• Après mûre réflexion, j'ai décidé de restructurer l'espace réservé pour la présentation de mes personnages. Ce nouvel aménagement devrait permettre au lecteur de mieux se répérer.

     

    Les élèves du lycée Ryoko Gakuen :

     

    Abe Rumiko

    Arai Takuya

    Chiba Daiki

    Fujita Shintarou et sa famille

    Fukuda Kou et sa famille

    Hida Miyako

    Kawamitsu Yuuichi et sa famille

    Kawamura Takashi

    Kazehaya Naoki

    Kurata Akihiro et sa famille

    Kurokawa Kazuko et sa famille

    Kusada Akemi

    Matsuda Katsuo et sa famille

    Matsuda Yoko et sa famille

    Miura Ikuto

    Motoguchi Kenji et sa famille

    Murakami Mari et sa famille

    Nagai Shinobu et sa famille

    Nakamura Satoshi et sa famille

    Noguchi Keigo et sa famille

    Ogawa Eichirou et sa famille

    Osagawa Masako

    Raphael de Guise et sa famille

    Sakumai Takahiro "Tyro" et sa famille

    Sanada Katsuro

    Satsuma Rentarou et sa famille

    Sawamura Hiroaki

    Shiromiya Seiichi et sa famille

    Tachibana Hiroshi

    Uegami Ichitarou et sa famille

    Yamamoto "Taka-chan" Takaishi et sa famille

     

    L'équipe professorale de Ryoko Gakuen :

     

    Aizawa Ai

    Banezu Emilie

    Claire Moreau

    Eloïsa Mendoza

    Fujimoto Haruko

    Hashimoto Souichirou

    Masami Hiroaki

    Noda Junko

    Ninohara Fumiko

    Onita Suiichirou

    Tanaka Kenichirou

    Taniguchi Bunichirou

    Thomas Heinz

    Yamaguchi Hiroto

     

     

    Les élèves d'autres écoles :

     

    Fudjieda Tarou et sa famille

    Ishida Taichi et sa famille

    Kanbara Takuya

    Kimura Dan et sa famille

    Oota Nobu et sa famille

    Takahashi Kazuki

    Uchida Ryuutarou

    Uehara Kouji

    Yagami Jirou

     


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  • Chapitre 32


    - A nous les joies de la plage ! s’époumona Tyro.


    Échangeant un regard entre eux, Rentarou et Seiichi eurent la nette impression de se tenir au côté d’un écolier de troisième année plutôt qu’avec un camarade de classe de leur âge. Se tenant à leurs côtés, Yoko se contenta de sourire. Elle se baissa ensuite pour ramasser une poignée de sable et le jeter dans le dos de son rival. Immédiatement, celui-ci se retourna et décida de plaquer au sol son agresseuse. Cependant la jeune fille, pourvue d’un savant mélange d’intelligence et de vivacité d’esprit, avait déjà anticipé le coup en plongeant sur le côté et en se roulant sur le sable chaud si bien que le garçon avait atterri tête première enfoncée dans le sol.


    - Tyro est un véritable bélier, s’exclama Seiichi avec son petit sourire habituel.


    - Yoko-chan, tu vas bien ? demanda Rentarou d’un ton inquiet.


    En posant cette question, il venait de tourner sa tête vers la jeune fille qui était assise bien confortablement à terre et se plaisait à admirer la déconfiture du garçon passionné de tennis qui montrait ses jambes nues à toutes les personnes se trouvant sur cette portion de la plage.


    Ne se souciant toujours pas des problèmes de son meilleur ami, Rentarou continua à fixer avec une attention particulière la vice-présidente du conseil des étudiants qui entreprit de retirer un à un ses vêtements. Elle défit en premier son chemisier blanc et le posa soigneusement sur une serviette de couleur bleue après l’avoir plié. La jeune fille enleva ensuite ses sandales et son jean avant de les mettre sous son habit.


    Lors que le corps de la caucasienne se retrouva épuré de toute trace de vetêment, un maillot de bain d'une seule pièce se dévoila. Celui-ci sembla mettre en valeur une poitrine généreuse. Ses cheveux, détachés, tombèrent le long de son dos et lui confèrent une impression de divinité par l’effet des rayons du soleil qui se reflétaient dedans.


    Elle changea subitement de position en pivotant sa tête d’un quart de tour pour observer une mère qui criait après son enfant. Cela priva alors Rentarou de tout contact visuel.


    Malgré le profond regret qui envahissait son âme, le lycéen géant songea que c'était mieux ainsi. Sans comprendre pourquoi, il se souvint avoir ressenti d'étranges choses.

     

    Indescriptibles. Le simple fait d’avoir vu sa poitrine avait totalement enflammé sa libido. A l’intérieur de son short, son sexe se durcissait et s'allongeait sous l’effet de l’excitation. Le bas de son ventre le tirait également, particulièrement contracté.


    Influencé par la sécrétion de toutes ces hormones qui s'agitait dans son corps, son esprit s’emballa à toute vitesse et se mit à voir son amie dévêtue autant que son imagination le lui permit.


    Brusquement, une voix le ramena à la réalité :


    - C’est sympa un copain qui vous soutient, grogna Tyro.


    Rentarou reprit alors conscience de la réalité. Il se sentit terriblement honteux d'avoir osé oublier son meilleur ami. Néanmoins, avoir abandonner Tyro lui sembla dérisoire par rapport à sa récente vision. Cela l'horrifia au plus haut point de réaliser qu'il venait de se comporter comme un pervers. Le jeune homme avait envie de se frapper. Peut-être une gifle l'aiderait à chasser définitivement ce type d'images de son esprit.


    Essayant de se concentrer sur la réalité, il se retourna et découvrit son camarade avec sa chevelure couverte de sable. La colère prédominait sur son visage. Le gonflement de ses tempes, ses bras croisés contre la poitrine et son pied droit battant la mesure le renseignèrent sur le degré de mauvaise humeur et d'énervement de Tyro. Apparement indifférent à cette scène, Seiichi se montra aussi calme qu'à l'accoutumée. Seul un large sourire traduisit combien il savourait cette situation.


    - Vous êtes vraiment des enfants …, dit Yoko d’un ton amusé. Tous les trois.


    La jeune fille se leva aussitôt et étira en grand ses bras au-dessus de sa tête ce qui dessina davantage sa fine silhouette.


    - Je vais nager, annonça t-elle. Vous venez ? Oh ! C'est vrai ! Les petits enfants n’ont pas le droit de se baigner sans que leur maman soit à leurs côtés !


    Poussant un fort éclat de rire suite à sa plaisanterie, l'adolescente s’élança au pas de course jusqu’à l’eau et plongea dans les vagues. Tyro décida de la suivre. Celui-ci était incapable de supporter d’être traité de gamin, spécialement si l’insulte émanait de sa rivale, mais Rentarou le bloqua au niveau du bas de sa cage thoracique en étendant son bras gauche.


    - Rentarou, ne me retiens pas, exulta Tyro. Cette fois, je vais la tuer !


    Malgré son envie de vouloir exprimer ses sensations de tout à l'heure à ses proches amis et de connaître leur avis, Rentarou se sentit véritablement mal à l'aise d'évoquer ce sujet.


    - Je … je me suis senti étrange tout à l’heure …, commença Rentarou en bredouillant.


    Surpris, Seiichi écarquilla ses yeux et arqua un sourcil tandis que Tyro se calma instantanément et s’assit sur le sable.


    - Raconte ça, l'exhorta Tyro d’un ton de confiance.


    Ressentant encore quelques crépitements dans son bas ventre, Rentarou éprouva encore un certain embarras à évoquer ce qu’il venait de vivre et d'imaginer. Face à une telle révélation, ses amis n’allaient-ils pas le traiter de pervers ?


    Depuis si longtemps, le jeune homme aux cheveux de jais n’avait plus ressenti le bien-être que pouvait apporter une relation proche avec une personne. En aucun cas, il ne voulait perdre toutes ces émotions vécues au cours de ces dernières semaines.


    - Tout à l’heure … Je … En regardant Yoko-chan ... J’ai pensé certaines choses … Enfin je ne sais pas si …


    - Tu as rêvé de la voir à poil ? le coupa vivement Tyro particulièrement amusé.


    Le garçon acheva à peine sa réplique que la main gauche de Seiichi passa à l'arrière de sa tête et lui asséna un légère claque.


    - Tu devrais faire preuve de plus de respect, déclara gravement Seiichi, les sourcils froncés.


    - En fait … C’était … c’était tout à fait ça …, avoua Rentarou en baissant la tête.


    A présent, le visage du jeune ninja passa d’une expression de grande sévérité à celle de la surprise totale. Ses sourcils se relevèrent de plusieurs centimètres. Trois plis lui barrèrent le front. Ses yeux s'écarquillèrent tant qu’il aurait été presque possible de deviner les vaisseaux sanguins circulant à l’intérieur de ses pupilles.


    - Tu es juste un garçon normal et équilibré, décréta Tyro en riant.


    Intrigué, Rentarou contempla pensif son ami et ne comprit pas pourquoi celui-ci sembla si décontracté et insouciant par cette conversation. Certes, le tennisman n’était absolument pas un modèle de sérieux et de calme mais il savait écouter les autres et les comprendre quand ceux-ci en éprouvaient le besoin.


    Devinant le trouble évident de ses amis, Tyro sourit doucement. Il rejeta légèrement la tête en arrière et reprit :


    - Ce que tu as ressenti, Rentarou, c’est juste ce que chaque homme ressent. C'est encore pire à l'âge que nous avons.


    - Je n’ai jamais imaginé de femme nue, s’offusqua Seiichi.


    - C’est notre corps qui se transforme, nos hormones, continua Tyro sans tenir compte de l'interruption. Quand on fixe une fille, surtout si elle est un peu dénudée, on commence à avoir très mal au sexe et …


    - On a mal très mal au ventre et en même temps on a des idées folles, compléta Rentarou.


    - Tu l’as senti, hein ? fit Tyro amusé. Tu n’as jamais senti ça auparavant ?


    - Avant d'entrer au lycée, je n'ai jamais été en contact avec une fille depuis mes sept ans. Et à l'école, il y a pas mal de filles qui s'intérressent à moi mais elles m'énervent. Elles veulent juste que je sorte avec elles car je suis populaire et doué au tennis.


    - Si tu es en colère après elles, cela peut, en effet, couper tout effet. Ou alors, ce n'est peut-être pas tout simplement ton genre de files. Ce qui veut dire …


    Avec sournoiserie, le jeune homme arrêta sa phrase sans la terminer. Cette conversation l'amusa terriblement et les têtes de ses amis, encore plus.


    - Ce qui veut dire ? le pressa Rentarou avec anxiété.


    - Que tu pourrais bien avoir quelques sentiments amoureux pour Yoko-chan, minauda Tyro.


    - C'est pas vrai !


    La main gauche appuyée sur sa joue, le frêle adolescent aux cheveux ébènes examina le lycéen géant avec la plus grande concentration. Son regard pétilla de malice et d'excitation. Par ailleurs, le ton de sa dernière réponse fut si sec et violent que cela lui permit de constater le fondement de la théorie de Tyro.


    Rentarou n'aimait pas du tout la tournure prise par la conversation. Au départ, il pensait simplement discuter du problème survenu un peu plus tôt. Cela commençait dangereusement à déraper. S'il avait pu imaginer un tel scénario, l'adolescent n'aurait jamais évoqué son problème. Il n'avait pas besoin d'eux pour comprendre ses sentiments au sujet de Yoko.

     

    Après leur rencontre à la fin du mois dernier, Nobu l'avait aussitôt harcelé pendant des heures. Celui-ci avait cherché à savoir la nature exacte de leur relation. Sous son air de petit garçon candide et insouciant, le collégien ne lâchait jamais quand il se fixait un objectif. Rentarou n'avait finalement pas eu d'autre choix que de reconnaitre être amoureux de sa condisciple.


    En débutant une nouvelle existence, le jeune homme s'était promis de vivre honnêtement et de se montrer aussi sincère que possible avec son entourage. Néanmoins, cela ne l'obligeait pas à tout raconter. Certains aspects de sa personnalité ou de son vécu, il voulait les enfouir très profondément en son âme et être le seul à les connaître.


    Malheureusement, ses meilleurs amis, semblables à des vautours attirés par l'odeur d'une charogne, ne semblaient pas décidés à abandonner cette affaire.


    - Rentarou fait le fier à bras mais ce n'est qu'un tout petit garçon terrifié par une fille, dit Seiichi d'une voix mielleuse, ses yeux bleus océan brillant d'une lueur narquoise.


    - C'est pas vrai !


    Avec fureur, le lycéen géant écrasa son poing dans le sol. Du sable vola partout autour des Sanonis et Tyro en reçut dans son œil gauche. Le garçon le frotta et réalisa que cette discussion ne servirait rien. Sauf à créer une dispute inutile. Il ne le voulait pas. Le tennisman choisit donc de réorienter la conversation sur une base plus saine.


    - Pour en revenir au sexe, c'est naturel de ressentir ces choses étranges en bas de … Enfin, en bas de vous voyez quoi. Surtout quand on croise une fille. On peut même en avoir sans raison. Moi, ça m'arrive tout le temps. J'ai l'impression d'avoir des images en permanence dans ma tête quand je ne suis pas concentré sur le tennis. Depuis que j'ai douze ans, c'est comme ça.


    Intéressé par le sujet, Seiichi abandonna son petit jeu consistant à imposer sa volonté à une autre personne et tourna sa tête en direction de son camarade.


    - Comment ça t'es venu toi ? le questionna Rentarou, très soulagé intérieurement d'échapper aux interrogations de ses amis sur ses sentiments.


    - J'étais à la piscine avec des copains. A un moment, des filles sont passées près de nous et je ne sais pas comment mais je me senti tout bizarre. J'avais très chaud … J'ai fini par sauter dans l'eau et la pression engendrée par mes hormones a pu retomber.


    - OK … La prochaine fois, j'aurais qu'à courir jusqu'à la mer … , soupira Rentarou.


    Découragé, il se laissa tomber en arrière sans se soucier du sable que son large et puissant corps pouvait projeter sur ses compagnons.


    - Yoko-chan pensera vraiment que tu es fou, estima Tyro en passant sa main droite dans ses cheveux pour chasser le sable.


    - Je ne comprends pas, dit Seiichi. Je ne vois pas de raison que notre …. notre truc puisse faire cela.


    - Les hormones, rappela Tyro en jetant un bref regard d'étonnement au jeune ninja. Allons, tu as certainement déjà eu du sperme dans ton lit quand tu t'es réveillé, pas vrai ?


    - Qu'est-ce que du sperme ?


    - C'est quoi du sperme ?


    Avec stupéfaction, le jeune homme à la chevelure aux multiples piques les fixa un long moment en silence en s'interrogeant si ses amis étaient réellement sérieux. Il finit par réaliser que cela correspondait exactement à Rentarou ou Seiichi de tomber des nues pour un sujet aussi banal et évident. L'adolescent se gratta nerveusement la joue et se demanda comment un jeune, en plein milieu du XIX siècle, pouvait être aussi ignorant au niveau de la sexualité. Depuis que son petit frère avait dix ans, celui-ci, tout comme la benjamine de sa famille, connaissait déjà les principales lignes de ce thème.


    Certes, pour Rentarou, il comprenait son manque d'information. Celui-ci avait quitté le système scolaire pendant six ans. Personne ne lui avait enseigné à comprendre les changements de son corps à l'arrivée de la puberté. Il avait dû les appréhender seul.

     

    Néanmoins, Tyro ne parvenait pas à expliquer l'absence de connaissances en la matière pour le second. Le jeune ninja avait suivi exactement le même cursus scolaire que lui.


    - Avez-vous déjà eu des cours d'éducation sexuelle ? fit-il d'un ton calme et posé.


    Le regard fixe de Seiichi ou embarrassé pour Rentarou lui permit de valider la conformité de ses hypothèses.


    - A l'adolescence, notre corps se développe et devient celui d'un adulte qui est prêt à procréer. C'est pourquoi la nuit ça nous arrive maintenant de tâcher nos draps.


    Intérieurement, l'adolescent pensa combien il se tourmentait pendant toute sa seconde année de collège chaque matin. Sur ses draps se trouvait de larges mares de sperme. Se croyait malade ou anormal, Tyro n'avait jamais osé pas s'en ouvrir à quelqu'un. Finalement, le jeune homme s'était confié à son grand frère. Celui-ci lui avait longuement expliqué les transformations qui se produisaient dans son corps et rassurait sur sa normalité. Avant cette discussion, il lavait ses draps et ses habits tâchés tous les jours à cause de ses craintes que sa mère puisse voir ces mystérieuses traces blanches.


    - C'est vrai, admit Rentarou en retrouvant son air sérieux. Depuis que j'ai douze ans, ça m'arrive aussi de laisser des tâches blanches dans mon slip.


    Tout en écoutant attentivement ses deux camarades évoquer des moments intimes de leur existence sans pouvoir participer ou appréhender le phénomène, Seiichi ressentit un profond sentiment de solitude et de tristesse. L'éducation prodiguée par le clan ne lui permettait pas de comprendre un seul mot de toute la conversation.


    Ses parents lui avaient tant de fois répétés que les fluides émis par le corps étaient sales et impures. Enfant, on le punissait sévèrement quand il ne pouvait pas se retenir d'uriner la nuit.


    Le sang est le seul fluide du corps à être pur et à racheter nos pêchés, se remémora t-il. Pourtant, Tyro dit que ces fluides constitue une chose normale …


    Son visage strict n'afficha aucune trace des émotions confuses que son cœur sécrétait en cet instant, Seiichi s'interrogea aussi sur le genre d'existence qu'il aurait pu avoir si le destin l'avait fait naitre au sein d'une famille comme celle de Tyro. Aurait-il été aussi insouciant que celui-ci ? Quelque part au fond de son cœur, il jalousait fortement son meilleur ami et désirait être capable d'avoir une personne, une seule lui suffisait, capable de l'aimer et de lui faire comprendre que son existence comptait pour elle.


    Réfutant ces pensées qui venaient de germer dans son esprit, Seiichi se résolut à les oublier. De telles idées n'avaient aucun sens. La vie d'une personne ne changeait jamais quoiqu'elle puisse faire ou espérer. Un garçon heureux serait toujours heureux et un autre malheureux le resterait pour toujours.


    - De quoi parlez-vous, les garçons ? demanda subitement la voix de Yoko. Vous êtes venus ici juste pour rester assis ?


    En redressant doucement la tête, Seiichi songea que l'intervention de la jeune fille constituait le moment idéal pour arrêter cette conversation gênante.. Néanmoins, il ne voulait pas être celui qui en marquerait la fin. Le jeune ninja posa un rapide regard à son grand ami aux lunettes sombres et estima qu'il serait, comme à l'accoutumée, parfait à manipuler.


    - Rentarou voulait juste nous parler d'un truc, dit Seiichi de manière nonchalante. Je crois qu'il voulait nous dire ce qu'il pensait exactement de toi.

    En premier lieu, Yoko parut surprise de cette annonce. Cependant elle possédait une confiance totale en l'adolescent aux cheveux ébènes pour son attitude toujours posée et respectueuse. Celle-ci ne connaissait évidemment pas sa passion pour manipuler habilement ses amis. La jeune fille se retourna donc vers Rentarou qui venait de se mettre à transpirer.


    - Eh bien, tu comptais dire quoi sur moi ? rétorqua Yoko d'une voix forte. Tu peux très bien le dire devant moi si tu penses du mal de moi !


    - C'est à dire que …. , bredouilla Rentarou très embarrassé.


    Du haut de son mètre quatre-vingt-un, le jeune colosse ne se souvenait pas avoir aussi embarrassé de toute sa vie. Il se demanda comment de se sortir d'un tel pétrin en maudissant l'imbécile qui lui servait de meilleur ami.


    - J’attends, insista Yoko d’une voix ferme.


    Face à l’attitude d’autorité toute puissante qui semblait émaner de la jeune fille, Rentarou se sentit de plus en plus diminué. Il craignait tellement de dire une parole qui puisse la blesser. Tous ses membres tremblèrent. L'adolescent aurait bien aimé lui dire la vérité sur les sentiments que son cœur éprouvait pour elle mais la seule idée d’en souffler un simple mot lui faisait accélérer le cœur au rythme d’une musique d’un groupe de Techno. La transpiration avait inondé tout son visage sans que la chaleur en soit la cause.


    - J’ai soif …, balbutia Rentarou en se levant rapidement. Je vais chercher à boire !


    Sans attendre de savoir si ses amis désiraient eux aussi boire quelque chose et encore moins la boisson qu’ils préfèreraient, l’adolescent se dépêcha de décamper le plus rapidement possible vers l’endroit le plus éloigné de la plage.


    Satisfait, Seiichi se laissa tomber sur le sable, un large sourire se dessinant sur son visage.


    - C’est une si belle journée, déclara t-il d'un ton paisible.


    Le temps passa doucement durant lequel Tyro se hâta d’ôter ses habits puis de les jeter vivement à terre avant de courir en direction de l’eau, talonné de près par Yoko. Tous deux se chamaillèrent, s’aspergèrent et se poursuivirent en poussant de hauts cris à la manière d’écoliers en vacances.


    Demeurant seul sur la plage, Seiichi n’apparut nullement troublé par ce fait. Ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles, il sortit un carnet de son sac. Avec des gestes lents et précis, le jeune homme plaça son carnet sur ses jambes pliées face à lui et entreprit de fixer le paysage s’étendant au loin sous ses yeux. Son regard bleuté contempla la mer et tenta d’embraser l’horizon tout en cherchant à exprimer la sensation que cette vue lui procurait.


    Seiichi était tellement concentré par cette tâche qu’il ne vit ni n’entendit Rentarou se glisser à pas de loup derrière lui, malgré ses facultés spéciales, et poser une canette froide contre sa joue droite. Pris de surprise, la victime se contracta totalement avant d’exécuter un rapide coup de sa main gauche qui balança l'objet froid dans le sable.


    - Calme, Seiichi, s’exclama Rentarou qui ne revenait pas de la rapidité de son ami. Je voulais juste te faire une blague !


    Tournant la tête, Seiichi aperçut Rentarou en face de lui et nota son expression interdite. En lui-même, il maudit son éducation qui lui avait permis de développer autant ses sens. Ils étaient maintenant si élevés que le jeune ninja percevait le plus infime changement dans l’espace et réagissait en conséquence bien plus rapidement que n’importe quel humain normal.


    - Je te prie de bien vouloir m’excuser, murmura Seiichi en baissant la tête.


    De toute sa vie, Rentarou n’avait encore jamais entendu quelqu’un présenter des excuses en utilisant une formule aussi soutenue. Probablement que les adultes disaient quelque chose d’un peu plus respectueux qu’un « Je m’excuse » ou de lâcher le mot « Désolé » comme il le faisait souvent. Cependant dans la bouche d’un garçon de son âge, il trouvait l’expression véritablement stupéfiante.

     

    Les étonnants réflexes le surprenaient aussi à chaque fois que son ami en faisait la démonstration. Combien de fois avait-il vu Seiichi suivre et participer à une conversation avec Tyro et lui-même tout en écoutant de la musique sur son MPX ? Combien de fois appelait-il la personne qui essayait d’arriver dans son dos ?

     


    En pensant à sa propre singularité, Rentarou sourit doucement et songea que Seiichi devait apparaître aussi mystérieux que lui-même aux yeux des autres. Il posa alors la petite caisse dans laquelle il avait ramené des boissons, des sandwiches et des paquets de chips et s’assit en tailleur près de son ami.


    - Tu veux à boire ? J’ai ramené pas mal de coca pour nous tous.


    En jetant un regard vers lui, Seiichi répondit affirmativement. Il plaça son carnet de dessin contre son torse et allongea le bras pour attraper une canette puis l’amena à lui.


    - Tu dessines ?


    - Non.


    - Seiichi, tu es bon pour mentir mais ne le fais pas sur une évidence.


    - Je n'ai pas le droit de savoir dessiner alors oublies si tu l'as vu.


    Comme chaque fois où il constatait que son meilleur ami était totalement soumis à l'autorité de sa famille, Rentarou s'en attrista. Le jeune colosse aurait aimé l'aider mais il ne pouvait rien faire.
    Pour fuir ces pensées, il dirigea son regard vers la mer.


    - Yoko-chan et Tyro reviennent !


    En pourchassant le garçon aux cheveux aux reflets roux, Yoko courut derrière lui tandis que celui-ci poussa diverses moqueries destinées à l’énerver un peu plus en riant. Ils atteignirent leurs amis encore secs et la jeune fille s’assit entre eux deux tout en prenant une canette dont elle but une bonne gorgée d’un seul coup.


    - Vous ne venez pas vous baignez tous les deux ? s’étonna Tyro en saisissant un des sandwiches dans lequel il mordit vivement dedans.


    - Je n'ai pas envie, répondit Seiichi d'un ton froid.


    - Et toi, Rentarou ? Tu ne veux pas jouer avec nous dans les vague ? reprit Tyro dont le visage s’éclaira d’un large sourire.


    - Je ne me sens pas assez doué pour ça, fit Rentarou. Ma première leçon remonte à hier.


    - Il est vrai que nager en mer est plus difficile qu'en piscine, approuva Yoko.


    - Après manger, on ira jouer au volley, proposa Tyro. Je suis sûr de battre Rentarou !


    - Mada mada dane, siffla insolemment Rentarou.


    Les adolescents continuèrent leur déjeuner, se gavant de sandwiches et de chips. Seul Seiichi ne toucha à rien et prétexta ne pas avoir faim.


    En réalité, le jeune ninja pensait encore une fois à sa famille. En serrant son carnet à dessins contre son torse et en écoutant la musique qui se diffusait dans ses oreilles, il songeait à toutes les choses qu'il aimerait être. Vivre de ses dessins ou de ses peintures aurait été le rêve qu'il aurait tant aimé réaliser. Malheureusement, c'était impossible. Son destin était écrit depuis le jour de sa naissance. Rien ne pourrait le modifier.


    A côté de lui, ses amis avaient achevé le repas et se préparaient à jouer au ballon. Tous plein d'énergie, ils semblaient infatigables. Brusquement, le cri d'une jeune mère paniquée et affolée attira leur attention.


    - Au secours ! Mon fils … Mon fils se noie !


    Spontanément, les quatre jeunes gens se levèrent et se tournèrent en direction d’une femme d’une trentaine d’années qui faisait de grands gestes et alertait les gens installés près d’elle.


    - S’il y a un enfant dans ces vagues, il ne pourra jamais survivre, s’horrifia Yoko. Même une nageuse aussi bonne que je le suis ne saurait pas se déplacer là dedans !


    Plongeant sa main dans la poche de son short, Rentarou en retira promptement sa petite longue-vue. Il la déploya et colla la lentille contre le verre droit de ses lunettes teintées. Son regard scruta attentivement la mer dont les vagues déferlaient de quatre ou cinq mètres de hauteur avant de remarquer la présence d’une tête brune émergeant à la surface. L'enfant était proche d’un amas rocheux.


    - Je vois le gamin, je crois, annonça t-il avec effroi. Si les secouristes n'interviennent pas tout de suite, il va mourir ! C'est pas vrai !


    En se tenant toujours à l'écart de ses compagnons, Seiichi contempla la mer déchaînée avec tous ces rouleaux qui se formaient à la surface comme s’ils tentaient de repousser les nageurs,


    Il demeura extrêmement pensif.


    En son for intérieur, le jeune ninja savait que ses capacités lui permettaient sauver cet enfant. Toutefois en avait-il le droit ? Son esprit réfléchit rapidement et estima qu’il ne risquait pas de blesser quelqu'un en dehors de lui-même. En théorie, selon les enseignements du clan, la permission lui était accordée.


    D’un doigt, Seiichi toucha le bouton de son jean et le défit. Le pantalon tomba rapidement le long de ses jambes puis s’en débarrassa vivement en le rejetant d’un coup de pied. Sans laisser le temps à personne de comprendre ou de réagir, le jeune ninja courut précipitamment vers le bord de la mer et effectua un superbe saut tout en retenant sa respiration pour se retrouver au milieu d’une immense vague.


    Lorsque ses amis comprirent son intention, ils paniquèrent :


    - Seiichi ! hurla Tyro. Reviens !


    - Mais il est devenu complètement fou, s'écria Yoko.


    Incapable de prononcer un seul mot, Rentarou se contenta de suivre le parcours de son meilleur ami, impuissant.


    Nullement impressionné par le commencement de cette épreuve, Seiichi ne relâcha pas sa respiration et plongea davantage pour suivre le mouvement des vagues en surface et nagea à contre-courant vers l’amas rocheux. Ses yeux le repérèrent depuis le fond de l'eau.


    Au fur et à mesure de la traversée, il sentit ses poumons le brûler car ses réserves en oxygène diminuèrent progressivement. Il lui fallait remonter pour absorber de l'air mais son esprit balaya immédiatement cette idée. Sauver l'enfant constituait sa priorité.


    En approchant de son but, Seiichi remonta rapidement vers la surface sans faire le moindre effort. Il se laissa aller complètement, ferma les yeux en faisant le vide total dans sa tête se laissa envahir par un calme olympien.


    Dans un milieu aquatique, l’eau possédait une forte densité qui permettait à n’importe quel corps humain de flotter à la surface. Si une personne pouvait entrer dans l'eau et plonger dedans, c’était uniquement grâce à sa volonté. D’ailleurs, on se noyait généralement car on paniquait au lieu de garder son calme ce qui accélérait considérablement le rythme à laquelle on s'enfonçait sous l'eau.


    Une fois à la surface, Seiichi ouvrit légèrement sa bouche pour prendre un filet d’air. Il remarqua en même temps la position de l’enfant. En quelques brasses, l'adolescent l’atteignit. Il se tourna pour passer son bras gauche contre la taille du garçonnet puis plaça sa tête contre sa poitrine afin de l'empêcher d'avaler davantage d'eau.


    - Calme-toi, petit, tout va bien, dit Seiichi d’une voix très douce.


    Connaissant les limites de son faible corps, le jeune ninja savait qu'il ne pouvait pas revenir tout de suite à la plage. De toute manière, sa priorité s'avérait de s'assurer de l'état du garçon. Il renforça la prise de sa main afin de continuer à maintenir la tête de l’enfant hors de l’eau et se dirigea vers l’amas rocheux.


    Depuis la plage, une véritable foule s’était amoncelée en seulement quelques instants. Si les cris apeurés de la mère pour son enfant avaient déjà alerté les vacanciers, la tentative de Seiichi n'était pas passée non plus inaperçue. Tout le monde scrutait l'eau pour essayer d'apercevoir comment le jeune homme parti sauver l'enfant s'en sortait.


    Le groupe de Rentarou demeura à l'écart de l'agitation, inquiets pour leur ami. Le lycéen géant braquait continuellement sa minie longue-vue vers le large dans l'espoir de voir Seiichi toujours en vie. Tyro paraissait à la limite de devenir fou. Incapable d'observer la mer, il tournait en rond sur le sable.


    - Je n’arrive pas à croire que Seiichi ait pu faire ça, clama Tyro pour la énième fois.


    Yoko finit par les rejoignit. La jeune fille avait couru au poste de secours dès qu'elle avait su reprendre le contrôle de ses nerfs.


    - J'ai alerté les sauveteurs, annonça t-elle en maitrisant l'émotion dans sa voix.


    Soudain Rentarou poussa un long cri d'ahurissement total.


    - Il a réussi !


    - Vraiment ? s'écria Tyro en revenant vers ses amis.


    Pendant ce temps, Seiichi ignorait ce qui se passait sur la plage. Par ailleurs, il avait des préoccupations plus urgentes et importantes à l'esprit.


    Après être monté sur l'amas rocheux, l'adolescent avait déposé le jeune enfant, qui répondait au prénom de Renji, sur le sol. Il lui avait retiré son short et son tee-shirt et l'avait frictionné énergiquement avec ses mains pour lui redonner de la chaleur. Une fois ses soins achevés, le jeune homme retira lui aussi sa chemise et la tordit très fort pour évacuer toute l’eau accumulée dedans puis agit pareillement avec les habits du petit Renji.


    - Seiichi-niichan, que fais-tu ?


    Ces tâches terminées, l’adolescent leva la tête pour observer le rivage proche et se demanda s’il pouvait obliger à revivre la traversée dans l’eau à cet enfant. Son orgueil le dissuadait d’attendre bien tranquillement l’arrivée des secours qui les ramènerait en sécurité sur la plage. Une fois là-bas, tout le monde affirmerait que son exploit n’était que de la pure chance. Pourtant, revenir vers la plage serait bien plus facile plutôt que de venir ici. Il se laisserait tranquillement porter par les vagues qui le déposerait sur le sable.


    - Renji-kun, as-tu confiance en moi ?


    - Tu m’as sauvé, Seiichi-niichan, en risquant la tienne alors oui, approuva l’enfant en gratifiant son sauveteur d’un large sourire.


    - Tu aurais toujours confiance en moi si je décidais de nous ramener sur la plage ?


    - Tu serais vraiment capable de ça ? s’enthousiasma le petit garçon. Trop cool !


    - Si tu fais tout ce que je te demande, je peux le faire.


    Âgé de seulement cinq ans, le petit Renji s'émerveillait des capacités prodigieuses de son sauveur et s’imaginait être un personnage dans un des animés qu’il regardait fréquemment.
    Rassuré par l’esprit d’innocence de cet enfant, Seiichi sourit puis lui expliqua comment il devait se comporter pour réussir le retour à la plage.


    D’abord, Renji se plaça devant son sauveur et accrocha solidement ses mains à ses omoplates. Il plaça ensuite ses jambes contre le bas de son dos tout en collant son corps contre celui du lycéen. Seiichi plaça sa main gauche sur le garçon afin de le sécuriser puis plongea dans l'eau salée de la mer. De sa main libre, l'adolescent aux cheveux ébènes nagea librement vers la surface et emprunta une vague proche. Le jeune homme se laissa ensuite porter par le courant et n'eut qu'à tenir l'enfant contre lui. Ce moyen lui permit de parcourir sans se fatiguer la moitié du chemin. Il utilisa ainsi la force des vagues et revint avec facilité au début de la mer.


    A la fin de ce voyage, Seiichi se redressa alors et marcha d'un pas rapide afin de fouler le sable de la plage.


    - RENJI !!!!


    Seiichi déposa à peine le petit garçon que sa mère accourut vers lui. Celle-ci le prit dans ses bras, le serra fort contre sa poitrine et le couvrit de baisers. L'adolescent ne voulut pas s'immiscer dans ses émouvantes retrouvailles et utilisa sa technique, pour disparaître d’un point et réapparaître à un autre, afin de renjoindre ses amis. Il arriva dans le leur dos. Avant de leur adresser la parole, Le jeune ninja s'assit à terre et se dépêcha d’enrouler une serviette autour de son dos et de son buste.


    - Je vous prie de m'excuser, mes chers amis, mais se serait-il passé quelque chose ?

     


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  • Chapitre 31


    Le lendemain qui suivit cette journée aux arcades de jeux vidéos, Rentarou se réveilla aussi normalement qu'à l'accoutumée. En prenant des habits propres de son armoire, son regard se porta machinalement sur le calendrier pendu au mur. Il nota alors qu'il ne restait plus que dix jours seulement de vacances.


    Exprimant son désarroi d'une moue évidente, il regretta que le temps eut filé si vite. Lors de ce premier trimestre, le lycéen géant avait eu l'impression que les quatre mois le composant avaient duré chacun bien plus que trente jours. Comment ce mois de vacances avait pu s'écouler aussi vite ? Il lui semblait être encore qu'à son commencement.


    Ses habits sous le bras, Rentarou quitta sa chambre en chassant les ombres de la rentrée prochaine de son esprit et se dorigea vers la salle de bains. Il se lava rapidement et descendit prendre son petit-déjeuner.


    Comme tous les jours, il partit s'entrainer au tennis à la fin de son repas. Aujourd'hui, le lycéen géant s'entraina avec sa raquette. Il se rendit dans une des salles adjacentes aux vestiaires du club et alluma une des machines à balles. Le jeune colosse plaça sa raquette dans sa main gauche et débuta la séance.


    Lors de sa conversation au sujet de ses entrainements, Rentarou n'avait rien dit à ses amis. En vérité, il cherchait à utiliser le mieux possible son bras gauche. Certes, l'adolescent parvenait à l'utiliser pour atteindre plus facilement une balle de ce côté ou contrer un revers. Malheureusement, la précision et la force se perdaient beaucoup avec ce membre dont n'avait pas pour habitude d'utiliser à cette tâche. Or, l'analyse de son dernier match, celui contre Kimura, lui avait permis de mettre en évidence ce défaut. Pour cette raison, il comptait faire travailler les muscles de son bras gauche afin d'obtenir les mêmes effets que celui de droite.


    Après le déjeuner, Rentarou et Seiichi proposèrent à Yoko de venir avec eux pour retrouver Tyro. Celle-ci accepta. Les trois adolescents retrouvèrent le dernier du groupe dans le quartier de Shinjuku, non loin des arcades où ils jouaient régulièrement. Toutefois, celui-ci arborait une mine très contrariée. Il cognait également son pied contre un mur de manière répétée.


    - Si tu dégrades ce mur, tu auras des ennuis, signala Yoko d'un ton sévère.


    - N'es-tu pas au game center ? s'intrigua Seiichi.


    - Y a pas de gamer center aujourd'hui ! explosa Tyro. Ils ont une maintenance !


    - Oh ! Une journée sans jouer, ça doit être dur, se moqua Rentarou. Tu vas tenir ?


    Boudeur, Tyro se renfrogna. Il s'accroupit, recroquevillé sur lui-même.


    - Mes amis ne me soutiennent même pas dans cet horrible drame !


    Écoutant à moitié les plaintes et les railleries, Yoko s'essuya son front dégoulinant de sueur. Elle leva la tête en direction du ciel et fixa ce chaud soleil qui brillait là-haut. La jeune fille détestait l'été japonais. Le climat devenait beaucoup trop chaud et le taux d'humidité très élevé empirait la sensation de chaleur.


    Si seulement elle pouvait se rafraichir en plongeant dans une étendue d'eau …


    En y réfléchissant, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas nagé. Au moins, un an, lors des vacances d'été quand elle était encore en seconde année de collège. Dans sa région d'origine, il s'agissait de l'unique période pour se baigner dans une eau de mer suffisament chaude.


    - Puisque nous ne pouvons pas jouer, allons à la piscine, proposa Yoko.


    A peine eut-elle dit sa suggestion que Tyro se releva à nouveau plein d'énergie.


    - Je suis partant, s'écria t-il. Je vais tous vous battre ! Ah ah ah !


    Seiichi accepta lui aussi la proposition. Il donna également une petite tape à l'arrière de la tête de Tyro pour le rappeler à l'ordre. Seul Rentarou ne dit rien, très pensif. L'adolescent aux cheveux ébènes le remarqua et s'informa.


    - Cela ne va pas, Rentarou ?


    - Je … euh … la piscine, c'est bien un endroit avec de l'eau, c'est ça ?


    Tout en confirmant cette affirmation, Seiichi retint un soupir et une de ses sempiternelles plaisanteries. Son camarade se montrait peut-être très brillant en de nombreux domaines scolaires et sportifs mais dans les pratiques de la vie de tous les jours, il se révélait parfois proche de l'autisme.


    Honteux du pitoyable mensonge qu'il venait de sortir, Rentarou se désolait de passer pour un idiot aux yeux de ses proches amis. Il ne savait vraiment pas mentir mais s'interdisait dans cette situation de dire la dire la vérité. Sa fierté l'empêchait d'avouer de ne pas maitriser une chose aussi élémentaire dont n'importe quel clampin était capable. Tous les enfants apprenaient la natation à l'école élémentaire et il n'avait pas la moindre envie de se l'entendre dire.


    - Allons chercher nos affaires et retrouvons-nous à la piscine, décida Tyro.


    - Et quelle piscine ? fit Seiichi en arrêtant son ami qui partait déjà.


    - Euh … Je ne sais pas !


    Yoko soupira bruyamment. Décidément ce Sakumai Takahiro ne pensait pas à rien du tout.


    - J'ai entendu dire que la piscine de Nerima était très agréable, les informa t-elle. En plus, c'est aussi près du lycée que de la maison de Tyro.


    - Je l'ai aussi entendu de Kawamura-han, approuva Seiichi. Puisque ce point est décidé, allons-y.


    Le groupe se sépara. Tyro rentra chez lui et les trois autres au lycée. Rapidement, chacun rassembla ses affaires de bain dans un sac. Seul Rentarou ne partagea aucune joie à cette tâche. Il se demanda quel stratagème employer pour ne pas dévoiler son inaptitude à la natation.


    Les quatre adolescents se retrouvèrent à la piscine de l'arrondissement de Nerima. Ils payèrent leurs tickets d'entrée puis Yoko quitta ses compagnons pour se rendre au vestiaire féminin. De leur côté, les Sanonis partirent vers celui réservé aux hommes.


    Sans se soucier de se montrer nus, Rentarou et Tyro se dévêtirent près des bancs, juste à côté des casiers pour laisser ses affaires. Tous deux placèrent chacun leurs habits dans une petite caisse en osier destinée à cet usage.


    - Où est Seiichi ? demanda Tyro en s'asseyant sur un banc.


    - Certainement dans une cabine, répondit Rentarou. Il se déshabille toujours hors des regards.


    - Au club, je comprends qu'il puisse être gêné car il ne connait pas bien les gens. Mais toi et lui êtes internes. Vous devez vous voir souvent nus.


    Rentarou ne réagit pas à cette dernière phrase assez ambiguë. Il avait l'habitude du franc langage de son ami. Il se montrait toujours si direct et impulsif qu'il en oubliait de réfléchir avant de prendre la parole. En fait, sa langue entrait en action avant son cerveau. De quoi, étayer la théorie de Seiichi qui appréciait de proclamer que leur ami commun était dépourvu d'organe cérébral.


    - Je ne me douche jamais avec Seiichi. Il s'arrange pour être seul dans la salle de bains.


    - C'est étrange …


    Haussant les épaules, Rentarou ne voyait pas en quoi cela pouvait être étrange. Cependant, il avait appris à ne plus se poser de questions au sujet de Tyro.


    - Fous-lui la paix. Seiichi fait ce qu'il veut.


    A cette réplique, Tyro bondit comme si un clou du banc l'avait subitement piqué.


    - Rentarou, entre hommes, la complicité des vestiaires est un acte symbolique de virilité ! C'est une tradition ! On ne peut pas faire sans ! s'offusqua Tyro.


    Renonçant à toute tentative, Rentarou s'assit. Un instant plus tard, Seiichi vint retrouver les deux garçons. Le lycéen géant fut surpris de le voir porter une combinaison noire, soit un maillot de bain prisé davantage par les femmes.


    - Seiichi, j'ai un truc à te demander, s'exclama Tyro joyeusement en le voyant arriver.


    - Qu'est-ce que c'est ?


    - Quand on sortira, tu es d'accord qu'on se déshabille toi et moi ? Bien sur, après on prend une douche ensemble ! D'accord ?


    Totalement dépassé par l'incroyable bêtise dont faisait preuve le jeune tennisman, Rentarou se couvrit intégralement le visage de ses deux larges mains. Arquant un sourcil, Seiichi chercha à comprendre l'idée exacte qui venait de passer par la tête de son imbécile d'ami. Seul Tyro, qui pensait s'être montré clair sur ses motivations, demeura serein.


    Après avoir surmonté son sentiment de honte, Rentarou se répugna à expliquer à Seiichi leur conversation et à répéter les paroles de Tyro. Affligé, celui-ci distribua une grande claque derrière la tête de Tyro.


    Lorsque ses amis proposèrent finalement de rejoindre Yoko, un signal de panique s'alluma dans l'esprit de Rentarou. En essayant de paraître naturel, il fit semblant de chercher quelque chose dans le petit panier où ses affaires étaient rangées et prétexta ne pas retrouver son portefeuille. L'adolescent prétendit l'avoir probablement oublié à l'entrée et leur conseilla de partir devant sans l'attendre. Il promit de les rejoindre rapidement.


    Pour tromper ses amis, Rentarou se dirigea avec une certaine hâte vers le couloir d'entrée séparant les vestiaires masculin du hall d'entrée de la piscine. Toutefois, il ne sortit jamais de cet emplacement. Grâce aux fins rideaux en toile cirée empêchant de distinguer les gens en train de se déshabiller depuis l'entrée, le jeune homme aux cheveux de jais pouvait demeurer là sans être remarqué par ses compagnons.


    En entendant les cris lointains de Tyro, le lycéen géant comprit qu'il pouvait revenir dans les vestiaires. Il se réjouit en cet instant que son ami soit si expressif et dynamique. Le jeune colosse arpenta longuement les vestiaires jusqu'à parvenir aux douches.


    Pensif, Rentarou se demanda comment occuper son temps pendant que ses amis se baignaient et s'amusaient. Par ailleurs, ceux-ci s'étonneraient s'ils le voyaient sec. Les yeux posés vers l'un des pommeaux de douche, le problème ne lui parut pas insurmontable. En s'arrosant, il serait assez mouillé pour feindre être allé nager et prétendre ne pas avoir su les retrouver.


    Après s'être avancé vers la douche la plus proche et avoir actionné le bouton pour faire couler l'eau, il recula immédiatement. Le liquide qui tomba sur lui l'ébouillanta presque ! Certes, l'adolescent appréciait les douches chaudes. Mais certainement pas si la température équivalait à celle d'un sauna ! En réfléchissant à nouveau à la manière d'occuper son temps, Rentarou entendit un bruit sourd venant de derrière lui. Il partit inspecter d'où cela provenait et découvrit un agent d'entretien occupé à nettoyer le sol Muni de son aspirateur, l'homme traquait la moindre poussière.


    Revenant vers les douches d'un pas lent, l'adolescent se sentit piégé. Cet homme d'entretien risquait fort de s'apercevoir de sa présence. Il pouvait aussi renseigner ses amis si par un malencontreux hasard ceux-ci commençaient à s'inquièter de son sort et se décidaient à le chercher.


    Rentarou n'avait donc plus le choix.


    Fataliste, il se résigna et entra au cœur de l'arène.


    A première vue, l'endroit paraissait très agréable. Sur la gauche était implanté un large et profond bassin où évoluait librement les nageurs. Quelques plongeoirs, plus ou moins hauts, étaient disposés sur l'un de ses côtés. Enfin, un long toboggan serpentuesque complétait l'installation. A droite, un bassin plus étroit était aménagé dans lequel se dressait ostensiblement des amusements pour les jeunes enfants.


    De plus en plus gêné, Rentarou éprouva la désagréable impression d'être observé de tous les côtés à la fois. Il se dépêcha d'entrer dans l'eau et de s'asseoir sur l'une des marches de l'escalier permettant de descendre dans le petit bain. Le lycéen géant fit aussi une chose qu'il n'avait encore jamais faite : il retira ses lunettes noires de son nez. L'adolescent ferma aussi ses yeux en en serrant son précieux bien entre ses mains.


    Pendant ce temps, ses amis s'amusaient beaucoup dans le grand bassin. Après avoir rejoint leur amie qui avait déjà effectué plusieurs longueurs, Tyro s'était mis en tête de la battre. Malheureusement pour le jeune homme, sa rivale se révélait être invincible dans l'eau. Après avoir réalisé une vingtaine d'allers-retours dans cette piscine aux dimensions olympiques, celui-ci ne disposait plus d'assez d'énergie pour poursuivre. Au contraire, la caucasienne ne ressentait pas la moindre once de fatigue. Quant à Seiichi, il ne s'épuisait pas à nager autant. L'adolescent aux cheveux ébènes se plaisait à s'allonger sur le dos et se laisser dériver au gré de l'eau. Parfois, il lui arrivait de plonger et de se déplacer sous l'eau pour attaquer un de ses deux amis. S'il parvenait toujours à avoir Tyro, Yoko lui échappait à chacune de ses tentatives.


    - Rentarou n'est toujours pas là, s'inquiéta Seiichi qui leva la tête autour du bassin une énième fois.


    - Tu penses qu'il a eu un malaise ? fit Yoko soucieuse.


    - Rentarou ne fait pas de malaise, protesta Tyro.


    - Allons voir, décida Seiichi.


    Joignant le geste à la parole, le jeune ninja nagea rapidement jusqu'à la berge. Il se hissa à la force des bras et se remit debout. Derrière lui, Yoko et Tyro arrivèrent. Le garçon, bon dernier, commença à être épuisé. Ils firent le tour des lieux quand la jeune fille remarqua une présence dans le petit bassin. Tous trois s'y avancèrent et descendirent le petit escalier.


    - Rentarou ?


    Son corps tressaillit d'entendre la voix soucieuse de Seiichi. Il déglutit difficilement puis mit rapidement ses lunettes de soleil avant de rouvrir les yeux.


    - Désolé, murmura t-il en baissant la tête.


    - As-tu un problème, Satsuma-kun ? s'informa Yoko inquiète.


    Rentarou hésita longuement. Cette incapacité pitoyable lui brûla la gorge.


    - Je … je ne sais pas nager, finit-il par avouer sans regarder ses amis.


    - Oh ? C'est tout ? s'exclama Tyro en riant. Moi, je m'attendais à un truc plus grave !


    - Vous … vous ne vous moquez pas de moi ?


    - Il y a quelqu'un qui m'a dit que se montrer condescendant envers les autres et se moquer de leur niveau n'était pas correct, rappela Yoko. Alors pourquoi agirait-on d'une telle manière ?


    Gardant la tête baissée, il ne put s'empêcher de sourire d'entendre son amie lui énoncer la leçon qu'il lui avait si souvent faite.


    - Je n'aime pas être remarqué. Autant je n'aime pas que les gens parlent de moi quand je suis fort, je n'aime pas non plus avoir des faiblesses.


    - Si tu veux, je peux t'enseigner comment nager, lui proposa Yoko.


    - Fais attention. Si tu lui apprends ça, il te battra ensuite, intervint Tyro.


    - Ca m'étonnera qu'il puisse en être capable avant un moment, répliqua Yoko en haussant les épaules avec désinvolture.

     

    Pendant que Seiichi et Tyro se reposèrent dans cette étendue d'eau de faible profondeur, Yoko enseigna à leur ami les rudiments de la natation. A sa surprise, son élève se montra très doué pour comprendre les différents gestes à faire et à les réutiliser. En vérité, la mémoire de Rentarou reposait sur un seul principe très simple : l'observation. Il lui suffisait d'utiliser ce formidable don pour analyser les différents mouvements de sa compagne et de détailler précisement les membres utilisés pour accomplir une action. Il ne lui restait plus ensuite qu'à reproduire ce schéma. Pour le moment, le jeune homme aux cheveux de jais se déplaçait encore très lentement mais Yoko ne douta pas qu'à ce rythme, il maitriserait bientôt la brasse.


    - Tu n'as jamais été dans l'eau ? s'étonna Yoko.


    - Non, c'est la première fois que je nage.


    - Rentarou est incroyable, hein ? s'exclama Tyro en nageant vers eux. Il ne sait pas faire un truc, il observe celui qui le fait et il devient capable de le faire !


    - Comme un enfant.


    La réflexion dite sur un ton tranquille les intrigua. Ils se retournèrent vers l'adolescent aux cheveux ébènes qui flottait nonchalamment sur son dos.


    - De sept à treize ans, approximativement, le corps des enfants s'adaptent à de multiples activités et ils sont capables d'apprendre beaucoup de choses facilement. Généralement, les enfants sont comparés à des éponges pour cette capacité étonnante à intérioriser des savoirs si aisément.


    - Rentarou n'est plus un enfant, objecta Tyro. C'est un lycéen, comme nous !


    - A quinze ans passé, nous sommes tous adolescents, approuva Yoko.


    - Sauf que Rentarou ne les a pas encore, poursuivit Seiichi d'un ton toujours calme. Je suis né le 2 Janvier 2035, mon frère est né le 24 Décembre 2035 et Rentarou m'a dit être né un 11 Novembre mais de l'année 2036.


    Il marqua une courte pause pour laisser les esprits ingérer cette information et reprit.


    - Malgré le fait qu'il soit né la même année que moi, mon frère a un an d'écart avec moi. Cela veut dire qu'il aura seulement quatorze ans en fin d'année.


    La réaction de Yoko et Tyro ne tarda pas :


    - TU N'AS QUE TREIZE ANS ?


    La tête tournée vers Rentarou qui se baissait pour s'immerger le plus possible, le jeune homme aux cheveux de jais éprouvait des sentiments contradictoires vis à vis de Seiichi. Il était d'abord très impressionné de la pertinence de son analyse des données maisse sentait aussi en colère contre lui de dévoiler des informations personnelles sur lui. Cela remontait un peu trop vers son sombre passé.


    D'une mine sombre, Tyro alla se réfugier sur les marches de l'escalier.


    - Un mètre quatre-vingt à treize ans, marmonna t-il d'une voix forte. Mais que vais-je devenir ? Je suis un nain ! C'est pas juste !


    - Mais comment peux-tu être au lycée ? s'intrigua Yoko. Je croyais que le Japon interdisait la pratique de sauter des classes.


    - J'ai suivi des cours particuliers. Peut être que cela a compté, émit Rentarou.


    Il se détesta pour mentir à ses amis en toute occasion sur des sujets si importants.

     

    L'adolescent feignait ne pas comprendre les rouages du système mais connaissait parfaitement la raison de pourquoi il avait pu intégrer le lycée si tôt. Sans le témoignage de Yushima justifiant le fait de l'isoler rapidement de son quartier d'origine, le jeune colosse ne serait pas ici. Il s'ennuierait sans nulle doute dans un quelconque collège public de Yokohama. Il aurait peut-être même refait des bêtises.


    Quand le groupe commença à avoir froid dans l'eau, ils décidèrent de sortir. Les adolescents retournèrent dans les vestiaires. Si Seiichi et Tyro apprécièrent la douche très chaude, Rentarou l'ignora. Il partit s'essuyer et se rhabiller directement. Tyro vint le rejoindre rapidement tandis que Seiichi se changea une fois encore dans une des cabines individuelles.
    Après s'être séchés et vêtus, Rentarou et Seiichi abandonnèrent sur les lieux leur ami pour retrouver Yoko dans le hall d'entrée. Celui-ci s'entêtait à refaire sa splendide coiffure, comme il le disait, et aucun des deux ne voulut laisser leur amie seule dans le hall. Avant de sortir, le jeune ninja revêtit une veste bleue foncée.


    Lorsque Tyro sortit enfin des vestiaires, ses cheveux correctement dressés en de longues et multiples piques sur la tête, les adolescents décidèrent de manger une glace ou une pâtisserie à la cafétéria de la piscine.


    La cafétéria de la piscine se révélait assez petite. Seules quelques tables étaient disponibles, toutes alignées près d'une grande baie vitrée où il pouvait être possible d'observer les nageurs du grand bassin évoluer dedans, cinq ou six mètres plus bas.


    Seiichi se distingua une nouvelle fois à prendre six pâtisseries et une crème glacée, incapable de se limiter à un choix unique. Seule Yoko s'interloqua. Ses deux meilleurs amis ne s'étonnaient plus de l'incroyable capacité de celui-ci à avaler tout aliment qui puisse s'avérer comestible. Par ailleurs, le secret dont ils avaient connaissance leur permettait de mieux comprendre la raison de cette pratique.


    - Délicieux, s'écria Tyro. La glace au chocolat et à la vanille est la meilleure !


    Extrêmement pensif, le regard de Rentarou se plongeait dans son pancake au chocolat sans essayer de le manger. Il ne cessait de réfléchir à la conversation de tout à l'heure. Le lycéen géant se reprochait encore une fois de mentir à ses amis si proches de lui.
    Il voulait leur dire …


    Mais …


    Il avait peur de leur réaction.


    - Ca ne va pas, Satsuma-kun ? s'inquiéta Yoko en levant ses yeux après avoir terminé son milkshake à la fraise.


    Par habitude, le jeune homme aux cheveux de jais s'apprêta à répondre qu'il allait bien. Cependant il s'arrêta et se décida à avouer enfin la vérité.


    - Non, je suis un menteur … , dit-il d'une voix très basse.


    - Qu'est que tu veux dire ? s'étonna Tyro en tournant la tête rapidement.


    Hésitant encore, Rentarou s'interrogea par où commencer toute son histoire. Il se résolut à faire simple : une histoire débutait avec un commencement.


    - J'avais huit ans, quand kaasan est partie … Enfin quand elle n'a plus pu s'occuper de moi et de ma petite sœur, les services sociaux sont intervenus. Ils ont emmené en premier ma petite sœur. C'était plus facile avec elle de trouver une place dans un orphelinat. A quatre ans, un enfant est plus facile à gérer.


    Si Seiichi ne montra pas la moindre réaction, Yoko et Tyro plaquèrent avec effroi leur main contre leur bouche. Aucun d'eux n'arriva à s'imaginer séparés de ses frères et sœurs, surtout sans leurs parents.


    - Quand ma petite sœur est partie, c'est comme si je n'étais plus rien. Plus rien ne comptait. Plus rien n'avait d'importance. J'ai coulé peu à peu …


    Au fur et à mesure qu'il parlait, les souvenirs remontaient à sa mémoire. Il se rappelait notamment avoir essayé de se tuer un jour en se sautant du haut d'un pont au-dessus d'une autoroute très fréquentée. Renarou n'arrivait plus à se remémorer exactement ce qui l'avait retenu. Toutefois, il se refusait à évoquer ce moment. L'adolescent ne voulait pas passer pour une victime et se considérait davantage comme un coupable.


    - Moi qui détestait mon père, j'ai souhaité être comme lui … Je pensais que s'il s'en sortait en vivant injustement alors je pourrais moi aussi vivre longtemps … J'ai commencé à rejeter les valeurs enseignées par kaasan … Je volais pour moi, pour ma survie.


    Rentarou s'interrompit un court instant. Voler pour survivre n'était pas le pire des actes. Cela, tout le monde pourrait l'excuser et le pardonner. Il avait commis pire, beaucoup pire.
    - J'étais rancunier. Je voulais être fort. Je voulais dominer tout le monde. Dans les rues, j'attaquais fréquemment d'autres mecs. Des gens qui avaient aussi envie que moi de se taper dessus pour affirmer leur supériorité.


    Il marqua encore une pause pour reprendre sa respiration. Les lointains souvenirs qui remontaient lentement à la surface à un à un lui donnèrent l'impression d'étouffer. Comme s'il se noyait dedans.


    - Quand j'avais personne sous la main, je défonçais n'importe quoi. Une poubelle, un réverbère … Tant que ça soulageait ma douleur, ça allait.


    Avec hésitation, Rentarou s'apprêta à rentrer dans la partie la plus horrible. Il n'osa plus du tout capter le regard de ses amis.


    - A l'époque, j'avais dix ans, je crois, malgré mon petit gabarit, je mettais à terre n'importe qui tellement j'étais enragé quand je me battais. Un chef de gang m'a repéré un jour et a commencé à me demander de l'aider. J'ai accepté. J'avais même pas conscience de faire mal. J'étais juste satisfait d'être reconnu pour mes mérites. J'ai aidé alors à m'introduire dans des banques ou des commerces grâce ma petite taille. J'ai aidé aussi à renforcer leurs plans grâce à mon intelligence.


    En énumérant tous ces faits, il ressentait tellement de honte qu'il voulait vomir. Il se dégoûtait tellement d'avoir participé à des manigances si sombres.


    - Un jour, un jeune policier est venu me trouver …


    - Yushima-sempai ? devina Tyro.


    Sans regarder son ami, Rentarou confirma d'un faible signe de tête.


    - Comme les policiers étaient toujours à notre recherche, je m'apprêtais à fuir. Cependant il m'a dit qu'il ne m'arrêterait pas. Il m'a fait réaliser que cette vie que je menais était pleine d'illusions et je n'aurais rien ainsi. Je me suis alors rappelé de kaasan. J'ai compris qu'elle serait blessée de voir que j'étais devenu un criminel. Cela m'a pris longtemps à l'admettre.


    Il marqua encore une pause et inspira longuement.


    - Finalement je suis allé me rendre à la police comme a dit Yushima-sempai. Dès qu'il a su que j'étais là, il est venu et ne m'a plus lâché depuis. Il s'est battu avec sa hiérarchie pour me permettre de vivre normalement. Il a peut-être réussi mais je ne sais pas à quel prix. En échange d'une amnistie totale, j'ai du confesser le nom de toutes les personnes que je connaissais ayant commis un crime, même les plus infimes, et dire les lieux où les arrêter.


    - Tu as été complètement blanchi ? l'interrogea Yoko.


    - Oui. Après, Yushima-sempai m'a emmené chez lui où j'ai suivi des cours par correspondance pour rattraper mon retard scolaire.


    - C'est pour cette raison que tu es déjà au lycée ? supposa Yoko. Pour te placer à un niveau d'études plus dur où tu es obligé de travailler plus que tu l'aurais fait au collège ?


    - Ouais. Désolé de vous avoir caché tout ça, s'excusa t-il en gardant la tête baissée.


    - Mais tu n'as pas à être désolé, objecta Tyro jovialement. Avoir un secret est le droit de tout le monde et seul toi peut décider qui mérite ou non de le savoir, qu'importe le lien que tu entretiens avec tes amis. Et si tes amis ne respectent pas ça, alors ils ne méritent pas d'être tes amis.


    - Tyro … , murmura Rentarou en redressant la tête.


    Comme à son habitude, l'insouciant adolescent toujours très décontracté se révélait d'une maturité plus importante qu'il ne laissait le supporter extérieurement.


    - Et puis la justice t'a innocenté, sourit Yoko. Cela veut dire que tu n'es coupable de rien, non ?


    - Être déclaré innocent n'enlève pas le poids de ta conscience, déplora Rentarou.


    En prononçant ses paroles, il se tourna vers l'adolescent assis à côté de lui. Depuis qu'ils s'étaient tous assis, Seiichi n'avait pas prononcé un seul mot. Le lycéen géant se demandait ce qu'il pensait de lui maintenant. Rentarou se sentait soulagé par les réactions de Tyro et Yoko.
    Cependant celles de Seiichi comptaient beaucoup plus pour lui.


    - Seiichi, qu'en penses-tu ?


    Comme s'il n'avait rien entendu, l'adolescent aux cheveux ébènes porta la main à sa bouche pour bailler puis étira ses deux bras. Il dit finalement :


    - Est-il l'heure de partir ?


    Rentarou fut muet de stupeur. Il ne put croire que son meilleur ami n'avait rien suivi. Il ne s'imagina pas non plus refaire sa confession.


    - Tu … tu n'as rien entendu ? bégaya t-il.


    - Si, évidemment, répondit l'adolescent avec un ton très tranquille.


    - Alors ? Tu n'as rien à en dire ? s'inquiéta Rentarou.


    - Je m'en fiche.


    - Comment ça tu t'en fiches ?


    - Satsuma Rentarou est Satsuma Rentarou, reprit Seiichi un peu plus énergiquement. Tu es mon ami et il n'y a rien qui puisse changer cet état des choses. Qu'importe ce que tu as fait, ce que tu fais ou ce que tu feras.


    En silence, Rentarou écouta et savoura intérieurement les mots exprimés par son meilleur ami.


    - Il faut toujours que Seiichi se la joue cool, se plaignit Tyro, un brin admiratif.


    Sans manifester aucun signe extérieur, le jeune ninja se sentait heureux de cette situation. Il connaissait depuis si longtemps le passé de son ami mais avait toujours souhaité la version sortie de sa propre bouche. Néanmons, le jeune ninja ne lui dirait jamais en avoir eu connaissance auparavant à cause de sa promesse envers le petit Nobu. Suite à sa gaffe, le petit collégien lui avait demandé de garder le secret.


    - Si nous sommes toujours amis, reprit Yoko en souriant, cela veut dire que nous pouvons encore faire des choses ensemble ?


    - Oui, évidemment, approuva Rentarou.


    - Alors essaie de nous parler de ce qui t'ennuie plus tôt au lieu de te tourmenter, conseilla t-elle.


    - Oui, j'essayerais, s'engagea t-il dont ses joues rosirent légèrement.


    - Que faisons-nous ensuite ? demanda Seiichi. Je m'ennuie.


    - Je dois rentrer moi, annonça Yoko. Et si nous allions à la plage demain ?


    - Oh ouais ! Trop génial, s'écria Tyro enthousiaste.


    - J'aimerais beaucoup y aller aussi, approuva Rentarou qui n'avait jamais vu la mer.


    - Donc demain nous irons à la plage, conclut Seiichi. Espérons qu'il fasse beau.

     


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  • Chapitre 30


    Pendant la semaine où Tyro s'absenta, Rentarou et Seiichi ne firent pas grand chose, à part terminer leurs devoirs pour la rentrée. Ils flânèrent aussi un peu en ville et jouèrent au tennis.  


    - Tu as passé trop de temps au game center, lui reprocha Seiichi. De plus, le casque de simulation que tu veux toujours utiliser est le jeu le plus cher.


    - Mais ce jeu est génial, protesta Tyro. Tu peux sentir tes mouvements, les odeurs, même la douleur quand tu prends un coup … Tu as vraiment l'impression de vivre l'aventure !


    - Il n'y a pas que les jeux vidéos, émit Rentarou qui était assis contre un des distributeurs. Il y a forcément plein d'autres choses à faire !


    - Comme quoi ? Je n'ai même plus d'argent pour un hamburger, bougonna Tyro.


    - S'entrainer ou jouer un match, claironna Rentarou d'une voix forte.


    Le regard hagard, Tyro observa son ami puis se tourna vers Seiichi.


    - Il plaisante ?


    - Tu sais bien que Rentarou ne se moque jamais de nous. Pas le premier, en tout les cas.


    En acquiesçant d'un bref signe de tête, Tyro poussa un profond soupir.


    - Je suis battu … Ce type est encore plus accro que moi au tennis …


    Tandis que Seiichi se replongea dans le livre ouvert sur ses genoux, ses compagnons poussèrent chacun un soupir d'ennui. Tous deux cherchèrent vainement un moyen d'animer davantage leur journée. L'événement ne fut pas long à attendre mais ne releva pas de leur initiative personnelle.


    A quelques mètres de là, sortant du bâtiment administratif par la porte principale, la vice-présidente du conseil des étudiants remarqua leur présence. Elle fronça légèrement ses sourcils, serrant les livres qu'elle tenait sous le bras, et s'approcha d'eux d'une foulée rapide.


    - Vous n'avez rien de plus intelligent à faire ? leur reprocha la jeune fille. Errer sans but et rester assis sans rien faire ne mène nulle part !


    - On a fini nos devoirs, s'exclama Rentarou. On peut se reposer un peu.


    - Et on n'a plus d'argent, poursuivit Tyro en adoptant une attitude malheureuse. Alors on n'est obligés d'attendre et de réfléchir à un truc sympa à faire sans payer.


    - Eh bien, tu peux étudier, lui répliqua Yoko hautaine. Quand on a réussi les examens avec 61% de moyenne en les ayant passé deux fois, cela veut dire qu'on a beaucoup de lacunes à combler.


    Prenant ombrage de la réflexion de sa rivale, le regard de Tyro s'assombrit. Il se releva vivement du banc où il était préalablement assis et se posta en face d'elle.


    - Matsuda, fiche-moi la paix ! Le second trimestre commence dans quinze jours seulement ! Alors je n'ai pas à te supporter toi et tes foutus commentaires maintenant !


    Dès que le jeune homme eut commencé à s'énerver, Rentarou se leva aussitôt. De son côté, Seiichi referma son livre et l'imita.


    - Tyro, tu devrais te calmer, conseilla Rentarou en posant sa main sur son épaule, ou tu risques te dire des paroles que tu regretteras plus tard.


    - Il n'y a pas de danger, s'écria Tyro très remonté. Je pense sincèrement dès que je l'ai rencontré que Matsuda Yoko n'est qu'une prétentieuse, une égocentrique et qui se fiche bien des autres !


    - Ce n'est pas vrai, protesta Yoko outrée. Les activités que je fais au lycée sont pour permettre aux étudiants d'avoir un cadre plus serein ! Je travaille pour eux !


    - Ah ouais ? Tu ne sais pas alors ce que les autres élèves disent de toi ? Ils disent tous qu'ils te craignent ! Tout le monde a peur de toi et n'ose pas te demander quelque chose ! Tu es autoritaire et tu ne laisses personne décider !


    Baissant légèrement la tête, Rentarou se mordit les lèvres de ne pas avoir su empêcher Tyro. Il observa attentivement Yoko. A première vue, elle conservait son attitude stricte et défensive mais il remarqua qu'il s'agissait là d'une façade. Son regard avait repéré ses yeux fuyant légèrement et son corps tremblant quelque peu.


    - Ce que tu dis Tyro est injuste, intervint Seiichi en s'avançant vers le côté gauche de son ami.


    - Rentarou le pense aussi puisqu'il s'est enervé après elle, insista Tyro.


    - Ca n'a rien à voir, rétorqua Rentarou. De plus, je …


    - Ne vous fatiguez pas, l'interrompit Yoko d'une voix très froide. Je savais très bien ce qu'on pensait de moi et je m'en moque. A présent, si vous vouliez bien m'excuser, j'ai à faire.


    La jeune fille quitta rapidement les trois adolescents, en faisant de grandes enjambées, et s'éloigna en direction de l'allée qui menait à l'entrée du lycée.


    Absolument pas dupé de l'excellent jeu de comédienne de Yoko, Rentarou se dépêcha de la suivre. Dès le début de la scène, il l'avait regardé avec attention. En plus, des gestes indiquant son profond trouble, elle avait fait tomber ses livres sur le macadam. Le détail qui l'alertait résidait en le fait que la jeune fille ne les avait pas ramassé. L'adolescent se questionnait même si celle-ci avait remarquer leur chute. Or, jamais Matsuda Yoko ne ferait une pareille chose. Elle vouait un respect trop important aux livres et aux savoirs consignés à l'intérieur. Pour toutes ces raisons, Rentarou comprenait que les horribles mots de Tyro l'avaient affecté.


    De son côté, Seiichi avait donné une forte claque derrière la tête de Tyro, irrité par son comportement très peu mature.


    - Tu n'es vraiment qu'un idiot, Sakumai Takahiro.


    - J'ai juste dit la vérité, bougonna Tyro en se massant l'arrière du crâne.


    - Rentarou pourrait ne jamais te pardonner pour cette attitude déplorable, dit sévèrement Seiichi. N'as-tu toujours pas compris quelle genre de personne il est ?


    - Généreux, il pense toujours aux autres, déterminé, fort … , énuméra Tyro.


    - Il ne pense SEULEMENT aux autres, le coupa Seiichi. Il est toujours prêt à se sacrifier pour protéger quelqu'un et se révolte à la moindre parole méchante.


    Réalisant subitement toutes les méchancetés que contenaient son discours agressif de tout à l'heure, Tyro baissa la tête. Il se souvenait maintenant de nombreux exemples où leur ami commun était intervenu dans des affaires similaires.


    Timidement, il demanda :


    - Rentarou va m'en vouloir, tu crois ?


    - Tout dépend de toi. Rentarou est tolérant alors si tu montres que tu es sincèrement désolé de tes actes, il pourrait ne rien dire.


    Pendant ce temps, le lycéen géant courait après la piste de Yoko. S'il avait su tenir la distance jusqu'au portail, il l'avait perdu ensuite. Celle-ci avait grimpé sur le petit muret et sauté dans le parc attenant au lycée pour disparaître au milieu des arbres.


    S'aventurant dans ce petit parc, l'adolescent marcha d'un pas rapide pour couvrir suffisamment de distance. Il regretta de n'être jamais venu ici auparavant. Connaître les lieux l'aurait avantagé au lieu d'errer au hasard. Le lycéen géant traversa la parcelle couverte d'arbres dans laquelle il avait perdu Yoko et se retrouva sur un terrain de jeux où s'amusaient quelques petits enfants, surveillés de loin par leurs mères attentives. Il s'approcha d'une d'entre elles et la questionna pour savoir si celle-ci n'avait pas vu son amie. La jeune femme lui répondit positivement et lui indiqua la direction à suivre de la main. La remerciant poliment, Rentarou s'inclina légèrement et reprit sa route. Il marcha plusieurs mètres sur une allée jusqu'à apercevoir une tête dépassant d'un buisson. Il tourna donc les talons et partit voir. Le garçon découvrit Yoko assise contre le muret d'enceinte.


    - Qu'est que tu fais là ? l'attaqua t-elle agressivement en le voyant s'asseoir à ses côtés. Tu n'as pas entendu ton copain dire que j'étais égocentrique et prétentieuse ? Je n'ai besoin de personne !


    - Arrête cette comédie, l'incita Rentarou très calme. Ce qu'as t'as dit Tyro n'est ni juste ni correct et tu le sais. C'est vrai aussi que tu peux être énervante mais tu ne mérites pas non plus d'être traitée d'une manière aussi odieuse.


    - Je suis très bien toute seule, affirma Yoko en détournant la tête.


    - Tu n'es pas toute seule, riposta Rentarou. Parce que même si tout le lycée était réellement contre toi, je resterais de ton côté !


    Surprise par une telle déclaration, Yoko retourna rapidement sa tête vers son compagnon.


    - Parce que je t'admire beaucoup, poursuivit Rentarou. J'apprécie ta façon de protéger le règlement à n'importe prix et d'agir de manière juste pour l'ensemble des étudiants.


    Interdite, la jeune fille ne savait pas comment interpréter une telle confession. Pour beaucoup de filles de son âge, elles auraient pris cela pour une déclaration d'amour.

     

    Cependant, Yoko connaissait suffisamment le jeune homme aux cheveux de jais pour savoir qu'il se montrait très maladroit dans la formulation de ses sentiments personnels, surtout ceux au sujet de ses amis. De plus, la caucasienne avait appris un élément essentiel de la personnalité de ce curieux et intriguant jeune homme : il ne mentait jamais. Il lui arrivait très souvent de garder le silence pour ne blesser personne avec ses propos mais dès qu'il ouvrait la bouche, c'était pour dire la vérité. Il ne l'exprimait pas toujours clairement mais chaque phrase prononcée se voulait sincère.


    - Après tout ce que je t'ai fait ? J'ai toujours été sur ton dos et je te critiquais toujours.


    - C'est pourquoi tu es géniale pour moi, continua Rentarou. Quand je suis devenu populaire au lycée grâce à mon jeu au tennis, tout le monde m'a vu différemment et me traitait différemment alors que j'étais transparent jusque là. Mais toi, tu as continué à être comme toujours avec moi, à me rudoyer souvent.


    Contre toute attente, la jeune fille éclata de rire suite à cette explication.


    - Tu es vraiment unique, Satsuma-kun, dit-elle en souriant. Mais en même temps, j'apprécie ta sincérité et ton courage. Merci.


    Gêné, Rentarou rougit. Il regarda ailleurs, vers une petite fontaine où s'était posé un papillon, pour dissimuler son trouble. Le jeune homme se demanda ce qu'il pouvait ajouter pour rendre davantage heureuse sa compagne. Il n'eut guère à réfléchir. Tyro surgit quelques instants plus tard. Celui-ci se planta devant eux, le regard penché vers le dallage sous ses sandales en cuir.


    - Je suis désolé pour tout à l'heure de m'être conduit comme un idiot, murmura t-il dont la voix exprimait sa honte. Je ne voulais pas dire tout ça.


    - Mais tu l'as dit quand même, répliqua Yoko en redevant agressive, toujours blessée des mots que lui avaient dit précédemment ce garçon.


    Réagissant à ce conflit naissant, Rentarou étendit son bras et le posa sur l'épaule gauche de Yoko.


    - Je pense que tu devrais lui pardonner.


    - Pourquoi ? s'enquit-elle boudeuse.


    - Parce qu'il faut être très courageux pour venir s'excuser après avoir réalisé une erreur. De plus, il est normal de faire des erreurs. Nous, humains, faisons des erreurs et elles nous permettent de grandir et de nous améliorer. Aucune erreur n'est mauvaise si on en retire un enseignement.


    En silence, Yoko écouta le raisonnement de son compagnon, les yeux rivés vers lui.


    - De plus, le pardon est un acte important. Certes, je comprends que c'est dur à faire. Être blessé est dur. Cependant, à force de s'ignorer et de se blesser l'un l'autre, on souffre encore plus. Tu ne peux pas oublier réellement ce qui s'est passé mais en montrant à l'autre que tu essaies, il peut faire l'effort de le croire et de changer.


    Observant maintenant Tyro qui osait difficilement lever ses yeux des petites pierres carrées sur le sol, Yoko hésitait. Depuis que la jeune fille fréquentait quotidiennement cet accro du tennis, elle le supportait pas. Il ne cessait de la provoquer et de l'enquiquiner.


    Yoko se souvenait encore de la fois où au lieu d'effacer le tableau, il avait dessiné de longues oreilles d'âne dessus car elle s'était assise au bureau professoral pour surveiller leur classe en l'absence d'un professeur. Naturellement, il les avait placé de manière à ce que les élèves voient son oeuvre au-dessus de sa tête, par effet de perspective.


    Cependant, la jeune fille entendait encore le discours de Rentarou tourner dans sa tête. Sous ses airs discrets et timides, cet adolescent se révélait être un excellent orateur doté d'une bonne force de persuation. De plus, elle se sentait endettée envers lui. Malgré son attitude froide et sévère qu'elle avait eu envers lui tout le long du premier trimestre, il ne lui en tenait pas rigueur et continuait à la soutenir.


    Pour cette raison, Yoko se décida à accepter les excuses de Tyro.


    - Je te pardonne, Sakumai-kun.


    - Merci beaucoup, murmura Tyro sans relever sa tête. Dis, Yoko-chan, tu sais, je vais bientôt avoir mon argent de poche, alors si tu veux tu pourrais venir avec nous.


    - Tu … tu m'invites ? s'étonna t-elle. Et tes copains ? Ils ne diront rien ?


    - Moi, je serais ravi de passer du temps avec toi, intervint Rentarou, et je suis certain que Seiichi en serait heureux lui aussi.


    - J'y réfléchirais, éluda Yoko d'un mince sourire. J'y réfléchirai.

     

    Deux jours s'écoulèrent suite à ces derniers événements. La vie redevint à nouveau calme pour les étudiants en vacances.


    Suite à une panne de la climatisation du lycée, il leur était impossible de rester à l'intérieur des bâtiments, à moins de vouloir comprendre ce qui advenait au moment de la cuisson d'une pièce de viande dans un four. Yoko était aussi venue se réfugier dans la cour auprès des Sanonis.


    Alors que Tyro somnolait, allongé à plat ventre sur un banc, Seiichi et Yoko lisaient tous deux un livre. Seul Rentarou s'agitait au fond de la cour. Cependant aucun de ses amis n'avait envie de bouger sous cette chaleur pour se renseigner sur ses activités.


    - Je dirais qu'il joue à la balle, déclara Tyro. J'ai vu une balle tomber à terre !


    - Ne te fatigue pas, Tyro, conseilla Seiichi sans lever la tête de son ouvrage. Il va revenir ici pour boire et nous pourrons lui demander alors.


    - Il risque de faire un malaise avant, s'inquiéta Yoko en fixant la silhouette de leur camarade.
    - Rentarou faire un malaise ? ironisa Tyro. Il a joué six heures sous une telle chaleur lors de la finale ! Je crois qu'il n'en ressent pas les effets !


    Gardant pour elle sa curiosité et son envie de protester que le jeune lycéen géant n'était quand même pas invincible, Yoko se replongea dans sa lecture. La prédiction faite par Seiichi finit par se réaliser. Une heure plus tard environ, Rentarou revint vers eux et s'acheta une canette de soda. La jeune fille remarqua alors un détail qui l'intrigua à sa manière d'utiliser le distributeur.


    - N'es-tu pas droitier, Satsuma-kun ?


    - Si. Mais les habitudes sont faites pour être cassées, répondit-il malicieusement avant d'avaler une grande lapée de soda.


    - En parlant d'habitudes, qu'est que tu fais ? s'exclama Tyro en se redressant. Ce n'est pas un entrainement puisque tu n'as pas ta raquette !


    - Il y a différentes façons de s'entrainer, admit Rentarou en soulevant en même temps la visière de sa casquette noire qui lui tombait devant les yeux.


    - Et quel en est le but ? le questionna Seiichi en refermant délicatement son livre.


    Avant de répondre, le lycéen géant sortit une balle d'une poche de son short et joua de sa main gauche avec.


    - Je me suis souvenu de discussions avec Taka-chan, expliqua Rentarou. Comme j'ai beaucoup de mal à effectuer des lifts, mêmes plus simples et d'autres effets, j'ai décidé d'apprendre les lancers du base-ball et de les utiliser au moment de mes services.


    - Je vois le principe, affirma Tyro très sérieux, mais je ne comprends pas. Pour servir au tennis, tu dois tenir ta raquette de ta main droite et lancer ta balle de l'autre.


    - Sauf que Rentarou a appris récemment à utiliser de temps à autre à passer sa raquette rapidement à sa main gauche, rappela Seiichi. Pour compenser son revers pourri, entre autres.


    - Tu vas frapper de ta main gauche alors ? glapit Tyro.


    - Non, je ne pourrais pas, réfuta Rentarou. Je ne maitrise pas assez ma raquette de cette main-là.


    - Mais alors comment tu vas adapter ta nouvelle technique ? s'enquit Tyro extrêmement pensif.


    - Puisqu'il apprend des trajectoires, il le fait probablement avec sa main gauche. De cette manière, il ne sera pas désavantagé en plein match, intervint Yoko d'un ton imperturbable. Il pourra toujours lancer sa balle de la main gauche, qu'importe comment il le fera, et la frapper avec la droite.


    - Bravo, Yoko-chan, la félicita Rentarou assez surpris tout de même.


    - Cela explique que tu te serves de plus en plus de ta main gauche, poursuivit Yoko. Tu essaies d'amplifier sa sensibilité et de corriger ta dominance manuelle.


    Intrigués par cette soudaine participation de la jeune fille à une conversation sportive, Seiichi et Tyro tournèrent tous deux la tête vers elle.


    - Mais Satsuma-kun, tu es déjà très bon, reprit-elle. Pourquoi cherches-tu autant à t'améliorer ? De plus, tu as toujours dit que tu arrêterais le tennis après le lycée.


    - Justement avant ça, je veux savoir ce que je peux faire, confia Rentarou. Depuis que j'ai grandi de l'aspect d'une crevette à ce corps énorme, je sens que j'ai des pouvoirs importants en moi. Je peux exceller en plein de sports sans y avoir jamais joué auparavant et je dispose d'une force si incroyable que je dois toujours la doser. Alors avant la fin du lycée, je veux voir jusqu'où je suis capable d'aller et de savoir enfin si où sont mes limites et surtout si j'en ai.


    - Et moi j'ai une motivation aussi pour quand je terminerai le lycée, ajouta Tyro.


    - Qu'est que c'est ? s'enquit Seiichi se méfiant des idées de son ami.


    - M'améliorer moi aussi et devenir très fort pour battre Rentarou, proclama t-il avec fierté.


    - Essaie aussi de me battre, petit vermisseau, murmura Seiichi malicieux.


    - Mais Satsuma-kun, reprit Yoko soucieuse, tu n'es pas fatigué de t'entrainer sous une chaleur pareille ? Tu vas finir par être malade ou avoir une insolation.


    - Je me sens vraiment bien sous la chaleur. Quand à l'insolation, je porte toujours ma casquette et je bois beaucoup.


    - Ton teint de peau hâlée doit y être pour quelque chose, émit Seiichi.


    Intrigué par la réflexion de son camarade, Rentarou passa machinalement sa main sur sa peau légèrement brunie. Il n'y avait prêté attention mais sa peau aussi le différenciait du japonais moyen.


    Après réflexion, il réalisa les différences au niveau des visages de ses amis du sien. D'abord, Seiichi possédait le faciès le plus nippon qui soit : la peau très pale, de grands yeux bridés très rapprochés l'un de l'autre et le cheveu très noir. A l'opposé contraire, Yoko n'exprimait rien de sa nationalité. Ses yeux verts-gris très éloignés, sa peau blanche légèrement rose et ses cheveux châtains très clairs tirant sur le blond la faisait ressembler davantage à une occidentale. Enfin, Tyro avait de petits yeux bridés amandes et le teint du visage légèrement brun du à ses fréquentes expositions au soleil.


    Quant à lui, ses cheveux de jais demeuraient dans la norme japonaise. Tout comme derrière ses lunettes, ses yeux étaient eux aussi bridés, mais moins que ceux de ses deux meilleurs amis.


    - Tu crois ? interrogea Rentarou soucieux.


    - Comme j'ai déjà passé mes vacances sur l'ile de Kyushu, et d'autres îles environnantes, je sais que par là, les gens possèdent une peau moins blanche que sur les iles septentrionales de l'archipel. Cela s'explique parce que ces iles sont proches des tropiques et la peau de ces insulaires s'est adaptée pour se protéger de ce climat, exposa Seiichi.


    - Mais je suis né à Yokohama et j'ai toujours vécu là-bas, objecta Rentarou.


    - Sauf que dans tes ancêtres ont pu vivre là-bas, enchaina Tyro. Par la génétique, tu as hérité ainsi de leur endurance au soleil.


    - Et une nouvelle capacité de plus pour me marginaliser davantage, soupira Rentarou.


    Le lendemain matin, Tyro, qui avait reçu enfin son argent de poche mensuel, la veille au soir, avait déboulé tout excité au lycée pour retrouver ses amis. Après l'avoir laissé se calmer, les adolescents avaient accepté une sortie ensemble.


    En compagnie de Yoko, comme Tyro lui avait promis, les Sanonis se rendirent aux arcades. Au début, Rentarou craignit que la sortie ne lui plut pas. Après tout, c'était une fille et elle devait avoir des loisirs différents d'eux. Cependant à peine arrivée, celle-ci se précipita à la même vitesse que Tyro sur une machine pour jouer frénétiquement dessus.


    En s'éloignant vers un autre jeu, Rentarou songea qu'il se faisait trop de soucis pour les autres. Si leur amie n'aurait pas apprécié les jeux vidéos, elle l'aurais dit.


    Après quelques parties de Tetris, il eut envie de se dégourdir un peu les jambes. L'adolescent marcha à travers la salle où il se trouvait et rentra dans la suivante. Sortant lui aussi d'une partie, Seiichi se releva et aperçut son meilleur ami. Il alla vers lui. Tous deux décidèrent de retrouver leurs deux autres compagnons. Ils s'aventurèrent au bout de la pièce où Rentarou repéra un étrange appareil.


    Se plantant devant, l'adolescent observa les peluches au fond du bac derrière la vitre de l'engin. Il nota aussi la présence de pinces.


    - Seiichi, c'est aussi un jeu ça ?


    - Oui, tu dois attraper une des peluches, expliqua Seiichi. Tu pilotes la pince, tu saisis une peluche et tu la remontes puis la déposes dans le bac.


    - Ca a l'air compliqué, estima Rentarou très intéressé. J'essaie !


    Glissant quelques pièces d'un Yen dans la fente de l'appareil, le jeune homme se saisit des manettes. Il descendit lentement le petit grappin. Il prit au hasard une peluche de louveteau et l'amarra solidement avec sa pince. Ses doigts la remontèrent en douceur puis la déplacèrent jusqu'à atteindre le bac d'arrivée.


    Au même moment, Seiichi, qui s'était agenouillé là où devait sortir la peluche, avait ouvert son sac à dos et fourra le jouet dedans rapidement, après avoir adressé un regard attendri dessus.


    - Tu as vu ça ? J'ai réussi ! s'enthousiasma Rentarou.


    - Oui, c'était une très belle prise, confirma Seiichi en serrant les bretelles de son sac, déjà redressé.


    A la suite de cet intermède, les deux lycéens sortirent de la salle et se rendirent jusqu'à celle réservée aux jeux de simulations. Ils se doutèrent que Tyro devait être encore en train de s'amuser avec ce casque le projetant dans un monde virtuel.


    En arrivant dans la pièce, ils remarquèrent justement deux joueurs, chacun à une dizaine de mètres de distance, portant un lourd casque jaune ressemblant un peu à celui d'un casque de moto sauf que la visière était noire. Soudain un puissant cri de victoire retentit :


    - Génial ! Je t'ai encore écrasé ! hurla la voix de Yoko étouffée.


    Retirant vivement son casque, la jeune fille apparut, les cheveux totalement en broussailles, très excitée par la partie et son score.


    - Je suis la meilleure ! Je l'ai explosé ! Laminé !


    A l'autre bout, Tyro retira lui aussi son casque mais de manière beaucoup plus modeste et surtout dans un silence complet.


    - Tyro qui prend une raclée à son jeu favori, s'esclaffa Rentarou.


    - Avec cela, il voudra jouer davantage pour s'améliorer, fit Seiichi très amusé aussi.


    A la suite de cinq défaites très humiliantes pour son ego, Tyro décida qu'ils avaient assez joué et proposa de quitter les lieux. Il suggéra d'aller manger des hamburgers et déclara même accepter de payer les parts de tout le monde. Rentarou et Seiichi frôlèrent presque la crise cardiaque d'entendre une telle affirmation dans la bouche de leur ami.


    Attablés à l'intérieur d'un fastfood devant plusieurs hamburgers et des frites, les jeunes gens les dévorèrent rapidement et apprécièrent leurs saveurs.


    - Tu es sacrément forte, Yoko-chan, reconnut Rentarou. Tyro est très dur à battre.


    - Je n'ai pas de mérite, se défendit-elle. A la maison, nous avons quatre casques et plusieurs jeux. Je joue souvent avec mon père et mes deux petits frères.


    Ahuri, la bouche que Tyro venait d'ouvrir pour avaler son hamburger resta grande ouverte.


    - Tu possèdes cette console en plusieurs exemplaires ? s'écria t-il, halluciné.


    - Oui, nos parents nous l'ont offerte à sa sortie il y a six ans, approuva Yoko. On a ensuite racheté deux casques au fur à mesure que mes frères ont pu jouer aussi.


    - Ouais … Une console coûte actuellement  30O.000 yens, déplora Tyro en éprouvant une pointe de jalousie. 1.000.000 quand elle est sortie.


    - Eh ? Autant ? T'es parents doivent être riches, Yoko-chan, s'exclama Rentarou.


    - Eh bien, ils ont certains moyens, éluda t-elle peu encline à aborder le sujet.


    - Et que font-ils ? s'intéressa Seiichi.


    - Ma mère est femme au foyer et mon père retraité.


    - Retraité ? Mais ils ont quel âge tes parents ? questionna Tyro interloqué.


    - Ma mère a exactement trente ans et mon père a fêté récemment ses trente-trois ans.


    Ni Seiichi ni Tyro ne parvinrent plus à comprendre. Seul Rentarou ne montra pas de réaction. Il se contenta tranquillement d'aspirer avec sa paille son coca puis releva la tête.


    - Normal puisque son père est un ancien sportif, intervint-il. Les sportifs arrêtent leur carrière tôt.
     

    Surpris, ses deux meilleurs amis se retournèrent vers lui.


    - Et certainement un joueur de tennis, poursuivit-il d'un petit sourire.


    - Comment peux-tu savoir ça ? s'enquit Seiichi perplexe.


    - J'ai toujours trouvé étrange certaines choses avec Yoko-chan. Quand on parle d'un sport au lycée, pas mal de monde ne comprend pas s'il ne le pratique pas. Or, j'ai remarqué que chaque fois où nous parlions de tennis devant Yoko-chan, elle ne disait rien. Comme si elle comprenait.


    - Très impressionnant, Satsuma-kun, reconnut Yoko.


    - Eh bien, je veux être policier alors être observateur et savoir déduire est important.


    - Mais ton père était célèbre ? s'intéressa Tyro.


    - Non, je ne crois pas, fit Yoko. Il a arrêté très jeune.


    - Dommage, soupira Tyro. J'aimerais pouvoir rencontrer un champion de tennis, même un ancien.


    - A la place, tu n'as qu'à travailler pour en devenir un, lui dit Rentarou en lui donnant une légère bourrade au coude.

     

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