue que les Sanonis sont très impressionnants, intervint Kimura. Je ne pensais pas que le club de Ryogaku possèdait autant de si bons joueurs. L'année prochaine va vraiment être amusante !


    - En attendant, ne baissons pas notre garde, recommanda Seiichi avec la même froideur dont Rentarou faisait preuve aujourd'hui. Aucun match ne se finit avant la fin.


    - Tu es aussi sympa que Satsuma, lui reprocha Raphael sur un ton peu aimable.


    - Je partage les mêmes sentiments que Rentarou sur les politiques du club, reprit le jeune ninja sur le même ton. Si cela ne vous convient pas, vous êtes libres de démissionner. Il y a de nombreuses personnes qui attendent certainement de prendre votre place.


    Raphael s'apprêta à répondre mais n'eut pas le temps. Rentarou parut au même moment. Il sembla beaucoup plus décontracté et serein qu'il ne l'avait été jusque-là.


    - Mon match va bientôt commencer, dit-il de son habituelle voix calme. Kimura-san, est-ce que tu veux le voir depuis le banc ?


    Passablement surpris par cette demande, l'intéressé arqua un sourcil.


    - Moi ? Mais ce ne serait pas mieux que ce se soit un de tes équipiers ? Après tout, toi et moi sommes des rivaux.


    - Je le sais. Cependant je ne peux pas me décider qui choisir, avoua le lycéen géant. C 'est impossible de décider entre Seiichi et Tyro. Ils ont tous la même place dans mon coeur. Quant aux autres, ils comptent tous aussi beaucoup. Je ne peux pas en choisir un seul. Alors j'ai pensé laisser cet honneur à notre invité de Saint-Christophe.


    En prononçant ces paroles, il avait d'abord éviter de regarder ses amis, légèrement gêné par la confession qu'il venait de leur faire, puis avait conclu en souriant à Kimura.


    - Puisque c'est ainsi, j'accepte, dit Kimura avec calme avant de devenir totalement excité. Super ! Je vais voir le match au premier plan ! C'est génial !


    Quand les buchou des deux clubs furent pénétrés dans le court, ils s'avancèrent vers le filet et se serrèrent la main dans le respect de l'esprit sportif. Ils déterminèrent ensuite celui qui débuterait les hostilités avec leur raquette. Le sort désigna Takahashi.


    Se plaçant derrière la ligne de fond, Rentarou attendit en observant les mouvements de son adversaire. Celui-ci jeta et frappa avec force la balle. Dès qu'il eut repéré sa trajectoire, son ennemi bondit pour l'attraper et tendit sa raquette. Le lycéen géant sentit que son rival avait exercé une grande puissance dessus mais ne considérait pas cela comme un problème. Il la retourna sans difficulté. Takahashi la renvoya lui aussi.


    Durant tout le premier jeu, ils réalisèrent de longs échanges aux frappes très puissantes. Il fallait compter plus de vingt minutes de séparation entre chaque point. Les deux rivaux les prenaient alternativement. Le premier avait été pris par Takahashi, le second par Rentarou, le troisième par Takahashi et ainsi de suite jusqu'à arriver au moment où l'arbitre annonça une deuce pour les départager. Celle-ci prit un long moment également mais Rentarou réussit à s'imposer pour marquer le premier jeu du match.


    - Tu es un adversaire de valeur qui a le mérite pour être comparé à moi Satsuma, reconnut Takahashi en s'essuyant le front avec un mouchoir.


    - Merci. Je te retourne le compliment, Takahashi-san, répliqua t-il en avalant prestement une grosse gorgée de sa bouteille d'eau.


    A présent, c'était le tour de Rentarou de servir. Il se plaça sur la ligne prévue à cet usage. Ie lycéen géant se concentra et se prépara à lancer son Invisible Server. Il laissa rebondir longuement sa balle puis la jeta en l'air. Le jeune homme la frappa de toute sa force mais celle-ci partit différemment et tomba dans le filet.


    Rentarou étouffa un juron. Il ne comprit pas pourquoi sa meilleure et favorite technique ne fonctionnait pas. L'adolescent n'avait jamais échoué à l'utiliser. C'était sa fierté et sa joie. Il adorait voir l'expression ahurie de ses adversaires d'être incapables de voir la balle mise en jeu.


    Renonçant temporairement à comprendre, il reprit une balle et retenta son service. Cette fois, la balle tomba à ses pieds à peine l'eut-il frappée avec sa raquette.


    - Satsuma ! cria Kimura qui s'était levé du banc. Regarde ta raquette !


    Intrigué, l'adolescent ramena sa raquette vers lui et l'examina. Cela lui sauta alors aux yeux. Au milieu du cadre, le cordage était troué.


    Rendu muet par l'horreur de sa découverte, Rentarou tâta longuement les cordes sectionnées, hagard. Il se sentit totalement vide et démuni. En cet instant, le jeune colosse ressemblait au pauvre soldat en plein milieu d'un dangereux conflit qui se trouvait subitement privé de son arme.


    - Comment est-ce possible ? Rentarou est un spécialiste des jeux de force, s'exclama Shintarou.


    - Il joue depuis trois heures avec le même rythme, nota Raphael. En temps normal, il n'échange pas si longtemps. Il mélange sa force au milieu de styles plus lents.


    - Punaise, lâcha Tyro. Ca en dit long de la force de ces deux-là !


    Sur le court, l'arbitre s'adressa à Rentarou du haut de sa chaise :


    - Vas changer de raquette. Nous reprendrons sur ton premier service.


    Rentarou resta sur place, la tête baissée. Il était incapable ni de faire un geste ni de prononcer un mot.


    - Tu m'as entendu ? tonna l'arbitre agacé de son manque de réaction. Si tu ne te dépêche pas, j'annule ce match en faveur de ton adversaire !


    Les poings de Rentarou étaient serrés si forts autour de son grip que le sang ne circulait presque plus jusqu'à ses jointures de doigts. Il redressa lentement la tête.


    - Je n'ai pas de raquette de rechange, avoua t-il péniblement, rouge de honte.


    - Évidemment, dit Seiichi avec contrariété. Rentarou ne participe à des compétitions que depuis cette année et il n'a jamais pris part aux activités scolaires puisqu'il a cessé de fréquenter l'école après l'âge de sept ans. Il n'a donc jamais pu expérimenter l'utilité de posséder des affaires de rechange.


    - C'est mauvais, soupira Tyro. L'arbitre va déclarer le club de Fuji vainqueur par forfait. On ne peut même pas lui passer une raquette. Une fois, sur le court, personne ne peut entrer.


    - Si seulement il avait choisi un de vous à ma place, regretta Kimura, sincèrement désolé par ce qui arrivait à son rival.


    - Eh bien, puisque les choses se présentent ainsi ...


    - Attendez !


    Takahashi venait d'interrompre d'un puissant cri l'arbitre. Il s'était avancé en même temps temps vers Rentarou, une raquette dans chaque main, et lui tendit celle tenue par sa main gauche.


    - Je détesterais gagner aussi facilement, dit-il.


    Rentarou sourit timidement en acceptant le présent de son adversaire. Il le remercia chaleureusement et s'inclina aussi bas qu'il lui fut possible. Au fond de lui-même, le lycéen géant détestait l'acte de son adversaire. Il ne supportait ni la pitié des autres ni d'être redevable auprès de quelqu'un.


    Au moins, le match pouvait continuer.


    Pour cette reprise, Rentarou exécuta magistralement son Invisible Server qui impressionna considérablement son adversaire. Il se demanda mentalement avec amusement si celui-ci ne regrettait maintenant de lui avoir prêté sa raquette de rechange.


    Le troisième jeu ressembla beaucoup au premier au début. Cependant Rentarou apprenait très rapidement à lire dans le jeu adversaire. Il brisa facilement la défense de son opposant. Quand ce dernier envoyait ses balles vers son terrain, le buchou de Ryko Gakuen plaçait sa raquette à l'horizontale sous la balle et la frappait pour la faire s'élever sur une trajectoire verticale. Il la refrappait ensuite en appliquant un effet dessus pour la retourner à son adversaire. Souvent, ceux-ci consistaient à l'empêcher de taper normalement la balle. Après une de ses frappes, Takahashi voyait sa balle partir dans l'autre sens qu'il l'avait souhaité ou tombait dans le filet.


    Au terme de ce jeu, Rentarou remporta aussi le quatrième en utilisant encore son Invisible Server.
    Dès le début du cinquième, le lycéen géant se concentra au maximum. Il souhaita être capable de gagner son match comme ses deux meilleurs amis. C'est à dire sans permettre à son adversaire de marquer un seul jeu.


    N'ayant plus rien à perdre, Takahashi décida de déployer toute la force dont il était capable de faire appel sur l'un de ses retours. Le jeune homme frappa si fort la balle qu'elle repartit à une vitesse incroyable vers le terrain adversaire.


    Conscient de la difficulté, Rentarou saisit sa raquette à deux mains et se campa solidement sur ses deux pieds pour être capable de résister à une telle puissance.


    Mais il ne put rien faire.


    La balle atteignit rapidement sa raquette et traversa le cadre, transperçant le cordage comme si il n'y avait jamais eu.


    En sentant tout le cordage de sa raquette se déchirer, Rentarou la lâcha et tomba à genoux.
    Les mains posées sur le sol, il retint ses larmes. Le lycéen géant n'aurait jamais su se regarder à nouveau dans un miroir s'il avait pleuré en public. Il se sentait blessé, anéanti. Tout le long du match, il se pensait suffisamment fort pour dominer et écraser son adversaire. L'adolescent s'était imaginé déjà marquer la balle de match qui aurait permis à son équipe de remporter la coupe des Nationales.


    C'était comme dans l'histoire que lui avait raconté sa mère dans sa petite enfance. En essayant courageusement de s'élever dans le ciel pour conquérir chaque victoire, il avait fini par s'approcher trop près du soleil. Ses ailes avaient désormais disparu. L'adolescent était retombé brutalement sur la terre en éprouvant la même sensation qu'au moment où l'on s'éveillait d'un terrifiant cauchemar.
    Pendant ce temps, l'arbitre était descendu de sa chaise, avait marché jusqu'à lui et examiné sa raquette avant de prononcer l'arrêt du match en faveur de Takahashi.


    Lorsque Rentarou réussit à remettre debout, il quitta le court, la tête basse, sans prendre ses affaires. Il se détourna de ses amis, incapable de soutenir leur regard, et s'éloigna. Tyro et Shintarou voulurent le suivre pour le réconforter mais Seiichi les en empêcha.


    - Laissez-le seul, conseilla t-il. Il ne supportera pas de nous voir tout de suite. De plus, nous devons rester ici jusqu'à la cloture du tournoi national.


    - On n'en a plus rien à foutre de ça maintenant, bougonna le rouquin.


    - C'est une question de respect et d'honneur, trancha Seiichi inébranlable.


    Pendant plus de deux heures, l'équipe de Ryoko Gakuen demeura aligné près de l'un des murs qui séparait le terrain des gradins. Ils regardèrent leurs adversaires être félicités pour leurs mérites et leurs exploits par les différentes et nombreuses personnalités politiques venues assister à la rencontre. Finalement le ministre s'occupant des affaires liées au sport et à la jeunesse s'avança vers Takahashi pour lui remettre la fameuse coupe mais celui-ci la refusa.


    - Je regrette, Monsieur, mais c'est une chose que nous ne pouvons pas nous permettre d'accepter.


    - Pour quelle raison ? s'enquit le ministre troublé. Vous êtes les vainqueurs de cette année.


    - Je n'ai pas mérité de gagner mon match, reprit avec humilité Takahashi. Je n'ai pas su prendre un seul point à Satsuma. Je ne pourrais jamais appeler victoire un match gagné uniquement par la chance. Je ne peux donc pas une récompense pour un mérite qui n'est pas le mien.


    - Eh bien, c'est un sacré rebondissement, commenta l'homme politique en essayant de masquer l'embarras que lui procurait cette situation.


    - Super, murmura Shintarou à Tyro. Grâce à ça, on …


    Il n'eut pas le temps de finir que son interlocuteur lui décocha un coup de pied à la cheville gauche pour l'obliger à se taire.


    A cet instant, le ministre arriva à la hauteur de leur équipe. Il annonça exceptionnellement la coupe serait décernée à ceux arrivés en seconde place. Il eut à peine terminé de parler que Seiichi ouvrit la bouche.


    - Je suis désolé de vous l'apprendre, Monsieur, dit-il très poliment, mais nous refusons cet honneur que vous nous faites. Nous ne le méritons pas. Nous avons perdu, point final. Il serait inacceptable de recevoir une récompense.

     

    Quand la cérémonie de cloture se termina enfin, l'équipe de Ryoko Gakuen se retrouva aux abords du stade à l'extérieur. Kimura les avait quitté en sortant, préférant les laisser entre eux.


    - Tu es nul, Seiichi, s'exclama Shintarou. On avait encore une chance !


    - C'est toi qui est nul, répliqua Tyro dont le visage parut, pour une fois, plus sévère que celui de Seiichi. Les compétitions sportives se gagnent seulement par ce qu'on l'emporte sur l'autre ! Il n'y a aucun utilité à recevoir un trophée pour quelque chose qui n'a pas été fait ! Ca ne flatte que ton ego !


    En cet instant, Tyro comprit les sentiments éprouvés par Rentarou depuis le commencement de la finale. Il souhaitait très probablement refouler les désirs peu luisants de leurs équipiers et les inciter à donner le meilleur d'eux-même que ce soit pour aujourd'hui ou pour l'avenir.


    - En tous les cas, ça ne donne pas envie de faire la fête, soupira Kou.


    Le visage de Tyro se contracta et devint similaire à celui de Seiichi.


    - Si vous avez de l'énergie pour faire la fête alors utilisez-la pour vous entrainer ! Autrement, vous risquez de ne pas rester titulaires longtemps !


    - Vous êtes aussi durs que Satsuma, maugréa Raphael.


    - Nous évoluons au niveau national, rappela Seiichi avec fermeté. Les joueurs que nous sommes amenés à rencontrer rêvent de devenir pros. Ils s'entrainent beaucoup plus durs que nous et sont prêts à tout pour progresser. Si vous souhaitez être un défi pour eux, renforcez votre esprit et devenez plus forts.


    Ses arguments clouèrent la bouche de Raphael. Celui-ci détourna la tête, le regard fuyant.
    En se séparant de leurs amis, Seiichi et Tyro partirent à la recherche de Rentarou. Tous deux s'inquiétèrent fortement pour lui et craignirent que cette sombre défaite lui ait causé une crise d'hyperventilation. Ils le cherchèrent dans les lieux déserts près du stade, connaissant son goût pour l'isolement lorsqu'il se sentait déprimé.


    Seiichi et Tyro le découvrirent dans un parc en train de se défouler. Le lycéen géant ne cessait de frapper avec ses poings le tronc d'un arbre de toute sa rage contenue en lui.


    - Il se reconvertit en bûcheron ? fit Tyro sans rire de sa plaisanterie.


    - Dépêchons-nous de l'arrêter ou il va se faire embarquer au poste si un agent de police passe.


    Utilisant sa vitesse prodigieuse, Seiichi disparut et réapparut près de Rentarou. Il posa doucement sa main gauche sur son torse et le poussa avec force au sol. Ébahi, Tyro déglutit en observant la scène. Quant à Rentarou, il ne comprit rien à ce qui lui était arrivé.


    - Un coup de main ? proposa Seiichi en lui tendant sa main pour l'aider à se relever.


    Rentarou accepta l'aide de son ami et se remit sur ses jambes. Sur cette entrefaite, Tyro les rejoignit.
    - C'était stupéfiant ! Comment tu as fait ça, Seiichi ?


    - Les arts martiaux possèdent beaucoup de secrets, mon petit Tyro, répondit-il mystérieusement, ses yeux bleus océan pétillant de malice.


    Rentarou s'assit sur le sol.


    - Je suis désolé, murmura t-il.


    - Pourquoi ? Tu as fait quelque chose de grave ? Cambriolé une banque ? Tapé un gamin ? Abattu un professeur ? Violé une fille ?


    Malgré lui, Rentarou s'esclaffa aux propositions saugrenues de l'adolescent aux cheveux ébènes. Il sentit que ce rire lui faisait mal. Tyro s'assit à ses côtés.


    - Bon, on va éviter t'écouter le fou ninja qui est venu avec moi, d'accord ? Écoute, Rentarou, tu n'as rien à te reprocher. Tu as joué un match génial comme j'adore en jouer !


    - Peut-être mais je l'ai perdu ce match si génial que ça, dit-il dépité.


    - Gagner ou perdre n'est pas important, répliqua Tyro. Pour moi, n'importe quel match est amusant du moment qu'on le joue avec toute l'énergie et la passion qui fait battre ton cœur. Aussi longtemps que tu joues sans en avoir le moindre regret, avec toutes tes capacités, alors c'est bien.


    - Je trouve un raisonnement bien étrange, déclara Seiichi.


    - Ah oui ? Et tu aurais dit quoi, toi ?


    - En fait, je cherchais encore, avoua le jeune ninja un peu gêné. Je ne trouve pas facilement des mots pour réconforter quelqu'un d'une défaite à part lui dire de s'entrainer.


    Tyro se couvrit le visage de ses deux mains et soupira bruyamment. Ses deux meilleurs amis se montraient aussi bourrins l'un que l'autre en ce qui concernait le sujet de la défaite.


    - Rentarou, reprit Tyro. Ton joueur préféré c'est bien Rafael Nadal, hein ?


    - Oui. C'est le meilleur au monde, même de ceux qui jouent actuellement !


    - Personnellement, je dis qu'Uminaka Shou est bien meilleur. Enfin chacun ses goûts.


    - Tyro, soupira Seiichi. Tu ne voulais pas dire autre chose ?


    - Ah oui ! Désolé, s'excusa t-il en riant. Rentarou, tu te souviens que ton idole a perdu plusieurs reprises dans les années 2003 et 2004. Cependant il a tenu bon et ne s'est pas découragé. Tu dois juste l'imiter et tenir bon comme lui jusqu'à obtenir enfin la fameuse coupe dont on rêve.


    Rentarou apprécia cette comparaison faite par le jeune tennisman.


    - C'est à dire continuer en donnant le meilleur de moi-même comme je fais maintenant ?


    - C'est ça ! Tu as compris !


    Les Sanonis restèrent un long moment ensemble dans ce parc. Seiichi avait fini par s'asseoir lui aussi. Ils conversèrent principalement sur la finale, parlèrent beaucoup de comment ils pourraient aider leurs amis à progresser et devenir plus forts que ceux-ci ne l'étaient actuellement et se complimentèrent aussi sur leurs prouesses individuelles. Tyro détailla comment il avait mis au point sa technique Cyclone Ball et déclara à Rentarou qu'il serait incapable de la contrer. Celui-ci lui apprécia beaucoup ce nouveau défi à relever et lui promit de lui faire regretter d'avoir prononcé ces paroles.


    Soudain, au milieu de leurs conversations, un garçon parut et s'immobilisa à leur hauteur. Il paraissait avoir treize ou quatorze ans. Pas plus. L'adolescent était légèrement plus petit que Tyro. De longues mèches brunes éparses tombaient de chaque côté de son crâne. Son visage avait une étrange forme triangulaire qui le rendait très reconnaissable. Mais le plus inquiétant, c'était son regard. Il observait avec dédain les trois adolescents en face de lui.


    - Que veux-tu ? lui demanda Seiichi de son air le plus glacial.


    - Juste dire que vous étiez des nuls, rétorqua le garçon.


    Immédiatement, Tyro bondit sur ses pieds, prêt à se jeter sur lui. Rentarou se leva aussi pour attraper son ami et le retenir dans ses bras.


    - Si c'est ça la puissance des Sanonis, profitez bien de votre court règne ! Bientôt, le véritable roi du tennis japonais, ce sera moi !


    Après ces troublantes paroles, le mystérieux adolescent mystérieux sans attendre de voir leurs réactions. Quand il estima qu'il n'y avait plus de danger, Rentarou relâcha Tyro.


    - Je vais tuer ce sale gamin ! hurla t-il.


    - Je me demande qui il est, songea Seiichi soucieux. C'est vraiment étrange.


    - Surtout que nos matches ont été bons, ajouta Rentarou en se rasseyant. Il n'y a pas beaucoup de monde capable de nous égaler. Vous croyez que ce sont des paroles en l'air ou qu'il est vraiment très fort ?


    L'adolescent aux cheveux ébènes haussa les épaules.


    - Aucune idée. Nous verrons bien ce qui arrivera. Cela ne sert à rien de s'angoisser. Si cela se trouve, ce n'est qu'un gosse qui se plait à raconter des mensonges pour faire mal à son entourage.

     

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