• Chapitre 50


    Plus d'une dizaine de jours s'étaient écoulés suite à la conversation des sept révolutionnaires. Depuis la bande avait vécu ses premiers entrainements supervisés par Raphael pour les conditionner à un match contre Kurata. Pour Rentarou, Seiichi, Tyro et Shintarou qui possédaient un certain talent pour le tennis, ce n'était pas d'une très grande difficulté. Par contre, Kou et Takaishi éprouvaient davantage de mal à effectuer les mêmes exercices que leurs camarades. Ils étaient toujours en retard sur eux. Lorsque le petit groupe terminait le troisième exercice, tous deux en étaient encore au premier. Toutefois, des progrès pouvaient être constatés.


    Le mois de Décembre venait enfin d'arriver. L'approche des vacances d'hiver se faisait sentir dans les esprits des lycéens. Malheureusement, la pensée des examens trimestriels avant cette agréable échéance assombrissait considérablement le tableau. Il fallait donc se concentrer sur les révisions et oublier temporairement ses loisirs et les promenades entre amis.


    Un jour, en plein milieu d'un cours de Japonais, Rentarou assista à un événement très prévisible et heureux mais qui gêna beaucoup le professeur Noda. L'enseignante racontait une quantité de détails sur la vie de l'auteur Soseki Natsume dont la classe étudiait actuellement une de ses oeuvres. Ses élèves prenaient des notes. Cependant ceux-ci cessèrent d'écouter subitement son discours lorsqu'ils remarquèrent la multitude de petits flocons de neige tombant du ciel par les deux fenêtres de la salle.


    La tête tournée vers l'extérieur, ils cessèrent de suivre le cours et copièrent peu de mots, hypnotisés par cette première chute de neige de la saison. Noda râla, tempêta. Les lycéens reportèrent son attention vers elle mais leur cou pivota très vite à nouveau vers les vitres. Au bout d'un moment, elle se découragea de les faire obéir et poursuivit son cours que seul Seiichi suivit encore de toute son attention.


    A la fin du cours, qui marqua aussi la fin de ceux de cette journée, les lycéens se précipitèrent aux fenêtres pour apercevoir le nouveau paysage. La neige avait déjà tout recouvert. Les allées et les pelouses étaient toutes blanches. Les toits des immeubles en face aussi. Et elle ne cessait pas de tomber.


    - La neige est enfin là ! scanda Sawamura avec enthousiasme.


    Les paumes posées sur la vitre d'une fenêtre, Rentarou admirait lui aussi le paysage urbain se transformer en celui d'un site montagneux.


    - Je veux de la glace ! s'écria t-il.


    - De la glace ? répéta Tachibana en arquant un sourcil. Ce serait mieux un chocolat chaud.


    - Non ! La glace est ce qu'il faut manger quand il neige !


    De son côté, Shintarou était devenu encore plus hyperactif qu'à l'accoutumée. La contemplation de cette grande étendue blanche lui rappelait tant de souvenirs d'enfance.


    - Je veux me promener tout nu dans la neige !


    Alors qu'il s'était rapproché de ses deux amis, Seiichi s'éloigna pour retourner à sa table et ranger ses affaires, faisant de son mieux pour masquer sa gêne.


    - Je ne connais pas ces deux individus, dit-il avec impassibilité. Je n'ai aucun lien avec eux.


    Ses condisciples qui l'avaient entendu rirent de cette réplique. Ils savaient à présent que Seiichi tenait énormément à Rentarou et Shintarou même si celui-ci aimait prétendre souvent le contraire.


    En attendant de se rendre au club de tennis pour leur séance d'entrainement, Seiichi passa le temps à la bibliothèque à rassembler des documents pour sa dissertation de Géographie sur l'Amérique du Sud et à la rédiger. Il se demanda quelques fois où étaient partis ses meilleurs amis. A cette heure du Mardi, les Sanonis se retrouvaient toujours ici.


    Quand il fut l'heure de se rendre au club, Seiichi retrouva toute la bande. En raison de la neige, Kurata suspendit l'entrainement d'aujourd'hui et donna pour ordre de la déblayer complètement du terrain qui leur appartenait. Les membres du club se mirent donc au travail, se réunissant en petits groupes, et se dispersèrentnt un peu partout pour enlever cette vaste matière blanche.


    La petite bande avait choisi de dégager derrière les vestiaires. Ils pouvaient ainsi parler, et même chahuter, sans se faire rappeler à l'ordre par un élève plus vieux. Le travail était pénible. Lever une pelle et déplacer la neige donnait chaud. De la sueur coulait sous leurs manteaux, gants et écharpes. Ils bougeaient difficilement pour cette même raison. Shintarou fut le premier à lâcher sa pelle, un objet qui était plus grand que lui, et se laissa choir dans un tas de neige.


    - C'est une pratique idiote ! Sur Hokkaido, il ne viendrait à personne une idée si saugrenue ! Les gens de Tokyo sont vraiment étranges !


    Étant natif de Tokyo, Tyro n'apprécia pas ce commentaire. Il déchargea la neige contenue dans sa pelle sur le ventre du rouquin. Malgré le fait que celui-ci soit vêtu uniquement d'un tee-shirt et d'un short, le jeune homme ne ressentit rien du froid au contact de cette matière blanche.


    - J'adore la neige sur et sous moi, s'exclama Shintarou avec ravissement.


    - En attendant, cessez un peu de vous amuser, tonna Rentarou. Autrement, nous risquons d'être là jusqu'à après la tombée de la nuit !


    Le rappel à l'ordre de l'austère adolescent aux lunettes noires fonctionna. Tous reprirent le travail et mirent les bouchées doubles pour dégager la neige. Après avoir dégagé un chemin d'accès, ils convoyèrent dans des brouettes toute cette masse blanche à l'extérieur du terrain réservé pour le club sur la pelouse. Lorsqu'il ne resta plus aucune trace de de neige retrouvant les courts et les accès pour s'y rendre, un haut monticule s'élevait face au bâtiment de l'internat.


    - Si on fait ça tout l'hiver, on aura bientôt une piste à ski, s'exclama Tyro.


    Après avoir passé trois heures à déneiger, l'ensemble des membres du club se rassemblèrent près des vestiaires. Kurata les félicita sommairement pour leur efficacité puis précisa qu'à partir de maintenant, à tour de rôle, deux personnes seraient chargées de dégager le matin la neige tombée durant la nuit. La nouvelle n'enthousiasma évidemment personne.


    En raison de l'heure tardive, la séance d'entrainement fut annulée. De toute manière, ce déblaiement valait tous les entrainements du monde. La bande se sépara rapidement. Tyro, Kou et Raphael rentrèrent chez eux. Les quatre derniers retournèrent vers le lycée. Ils s'arrêtèrent à un distributeurs pour acheter des canettes de boissons chaudes et allèrent ensuite s'installer dans la salle de détente des premières années afin de les déguster et se réchauffer.


    - Je déteste le thé en canette, soupira Seiichi en reposant sa boisson après avoir bu une gorgée. Il ne possède aucune saveur du véritable thé.


    - Prends du chocolat la prochaine fois, répliqua Shintarou en riant. Personne n'est déçu avec ça !


    - J'aime le thé, se défendit le jeune ninja.


    - Alors ne te plains comme ça, renchérit le rouquin en le toisant d'un regard noir.


    - Et c'est reparti, constata Takaishi avec fatalisme. Ces deux-là ne peuvent pas s'empêcher de se chamailler pour le plus petit prétexte !


    Le jeune fan de baseball détourna son regard de cet habituel spectacle et remarqua Rentarou qui n'avait pas encore ouvert sa canette de chocolat chaud. La tête appuyée contre une de ses mains, il la contemplait pensivement.


    - Rentarou-kun ? Tu ne bois pas ?


    - Je veux de la glace, pas du chocolat, dit-il avec regret.


    - Qu'est-ce que c'est au fait cette histoire de glace ? s'enquit Seiichi en se désintéressant des attaques verbales du petit rouquin.


    Le visage de Rentarou changea suite à cette question et devint plus nostalgique.


    - Quand j'étais petit, je regardais longtemps à la fenêtre pendant l'hiver. J'attendais de voir la neige tomber. Dès que je voyais les flocons, je devenais très excité et je voulais aller jouer dehors. Pour me calmer et m'empêcher de sortir sous la neige, kaasan me proposait alors de manger de la glace. C'était tellement rare que je puisse en manger que j'étais encore plus excité et je restais auprès d'elle jusqu'à en avoir.


    - Quel enfant, commenta Shintarou avec amusement.


    Ses amis rirent de cette réplique peu appropriée dans la bouche de Shintarou. Ils se reposèrent encore quelques instants en discutant puis allèrent étudier à la bibliothèque jusqu'au diner. Rentarou devait encore terminer son devoir d'Anglais à rendre pour le lendemain et Takaishi avait aussi trois pages d'exercices de Mathématiques à réaliser pour cette même date.


    Le lendemain se déroula normalement. A part la séance de gymnastique où il se ridiculisa en s'affalant sur le plancher et le cours où Aizawa tenta de le piéger avec ses vicieuses questions, Rentarou la vécut très agréablement. En revenant du club avec ses amis à la fin de la pratique quoditienne, tout le monde se sentait euphorique. certains plus que d'autres. Shintarou ne contrôlait plus sa joie et sa bonne humeur. Il se roulait dans la neige fraiche et douce appréciant de sentir ses saveurs. Raphael essaya de le calmer. En vain. Kou et Takaishi avaient commencé tous deux une partie de boules de neige et se pourchassaient l'un l'autre.


    - Ce n'est pas une attitude à attendre de la part de lycéen, dit Tyro.


    - C'est toi qui dit cela ? fit Seiichi en arquant un sourcil, très étonné du propos de son camarade.
    - Voyons, Seiichi ! Je ne suis plus un gamin, se défendit vivement Tyro. Il est loin ce temps où je criais dans la neige et je bombardais les passants. J'ai grandi depuis.


    - Je suis très impressionné en ce cas, déclara Seiichi avec sincérité.


    A ce moment, une boule de neige atterrit en pleine tête de Tyro par derrière. Celui-ci se retourna immédiatement, imité par Seiichi, et découvrit avec surprise l'identité de son lanceur.


    - Tu n'es pas capable d'arrêter une petite boule de neige, Tyro ? le nargua Rentarou qui tenait plusieurs boules dans ses mains. Mada mada dane !


    - Je vais t'apprendre, toi !


    Tyro abandonna aussitôt son sac d'école, celui de ses affaires de tennis et l'étui contenant sa prévieuse raquette. Il ramassa rapidement de la neige et se mit en devoir de pourchasser son meilleur ami. Celui-ci se défendit en lui lançant sans cesse ses munitions au visage. Tyro répondit alors en visant son dos.


    - Dire que je croyais que Tyro avait mûri, soupira Seiichi.


    En cet instant, l'adolescent aux cheveux ébènes se sentit bien seul. Tous ses amis avaient régressé au stade de l'écolier excité par la présence de la neige dans la cour de récréation de son école. Lui, cela ne l'amusait pas du tout. Il avait déjà grandi et n'appréciait plus les jeux enfantins.


    Prenant soin du bien-être de ses amis, le jeune ninja rassembla les sacs que tous les membres de la bande avaient laissé tomber à terre sans s'en soucier et les transporta contre le mur du bâtiment des cours, près de la porte d'entrée principale. Il leva la tête et sourit. Grâce à la pente pentue du toit qui abritait l'allée faisant le tour des parties principales du lycée, ces affaires seraient en lieu sur le temps que leurs propriétaires les récupèrent même si la neige se mettait à nouveau à tomber.


    Se remettant ensuite en route, Seiichi atteignit vite à la cour. Celle-ci était impeccablement déneigée, comme si la neige n'était jamais tombée, grâce aux élèves responsables de la corvée de la dégager les allées chaque matin avant l'arrivée des lycéens et des professeurs.


    Seiichi aperçut Yoko descendant justement l'escalier du bâtiment administratif et pressa le pas et se hâta d'aller à sa rencontre.


    - Bonjour Yoko-chan. Tu vas bien ?


    La jeune fille répondit amicalement aux salutations de son ami et lui indiqua qu'elle se portait comme un charme.


    - C'est étrange. Tu n'es avec tes amis ?


    - Ils sont occupés à faire les fous sur le campus, soupira Seiichi.


    - Pour moi, ce n'est pas très différent de d'habitude, dit Yoko piquante.


    Alors que les deux jeunes gens conversèrent gentiment, plusieurs salves de boules de neige passèrent entre eux deux. La vice-présidente du conseil des étudiants n'apprécia pas du tout cette facétie. Elle courut en la direction d'où les projectiles venaient et découvrit Takaishi, Kou et Shintarou qui se chamaillaient et se lançaient des boules de neige.


    - Théoriquement, il est interdit de faire une partie de boules de neige, rappela t-elle avec autorité.


    - Oh, Yoko-chan ! Laisse-nous un peu vivre, supplia Shintarou.


    - Mais je vous laisse vivre, assura t-elle avec sarcasme. Pour preuve, je n'ai encore jamais tué un seul d'entre vous et Dieu sait combien j'en ai souvent envie.


    Seiichi sourit de l'ironie de son amie et devina sans grande difficulté l'identité des personnes qu'elle souhaitait parfois assassiner.


    Soudain Tyro arriva en courant et plongea devant Yoko pour s'allonger sur le sol. Au même instant, Rentarou, qui le pourchassait, avait lancé une boule de neige dans cette direction. Celle-ci atterit en plein visage de la jeune fille qui n'apprécia pas du tout cela.


    Confus, Rentarou accourut et s'excusa en s'inclinant aussi bas que son dos le lui permit.


    - Je suis désolé, Yoko-chan ! Je ne voulais pas te viser ! Je ne te chassais pas toi !


    - Tu ne m'as pas eu, se moqua Tyro en se relevant et en tirant la langue comme un gamin. Et tu n'as même plus de munitions !


    Les pupilles de ses iris écarquillées, Yoko n'arriva pas à croire ce que ses oreilles entendaient et ce que ses yeux voyaient. Au milieu d'une cour d'école élémentaire, le spectacle ne l'aurait pas étonné. Par contre, une telle scène dans un lycée la stupéfiait. Elle se couvrit la moitié du visage de sa main droite et se tourna vers Seiichi.


    - Je commence à comprendre ce que tu voulais dire …


    Sans attendre une réaction ou une réponse de Seiichi, elle fit à nouveau face aux cinq adolescents, ses mains sur ses hanches.
    - Cependant je ne peux pas ne pas vous réprimander,

    reprit-elle avec sévérité. Le proviseur interdit les batailles de boule de neige pour raison de sécurité. Je me dois de sanctionner.


    Les jeunes fautifs ne dirent rien. Ils connaissaient cette décision. Le professeur principal de chaque classe était passé tôt ce matin avant le commencement du premier cours et avait annoncé cette consigne qui n'avait guère réjoui les étudiants. Une retenue était donc inévitable. Un seul ne manifesta pas la moindre expression d'inquiétude. Au contraire, le petit sourire narquois de Rentarou réfuta un tel sentiment. Il s'avança d'un pas vers Yoko.


    - Yoko-chan, tu ne pourrais pas passer l'éponge pour cette fois ?


    Un mauvais sourire illumina le visage de la jeune fille suite à cette question.


    - Me proposerais-tu de nettoyer toutes les éponges et de taper toutes les brosses pleines de craies pour ta prochaine retenue ?


    Rentarou grimaça de cette suggestion ce qui fit rire son interlocutrice. La perspective de frapper les brosses permettant d'effacer le tableau et de respirer dans un nuage de poussière de craie était particulièrement désagréable.


    - Soit. Puisque la gentillesse ne fonctionne pas, essayons autre chose. Que dirais-tu d'un petit défi ? Si je réussis à faire un truc impossible, tu oublies de nous punir. D'accord ?


    - Quel genre de chose impossible ? s'enquit-elle en fronçant les sourcils.


    Rentarou prit le temps de réfléchir. Il s'écarta légèrement et regarda autour de lui avant de lever la tête vers le toit pentu du bâtiment des cours.


    - Je sais ! Je vais essayer de réussir à faire tomber toute la neige qui se trouve sur ce toit avec une seule boule de neige !


    Levant aussi la tête, imitée par le reste du groupe, Yoko parut sceptique.


    - C'est impossible ! Tu ne peux pas faire une telle chose !


    - Elle a raison, confirma Seiichi. Il faudrait avoir une chance folle.


    - C'est bien que j'ai dit, non ? Un truc impossible à faire ! Alors tu marches ?


    - Soit. Cela ne changera rien à votre sort une telle tentative, dit Yoko. Dans ce cas, si tu réussis ton fameux défi, je m'engage à oublier que je vous ais vu jouer avec des boules de neige.


    Rentarou sourit avec confiance. Derrière lui, ses amis ne le reconnaissaient pas. Il n'était pas si hardi et décontracté d'ordinaire et vérifiait toujours si c'était possible d'accomplir une action avant d'agir.


    Pendant que les adolescents reculèrent à sa demande pour se placer sur les marches de l'escalier du bâtiment administratif, Rentarou se baissa et façonna sa boule de neige. Discrètement, il fit rouler une balle de tennis le long de son bras sous la manche de son manteau, l'expulsa dans la masse blanche et la plaça au centre de sa boule de neige avant de se relever.


    Fixant l'arête du toit, son regard visa plusieurs points. Il serra la boule dans le creux de sa main droite et exerça plusieurs rotations avec avant de la lancer. Celle-ci partit rapidement et toucha le côte le plus à droite du sommet du toit. Elle ne cessa de rebondir sur l'arrête et la parcourut sur toute sa longueur. A chaque rebond, la neige se décrocha, glissa le long de la pente et tomba finalement dans la cour. A terme, plus aucune trace de la neige ne resta sur cette partie du toit. Les longues tuiles noires bleutées en bois apparurent à nouveau.


    - Je rêve ! s'écria Yoko stupéfaite.


    - C'est génial, Rentarou, commenta Tyro impressionné. Bravo !

     

    - En plus, cela signifie que tu vas échapper à une retenue pour une fois, dit Seiichi malicieux.


    - Je dois malheureusement avouer ma défaite, soupira Yoko. Mais comment as-tu fait ça ?


    - Eh bien, c'est le talent, répondit-il en riant légèrement.


    En temps ordinaire, le jeune colosse n'aimait pas du tout se vanter et montrer ses prouesses. Il avait eu l'idée de cette démonstration hier après-midi en sortant dans la cour et en apercevant la quantité de neige qui recouvrait les toits. Son esprit avait alors imaginé une petite plaisanterie pour ses amis mais n'avait jamais pensé la montrer aussi à Yoko. Cependant l'effet avait plutôt réussi sur elle.


    - Le talent d'embobiner tout le monde !


    En entendant cette accusation, ils se retournèrent vers Shintarou qui tenait un petit objet de forme sphérique dans ses mains. Il les ouvrit et dévoila une balle de tennis.


    - En roulant cette balle dans la neige, ça donne l'illusion que c'est une boule de neige. Ensuite il a sans doute utilisé un effet de base-ball qu'il a appris pendant l'été. Cela lui a permis d'orienter sa balle vers le toit et de la faire rebondir.


    Embarrassé, Rentarou n'osa protester. Par ailleurs, la théorie de son ami roux était parfaitement correcte. Il aurait dû y penser. Tous deux possédaient une vision parfaite dévoilant les illusions.


    - Tu es sérieux ? C'était un tour ? fit Tyro.


    - Je vois très bien, même sur de longues distances. J'ai aperçu que ce n'était pas une boule de neige. J'ai estimé alors sa trajectoire et je suis allé la récupérer près de la porte vitrée de l'infirmerie.


    - Cette théorie expliquerait le bruit étrange que j'ai entendu, dit Seiichi.


    - Un bruit étrange ? répéta Kou avec surprise. Quel bruit ?


    - J'ai une ouïe très développée donc j'entends ce que vous n'arrivez pas à percevoir. Or, il m'a semblé entendre des rebonds de balle. Cela me paraissait étrange puisqu'une boule de neige ne peut pas faire un tel bruit.


    - Bon sang, soupira Rentarou. La prochaine fois que je veux vous leurrer, je dois vraiment éviter que Seiichi et Shintarou soient là !


    - Également, Rentarou, je t'avais vu t'entrainer hier après-midi, ajouta le rouquin. Je me demandais ce que tu fabriquais à lancer tes balles sur le toit. Alors dès que tu as parlé de ton défi, j'ai compris.


    - En tous les cas, même si ce n'était pas réellement une boule de neige, cette démonstration était très impressionnante, déclara Yoko. Et le fait que tu as seulement mis trois heures pour maitriser un tel tour l'est tout autant.


    - Eh ? C'est vrai ? s'exclama t-il en retrouvant son entrain.


    - Totalement.


    - Il l'a peut-être fait pour nous impressionner mais cela marche très bien sur Yoko-chan, murmura Seiichi à Tyro. Il semble qu'elle soit de plus en plus attirée par lui.


    - Pas faux, confirma Tyro sur le même ton, mais s'ils continuent à cette vitesse, on aura déjà eu des enfants toi et moi avant qu'ils ne sortent ensemble.


    - Ne t'inquiètes pas. Nous nous occuperons bientôt d'eux, promit-il d'un mystérieux sourire.


    Pendant la petite discussion des deux complices, Yoko promit de ne pas les punir pour cette bataille de boule de neige. Toutefois, la jeune fille précisa bien qu'à la prochaine incartade, elle ne serait pas si indulgente. Ils se séparèrent ensuite pour rentrer. Kou et Takaishi partirent ensemble. Le jeune homme au cheveux ras avait invité son ami à dormir chez lui pour réviser en vue des examens de la semaine prochaine. Shintarou partit étudier à la bibliothèque. Tyro s'apprêta lui aussi à s'en aller et commença à saluer ses deux meilleurs amis. Yoko l'interrompit en revenant vers eux.


    - Au fait, Rentarou-kun. J'avais quelque chose chose à te dire.


    - Ah oui ? Qu'est-ce que c'est ?


    - Tu as reçu un colis ce matin. Il encombre au secrétariat. Ce serait donc bien si tu allais le chercher rapidement.


    - Un colis ? s'étonna t-il. Mais mon anniversaire était le mois dernier. D'ailleurs, qui me l'enverrait ? Je n'ai plus personne !


    - Je n'en sais rien. Cependant j'apprécierais assez que tu viennes le chercher très vite.


    - Je peux le prendre maintenant ?


    La jeune fille approuva. Curieux, Tyro repoussa son retour à la maison et suivit ses amis dans le bâtiment administratif. Ils s'arrêtèrent dans le couloir où un très long et très haut paquet était posé contre le mur condamnant l'accès à deux bureaux à cause de sa taille.


    - Qu'est-ce que ça peut être ? se demanda Tyro. C'est énorme !


    - Le meilleur moyen de le savoir est de l'ouvrir, dit Seiichi.


    Les adolescents se mirent au travail. Seiichi et Tyro se placèrent chacun d'un côté et maintinrent le colis pour éviter sa chute. Ignorant son contenu, ils ne savaient pas non plus si cela pouvait casser. D'abord, Rentarou coupa toutes les attaches puis retira avec délicatesse les rabats du paquet et ôta le long couvercle. Ils découvrirent finalement ce qui se trouvait à l'intérieur.


    - C'est un vélo ! cria Tyro.


    Saisissant l'objet, Rentarou le retira du carton et le posa contre le mur derrière eux pour l'examiner très attentivement. C'était un superbe vélo de courses, très léger et maniable. Le cadre, de couleur orange et noir, était fait en carbone. Les roues elles-mêmes venaient d'une marque connue pour être très performante. Il possédait même un bidon à l'emplacement du porte-bidon.


    - C'est un vélo sacrément performant, constata le lycéen géant.


    - Il a dû coûter super cher, songea Tyro. Qui peut t'offrir un tel cadeau ?


    - Je ne sais absolument pas, répondit Rentarou en haussant les épaules en geste d'impuissance.


    - C'est cool ! Maintenant on pourra faire du vélo ensemble !


    - Sans moi, refusa Seiichi d'une voix ferme. Je préfère marcher à pied des kilomètres plutôt que de monter sur cet horrible vélo !


    Rentarou et Tyro rirent de la réaction de leur ami. En même temps, ils comprenaient parfaitement ses raisons. L'unique vélo dont Seiichi pouvait se servir était celui que Tyro lui prêtait. Or, il avait appartenu autrefois à Junko, sa sœur aînée. En théorie, cet argument ne paraissait pas solide. Cependant les parents de la jeune fille lui en avaient offert un rose. Cela devenait plus facile de comprendre pourquoi un garçon n'avait pas envie de monter dessus.


    - C'est très étrange, dit subitement Yoko.


    - Qu'est-ce qui est étrange, Yoko-chan ? demanda Rentarou en se retournant vers elle.


    - J'ai fouillé le carton et regardé autour, il n'y a pas la moindre carte. Il n'y a même pas le nom de l'expéditeur. Ne trouves-tu pas ça étrange de recevoir un cadeau si cher ? Et sans raison ?


    - Sans doute quelqu'un qui ne sait plus quoi faire de son fric, supposa le jeune colosse en haussant les épaules.


    - Tu devrais te méfier, conseilla t-elle.


    - Ceux sont juste des cadeaux. Il n'y a rien de mal à en recevoir. Quand il en aura marre de m'en envoyer, il arrêtera. Mais c'est pas moi qui me lasserais le premier.


    Sur ce, il prit son nouveau vélo en tenant le guidon.


    - Je vais le tester un peu dehors !


    - Tu sais en faire au moins ? demanda Tyro.


    - Tu me prends pour un débile ou quoi ? rétorqua Rentarou en lui lançant un regard noir.


    - Pas du tout ! Mais comme tu n'as plus vécu en famille après tes huit ans, tu aurais pu ne pas apprendre à rouler sans les petites roues.


    - J'ai jamais roulé avec des trucs pareils, révéla t-il avec insolence.


    - Tout le monde apprend en roulant avec des petites roues à l'arrière du vélo, énonça Yoko.


    - Pas moi ! Quand j'ai eu mon premier vélo à cinq ans, j'ai refusé d'avoir ces petites roues. Je voulais être capable de rouler sur mon vélo comme un grand.


    - Et ? voulut savoir Seiichi.


    - Je suis tombé pendant toute une semaine puis j'ai su rouler tout seul, comme un grand.


    - Ca explique beaucoup de choses, songea Yoko moqueuse. Tu as dû tomber très souvent sur le crâne ce qui permettrait de comprendre ton comportement si étrange.


    Seiichi rit l'approche ironique de leur amie. Tyro aussi. Rentarou partit ensuite en tenant son nouveau vélo laissant ses trois amis seuls.


    - Je n'aime pas ça, avoua Yoko.


    - Pourquoi ? C'est juste un vélo ! Que veux-tu qu'il arrive de mal ?


    - Tu es inconscient et insouciant, Tyro, lui reprocha Yoko. Tu n'es donc jamais au courant de rien ? Et si celui qui envoie ces cadeaux s'en servait plus tard pour utiliser Rentarou-kun ? S'il trouvait de cette manière un moyen pour le faire chanter ?


    - Ridicule ! Si ça arrivait, Rentarou renoncerait tout de suite à ses cadeaux. Il rendrait tout. Il irait ensuite dénoncer cette personne.


    - J'ai dit ça au hasard ! Cela peut être n'importe quoi !


    Faisant de son mieux pour ignorer la conversation qui se déroulait à côté de lui, Seiichi réfléchissait et analysait la situation. Il avait pensé à un moment à la théorie de Yoko mais l'avait vite écarté et en avait forgé une autre mais ne possédait pas la moindre preuve. Cependant si elle s'avérait exacte, ses cadeaux que recevait Rentarou n'étaient pas une menace. Au contraire, ils représentaient une preuve d'amour, ou tout au moins un geste d'attention.


    - Tu es bien silencieux, fit remarquer Tyro.


    - Tu as une idée sur l'expéditeur du cadeau ? l'interrogea Yoko.


    - J'ai une théorie mais je ne possède pas la moindre preuve. Cela m'ennuie de vous la dévoiler si j'ai commis une erreur.


    - S'il te plait, dis la nous, le pressa Yoko.


    - Oh oui ! Moi, j'adore t'écouter exposer tes théories !


    - Soit. J'ai réfléchi à ce problème depuis le mois dernier. Si vous vous souvenez, Rentarou avait déjà reçu un cadeau pour son anniversaire.


    - Ouais. Un ordi portable trop cool, acquiesça Tyro d'une mine boudeuse.


    - A un moment, j'ai pensé à la théorie de Yoko-chan. Cependant j'ai vite réalisé que cela ne collait pas. Rentarou est un lycéen normal comme les autres. Il n'a pas de famille. Qui enverrait des cadeaux à une personne pour obtenir ses services alors que celle-ci ne possède rien ?


    - Vu sous cet angle, ça paraît logique, approuva Yoko.


    - Je t'avais bien dit que tu te trompais !


    - J'ai donc réfléchi à ce que nous savions de la vie de Rentarou. Si ce qui te sert de mémoire fonctionne, tu te rappelleras peut-être, Tyro, qu'il nous a parlé de l'acheminement de son courrier.


    Naturellement, Tyro ne se souvint pas d'un détail aussi ennuyeux et inutile, de son propre point de vue, mais il se garda bien de le dire.


    - Jusqu'à ses huit ans, Rentarou vivait avec sa mère. Le courrier qui lui était destiné arrivait donc à leur appartement. Tout se corse après leur séparation. Nous ne savons pas ce qui est arrivé à sa mère. Quant à Rentarou, il est parti vivre dans la rue pour éviter l'orphelinat. Pendant ce temps, le courrier adressé à Rentarou ou à sa mère continuait à lui être envoyé à l'adresse de son appartement. C'est au moment où cet homme, Yushima si je ne m'abuse, l'a pris en charge, que son adresse a été changé. Désormais son courrier est acheminé à l'appartement de cet homme qui l'envoie ici.


    - Je ne vois pas le lien avec les cadeaux que reçoit Rentarou, avoua Tyro.


    - Je crois que je comprends où tu veux en venir, réalisa Yoko. Mais c'est énorme !


    - Comment ça ? Expliquez-moi ! Moi, je ne comprends rien du tout !


    - Si j'ai bien suivi le raisonnement de Seiichi-kun, il veut dire que ses cadeaux ont toujours été envoyé à Rentarou-kun.


    - C'est bien ma théorie, confirma le jeune ninja. Malheureusement, je ne dispose pas de la moindre preuve pour la valider.


    - Mais c'est parfaitement logique, poursuivit Yoko. Avant, sa mère recevait le courrier. Étant petit, Rentarou-kun ne se préoccupait certainement pas de ça. Il pouvait donc croire que c'était un cadeau offert par sa mère. Durant la période où il vivait dans la rue, il n'a rien pu recevoir donc. Et maintenant, il ne peut pas comprendre d'où tout ça vient.


    - Il y a un détail qui cloche dans cette théorie, intervint Tyro. La poste renvoie a l'expéditeur le colis ou la lettre au bout d'une dizaine de jours si elle n'a pas pu être remise au destinataire.


    - En effet, cela coince ici, admit Seiichi. Ma théorie est donc fausse.


    - Attendez un peu, s'exclama Yoko. L'appartement où vivait Rentarou-kun enfant était situé dans un quartier très pauvre. Il a certainement été reloué très vite. Il est donc possible que les locataires qui l'ont occupé aient gardé les colis même si ceux-ci ne leur étaient pas destinés.


    - Surtout si les cadeaux offerts étaient aussi chers et impeccables que le vélo ou l'ordinateur.


    - Ca commence à faire beaucoup d'hypothèses tout ça, s'exclama Tyro sceptique.


    - Cela expliquerait aussi pourquoi l'expéditeur des colis continue à en envoyer, ajouta Seiichi.
    - Comment ça ? fit Tyro.


    - Réfléchis. Si comme tu l'as dit, l'expéditeur aurait vu ses colis lui revenir, il se serait posé des questions. Il aurait sans doute cherché à savoir ce qui se passait. S'il dépense autant d'argent pour ces cadeaux, cela signifie que Rentarou est important pour lui. Par conséquent, il voudrait savoir si rien de grave ne lui est pas arrivé.


    - Puisque les colis continuent d'arriver aujourd'hui, cela veut dire qu'il a toujours pensé que ses colis parvenaient à Rentarou-kun, compléta Yoko.


    - OK. Dans ce cas, je me range à votre théorie, dit Tyro.


    - Par contre, cela ne nous dit rien sur l'identité de l'expéditeur, songea Yoko soucieuse.


    - Si nous suivons la théorie des cadeaux envoyés depuis l'enfance, il n'y a qu'une seule réponse possible à cette question, annonça Seiichi.


    - Et c'est qui alors ? demanda Tyro avec impatience.


    - Quelle est la personne qui pourra s'être soucier de Rentarou dès son enfance ?


    - Sa mère, bien sur ! devina le jeune tennisman. Comme elle ne pouvait plus s'occuper de lui et le voir grandir, elle lui envoie régulièrement des cadeaux !


    - Ce n'est pas possible, réfuta Yoko. Quand ils ont été séparé, sa mère devait savoir qu'il ne recevrait pas ses cadeaux en les envoyant à l'adresse de leur appartement.


    - Ah oui. Tu as raison, approuva Tyro en baissant la tête, déçu.


    - De plus, elle aurait laissé des lettres avec les colis si c'était elle, ajouta Seiichi. Cependant il existe une personne pour laquelle il était impossible de laisser une lettre.


    - Et pourquoi ? On a toujours envie de remercier ses bienfaiteurs, dit Tyro.


    - Sauf s'il s'agit d'une personne que l'on déteste.


    Le déclic se fit instantanément dans l'esprit de Tyro. Cependant celui-ci n'arriva pas à croire en cette possibilité. Il hésita à l'évoquer.


    - Une simple mention de cette personne suffit à mettre en colère Rentarou.


    - Tu veux dire … son père ? demanda enfin Tyro.


    - Exactement, confirma Seiichi. Tout s'explique ainsi. Son père les a peut-être abandonné avant sa naissance, Rentarou et sa mère, mais il peut très bien s'intéresser tout de même à leur sort. Nous ne savons ce qui s'est passé exactement.


    - Cette théorie se tient, admit Yoko soucieuse. Malheureusement nous n'avons rien pour le prouver.


    - Oui. Si cela se trouve, je fais complètement fausse route, acquiesça Seiichi.


    - Alors que faisons-nous ? On en parle quand même à Rentarou ?


    - Autant aller réveiller le Mont Fuji, soupira Seiichi. Le mieux est d'attendre et de laisser Rentarou gérer cette affaire. Si un jour il vient se confier et veut des réponses sur l'expéditeur de ses cadeaux, nous pourrons lui avouer nos hypothèses. Autrement, gardons le silence.


    - Si tu penses que c'est le mieux pour lui, j'accepte cette condition, annonça Yoko.


    - Et moi, je vais rentrer, s'exclama Tyro. Ma mère va encore me hurler dessus que je rentre à des heures pas possibles ! C'est quand même pas de ma faute si je suis très demandé !

     


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  • Nanatsu no Ko

     

    Nanatsu no Ko est une chanson populaire japonaise que connaissent tous les petits japonais. Elle fut écrite par Noguchi Ujo et publiée dans le magazine Kin no fune (le vaisseau d'or) en Juilet 1921. Son titre peut se traduire par Les sept enfants ou les sept petits corbeaux.

     

    • La traduction des paroles :

    烏 なぜ啼くの
    烏は山に
    可愛い七つの
    子があるからよ
    可愛 可愛と
    烏は啼くの
    可愛 可愛と
    啼くんだよ
    山の古巣へ
    言って見て御覧
    丸い眼をした
    いい子だよ
          Karasu naze nakuno
          Karasu wa yama ni
          Kawai nanatsu no
          Ko ga aru kara yo
          Kawai kawai to
          Karasu wa nakuno
          Kawai kawai to
          Nakundayo
          Yama no hurusu e
          Itte mite goran
          Marui me o shita
          Iiko da yo
    Mère Corbeau, pourquoi cries-tu ?
    Car, là-haut, su la montagne
    J'ai sept enfants mignons.
    Mignon, mignon.
    Cette mère Corbeau chante
    Mignon, mignon ...
    S'exclame la mère Corbeau.
    Tu devrais retourner à ton ancien nid sur la montagne. .
    Là-bas, tu y verras
    Des enfants aux yeux ronds
    Très bons.

     

    • Des interpètrations de cette chanson :

    La version instrumentale, au piano. 

      

    Une version chantée par Ogawa Makoto. 

      

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  • Chapitre 49


    Pour célébrer la victoire de leur club en demie-finale du tournoi national, la bande s'était réunie juste après dans le fastfood le plus proche. En chemin, Tyro avait appelé les deux derniers membres de la bande qui n'étaient pas encore présents sur les lieux afin de les y convier. Ils s'étaient gavés tous d'hamburgers, de frites et de milshakes et avaient raconté toutes sortes d'histoires en mangeant, dont le sujet n'avait souvent, presque toujours, aucun rapport avec l'objet de leur petite célébration.


    Peu à l'aise dans ce genre d'ambiance, Raphael avait essayé de s'échapper mais Shintarou était intervenu à chaque tentative pour lui demander de rester en sa compagnie. Il avait tellement agi comme un petit enfant qui argumentait avec ses parents que cela eut raison de la longue patience du jeune français. Très vite fatigué, celui-ci s'engagea à rester jusqu'au bout. Seul Tyro fronça les sourcils en entendant cette décision mais eut la politesse de ne pas faire de scandale et accepta le choix de son ami à la masse abondante de cheveux roux.


    Quand ils quittèrent le restaurant, Kou proposa de poursuivre les festivités dans un karaoké. Bien que Rentarou détesta l'idée, il n'émit aucun avis négatif. De toute manière, celui-ci n'aurait guère compté. Dans l'esprit de la démocratie, une voix contre six revenait à perdre. Ils payèrent trois heures pour réserver une salle pour eux et allèrent s'installer dans les confortables canapés et fauteuils mis à disposition des clients dans cette salle. Tyro, Takaishi, Shintarou et Kou furent les premiers pour commencer à chanter. Tous les quatre ne cessèrent de se passer le micro sans fin.


    - Ce n'est pas très rigolo, dit Kou subitement. Nos amis ne font que regarder.


    - Ah oui ! Eh bien, la prochaine, c'est pour Rentarou, proposa Tyro. Je vais en mettre une facile !
    Sans attendre l'accord ou la réaction de son meilleur ami, l'adolescent enregistra la sélection de la chanson dans le lecteur et retourna s'asseoir.


    - Je passe, refusa Rentarou énergiquement.


    - Très bien. Alors on décide d'un gage, décida Takaishi. Il faut en trouver un chouette !


    - J'y vais !


    Rentarou se leva d'un seul bond. Il n'avait pas changé d'avis pourtant. Il n'aimait pas chanter, ou plutôt détestait serait un terme plus correct. Cependant dans l'assistance il se trouvait une insupportable personne connaissant la moindre de ses failles et qui s'arrangerait pour lui trouver le gage qui l'humilierait et le rebuterait le plus. Le jeune homme s'avança vers l'écran en face du micro et lut le titre de la chanson choisie par Tyro. Nanatsu no Ko. Celle que connaissait tous les écoliers du pays. Il prit le micro en se disant que ce n'était qu'un court et désagréable moment à passer.


    - Maman Corbeau, pourquoi est ce que tu cries ? Parce que là-haut sur la montagne, j'ai sept enfants mignons !


    L'adolescent débuta à peine de chanter les deux premières phrases que tout le monde se boucha les oreilles. Sa voix grave au chant produisait une sorte de larsen. En résumé, il chantait complètement faux. Le lycéen géant acheva à peine la troisième ligne que Seiichi lui arracha le micro de mains.


    En allant se rasseoir, Rentarou écouta, comme ses amis, son meilleur ami chanter à sa place. Le timbre de Seiichi le surprenait énormément. De sa bouche sortait la plus belle et la plus douce mélodie que ses oreilles n'avaient jamais entendu. Sa voix féminine devenait si légère et semblait le transporter dans un autre univers. Cela rappela les berceuses de sa mère mais en mieux, infiniment mieux. Si les anges existaient réellement, pensait-il, ceux-ci devaient s'exprimer avec cette même voix gracieuse et enchanteuse.


    - Génial ! s'écria Shintarou en applaudissant.


    Le teint du jeune ninja rosit des compliments de ses amis. La soirée se poursuivit aussi joyeusement mais plus personne n'eut de nouveau l'idée saugrenue de demander à Rentarou de répéter son tour de chant.


    Dimanche s'annonça beaucoup moins festif. En raison des examens du second trimestre se déroulant approximativement dans trois semaines, ils consacrèrent leur jour de congé à réviser.
    Tyro réussit l'exploit de passer la journée complète dans sa chambre à étudier ses cours de Littérature et de Japonais sans toucher une seule fois à sa console.

     

    Au lycée, Rentarou et Seiichi restèrent ensemble dans la chambre de l'un ou de l'autre et s'interrogèrent mutuellement pour vérifier l'étendue de leurs connaissances et quels domaines réviser. Shintarou travailla à la bibliothèque avec une montagne impressionnantes d'ouvrages et documents sur sa table. D'ailleurs, il était impossible de s'asseoir à ses côtés ou face à lui. Le rouquin occupait tout l'espace. Takaishi révisa en compagnie de Kou qui l'hébergeait temporairement. La sœur du jeune homme avait invité des amies pour la journée et ces demoiselles empêchaient l'adolescent de se concentrer sur son travail.


    Le Lundi matin arriva bien vite dans ses conditions. Rentarou se leva comme à l'accoutumée en saluant la photographie de sa mère, il sortit en prenant son uniforme et alla rejoindre son meilleur ami dans la salle de bain. Après s'être lavés, avoir déjeuné et accomplis tous les rituels du matin, les deux adolescents traversèrent la cour gagner le bâtiment des cours. Ils allèrent prendre leurs affaires dans leur casier et montèrent au second étage.


    Les cours de la matinée se passèrent plus ou moins normalement. En Japonais, Noda apporta aujourd'hui une petite innovation pour l'heure de ce jour. Elle décida d'interroger quelques uns de ses élèves sur les ouvrages qu'ils avaient lu et fourni un compte-rendu dessus. Elle choisit elle-même lesquels interroger. Naturellement, fidèle à sa réputation de paratonnerre à poisse, Rentarou fut le premier à être appelé. L'enseignante lui demanda de lui parler du roman Yukiguni écrit par Kawabata Yasunari. N'ayant jamais lu une ligne de cet ouvrage, il aurait pu être très embêté dans une telle situation. Cependant le lycéen géant avait l'inestimable chance de disposer d'une mémoire très performante enregistrant une information dès qu'il la lisait ou l'écrivait. Il raconta donc assez facilement avec ses propres mots l'histoire et les relations entre les personnages et s'en sortit très bien. En comparaison, ses trois condisciples qui le suivirent eurent beaucoup de mal à rassembler leurs souvenirs. Ils oubliaient beaucoup de choses importantes de l'intrigue et confondaient les noms de certains personnages.


    Pendant l'heure suivante, l'ensemble de la classe planchait à réfléchir sur les inéquations que leur donnait leur professeur titulaire. Pour chaque résolution, Hashimoto appelait un de ses élèves au tableau. Seiichi surprit tout le monde encore une fois. Il termina d'écrire ses calculs, entoura le résultat d'une craie rouge et demeura immobile, les bras le long du corps, la tête baissée vers le sol.
    Étrangement, l'enseignant ne dit absolument rien.


    - J'ai faux, Hashimoto-sensei, n'est ce pas ? dit-il finalement d'une voix monocorde.


    - En fait, c'est parfaitement juste, répondit-il en souriant.


    Relevant la tête vers le tableau, Seiichi avait du mal à le croire. Au moins, cela changeait plutôt que d'entendre ses professeurs se désespérer ou lui crier qu'il était nul. Le jeune ninja espéra pouvoir regagner sa place mais Hashimoto ne le lâcha pas ainsi et le fit participer encore jusqu'à la fin du cours au grand désarroi de l'adolescent. Il lui fallait entre dix à quinze minutes pour résoudre une inéquation. D'abord pour comprendre comment le faire et ensuite détailler les calculs sans commettre d'erreurs.


    De sa place, Rentarou éprouvait beaucoup de fierté et de joie pour son meilleur ami. Il avait travaillé très dur pour parvenir à ce résultat. Son niveau demeurait très bas et manquait toujours de logique dans ses raisonnements et ses calculs. Cependant au vu des heures passées à ses côtés et aux énormes erreurs accumulés, le lycéen géant se sentait assez fier d'avoir réussi à lui inculquer un peu de son savoir.


    A la fin du cours, Rentarou se sépara de Seiichi pour rejoindre la salle d'Economie non loin de là avec Shintarou. Il s'ennuya toute l'heure à écouter son professeur leur expliquer les complexes mécanismes du marché financier et surtout à en prendre des notes.


    Avant d'entrer au lycée, Rentarou avait pensé qu'étudier un tas d'options serait le mieux. Cela lui permettait d'être vu comme un étudiant sérieux et cela rapportait des points supplémentaires à ses résultats. De plus, chacune de celles choisies l'intéressait beaucoup ou au moins l'amusait. C'était surtout le cas pour la Chimie où il pouvait parler avec ses amis. Mais l'Economie … Il n'aurait jamais cru qu'il pouvait exister pire matière que l'Anglais.


    Certes, ses résultats atteignaient les 98% en cette matière alors qu'il dépassait très difficilement les 50% avec celle de la langue de Shakespeare. C'était un point positif. Cependant le lycéen géant n'avait pas envie de s'endormir en Anglais. Il ne fallait mieux pas. Aizawa n'aurait jamais apprécié de découvrir un élève dormant pendant un de ses cours. Or, en Économie, surtout lors du cours du Vendredi en première heure de la matinée, le jeune homme luttait souvent pour ne pas s'allonger sur sa table et roupiller jusqu'à ce que la sonnerie retendisse.


    Après avoir quitté le professeur le plus soporifique du lycée, Rentarou descendit au second étage en compagnie de quelques autres élèves de sa classe. Ils rejoignirent la salle d'Anglais où leurs camarades étaient déjà installés. Sans surprise, Aizawa interrogea le lycéen géant une quinzaine de minutes avant la fin de son cours pour lui demander de parler du texte abordé en début de mois. Par chance, il avait révisé hier soir ses fiches sur lesquelles il avait rédigé un petit résumé des textes étudiés en Anglais. Il réussit à ressortir quelques phrases sur le sujet. Toutefois, le jeune homme hésita avant de prononcer chacune d'entre elles et vérifia mentalement si la structure grammaticale était correcte. Son intonation était affreusement lente et dépourvu du moindre accent anglais.
    Au début de la pause accordée pour le déjeuner, Shintarou quitta ses deux amis très pressé.


    - Je vous rejoins tout de suite ! Un truc à faire ! avait-il dit en partant.


    - Il va voler de la nourriture aux cuisines, prédit Seiichi en avançant vers l'escalier.


    - Je ne pense pas, réfuta Rentarou. Pour aller aux cuisines, il faut passer par l'escalier qui est sous les pieds des cantinières au réfectoire. Il y a trop monde en ce moment pour y aller.


    - Shin est un malin. Je suis certain qu'il sait se faufiler sans être vu malgré la foule.


    Seiichi avait tort. Le petit singe à poil roux n'avait pas du tout pris la direction pour se rendre au réfectoire. Il était resté au second étage,près des escaliers, où se situait les différentes classes de langues. Le rouquin s'arrêta au devant celle de Français. La porte était fermée ce qui était inhabituel à l'heure du midi. Normalement, les étudiants japonais laissaient la porte de la salle en mangeant tous ensemble à l'intérieur. Shintarou l'ouvrit et aperçut seulement Raphael assis à sa table en train d'avaler un sandwich. Il s'approcha de lui.


    - Shintarou ? fit-il en posant son sandwich sur sa table.


    - Raphael, viens manger avec nous !


    - Ce n'est pas une bonne idée. Même si tes amis n'ont rien dit la dernière fois, ils ne m'apprécient. Je ne veux pas te causer d'ennuis par ma faute.


    - Il y en a peut-être qui ne t'aiment pas parmi mes amis, reprit Shintarou en devenant sérieux, mais si tu viens avec moi, ils ne te diront rien parce que nous sommes amis justement !


    - Je ne te suis pas, Shintarou, avoua Raphael troublé.


    - Dans notre bande, il y a des moments où nous avons des désaccords. Cependant nous nous respectons malgré ça et acceptons nos différences et nos avis différents. Il peut y avoir une personne que nous n'aimons pas. On ne dit rien ou presque car celle ci est l'ami d'un ami. Je peux bien parler de ça. Au début, Seiichi et moi, on se détestait. On passait notre temps soit à s'ignorer soit à se lancer des piques. Également, il y avait Rentarou qui s'entendait mal avec Kou même si lui ne montrait pas son hostilité. A présent, tous les six sommes devenus tous amis et nous entendons bien.

    Peu habitué au concept de l'amitié, Raphael resta encore très gêné.


    - Je ne veux pas vous déranger, murmura t-il.


    - Tu ne nous dérangeras pas. Allez, viens ! S'il te plaît ! S'il te plaît !


    L'adolescent perdit toute trace de sérieux et de maturité sur son visage. Il se comporta à nouveau en un petit garçon terriblement excité et suppliant. Raphael finit par céder. Shintarou sourit. Son ami ne savait pas lui refuser grand chose. Le rouquin le guida jusqu'à la salle de Droit du troisième étage, une partie que le français ne connaissait pas. Le jeune homme se rendait à cet étage seulement pour assister aux cours de Mathématiques, n'étudiant aucune matière optionelle scientifique.


    En passant le seuil de la porte, Seiichi fut le premier à leur adresser la parole :


    - Ah ! Te voilà enfin, Shin ! Comme tu tardais, j'ai pris ta part. C'était délicieux. Un vrai régal !


    Levant ses yeux en direction du plafond, le rouquin savait très bien que son camarade blaguait. Aucun membre de leur groupe ne toucherait à une part réservée à l'un des leurs. Il s'avança dans l'intention de frapper la tête de son détracteur mais n'eut pas le temps de le faire. Sa main s'approcha à peine de sa nuque que l'adolescent aux cheveux ébènes la saisit vivement et le fit passer au-dessus des têtes de leurs amis avant de s'écraser au sol.


    - Quand comprendriez-vous qu'il est impossible de m'avoir par surprise ? déplora le jeune ninja.


    - C'est vraiment impressionnant, songea Takaishi, même après l'avoir vu plusieurs fois.


    - Et encore ! Le mieux, c'est quand il a envoyé à terre Rentarou un jour où il voulait prendre Seiichi par surprise pendant que je jouais contre lui à un jeu vidéo, s'esclaffa Tyro.

     

    Rentarou, qui n'avait nullement l'envie d'entendre à nouveau cette histoire et encore moins qu'elle soit connue de ses amis, jeta un regard de travers à son meilleur ami et se concentra sur l'ingestion de sa part de riz.


    - C'est très vivant ici.


    Resté sur le seuil de la porte encore ouverte, Raphael avait observé la scène entière s'étant déroulée sous ses yeux en silence. Aucun jugement ne lui vint à l'esprit. Il s'agissait juste d'événements parfaitement normaux pour lui. Le jeune homme avait déjà assisté à plusieurs reprises à des discussions de la petite bande, toujours de loin évidemment, et elles ressemblaient à chaque fois à ce qui se passait actuellement à l'intérieur de cette salle.


    - Qu'est-ce que tu fais là, toi ? s'écria Tyro qui avait tourné la tête en entendant Raphael parler.


    - Tu viens seulement de remarquer Raphael-sempai? Il est entré en même temps que Shin mais est resté à la porte sans la fermer.


    - Comment tu sais ça ? s'étrangla presque Rentarou. Tu es le seul qui tourne parfaitement le dos à la porte et tu n'adresses aucun regard quand quelqu'un entre !


    Sans se départir de son approche impassible, Seiichi exposa ses déductions.


    - Il y avait deux bruits de chaussures. Le premier, il s'agissait des baskets de Shin à cause des cailloux toujours coincés sous les rainures de sa semelle. La seconde, d'une paire de chaussures sans le moindre défaut, donc très bien entretenue, probablement même cirée tous les jours. Enfin il n'est pas dur de savoir qui a ramené Shin. Il fallait que ce soit un ami dont il soit très proche et cela ne pouvait être que Raphael-sempai.


    L'adolescent aux cheveux ébènes but un peu d'eau après avoir fini l'exposition de ces faits laissant ses amis pantois.


    - En passant, Raphael-sempai, pourrais-tu fermer cette porte ? Je suis sujet aux refroidissements et je sens l'air venir sur moi.


    Muet lui aussi de cette talentueuse démonstration de raisonnement, Raphael s'excusa brièvement et referma la porte. Entretemps, Shintarou retrouva son naturel assez vite et le rejoignit pour l'introduire auprès de ses amis. Ceux-ci l'acceptèrent de le convier à leur repas, comme l'avait prédit le rouquin, puisqu'il était un précieux ami de Shintarou. Toutefois, pour ne pas provoquer de tension inutile, Raphael s'assit à côté droit de Rentarou et non à gauche de Tyro.


    Très vite, la conversation reprit naturellement.


    - Tu sais, Seiichi-kun, tu es très étonnant, s'exclama Takaishi. Posséder un sens de l'ouïe si développé est prodigieux !


    - Ce n'est pas prodigieux du tout, réfuta-t-il en cachant son amertume. N'importe qui ayant suivi un entrainement de ninja en ferait autant.


    - Ca n'ait pas donné à tout le monde quand même, fit Kou.


    - Quand tu vas au cirque, tu admires des animaux qui font des choses extraordinaires, n'est ce pas ? Pourquoi le font-elles d'après toi ?


    - Parce qu'il y a de mauvais humains forcent les animaux à faire des choses qu'ils n'ont pas besoin de faire !


    La réponse avait fusé immédiatement du cœur de Shintarou.


    - Mais c'est amusant à voir et impressionnant, dit Tyro. En plus, il y a des services vétérinaires qui existent, non ? Ils doivent prendre soin que les animaux ne soient pas maltraités je crois.


    - Ils sont parqués dans cages et montrés pour le seul plaisir des humains cupides ! Leur vraie place est dans la nature à l'état sauvage !


    Seiichi sourit avec malice en écoutant la complainte du rouquin. Il ne s'était pas attendu à une réaction aussi vive de sa part et ne l'avait pas espéré. D'ailleurs, le jeune homme comptait répondre sincèrement aux interrogations de Kou et Takaishi.


    L'adolescent aux cheveux ébènes avait seulement posé cette question sur les animaux pour se comparer à eux. Tel un petit chien dressé pour monter la garde ou faire des tours, il avait été dompté pour être un ninja. Ce raisonnement constituait l'essence même de sa réponse à quoi consistait l'éducation. Élever un enfant était lui transmettre les valeurs que l'on glorifiait et celles que l'on honnissait. Il s'agissait d'un constant bourrage de crâne que subissait sans cesse le jeune être en formation. A son terme, celui-ci finissait par ressembler à ce que ses parents voulaient ce que leur rejeton soit.


    Cependant l'intervention de Shintarou venait de changer totalement le sujet de la conversation. Il ne s'en plaignit pas et avala un autre morceau de poulet en écoutant ses amis avec le sourire.


    - Quand j'étais petit, j'ai visité un zoo et les animaux avaient l'air bien, songea Rentarou.


    - Mais ils ne l'étaient pas !


    Révolté, Shintarou ne compta pas s'arrêter là. Cependant quelqu'un ne lui laissa pas ce choix. Raphael posa sa main sur le haut de son crâne roux.


    - Suffit. Calme-toi maintenant.


    - Ouais … , marmonna le rouquin encore un peu ronchon.


    L'ensemble du groupe adressa un regard de remerciement à l'égard de Raphael pour avoir su calmer si facilement et rapidement Shintarou. Tyro siffla même d'admiration devant cet exploit. Il décida ensuite de poursuivre la conversation en l'orientant vers un thème sur lequel le tennisman était intarissable.


    - L'équipe d'Osaka que Ryogaku va affronter en finale, comment est-elle bonne ?


    - Excellente. Une grande partie des joueurs de ligue Senior du Kansai que j'ai côtoyé au collège sont entrés dans le lycée auquel appartient le club que notre équipe va rencontrer bientôt. D'après ce que j'ai entendu, leur établissement favorise grandement le tennis.


    Immédiatement, toutes les têtes pivotèrent en direction de Seiichi.


    - Le niveau doit vraiment être très élevé, s'exclama Takaishi. Pour entrer en ligue Senior, un collégien doit avoir un niveau qui dépasse celui des enfants de son âge !
    - Ryogaku a une chance de gagner contre de tels adversaires ? demanda Shintarou soucieux. Notre équipe reste des amateurs, après tout !


    Il se tourna vers Raphael en même temps.


    - Qu'en penses-tu ?


    - Je ferais de mon mieux pour remporter mon match. Le reste, c'est aux autres membres de faire pareil pour espérer gagner la finale.


    - Si Seiichi et moi pouvions jouer, on aurait une vraie chance de victoire, se vanta Tyro.


    - Ou alors nous pourrions te voir repartir la queue entre les jambes, s'amusa Seiichi.


    Tyro jeta un regard de travers à son meilleur ami et lança une orange qui traina devant lui en sa direction. Cependant ses réflexes lui permirent de la rattraper très habilement et commença à la peler calmement en remerciant Tyro de sa sollicitude ce qui le fit enrager davantage.


    Pendant ces gamineries, Kou demeura silencieux. Son attention demeura fixée sur Rentarou. Celui-ci n'avait pas prononcé une seule parole depuis le changement de sujet et se contentait de terminer son dernier morceau de poulet. Il se doutait qu'intérieurement, son camarade s'inquiétait. C'était la nature de son ami d'enfance. Le lycéen géant conservait tout en lui, le bon comme le mauvais, faisant mijoter l'ensemble jusqu'au jour où le récipient où il les entassait explosait à force de bouillir sans arrêt sur le feu.


    - Rentarou, qu'en penses-tu de ces infos ? Es-tu inquiet ? demanda Kou.


    Relevant sa tête de son os de poulet, l'adolescent aux lunettes sombres haussa les épaules, le visage marqué d'une forte indifférence.


    - Je dois en penser quelque chose ?


    - Tu n'as pas d'appréhension d'affronter des adversaires si forts ? s'étonna Takaishi.


    - Tu parles ! Il doit juste être super excité par cette perspective !


    Rentarou sourit très légèrement. Ses deux meilleurs amis connaissaient véritablement ce qui se trouvait à l'intérieur de la carapace qu'il s'était forgée au fil des ans. Ils déchiffraient ses sentiments sans avoir besoin de les exprimer. Cependant il n'avait pas envie de les exposer à ses simples amis de la bande.


    - C'est juste du tennis. Gagner ou perdre est la seule alternative.


    - Exactement, approuva la voix ferme de Raphael.


    Poussant un gros soupir, Tyro se laissa choir sur le carrelage, la tête tombant sur le sac de Kou renversant en même temps les affaires qu'il contenait.


    - Je veux être titulaire !


    - Allons, Tyro ! Tu n'as plus beaucoup à patienter, dit Shintarou. Dans trois mois, nos sempai de troisièmes années seront tous diplômes. Ca va en faire de la place au club !


    - Je veux être titulaire … , répéta t-il avec mélancolie et envie.


    - L'année prochaine, on sait déjà qui sera dans l'équipe, intervint Takaishi. Il restera seulement Rentarou-kun et Raphael-sempai. Cependant c'est évident que Seiichi-kun, Tyro et Shintarou seront nommés titulaires.


    - Il n'en manquera deux, déduisit ainsi Kou.


    Ayant posé son plat désormais vide devant lui, Raphael écoutait ses compagnons. Il se sentit très mal d'entendre leurs paroles emplies d'espoir pour l'avenir et finit par ne plus le supporter. Le jeune homme se leva vivement et marcha vers la fenêtre dans le fond de la salle et observa avec tristesse les arbres nus plantés dans le petit parc à côté du lycée.


    - Raphael ? Ca ne va pas ? s'inquiéta Shintarou.


    Les mains plongées dans les poches de son pantalon, le jeune français se demanda s'il possédait le droit de briser leurs rêves. Cela lui sembla cruel. Cependant … Cependant les laisser dans une totale ignorance et leur laisser découvrir la nouvelle au moment prévu lui paraissait encore pire.


    - Vous ne serez jamais titulaires l'année prochaine.


    Raphael avait prononcé ces durs mots sans prendre soin d'utiliser un ton compatissant. Il les avait dit froidement comme si cela n'était pas si important au fond.


    - Comment ça ? L'année prochaine, Kurata-buchou et les autres dégagent donc c'est à nous de prendre leur place !


    Ayant retrouvé toute sa vitalité, Tyro s'était redressé et criait bien fort sa révolte.


    - Il est même possible que Satsuma et moi n'en fassions plus partie, continua Raphael.


    - Est-il possible de nous développer cela avec davantage de détails ? s'enquit Seiichi.


    Se retournant vers la bande, Raphael s'adossa au mur pour expliquer la situation.


    - Je ne sais pas si vous le savez mais le père de Kurata-buchou dirige la Kurata Zaibazu. C'est …


    - Je la connais ! s'écria Tyro en lui coupant la parole. C'est la firme qui a crée le casque qui permet de s'intégrer dans son jeu vidéo et retransmets nos mouvements ! Si je pouvais en avoir un …


    Il s'interrompit en remarquant les regards désapprobateurs que ses camarades braquaient sur lui pour lui signaler son impolitesse.


    - Désolé, murmura t-il.


    - C'est une importante société donc, reprit Raphael en jetant un dernier regard de travers à Tyro. Il se sert du pouvoir de son père pour faire pression sur les gens dont il a besoin.


    - Ca, on le savait déjà !


    - Tyro, tu ouvres encore une fois la bouche et je te bâillonne avec mon mouchoir !


    Le jeune homme au sang bouillant sentit la réelle menace derrière cette phrase. Il lisait une exaspération accrue dans les yeux de Seiichi et le connaissait assez pour savoir que son camarade accomplissait toujours ce qu'il décidait. Peu enclin à lui servir de victime, Tyro s'abstint à faire de nouveaux commentaires et laissa enfin Raphael s'exprimer librement.


    - Cependant le père de Kurata-buchou a un point de vue très strict sur l'éducation de ses enfants. Il veut que ceux ci étudient dans une des brillantes universités qu'il a choisi pour eux.


    - Je crois que je commence à comprendre, dit Kou. L'entrée à l'université au Japon se fait par concours. Plus elle est réputée, plus celui-ci est dur. Si c'est bien ce que je pense, ça veut dire que Kurata-buchou serait sans fac à la rentrée prochaine ?


    - Ta déduction est parfaitement correcte.


    - C'est quoi le lien entre le club de tennis et que Kurata-buchou n'ira pas en fac ? Il n'avait qu'à travailler au lieu de nous pourrir la vie, tempêta Takaishi.


    - Oui, il n'aura plus de lien avec nous, ajouta Kou. Il ne lui restera qu'à s'inscrire à une école de classe préparatoire pour l'aider à réussir son concours.


    - Tu as l'air très renseigné sur ce qui se passe après le lycée, s'étonna Seiichi.


    - Ma mère travaille comme secrétaire à l'université Meiji. Elle m'a déjà expliqué le système universitaire pour m'aider à décider quoi étudier.


    - Si vous arrêtiez d'interrompre tout le temps Raphael, il pourrait peut-être répondre aux questions que vous vous posez, rappela Shintarou, une main posée contre sa tempe droite.


    - Merci, Shintarou, fit celui-ci en reprenant la parole. En fait, le père de Kurata-buchou ne veut pas que son fils fasse de prépa. C'est la fac ou le lycée. Rien d'autre.


    - Mais il finit le lycée cette année, protesta Takaishi.


    - Je comprends le problème, dit Seiichi. Son père va l'obliger à rester au lycée tant que Kurata-buchou n'aura pas réussi à entrer à l'université qu'il désire pour le mieux.


    - Mais le redoublement est interdit au Japon, sauf cas exceptinnel, rappela Kou. Il ne peut pas rester !


    - Ce lycée est privé. Autrement dit, il fonctionne grâce à l'argent que les familles versent lors de l'inscription et de subventions faites par de généreux donateurs.


    - Que sous-entends-tu, Seiichi-kun ? demanda Kou qui ne suivait pas la logique de son ami.


    - Le père de Kurata-buchou va certainement verser une grosse somme au proviseur pour que celui-ci accepte de garder son fils.


    - Et c'est légal ? s'enquit Takaishi.


    - Les proviseurs d'un établissement privé le gèrent comme ils l'entendent. Ils sont leur propre chef. De plus, il n'y a rien d'immoral à un tel marché.


    - Génial, lâcha le jeune fan de baseball qui avait perdu son si bel enthousiasme.


    La tête baissée, Shintarou se montrait terriblement abattu par cette nouvelle mais pour raison différente que celle de ses amis.


    - Je suis triste pour Kurata-buchou.


    - Tu as de la peine pour un type comme lui ? s'indigna Tyro.


    - Je n'aime pas plus Kurata-buchou que toi, se défendit-il. Cependant son histoire me fait pitié. Il est obligé de suivre les directives de son père sans rien dire. A cause de lui, il va devoir refaire sa troisième année, peut-être plusieurs années, et se retrouvera avec des gens plus jeunes que lui qu'il aura du mal à comprendre. Alors j'éprouve de la peine pour lui.


    - Il n'a que ce qu'il mérite, bougonna Takaishi. Il pourrit la vie de tout le monde au club !


    - Ce n'est pas une raison de se réjouir de ses malheurs, riposta Shintarou avec sagesse.


    Si ses amis n'aimèrent pas cette leçon de morale, ils s'en moquèrent en fait, Seiichi l'apprécia à sa juste valeur. Il réalisa quel degré de maturité avait atteint le petit rouquin sous ses apparences de petit garçon insouciant.


    Pour calmer les esprits échaudés de ses camarades, l'adolescent aux cheveux ébènes intervint.
    - Si Kurata-buchou reste au lycée, il reste à la tête du club. Par conséquent, il nous bloquera encore et toujours dans nos actions.


    - Depuis que j'ai appris ces informations, j'ai réfléchi aux différentes conjectures et possibilités qui pouvaient se produire, annonça Raphael.


    - Il y a un moyen de l'empêcher de nous nuire à nouveau ? l'interrogea Kou.


    - Je n'ai pas réfléchi jusque là. J'ai d'abord imaginé ce qu'il prévoyait de faire.


    - Dis-nous ta théorie, réclama Shintarou.


    - Eh bien, je pense qu'aux yeux de Kurata-buchou, vous êtes une menace.


    - En quoi représentons-nous une menace ? s'étonna Takaishi.


    - Laissez-moi m'expliquer. Comme vous le savez, le club se constitue des premières, secondes et troisièmes années. Actuellement, il y a dix-huit troisièmes années, douze secondes années et vingt-six premières années.


    - Attends ! Nous sommes vachement nombreux, s'exclama Tyro impressionné.


    - En Avril, il ne restera plus que treize troisièmes années pour vingt-six en seconde années. Vous six en faite partie. Vous formez un groupe uni et très soudé. De plus, vous possédez un talent incontesté pour le tennis qui est respecté par tout le monde.


    - Je comprends ton raisonnement, enchaina spontanément Seiichi. Ton hypothèse est que les autres membres du club nous reconnaissent. De plus, ils préféreront sans nul doute des personnes qui se sont amusés et ont travaillé avec eux l'année précédente plutôt que de reconduire un despote.


    - Exactement, Shiromiya, confirma Raphael.

     

    - Et alors ? Il n'a pas le droit de nous virer du club, répliqua Tyro. Un membre peut quitter le club s'il le souhaite en démissionnant. Cependant personne n'a le droit de le démettre, même pas le proviseur ou un professeur, à part dans le cadre d'un renvoi du lycée.


    - Comment tu sais tout ça ?


    Le jeune ninja avait le souffle coupé d'entendre si bien son meilleur ami répéter un point d'un règlement que lui-même ne connaissait pas. Pourtant Tyro mettait un point d'honneur et ne pas retenir les règles et surtout à les enfreindre.


    - J'ai lu attentivement le règlement du club quand je me suis inscrit ! Je ne voulais pas me faire exclure car je ne le respectais pas ! claironna le jeune tennisman.


    Seiichi se sentit rassuré. C'était la nature même de Tyro. Il se montrait négligent sur tous les points du quotidien mais incroyablement minutieux dès que cela concernait le tennis.


    - Je ne sais pas ce que Kurata-buchou a en tête mais je n'aime pas ça, reprit Raphael. Il va certainement préparer quelque chose avant la fin de l'année scolaire.


    - Il peut essayer de me faire chanter, je ne céderais pas, s'écria Tyro. De plus, il n'a pas le moindre moyen de pression sur moi puisque je ne vais dans aucune université après le lycée !


    - Kurata-buchou ne peut plus faire pression sur nos ambitions, révéla gravement Raphael.


    - Tu peux répéter ça, s'il te plait ? s'étrangla Takaishi en recrachant l'eau du verre qu'il buvait dans la figure de Rentarou en face de lui.


    - C'est une nouvelle géniale, ça ! s'enthousiasma Kou.


    Seiichi, Tyro et Shintarou ne partagèrent pas la liesse de leurs deux camarades. Ils remarquèrent le visage sombre et grave de Raphael et se doutèrent que le jeune français avait encore une mauvaise nouvelle à leur annoncer.


    - Raconte-nous ça en détail, demanda Shintarou.


    - Cela s'est passé il y a environ trois semaines. J'avais suivi, comme toujours, mes parents pour une invitation à souper. C'était chez les parents de Kurata-buchou. Mon père traite beaucoup avec lui pour favoriser des échanges commerciaux entre nos deux pays. Enfin je ne m'intéresse pas à ces trucs là. Moi, je m'ennuyais comme un rat mort dans ce genre de soirées. Comme toujours. Je vagabondais dans le manoir des Kurata pour passer le temps lorsque j'ai entendu le bruit d'une gifle. Je suis allé voir. Ca venait de la bibliothèque. J'ai aperçu Kurata-buchou avec son père. Celui-ci lui reprochait ses échecs pour lui entrer à l'université et lui a dit de la décision qu'il a prise dont je vous ait parlé tout à l'heure. Il lui a aussi dit qu'il ne lui accorderait plus aucune faveur à partir de maintenant tant qu'il resterait au lycée.


    - C'est une nouvelle géniale, s'exclama Tyro qui avait perdu son inquiétude au long du récit.


    - Je pense que Kurata-buchou est plus dangereux encore maintenant, dit sombrement Raphael.


    Lentement, l'adolescent s'écarta du mur. Il déboutonna, retira sa veste et la laissa tomba à terre. Le jeune homme fit pareil avec son blazer en tweed et sa chemise et enleva son sous-pullover noir dont le col masquait le cou pour faire apparaître son torse complètement nu.


    - Tu es très musclé, reconnut Tyro. Cependant pour faire un strip-tease, tu devrais attendre qu'il y ait davantage des filles dans une salle !


    - Tu as des marques dans le cou, nota Shintarou après un examen attentif du corps de son ami.


    Le français porta sa main sur le côté gauche de son cou sur lequel était imprimés trois petites traces commençant à cicatriser.


    - Kurata-buchou m'a fait ça quand il m'a vu et a compris que j'avais entendu la conversation avec son père.


    - Tu veux dire qu'il a essayé de te tuer ? s'alarma Kou. Il est fou !


    - C'était seulement de l'intimidation, se défendit Raphael qui semblait ne pas se soucier de son sort.
    - Il faut prévenir la police, renchérit Takaishi.


    - Que leur dirons-nous ? Raphael-sempai s'est lavé depuis l'agression. Toutes les traces pouvant incriminer Kurata-buchou ont disparu. Ce sera parole contre parole. Les policiers ne s'intéresseront pas à ce qu'ils appelleront une simple histoire de lycéens si nous n'avons pas des preuves tangibles de la culpabilité de Kurata-buchou.


    - Tu es sérieux, Seiichi ? demanda Tyro. Parce que c'est drôlement injuste ce que tu dis !


    - Qui a dit que nous vivions dans un monde juste ? soupira l'adolescent aux cheveux ébènes.


    Le silence se mit à régner dans la pièce. De telles nouvelles provoquaient toujours beaucoup de remous intérieurs. Raphael se rhabilla sans rien dire non plus.


    Jusqu'à présent, un seul du groupe n'avait pas ouvert la bouche et n'avait pas réagi aux différents propos qui s'étaient tenus. Cependant il n'avait cessé jamais d'écouter et de penser à leur situation. Ce fut lui qui rompit ce pesant silence.


    - Je protégerais tout le monde.


    - Rentarou ?


    - Depuis que j'ai découvert ce que faisait réellement Kurata, je me suis senti indigné, outré. Je ne peux plus retenir. Je vais le défier et l'empêcher de nuire une fois pour toutes.


    - Tu comptes utiliser le plan dont tu m'as parlé Samedi ? demanda Raphael.


    - Exactement ! Et je n'attends plus ! J'y vais dès ce soir !


    - Mais tu as dit que tu voulais attendre d'être plus fort pour le défier, rappela Tyro.


    - Je sais. Mais si j'attends encore, je prends le risque de vous exposer à un danger dont nous n'avons aucune idée de sa consistance. Je refuse que vous y soyez exposé si je peux l'en empêcher.


    - Et que feras-tu si tu perds ? insista Raphael. Tu seras exclu du club.


    - Je retenterais ma chance encore et encore jusqu'à battre enfin Kurata !


    - Il ne sera pas seul, ajouta Seiichi. Si Rentarou échoue, je défierais immédiatement Kurata-buchou à mon tour !


    - Et si Seiichi échoue aussi, ce sera moi ensuite, enchaina immédiatement Tyro.


    Stimulé par l'énergie des Sanonis, Shintarou intervint aussi :


    - Et si Tyro perd lui aussi, ce sera moi qui donnerait sa leçon à Kurata-buchou !


    - Moi aussi je veux participer, dit bravement Takaishi.


    - Et moi aussi, ajouta Kou.


    Raphael rit de l'excitation dans laquelle s'était enflammé les six adolescents. Cela ne le surprenait guère. Tous les six formaient une bande solidaire s'aidant mutuellement pour surmonter n'importe quelle difficulté.


    - Si je joue un match moi aussi contre Kurata-buchou, puis-je vous convaincre de d'attendre encore un peu pour le défier ?


    - Tu es prêt à être exclu toi aussi du club ? s'étonna Shintarou en se retournant vers son ami.


    - Je n'ai pas vraiment besoin du club pour m'entrainer moi.


    Il parla avec indifférence. Le jeune homme aurait pu donner à n'importe qui l'impression qu'il se fichait de ce qui pouvait arriver. Pas à Shintarou. Le rouquin le connaissait maintenant. Pour que son ami soit décidé à s'impliquer, cela signifiait que le français s'était attaché à leur groupe.


    - Et tu veux nous proposer quoi ? demanda Shintarou.


    - J'analyse toujours les stratégies et les techniques des nombreux tennismen que je vois et rencontre. Par conséquent, j'ai longuement étudié le cas de Kurata-buchou. Je peux vous aider à vous préparer pour ce match.


    - Si c'est pour cette raison, j'accepte de repousser mon défi, annonça Rentarou satisfait de la proposition du jeune français.


    - Mais ce ne serait pas dangereux de s'entrainer au lycée ? s'inquiéta Kou.


    - C'est vrai. Il vaut mieux que Kurata-buchou ne sache pas nos intentions, approuva Tyro.


    - Vous n'avez qu'à venir chez moi, les invita Raphael. Je possède plusieurs courts en extérieur et intérieur et pas mal d'accessoires pour l'amélioration physique.


    - Tu possèdes plusieurs courts de tennis ? répéta Tyro halluciné.


    - Oui, quand ma mère me demande ce qui me ferait plaisir.


    - Je n'arrive même à imaginer l'argent que ça représente, soupira Tyro.


    - S'ils le souhaitaient, mes parents pourraient recouvrir tout le pays de courts.


    - On vous a demandé un examen de vos richesses ? maugréa Tyro, légèrement envieux. Non ! Alors parlons de ce qui nous intéresse !


    - Oui. Combien de temps nous faudra t-il pour apprendre des techniques pouvant parer celles de Kurata-buchou ? ajouta Takaishi.


    - Un mois, dit Rentarou d'un ton ferme et tranchant.


    - C'est un peu tôt, jugea Kou.


    - Sauf que Rentarou apprend super vite, s'exclama Shintarou. Le peu de leçons que je lui ait donné sur les effets des balles, il les a compris et les a appliqué très vite.


    - Mais avec les vacances d'hiver qui tombent le 23 Décembre et les révisions pour les examens, on aura pas beaucoup de temps de s'entrainer.


    - Je reste pour les vacances au lycée et Raphael-sempai vit sur Tokyo. Nous pouvons nous voir chaque jour pour nous entrainer, le contredit Rentarou.


    - C'est pas juste, déplora Shintarou. Ils vont tous s'amuser à jouer au tennis et je vais être coincé dans cette foutue région enneigée !


    - Arrête de jouer les martyrs. Tu l'adores cette région, rétorqua Raphael en administrant une petite claque derrière la nuque de son ami.


    - Qui sera disponible pour s'entrainer aux vacances d'hiver ? interrogea Tyro. Moi, c'est évident puisque je vis sur Tokyo !


    - Je reste aussi au lycée pour les vacances, ajouta Seiichi.


    - Je vis aussi sur Tokyo alors je viendrais aussi, continua Kou.


    - Quel dommage, se lamenta Takaishi. Même si je ne vis qu'à Yokohama, mes parents n'accepteront pas que je parte tous les jours sur Tokyo.


    - Ca ne dérangera pas de t'occuper de nous quatre alors pendant les vacances ? s'enquit Rentarou en se tournant vers Raphael.


    - C'est moi qui l'ait proposé. De plus, il serait mieux que vous veniez avant, quelques heures pendant les week-ends. Plus on aura de temps pour s'exercer, mieux ce sera.


    - Super ! Je vais pouvoir participer moi aussi, se réjouit Takaishi.


    - Et à la rentrée, il n'y aura plus rien qui s'opposerait au fait que j'affronte Kurata, s'exclama Rentarou en serrant ses deux poings.

     

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  • Notes sur le chapitre 47

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    • Les Douze Royaumes :

    La petite communauté des douze villages dont est originaire n'existe pas. Mais il existe des centaines de petits villages semblables au sien à travers tout le Japon alors l'existence de cette communauté, proche de la petite ville de Wakkanai, pourrait être tout à fait possible. J'ai repris l'idée des douze royaumes d'après une série de livres du même nom écrit par Ono Fuyumi.

     

    • Sapporo :

    Hokkaido est à la fois un département et une région. Sapporo est sa préfecture. Le climat y très froid. La ville est la cinquième plus peuplée du Japon et est troisième en termes de superficie. Elle compte de nombreux parcs et musée.

     

    • La prononciation des noms :  

     

    Uchita Ryuutarou :          Ou - tchi - da        Ryou - ta - lou

     

     

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  • Notes sur le chapitre 42

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    • Ginza :

    Ginza est un quartier chic de l'arrondissement de Chuo. Il est recommandé de posséder une bourse plus que pleine pour habiter là-bas. Le loyer ou les maisons sont les plus chers du Japon. De très grands magasins de marques prestigieuses y sont implantés. Il y existe aussi un théâtre uniquement réservée aux femmes, Takarazuka, un théâtre de Kabuki et une galerie d'arts. On y trouve aussi Le Parisien, un grand magasin français.

     

    • L'arrondissement de Bunkyo :

    L'arrondissement de Bunkyo se situe près du centre de Tokyo. On y trouve des endroits très importants de la ville et du pays. D'abord le Tokyo Dome, que vous aurez l'occasion de découvrir prochainement, la Cathédrale Sainte-Marie, le Kodokan, une école de judo et le parc où se déroule une partie de l'action du chapitre. Il y a le Bunkyo Civic Center. il s'agit d'un bâtiment de vingt-huit étages regroupant la mairie, une salle de spectacle et un espace d'observations gratuits. Mais c'est surout dans cet arrondissement que l'on trouve Tokyo Daigaku, raccourcie souvent en Todai, la plus presdigieuse des universités japonaises, qui fait rêver tous les japonais.

    L'arrondissement se compose de dix-sept quartiers :  Hakusan, Hongo, Hon-Komagone, Koishikawa, Kourakuen, Mejirodai, Mugougaoka, Nezu, Nishikata, Otowa, Ootsuka, Sekiguchi, Sengoku, Suido, Yayoi et Yushima.

     

    • Les Love Hotel :

    Au Japon, de nombreux hôtels existent dans les villes pour permettre aux couples qui n'ont pas de domicile à eux pour faire l'amour. Il s'agit principalement des couples adultères, d'étudiants vivant en communauté ou encore dans leur famille ou de lycéens, voir collégiens. Le service se fait toujours de manière très discrète.

     

     

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